Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 23 juillet 2019 du ministre de l'agriculture et de l'alimentation en tant qu'elle prévoit en son article 4 une obligation de servir au terme de son congé de formation, ensemble la décision du 13 juillet 2020 du ministre de l'agriculture et de l'alimentation lui refusant le bénéfice des dispositifs de rupture conventionnelle et d'indemnité de départ volontaire, d'enjoindre au ministre de l'agriculture et de l'alimentation de procéder, dans le délai d'un mois et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au chiffrage de l'indemnité de départ volontaire en vue de lui accorder cette indemnité, subsidiairement de lui enjoindre de procéder, dans le délai d'un mois et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au réexamen de sa situation en vue de lui accorder le bénéfice des dispositions transitoires prévues à l'article 9 du décret n° 2019-1596 et enfin de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Par un jugement n° 2003171 du 8 avril 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 juin 2022, Mme A... B..., représentée par la Selarl Lysis avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2003171 du 8 avril 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler la décision du 23 juillet 2019 du ministre de l'agriculture et de l'alimentation en tant qu'elle prévoit en son article 4 une obligation de servir au terme de son congé de formation ;
3°) d'annuler la décision du 13 juillet 2020 du ministre de l'agriculture et de l'alimentation lui refusant le bénéfice des dispositifs de rupture conventionnelle et d'indemnité de départ volontaire ;
4°) d'enjoindre au ministre de l'agriculture et de l'alimentation de procéder, dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au chiffrage de l'indemnité de départ volontaire en vue de lui accorder cette indemnité ;
5°) subsidiairement de lui enjoindre de procéder, dans le délai d'un mois et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au réexamen de sa situation en vue de lui accorder le bénéfice des dispositions transitoires prévues à l'article 9 du décret n° 2019-1596 ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- sa requête et ses conclusions dirigées contre la décision du 23 juillet 2019 sont recevables ;
- la décision refusant de la dispenser de l'obligation de servir est insuffisamment motivée au regard du 3° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle est intervenue au terme d'une procédure irrégulière en l'absence de saisine de la commission administrative paritaire en méconnaissance de l'article 25 du décret n° 2007-1470 ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle est entachée d'un détournement de pouvoir ;
- la décision lui refusant le bénéfice d'une rupture conventionnelle et d'une indemnité de départ volontaire au motif qu'elle n'avait pas accompli la totalité de son engagement de servir est entachée d'erreur de fait dès lors qu'elle avait sollicité un congé de formation sans engagement de servir ;
- elle est entachée d'erreur de droit.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 octobre 2022, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les conclusions à fin d'annulation dirigées contre l'arrêté du 23 juillet 2019 étaient tardives et que les moyens invoqués ne sont pas fondés, en s'en remettant à son mémoire de première instance.
Par une ordonnance du 20 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 novembre 2023 à 12h.
Vu les autres pièces de dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 2007-1470 du 15 octobre 2007 ;
- le décret n° 2008-368 du 17 avril 2008 ;
- le décret n° 2019-1596 du 31 décembre 2019 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Céline Arquié, première conseillère,
- et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., cheffe technicienne spécialité vétérinaire du ministère de l'agriculture, a demandé, le 18 avril 2019, à bénéficier d'un congé de formation professionnelle afin de suivre du 2 septembre 2019 au 28 août 2020 la formation initiale des élèves avocats délivrée par l'école des avocats Centre Sud et à être dispensée de l'obligation de servir à l'issue de ce congé. Par un arrêté du 23 juillet 2019, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation l'a placée en congé de formation rémunéré pour la période du 2 septembre 2019 au 28 août 2020 avec obligation de servir à l'issue de ce congé. Mme B... a sollicité, par lettres du 11 mai 2020 reçues le 18 mai suivant, le bénéfice de la procédure de rupture conventionnelle et l'attribution d'une indemnité de départ volontaire pour création d'entreprise afin de créer un cabinet d'avocat. Par décision du 13 juillet 2020, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a refusé à l'intéressée le bénéfice de ces dispositifs. Par jugement du 8 avril 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté les demandes de Mme B... sollicitant l'annulation de la décision du 23 juillet 2019 en tant qu'elle prévoit en son article 4 une obligation de servir au terme de son congé de formation ensemble la décision du 13 juillet 2020. Mme B... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la légalité de la décision du 23 juillet 2019 :
2. D'une part aux termes de l'article 24 du décret susvisé du 15 octobre 2007 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie des fonctionnaires de l'Etat : " Les fonctionnaires peuvent bénéficier, en vue d'étendre ou de parfaire leur formation personnelle : 1° Du congé de formation professionnelle mentionné au 6° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, pour une durée maximale de trois ans sur l'ensemble de la carrière, et dans la limite des crédits prévus à cet effet ; (...) ". Aux termes de l'article 25 du même décret : " I. - Le congé prévu au 1° de l'article 24 ne peut être accordé qu'à la condition que le fonctionnaire ait accompli au moins l'équivalent de trois années à temps plein de services effectifs dans l'administration. (...) Durant le congé de formation professionnelle, le fonctionnaire perçoit une indemnité mensuelle forfaitaire égale à 85 % du traitement brut et de l'indemnité de résidence afférents à l'indice qu'il détenait au moment de sa mise en congé (...). Elle est versée pendant une durée limitée à douze mois. (...). Le fonctionnaire qui bénéficie d'un congé de formation s'engage à rester au service de l'une des administrations mentionnées à l'article 2 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée pendant une durée égale au triple de celle pendant laquelle il a perçu l'indemnité prévue à l'alinéa précédent, et à rembourser le montant de ladite indemnité en cas de rupture de son fait de l'engagement. Il peut être dispensé de cette obligation par l'autorité de nomination après avis de la commission administrative paritaire ". D'autre part aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / 2° Infligent une sanction ; / 3° Subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ;/ 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; / 5° Opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ; / 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; / 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 ; / 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire. "
3. La décision du 23 juillet 2019, qui place Mme B... en congé de formation professionnelle rémunéré du 2 septembre 2019 au 28 août 2020 et refuse de lui accorder une dispense de l'obligation de servir pendant une période égale au triple de celle durant laquelle elle a perçu les indemnités mensuelles forfaitaires n'est pas une décision subordonnant l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposant des sujétions au sens du 3° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, ni n'est au nombre des décisions devant être motivées au sens des autres alinéas cités au point précédent. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation au titre de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.
4. Il résulte des dispositions de l'article 25 du décret du 15 octobre 2007 citées au point 1. que l'autorité de nomination doit saisir la commission administrative paritaire pour avis lorsqu'elle envisage de dispenser un fonctionnaire de l'obligation de servir à l'issue de son congé de formation professionnelle. L'administration n'ayant pas souhaité dispenser Mme B... de l'obligation de servir à l'issue de son congé de formation, elle n'était pas tenue de saisir pour avis la commission administrative paritaire. Le moyen tiré du vice de procédure doit par suite être écarté.
5. Si Mme B... fait état de ce qu'elle a suivi la formation de l'école des avocats Centre-Sud dans le cadre d'un projet de reconversion professionnelle en vue d'intégrer la profession d'avocat et qu'une obligation de servir durant trois ans aurait eu pour effet de lui faire perdre en grande partie le bénéfice de la formation suivie, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'administration n'aurait pas pris en compte un motif d'intérêt général pour prendre la décision contestée. Par ailleurs, il ne ressort ni de sa demande, ni des pièces du dossier, que Mme B... aurait conditionné sa demande sollicitant le bénéfice du congé de formation à une absence d'obligation de servir. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
6. Mme B... reprend en appel le moyen qu'elle avait invoqué en première instance et tiré de ce que la décision attaquée est entachée de détournement de pouvoir. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Montpellier au point 8 de son jugement.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 23 juillet 2019 en tant qu'elle prévoit une obligation de servir d'une durée égale au triple de celle durant laquelle elle a perçu les indemnités mensuelles forfaitaires.
En ce qui concerne la légalité de la décision du 13 juillet 2020 :
8. En l'absence d'illégalité de la décision du 29 juillet 2019 en tant qu'elle prévoit une obligation de servir, le moyen tiré de l'erreur de fait de la décision du 13 juillet 2020 en raison de l'illégalité de l'obligation de servir doit être écarté.
9. Aux termes de l'article 72 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique : " I.- L'administration et le fonctionnaire mentionné à l'article 2 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée, l'autorité territoriale et le fonctionnaire mentionné à l'article 2 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 précitée, les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée et les fonctionnaires de ces établissements peuvent convenir en commun des conditions de la cessation définitive des fonctions, qui entraîne radiation des cadres et perte de la qualité de fonctionnaire. (...). La rupture conventionnelle résulte d'une convention signée par les deux parties. La convention de rupture définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle, qui ne peut pas être inférieur à un montant fixé par décret. (...) Les modalités d'application du présent I, notamment l'organisation de la procédure, sont définies par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article 4 du décret du 31 décembre 2019 relatif à l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle dans la fonction publique et portant diverses dispositions relatives aux dispositifs indemnitaires d'accompagnement des agents dans leurs transitions professionnelles : " IV. - Les agents ayant signé un engagement à servir l'Etat à l'issue d'une période de formation doivent avoir accompli la totalité de la durée de service prévue par cet engagement pour bénéficier de la rupture conventionnelle. ". Aux termes de l'article 5 du décret susvisé du 17 avril 2008 instituant une indemnité de départ volontaire : " (...) Les agents ayant signé un engagement à servir l'Etat à l'issue d'une période de formation doivent, en outre, avoir accompli la totalité de la durée de service prévue par cet engagement. ".
10. Il ne résulte pas de ces dispositions que l'engagement de servir du fonctionnaire de l'Etat à l'issue d'un congé de formation professionnelle doive être matérialisé par un document spécifique et distinct de celui l'admettant au bénéfice d'un congé de formation accepté par l'agent dès lors que la décision accordant un tel congé mentionne les dispositions impératives du décret du 15 octobre 2007, lesquelles disposent que l'intéressé s'engage à rester au service de l'une des administrations mentionnées à l'article 2 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 pendant une période égale au triple de celle durant laquelle il a perçu les indemnités mensuelles forfaitaires, et qu'en cas de rupture de cet engagement de son fait, à rembourser le montant des indemnités servies. Mme B... ayant effectivement bénéficié du congé de formation qu'elle avait sollicité et la décision lui accordant un tel congé mentionnant à son article 4 l'obligation de servir de l'intéressée, doit ainsi être regardée comme s'étant engagée à respecter cette obligation, nonobstant la circonstance qu'elle n'ait pas signé d'engagement écrit distinct. Par suite, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir qu'en lui refusant le bénéfice de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle et de l'indemnité de départ volontaire au motif de son engagement de servir l'Etat à l'issue de sa période de formation alors qu'elle n'a pas signé un tel engagement, la décision du 13 juillet 2020 serait entachée d'erreur de droit.
11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés par la requérante et non compris dans les dépens. Par ailleurs, en l'absence de dépens, les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
M. Teulière, premier conseiller,
Mme Arquié, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 juillet 2024.
La rapporteure,
C. Arquié
La présidente,
A. Geslan-Demaret
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 22TL21339