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09/07/2024 | FRANCE | N°22TL22583

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 09 juillet 2024, 22TL22583


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 9 juin 2020 par lequel la préfète de l'Ariège lui a ordonné de se dessaisir des armes, des munitions et de leurs éléments de toute catégorie dont il est en possession dans un délai de trois mois, lui a fait interdiction d'acquérir ou de détenir des armes, munitions et leurs éléments de toute catégorie, a procédé à son inscription au fichier national des personnes interdites d'acquisiti

on et de détention d'armes et a retiré la validation de son permis de chasser.

Par un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 9 juin 2020 par lequel la préfète de l'Ariège lui a ordonné de se dessaisir des armes, des munitions et de leurs éléments de toute catégorie dont il est en possession dans un délai de trois mois, lui a fait interdiction d'acquérir ou de détenir des armes, munitions et leurs éléments de toute catégorie, a procédé à son inscription au fichier national des personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes et a retiré la validation de son permis de chasser.

Par un jugement n° 2026008 du 25 octobre 2022, le tribunal administratif de Montpellier auquel le jugement de la demande a été attribué par une ordonnance du président de la section du contentieux du Conseil d'État n° 462171 du 4 avril 2022, l'a rejetée.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 décembre 2022, M. B..., représenté par Me Chatry-Lafforgue, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 octobre 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 juin 2020 par lequel la préfète de l'Ariège lui a ordonné de se dessaisir des armes, des munitions et de leurs éléments de toute catégorie dont il est en possession dans un délai de trois mois, lui a fait interdiction d'acquérir ou de détenir des armes, munitions et leurs éléments de toute catégorie, a procédé à son inscription au fichier national des personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes et retiré la validation de son permis de chasser ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ;

- il a été pris en méconnaissance du droit à un procès équitable ;

- il a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que l'infraction pénale qui lui est reprochée ne figure dans aucun fichier exploitable ou autorisé ;

- il est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il n'a fait l'objet d'aucune condamnation pénale récente et qu'aucun élément ne permet d'établir que son comportement pourrait être dangereux pour autrui ou pour lui-même ;

- il méconnaît l'article R. 423-24 du code de l'environnement dès lors que l'interdiction de chasser et de détenir des armes et munitions est subordonnée à l'existence d'une condamnation pénale inscrite sur le bulletin n° 2 du casier judiciaire ;

- il est entaché d'un détournement de procédure.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2023, la préfète de l'Ariège conclut au rejet de la requête.

Elle soutient, en se référant à ses écritures de première instance, que les moyens soulevés par la requête ne sont pas assortis de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé et qu'ils ne sont, à titre subsidiaire, pas fondés.

Par une ordonnance du 12 avril 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 23 mai 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme El Gani-Laclautre ;

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a déclaré détenir cinq armes de catégorie C dont trois fusils de calibres 12, 20 et 410, une carabine de calibre 300 et un fusil à pompe de calibre 12/76, le récépissé de détention de ce fusil à pompe ayant été délivré par la préfète de l'Ariège, le 17 décembre 2019. À la suite d'une enquête administrative diligentée par ses services, la préfète de l'Ariège a, par un arrêté du 9 juin 2020, ordonné à M. B... de se dessaisir des armes, des munitions et de leurs éléments de toute catégorie dont il est en possession dans un délai de trois mois, lui a fait interdiction d'acquérir ou de détenir des armes, munitions et leurs éléments de toute catégorie, a procédé à son inscription au fichier national des personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes et retiré la validation de son permis de chasser. M. B... relève appel du jugement du 25 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / (...) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; / (...) 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 ; (...) ". L'arrêté en litige cite les textes dont il est fait application, en particulier le code de l'environnement, le code des relations entre le public et l'administration et le code de la sécurité intérieure. Il mentionne, en outre, les conclusions de l'enquête administrative diligentée par les services préfectoraux ainsi que l'ensemble des raisons de fait de nature à établir que le comportement de M. B... laisse craindre une utilisation dangereuse pour lui-même ou pour autrui des armes qu'il détient et s'avère donc incompatible avec la détention de celles-ci. L'arrêté en litige qui comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement est, dès lors, suffisamment motivé.

3. En deuxième lieu, dès lors que l'arrêté en litige a le caractère d'une mesure de police, M. B... ne peut utilement se prévaloir du droit à un procès équitable garanti par les stipulations de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en vue de contester la légalité les décisions contenues dans cet arrêté, lesquelles ne se prononcent pas sur le bien-fondé d'accusations en matière pénale et ne constatent pas des droits et obligations à caractère civil.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 312-11 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction applicable au litige : " Sans préjudice des dispositions de la sous-section 1, le représentant de l'État dans le département peut, pour des raisons d'ordre public ou de sécurité des personnes, ordonner à tout détenteur d'une arme, de munitions et de leurs éléments de toute catégorie de s'en dessaisir. / Le dessaisissement consiste soit à vendre l'arme les munitions et leurs éléments à une personne titulaire de l'autorisation, mentionnée à l'article L. 2332-1 du code de la défense, ou à un tiers remplissant les conditions légales d'acquisition et de détention, soit à la remettre à l'État. Un décret en Conseil d'État détermine les modalités du dessaisissement. / Sauf urgence, la procédure est contradictoire. Le représentant de l'État dans le département fixe le délai au terme duquel le détenteur doit s'être dessaisi de son arme, de ses munitions et de leurs éléments ". L'article R. 312-67 du même code dispose que : " Le préfet ordonne la remise ou le dessaisissement de l'arme ou de ses éléments dans les conditions prévues aux articles L. 312-7 ou L. 312-11 lorsque : (...) / 3° Il résulte de l'enquête diligentée par le préfet que le comportement du demandeur ou du déclarant est incompatible avec la détention d'une arme ; cette enquête peut donner lieu à la consultation des traitements automatisés de données personnelles mentionnés à l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que pour décider la saisie définitive d'armes ou de munitions initialement saisies sur le fondement de l'article L. 312-7 du même code, ou leur restitution, le préfet doit apprécier si le comportement ou l'état de santé de l'intéressé présente toujours un danger grave pour lui-même ou pour autrui. Il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'exercer un entier contrôle sur les décisions prises par l'autorité préfectorale en application de ces dispositions législatives.

6. D'une part, dès lors que les dispositions précitées de l'article R. 312-67 du code de la sécurité intérieure prévoient la possibilité que certains traitements automatisés de données à caractère personnel, au rang desquels figure le traitement des antécédents judiciaires, soient consultés au cours de l'enquête conduite par l'administration dans le cadre de ses pouvoirs de police en matière de détention d'armes, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige aurait été pris à l'issue d'une procédure irrégulière en ce qu'il reposerait sur des faits ne figurant dans aucun fichier exploitable ou autorisé.

7. D'autre part, s'il est constant qu'aucune mention ne figure au relevé B2 du casier judiciaire de l'intéressé, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige, lequel a, ainsi qu'il a été dit, le caractère d'une mesure de police et présente un caractère préventif. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige est fondé sur l'enquête administrative diligentée par les services préfectoraux et sur les informations contenues dans le traitement des antécédents judiciaires faisant apparaître que l'appelant est défavorablement connu des services de police pour avoir été mis en cause pour des faits de violences aggravées commis à trois reprises, le 1er janvier 2001, le 1er janvier 2002 et entre le 1er janvier et le 31 décembre 2002, et pour des faits de vol datant du 7 mars 2017. La matérialité de ces faits, qui portent sur des atteintes réitérées aux personnes et une atteinte aux biens n'est pas sérieusement contestée par l'appelant qui se borne à opposer leur caractère ancien alors que l'infraction relevée en 2017 demeure récente à la date de l'arrêté en litige. L'ensemble de ces faits traduit l'existence d'un comportement laissant craindre un comportement incompatible avec la détention d'une arme. Par suite, la préfète de l'Ariège n'a ni entaché sa décision d'inexactitude matérielle des faits ni fait une inexacte application des dispositions des articles L. 312-11 et R. 323-67 du code de la sécurité intérieure en édictant l'arrêté en litige.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 423-24 du code de l'environnement : " Lorsque le préfet est informé du fait que le titulaire d'un permis de chasser revêtu de la validation annuelle ou temporaire se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 423-15 ou à l'article L. 423-25, il procède au retrait de la validation. / Lorsque le préfet retire la validation du permis de chasser, le titulaire doit lui remettre son document de validation. / Le droit de timbre, les redevances cynégétiques, les cotisations, les contributions et les participations acquittés ne sont pas remboursés ". Aux termes de l'article L. 423-15 du même code : " Ne peuvent obtenir la validation de leur permis de chasser : (...) / 9° Ceux qui sont inscrits au fichier national automatisé nominatif des personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes visé à l'article L. 312-16 du code de la sécurité intérieure. (...) ". Dès lors que le retrait de la validation d'un permis de chasser résulte, en application des dispositions du 9° de l'article L. 423-15 du code de la sécurité intérieure, d'une inscription au fichier national automatisé nominatif des personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes, M. B... ne peut utilement soutenir qu'une telle mesure de retrait serait subordonnée à l'existence d'une condamnation pénale inscrite sur le bulletin n° 2 du casier judiciaire.

9. En cinquième et dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté du 9 juin 2020 aurait été pris dans un but autre que celui en vue duquel la procédure de remise et de dessaisissement des armes et munitions prévue par les dispositions de l'article L. 312-11 du code de la sécurité intérieure a été instituée. Par suite, le détournement de procédure allégué n'est pas établi.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète de l'Ariège du 9 juin 2020.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE:

Article 1 : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Ariège.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2024, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2024.

La rapporteure,

N. El Gani-LaclautreLe président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 22TL22583


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL22583
Date de la décision : 09/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-05 Police. - Polices spéciales. - Police du port et de la détention d'armes.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: Mme Nadia El Gani-Laclautre
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : SCP SAB AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-09;22tl22583 ?
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