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09/07/2024 | FRANCE | N°23TL01055

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 09 juillet 2024, 23TL01055


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... F... et Mme D... E..., épouse F... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes, par deux demandes distinctes, l'annulation des arrêtés du 8 juillet 2022 par lesquels le préfet de Vaucluse a rejeté leurs demandes tendant à être admis au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de quatre-vingt-dix jours, et a fixé le pays de destination des mesures d'éloignement.

Par un jugement n°s 2203169-2203170 du 27 décembre 2022, le

tribunal administratif de Nîmes a joint les deux demandes et les a rejetées.

Procédure...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F... et Mme D... E..., épouse F... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes, par deux demandes distinctes, l'annulation des arrêtés du 8 juillet 2022 par lesquels le préfet de Vaucluse a rejeté leurs demandes tendant à être admis au séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de quatre-vingt-dix jours, et a fixé le pays de destination des mesures d'éloignement.

Par un jugement n°s 2203169-2203170 du 27 décembre 2022, le tribunal administratif de Nîmes a joint les deux demandes et les a rejetées.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 5 mai 2023, sous le n° 23TL01055, et des pièces complémentaires produites les 2, 6 et 20 juin, 25 juillet et 11 décembre 2023, ces dernières n'ayant pas été communiquées, Mme D... E..., épouse F..., représentée par Me Bruna-Rosso, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 décembre 2022 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2022 par lequel le préfet de Vaucluse a rejeté sa demande tendant à être admise au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de quatre-vingt-dix jours ;

3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de quinze jours suivant la notification de l'arrêt, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour valant autorisation de travail assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de quinze jours suivant la notification de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au bénéfice de son conseil, la somme de 1 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus d'admission au séjour :

- elle est entachée d'une incompétence de l'auteur de l'acte ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un vice de procédure du fait de la méconnaissance de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que le préfet n'a pas produit l'avis qui aurait été rendu le 7 juillet 2022 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu de l'état de santé dans lequel se trouve sa fille aînée, C..., qui souffre de paralysie cérébrale à type de diplégie spastique ; le préfet n'établit pas qu'elle pourrait accéder de façon effective aux soins en cas de retour dans son pays d'origine, le Maroc, et avoir vérifié la possibilité pour elle de voyager sans risque vers ce pays ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que le préfet n'a pas examiné la situation de ses enfants à l'aune de ces stipulations ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle justifie de motifs exceptionnels et humanitaires pour résider en France ;

- le préfet a méconnu l'étendue de son pouvoir de régularisation et a dès lors entaché sa décision d'une erreur de droit ;

- la décision de refus d'admission au séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle se prévaut également de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur ;

-le refus d'admission au séjour est entaché d'une erreur d'appréciation sur sa situation familiale et médicale compte tenu des conséquences d'une exceptionnelle gravité emportées par ces refus d'admission au séjour sur la situation de sa fille C... ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'une incompétence de l'auteur de l'acte ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale par voie d'exception d'illégalité de la décision de refus d'admission au séjour ;

- l'obligation de quitter le territoire a été prise en méconnaissance du pouvoir d'appréciation dont dispose le préfet, qui n'a pas pris en compte les conséquences de la décision d'éloignement sur sa situation ;

- cette décision méconnait les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu du suivi médical très lourd en France imposé à C..., et de sa scolarisation, pour laquelle elle bénéficie d'un accompagnement ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par une décision du 5 avril 2023, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme E..., épouse F....

II. Par une requête, enregistrée le 5 mai 2023, sous le n° 23TL01056, et des pièces complémentaires produites les 2, 6 et 20 juin, 25 juillet et 11 décembre 2023, ces dernières n'ayant pas été communiquées, M. F..., représenté par Me Bruna-Rosso, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 décembre 2022 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2022 par lequel le préfet de Vaucluse a rejeté sa demande tendant à être admis au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de quatre-vingt-dix jours ;

3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de quinze jours suivant la notification de l'arrêt, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour valant autorisation de travail assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de quinze jours suivant la notification de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'État, au bénéfice de son conseil, la somme de 1 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus d'admission au séjour :

- elle est entachée d'une incompétence de l'auteur de l'acte ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un vice de procédure du fait de la méconnaissance de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que le préfet n'a pas produit l'avis qui aurait été rendu le 7 juillet 2022, par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu de l'état de santé dans lequel se trouve sa fille aînée, C..., qui souffre de paralysie cérébrale à type de diplégie spastique ; le préfet n'établit pas qu'elle pourrait accéder de façon effective aux soins en cas de retour dans son pays d'origine, le Maroc et avoir vérifié la possibilité pour elle de voyager sans risque vers le Maroc ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que le préfet n'a pas examiné la situation de ses enfants C... et A..., à l'aune de ces stipulations ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie de motifs exceptionnels et humanitaires pour résider en France, afin d'élever ses filles et de pouvoir subvenir aux besoins médicaux de sa fille C..., le préfet n'ayant pas procédé à un examen de sa situation personnelle et familiale à cet égard ;

- le préfet a méconnu l'étendue de son pouvoir de régularisation et a dès lors entaché sa décision d'une erreur de droit ;

- la décision de refus d'admission au séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il se prévaut par ailleurs de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur ;

- le refus d'admission au séjour est entaché d'une erreur d'appréciation quant à sa situation familiale et médicale compte tenu des conséquences d'une exceptionnelle gravité emportées par ces refus d'admission au séjour sur la situation de sa fille C... ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'une incompétence de l'auteur de l'acte ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale par voie d'exception d'illégalité de la décision de refus d'admission au séjour ;

- l'obligation de quitter le territoire a été prise en méconnaissance du pouvoir d'appréciation dont dispose le préfet, qui n'a pris en compte les conséquences de la décision d'éloignement sur la situation de l'appelant ;

- cette décision méconnait les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu du suivi médical très lourd en France imposé à C..., et de sa scolarisation, pour laquelle elle bénéficie d'un accompagnement ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par une décision du 5 avril 2023, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a rejeté la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. F...,

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Bentolila a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., épouse F..., et M. F... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation des arrêtés du 8 juillet 2022 par lesquels le préfet de Vaucluse a rejeté leurs demandes d'admission au séjour et leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours.

2. M.et Mme F... relèvent appel du jugement du 27 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a joint leurs demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés et les a rejetées.

Sur la jonction :

3. Les requêtes enregistrées sous les n°s 23TL01055 et 23TL01056, concernent la situation des époux F... et présentent à juger des questions similaires. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions en annulation :

4. Ainsi que l'ont déjà relevé les premiers juges, les arrêtés en litige ont été signés par M. Christian Guyard, secrétaire général de la préfecture de Vaucluse. Ce dernier a reçu délégation à cet effet par arrêté du préfet de Vaucluse du 23 février 2022, publié le 25 février 2022 au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Vaucluse. Par suite, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que les arrêtés contestés ne seraient pas signés par une autorité habilitée.

En ce qui concerne le refus d'admission au séjour :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Et aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

6. Il ressort, ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, des termes des arrêtés attaqués, que le préfet de Vaucluse a visé, notamment, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Cet arrêté mentionne, de plus, la date alléguée d'entrée en France de M. et Mme F..., leur situation personnelle et familiale, caractérisée notamment par la présence en France des deux enfants du couple, C... et Ayat, nés en France respectivement les 23 juillet 2018 et 12 août 2020, et l'état de santé de leur enfant C.... Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation des décisions de refus de séjour doit être écarté.

7. En deuxième lieu, le moyen tiré du vice de procédure dont seraient entachés les refus d'admission au séjour au regard de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit en tout état de cause être écarté dès lors que le préfet a produit l'avis rendu le 7 juillet 2022 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et que, comme l'ont déjà indiqué les premiers juges, cet avis a été communiqué à M. et Mme F... le 22 novembre 2022.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) ". En vertu de l'article L. 425-10 du même code : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, (...), se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9 ".

9. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

10. Il ressort des pièces du dossier qu'Amirat, la fille aînée des époux F..., est atteinte de paralysie cérébrale à type de diplégie spastique, qui nécessite un suivi spécialisé et régulier pendant la croissance de l'enfant. Si les appelants versent au dossier des éléments attestant de la gravité de son état, et de l'effectivité de sa prise en charge en France, ils ne produisent, pas plus qu'ils ne l'avaient fait en première instance, aucune pièce permettant d'établir que le traitement nécessité par son état de santé ne pourrait pas être poursuivi au Maroc. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

11. En quatrième lieu, il appartient à l'autorité compétente, lorsqu'elle est saisie d'une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, de se prononcer au regard des conditions de délivrance de ce titre prévues par les dispositions qui viennent d'être rappelées. Il suit de là que, saisie d'une demande présentée sur un fondement déterminé, l'autorité compétente n'est pas tenue de rechercher si la demande de titre de séjour aurait pu être satisfaite sur le fondement d'autres dispositions. Il est constant que les demandes de titres de séjour présentées par M.et Mme F... l'ont été seulement en qualité de parents d'un enfant malade, donc sur le fondement des dispositions précitées des articles L. 425-9 et L 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions et dès lors, que le préfet de Vaucluse n'a pas, par les décisions de refus de séjour examiné leurs situations au regard de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les moyens invoqués par les appelants sur le fondement de cet article sont inopérants.

12. En cinquième lieu, M. et Mme F... ne peuvent utilement, en tout état de cause, se prévaloir à l'encontre des décisions de refus de séjour en litige des termes de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur, laquelle, relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière, se borne à énoncer des orientations générales que le ministre de l'intérieur a adressées aux préfets pour les éclairer dans la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation.

13. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".

14. Contrairement à ce que soutiennent les appelants, il ne ressort des pièces du dossier ainsi que l'ont considéré à bon droit les premiers juges, ni que le préfet aurait méconnu son pouvoir de régularisation au regard de ces dispositions, ni que la situation de M. et Mme F..., en dépit des circonstances invoquées et tenant à la gravité de l'état de santé de leur fille C..., et à la lourdeur de son handicap, suffirait, compte tenu par ailleurs, ainsi qu'il a été dit, de la possibilité d'une prise en charge médicale effective au Maroc, pour considérer qu'ils relèveraient de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires justifiant leur admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale.

15. En septième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

16. Si les appelants allèguent la présence en France de différents membres de la famille de M. F..., ils n'attestent en tout état de cause pas de l'effectivité des liens entretenus avec ces membres de famille. Dans ces conditions, et dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existerait un obstacle à la reconstitution au Maroc de la cellule familiale constituée de M.et Mme F... et de leurs deux enfants, les décisions de refus de séjour ne peuvent être regardées comme portant sur le fondement de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale. Le préfet n'a pas davantage commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ces décisions sur la situation familiale et personnelle des intéressés.

17. En huitième lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. La seule circonstance invoquée par les appelants tenant à ce que leur enfant C... bénéficie d'une scolarisation en France, grâce à l'aide humaine individualisée qui lui a été allouée par la maison départementale des personnes handicapées, à hauteur de 24 heures par semaine, ne peut suffire à établir que les décisions de refus de séjour en cause porteraient atteinte à l'intérêt supérieur de cet enfant, faute en tout état de cause d'établir que celui-ci ne pourrait pas bénéficier d'une scolarisation en cas de retour au Maroc.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

18. En premier lieu, l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas où elle fait notamment suite à un refus de délivrance d'un titre de séjour. Par suite, les décisions de refus de titre de séjour étant suffisamment motivées ainsi qu'il est indiqué au point 6 du présent arrêt, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire, ne peut qu'être écarté. Il ne résulte pas par ailleurs des décisions attaquées et des pièces du dossier que le préfet se serait estimé lié par les décisions de refus de séjour en prenant les décisions d'obligation de quitter le territoire et aurait méconnu au regard des dispositions de l'article L. 611-1 du code, le pouvoir d'apprécier s'il y avait lieu ou non d'obliger les intéressés à quitter le territoire français.

19. En deuxième lieu, ainsi qu'il est dit au point 7, le moyen tiré du vice de procédure dont serait entaché les refus d'admission au séjour au regard de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit en tout état de cause être écarté dès lors que le préfet a produit l'avis rendu le 7 juillet 2022, par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et que, comme l'ont déjà indiqué, les premiers juges, cet avis a été communiqué à M. et Mme F... le 22 novembre 2022.

20. En troisième lieu, faute d'illégalité des décisions de refus de séjour, le moyen invoqué contre les obligations de quitter le territoire par voie d'illégalité des refus de séjour, doit être écarté.

21. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. / (...) ".

22. Ainsi que l'ont considéré à bon droit les premiers juges, M. et Mme F... ne sont pas fondés à se prévaloir des dispositions précitées de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier comme il a été dit au point 10 que leur fille aînée ne pourrait bénéficier d'une prise en charge médicale effective au Maroc.

23. En cinquième lieu, le moyen invoqué par les appelants sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est en tout état de cause inopérant à l'encontre des obligations de quitter le territoire et ne peut qu'être écarté.

24. En sixième lieu, pour les mêmes raisons que celles exposées précédemment les mesures d'éloignement en cause ne peuvent être regardées comme ayant porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. et Mme F... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises et comme ayant porté atteinte à l'intérêt supérieur de leur enfant, compte tenu des possibilités de prise en charge médicale effective de leur enfant C... au Maroc. Le préfet n'a pas davantage commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ces décisions sur la situation familiale et personnelle des intéressés.

25. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés préfectoraux du 8 juillet 2022 du préfet de Vaucluse. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter leurs conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative combinées à celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de M.et Mme F... sont rejetées.

Article 2: Le présent arrêt sera notifié à M. B... F... et Mme D... E..., épouse F... et au ministère de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2024 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2024.

Le rapporteur

P. Bentolila

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministère de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°s 23TL01055 et 23TL01056 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01055
Date de la décision : 09/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: M. Pierre Bentolila
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : BRUNA-ROSSO

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-09;23tl01055 ?
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