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09/07/2024 | FRANCE | N°23TL00260

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 09 juillet 2024, 23TL00260


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2022 du préfet de l'Hérault portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant du pays de destination.



Par un jugement n° 2205474 du 27 décembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requê

te enregistrée le 24 janvier 2023, Mme C..., représentée par Me Ruffel, demande à la cour :



1°) d'annuler ce juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2022 du préfet de l'Hérault portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant du pays de destination.

Par un jugement n° 2205474 du 27 décembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 janvier 2023, Mme C..., représentée par Me Ruffel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er juillet 2022 du préfet de l'Hérault ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour, ou, subsidiairement, d'ordonner le réexamen de sa demande, dans un délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision contestée est entachée d'un vice de compétence ;

- le préfet a entaché sa décision de refus de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des articles L. 233-1 et L. 233-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son époux de nationalité italienne remplit les conditions prévues par ces articles pour bénéficier d'un droit au séjour ;

- les décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français portent atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des articles L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire, enregistré le 21 novembre 2023, le préfet de l'Hérault, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'en l'absence d'éléments probants, il s'en remet au mémoire en défense produit en première instance.

Par ordonnance du 8 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée le 23 novembre 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- la directive n° 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Haïli, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante marocaine née en 1960, mariée à un ressortissant italien, est entrée en France le 18 mars 2018 sous couvert de son passeport. Le 3 juillet 2020, elle a sollicité la délivrance d'un premier titre de séjour portant la mention " membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne ". Par un arrêté du 1er juillet 2022, le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours. L'intéressée relève appel du jugement susvisé du 27 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. L'arrêté attaqué du 29 juin 2022 a été signé par M. Thierry Laurent, secrétaire général de la préfecture de l'Hérault. Par un arrêté n° 2022-03-DRCL-166 du 9 mars 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 39 de la préfecture le lendemain, le préfet a donné délégation à M. B..., à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Hérault et notamment les actes administratifs relatifs au séjour et à la police des étrangers sous réserve de certaines exceptions dont la réquisition de comptables publics régie par le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962. Si M. C... soutient en cause d'appel que ce décret est abrogé, cette circonstance n'a pas pour conséquence de conférer à la délégation un caractère trop général dès lors que cette abrogation ne peut avoir pour effet de conférer au secrétaire général de la préfecture l'ensemble des attributions du préfet. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire doit être écarté.

3. Aux termes de l'article L. 233-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les ressortissants de pays tiers, membres de famille d'un citoyen de l'Union européenne satisfaisant aux conditions énoncées aux 1° ou 2° de l'article L. 233-1, ont le droit de séjourner sur le territoire français pour une durée supérieure à trois mois. / (...) ". Aux termes de l'article L. 233-1 du même code : " Les citoyens de l'Union européenne ont le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'ils satisfont à l'une des conditions suivantes : / 1° Ils exercent une activité professionnelle en France ; / 2° Ils disposent pour eux et pour leurs membres de famille de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; / (...) 4° Ils sont membres de famille accompagnant ou rejoignant un citoyen de l'Union européenne qui satisfait aux conditions énoncées aux 1° ou 2° ; (...)". Aux termes de l'article L. 200-4 du même code : " Par membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne, on entend le ressortissant étranger, quelle que soit sa nationalité, qui relève d'une des situations suivantes : / 1° Conjoint du citoyen de l'Union européenne ; / (...) 4° Ascendant direct à charge du citoyen de l'Union européenne ou de son conjoint. ".

4. Il résulte de ces dispositions, interprétées à la lumière de la directive n° 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, que pour qu'un ascendant direct d'un citoyen de l'Union européenne puisse être considéré comme étant " à charge " de celui-ci au sens de l'article 2, point 2, sous c), de cette directive, l'existence d'une situation de dépendance réelle doit être établie. Cette dépendance résulte d'une situation de fait, caractérisée par la circonstance que le soutien matériel du membre de la famille est assuré par le ressortissant communautaire ayant fait usage de la liberté de circulation ou par son conjoint. Afin de déterminer l'existence d'une telle dépendance, l'Etat membre d'accueil doit apprécier si, eu égard à ses conditions économiques et sociales, l'ascendant direct d'un citoyen de l'Union européenne ne subvient pas à ses besoins essentiels. La nécessité du soutien matériel doit exister dans l'Etat d'origine ou de provenance d'un tel ascendant au moment où il demande à rejoindre ledit citoyen. La preuve de la nécessité d'un soutien matériel peut être faite par tout moyen approprié, alors que le seul engagement de prendre en charge ce même membre de la famille, émanant du ressortissant communautaire ou de son conjoint, peut ne pas être regardé comme établissant l'existence d'une situation de dépendance réelle de celui-ci. Le fait en revanche, qu'un citoyen de l'Union européenne procède régulièrement, pendant une période considérable, au versement d'une somme d'argent à cet ascendant, nécessaire à ce dernier pour subvenir à ses besoins essentiels dans l'Etat d'origine, est de nature à démontrer qu'une situation de dépendance réelle de cet ascendant par rapport audit citoyen existe.

5. Pour refuser l'admission au séjour de Mme C..., le préfet de l'Hérault s'est fondé sur le motif pris de ce que l'époux de Mme C..., ressortissant italien, qui fait l'objet d'un arrêté de refus de séjour pris le 1er juillet 2022, n'exerce plus d'activité professionnelle, qu'il perçoit depuis le 1er décembre 2020 une retraite personnelle d'un montant de 13,54 euros complétée par l'attribution de l'allocation de solidarité aux personnes âgées d'un montant de 906,81 euros et qu'il ne dispose ainsi pas de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale.

6. D'une part, si l'appelante fait valoir que son époux, M. D... C..., remplit les conditions pour avoir le droit de séjourner en France, il ressort des pièces du dossier que ce dernier a fait l'objet d'une décision en date du 1er juillet 2022 du préfet de l'Hérault rejetant sa demande de délivrance d'un premier titre de séjour portant la mention " citoyen de l'Union européenne ". Dans ces conditions, le préfet de l'Hérault a pu légalement refuser, pour le motif exposé au point précédent, de faire droit à sa demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans commettre d'erreur d'appréciation.

7. D'autre part, afin d'établir qu'elle est à la charge de ses deux fils, ressortissants italiens et travaillant en France, l'appelante, qui est entrée en France en mars 2018, produit deux attestations sur l'honneur de ses enfants, nés respectivement en 1983 et 1987, d'une prise en charge de l'intéressée jusqu'au 31 août 2017 et un certificat de résidence italien de 2015 indiquant qu'ils avaient tous le même domicile chez M. C.... Toutefois, l'appelante ne produit aucun élément sur ses ressources propres, ni ne donne d'indication précise sur l'existence d'une situation de dépendance vis à vis de ses fils italiens, ni n'établit qu'elle était déjà à charge de ces derniers avant qu'elle n'arrive en France. Par suite, en l'absence d'autres éléments probants, notamment de versements destinés à subvenir à ses besoins, Mme C... n'établit pas que ceux-ci l'auraient prise en charge et hébergée depuis cette date alléguée, ni davantage l'existence d'une telle prise en charge avant qu'elle ne rejoigne le territoire des Etats de l'Union européenne. Par suite, le préfet de l'Hérault a pu légalement lui refuser, sans commettre d'erreur d'appréciation, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2° - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

9. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante ait présenté, avant l'édiction de l'arrêté attaqué, une demande de carte de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et il ne ressort pas des termes mêmes de l'arrêté en litige que le préfet de l'Hérault aurait examiné d'office si la requérante était susceptible de se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions. Il suit de là que l'appelante ne saurait se prévaloir utilement de la méconnaissance de ces dispositions pour contester la légalité du refus de titre de séjour en litige. En outre, le moyen tiré de la méconnaissance de ces mêmes dispositions est inopérant au soutien de sa contestation de l'obligation de quitter le territoire. Pour le surplus, il y a lieu d'écarter le moyen tiré la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Montpellier au point 9 du jugement attaqué.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2024, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2024.

Le rapporteur,

X. Haïli

Le président,

D. Chabert

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23TL00260


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00260
Date de la décision : 09/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Xavier Haïli
Rapporteur public ?: Mme Meunier-Garner
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-09;23tl00260 ?
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