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09/07/2024 | FRANCE | N°22TL22630

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 09 juillet 2024, 22TL22630


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 1er septembre 2022 de la préfète du Gard refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination.



Par un jugement n° 2202943 du 29 novembre 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et des mémoires,

enregistrés les 27 décembre 2022, 5 janvier 2023 et 4 mai 2023, M. B..., représenté par Me Laurent-Neyrat, demande à la cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 1er septembre 2022 de la préfète du Gard refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 2202943 du 29 novembre 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 27 décembre 2022, 5 janvier 2023 et 4 mai 2023, M. B..., représenté par Me Laurent-Neyrat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er septembre 2022 de la préfète du Gard ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Gard de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans les mêmes conditions ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 424-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision méconnaît l'article L.611-3 alinéa 5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- par exception d'illégalité de la mesure d'éloignement, la décision fixant le pays de destination doit être annulée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2023, la préfète du Gard conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 21 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2007-1205 du 10 août 2007 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Haïli, président-assesseur.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant pakistanais né le 5 mars 1990, relève appel du jugement du 29 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande l'annulation de l'arrêté du 1er septembre 2022, par lequel la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé d'office.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant refus d'admission au séjour :

2. Aux termes aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que, par un jugement rendu le 14 janvier 2021, statuant sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale de l'enfant commun de M. B... et de la mère de son fils, ressortissante française, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire d'Alès a ordonné un exercice commun de l'autorité parentale par le père et la mère, a fixé la résidence de l'enfant au domicile maternel, a accordé à M. B... un droit de visite libre de l'accord des parties ou à défaut d'accord les fins de semaines paires du samedi 10 heures à 17 heures, a décidé que ce droit de visite s'exercerait au domicile de la grand-mère maternelle et a dispensé M. B... du versement d'une pension alimentaire compte tenu de son impécuniosité. Si le requérant soutient qu'il s'occupe financièrement et matériellement de son fils à la hauteur de ses moyens depuis la naissance de ce dernier le 23 juillet 2019 ou depuis au moins deux ans, les seules pièces produites par l'appelant, constituées pour l'essentiel d'un courriel à la caisse d'allocations familiales, d'un SMS à la directrice de l'école de l'enfant, de photographies non datées de l'enfant, de quelques billets de train, des tickets d'achats ne permettant pas de connaître l'identité du payeur et d'un mail adressé à son conseil relatant des versements en espèces, ne suffisent pas à établir que l'intéressé aurait gardé des liens réguliers avec son fils après la séparation avec la mère de l'enfant, en novembre 2018, soit huit mois avant la naissance ni qu'il aurait contribué de manière significative à son entretien, cette participation éventuelle de M. B... présentant au demeurant un caractère récent lorsque la préfète du Gard s'est prononcée sur sa situation le 1er septembre 2022. De même, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier et n'est pas démontré par les éléments versés que l'appelant, qui réside dans l'agglomération rouennaise et qui n'établit pas être dans l'impossibilité de trouver des attaches domiciliaires et professionnelles proches du domicile de son fils aux C... D... dans le Gard, à 836 kilomètres et 9 heures de distance, rendrait régulièrement visite à son fils, et au moins selon le dispositif du droit de visite et d'hébergement résultant de la décision du juge aux affaires familiales selon le samedi des semaines paires de 10 heures à 17 heures au domicile de la grand-mère. Il en résulte que le requérant ne remplissait pas les conditions prévues pour bénéficier de plein droit d'une carte temporaire de séjour en qualité de parent d'enfant français à la date de l'arrêté en litige.

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, où à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

5. Si l'appelant se prévaut de sa situation de père d'enfant français, il ne justifie pas de la réalité et de l'intensité de sa relation avec son enfant ainsi qu'il a été dit précédemment. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier et n'est pas contesté que la présence alléguée en France depuis 2015 de M. B... procède d'une situation irrégulière, notamment par soustraction à une décision de transfert aux autorités autrichiennes prise par arrêté en date du 8 janvier 2016 du préfet de la Seine Maritime, dont la légalité a été confirmée par un jugement n° 1600055 du 11 janvier 2016 du magistrat désigné du tribunal administratif de Rouen. Enfin, la production d'un contrat à durée indéterminée établi le 1er février 2022 avec la société An Food en qualité d'employé polyvalent, et de ses bulletins de paie correspondants pour les mois de mars à septembre 2022, ne peut suffire à caractériser l'intensité et la centralité de ses intérêts personnels en France. Par suite, compte tenu de la durée et des conditions de son séjour, alors que l'appelant n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où il y a vécu la majeure partie de sa vie, la décision attaquée n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dot être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa vie personnelle et familiale doit être écarté. Enfin, il résulte de ce qui a été exposé au point 3 du présent arrêt que M. B... n'établit pas entretenir des liens réguliers anciens avec son fils, de sorte que la décision en litige ne méconnaît pas les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 3 et 5 du présent arrêt, en l'absence de toute circonstance particulière invoquée, et même en tenant compte des conséquences spécifiques à la mesure d'éloignement, l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de l'appelant ne méconnaît ni les dispositions de l'article L. 611-3 du code précité, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur sa situation personnelle doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

7. Il résulte de ce qui précède que l'appelant n'est pas fondé à invoquer par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision portant refus de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la légalité de la décision fixant le pays de destination.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E:

Article 1 : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Gard.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2024, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président de chambre,

M. Haïli, président-assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2024.

Le rapporteur,

X. Haïli

Le président,

D. Chabert

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL22630


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL22630
Date de la décision : 09/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Xavier Haïli
Rapporteur public ?: Mme Meunier-Garner
Avocat(s) : LAURENT-NEYRAT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-09;22tl22630 ?
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