Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 20 juillet 2020 par lequel le maire de Congénies a refusé de lui accorder un permis de construire pour l'implantation d'un hangar agricole sur un terrain situé au lieu-dit " Franchon ".
Par un jugement n° 2002218 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de M. B... ainsi que les conclusions présentées par la commune de Congénies sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er août 2022 et le 2 janvier 2023, M. A... B..., représenté par Me Blanc, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 28 juin 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire de Congénies du 20 juillet 2020 ;
3°) d'enjoindre au maire de Congénies de lui accorder le permis de construire sollicité pour l'implantation d'un hangar agricole ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Congénies une somme de 3 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté en litige n'est pas suffisamment motivé, notamment en fait, dès lors qu'il ne permet de comprendre ni les raisons pour lesquelles le maire lui a opposé les dispositions de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme pour le raccordement au réseau d'électricité, ni les raisons pour lesquelles il n'a pas pris en compte son accord pour la prise en charge des travaux requis en application de l'article L. 332-15 du même code ;
- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme dès lors que le projet ne nécessite pas une extension ou un renforcement du réseau électrique mais un simple branchement à ce réseau sur une longueur de seulement 20 mètres ; le maire n'a par ailleurs pas accompli les diligences suffisantes pour identifier le délai de réalisation des travaux requis ainsi que la collectivité compétente pour les exécuter ;
- les aménagements du réseau électrique nécessités par l'opération selon l'avis de la société Enedis constituent des équipements propres au sens de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme dès lors que les ouvrages ne sont pas destinés à desservir d'autres constructions, que le raccordement n'excède pas 100 mètres, que les travaux correspondent aux seuls besoins du projet et qu'il a exprimé son accord pour leur prise en charge.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 novembre 2022, la commune de Congénies, représentée par la SCP territoires avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du requérant une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- l'arrêté en litige est suffisamment motivé ;
- les conditions d'application de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme étaient remplies dès lors que le projet nécessite la création d'un poste de distribution électrique et qu'il n'existe aucune perspective d'urbanisation dans la zone agricole concernée ;
- le poste de distribution en cause constitue un équipement public et non un équipement propre susceptible d'être pris en charge par le pétitionnaire : il ne pouvait dès lors pas être mis à la charge du requérant au titre de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme.
Par une ordonnance en date du 3 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,
- et les observations de Me Blanc, représentant le requérant.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... a déposé le 19 décembre 2019 une demande de permis de construire pour l'implantation d'un hangar agricole d'une emprise au sol de 960 mètres carrés, sur un terrain situé au lieu-dit " Franchon ", sur le territoire de la commune de Congénies (Gard). Par un arrêté pris le 20 juillet 2020, le maire de cette commune a refusé de lui accorder le permis de construire ainsi sollicité. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement du 28 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. L'article L. 424-3 du code de l'urbanisme dispose que : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. / (...) ". Aux termes de l'article A. 424-3 du même code : " L'arrêté indique, selon les cas : / (...) / b) Si le permis est refusé ou si la déclaration préalable fait l'objet d'une opposition ; / (...) ". Et aux termes de l'article A. 424-4 du même code : " Dans les cas prévus aux b) à f) de l'article A. 424-3, l'arrêté précise les circonstances de droit et de fait qui motivent la décision (...). ".
3. L'arrêté de refus de permis de construire en litige vise notamment l'avis émis par la société Enedis le 23 janvier 2020 sur le projet de M. B..., cite les dispositions de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme, précise qu'une extension du réseau électrique est nécessaire sur 20 mètres hors du terrain d'assiette de l'opération et indique que la commune n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai les travaux seront exécutés. Une telle motivation a permis à M. B... de comprendre la raison pour laquelle le maire lui a refusé le permis de construire et de la contester utilement. Par suite et alors même qu'il ne précise pas pourquoi la commune a écarté l'application de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme, l'arrêté en cause satisfait à l'exigence formelle de motivation prescrite par les dispositions mentionnées au point précédent.
En ce qui concerne la légalité interne :
4. Selon l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. ".
5. Les dispositions précitées poursuivent notamment le but d'intérêt général d'éviter à la collectivité publique ou au concessionnaire d'être contraints, par le seul effet d'une initiative privée, de réaliser des travaux d'extension ou de renforcement des réseaux publics et de garantir leur cohérence et leur bon fonctionnement, en prenant en compte les perspectives d'urbanisation et de développement de la collectivité. Il en résulte qu'un permis de construire doit être refusé lorsque, d'une part, des travaux d'extension ou de renforcement de la capacité des réseaux publics sont nécessaires à la desserte de la construction projetée et, d'autre part, l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire ces travaux doivent être exécutés, après avoir, le cas échéant, accompli les diligences appropriées pour recueillir les informations nécessaires à son appréciation.
6. En outre, selon l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme : " L'autorité qui délivre l'autorisation de construire (...) exige, en tant que de besoin, du bénéficiaire de celle-ci la réalisation et le financement de tous travaux nécessaires à la viabilité et à l'équipement de la construction (...), notamment en ce qui concerne (...) l'alimentation en eau, gaz et électricité (...). / Les obligations imposées ci-dessus s'étendent au branchement des équipements propres à l'opération sur les équipements publics qui existent au droit du terrain sur lequel ils sont implantés et notamment aux opérations réalisées à cet effet en empruntant des voies privées ou en usant de servitudes. / L'autorisation peut également, avec l'accord du demandeur et dans les conditions définies par l'autorité organisatrice du service public de l'eau ou de l'électricité, prévoir un raccordement aux réseaux d'eau ou d'électricité empruntant, en tout ou partie, des voies ou emprises publiques, sous réserve que ce raccordement n'excède pas cent mètres et que les réseaux correspondants, dimensionnés pour correspondre exclusivement aux besoins du projet, ne soient pas destinés à desservir d'autres constructions existantes ou futures. ".
7. Il résulte des dispositions mentionnées au point précédent que seul peut être mis à la charge du bénéficiaire d'une autorisation d'urbanisme le coût des équipements propres à son projet. Dès lors que des équipements excèdent, par leurs caractéristiques et leurs dimensions, les seuls besoins constatés et simultanés d'un ou, le cas échéant, plusieurs projets de construction et ne peuvent, par suite, être regardés comme des équipements propres au sens de l'article L. 332-15, leur coût ne peut être, même pour partie, supporté par le titulaire du permis.
8. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit au point 3 du présent arrêt, il ressort des termes de l'arrêté en litige que, pour refuser d'accorder le permis de construire sollicité par M. B..., le maire de Congénies s'est uniquement fondé sur ce que, selon l'avis rendu par la société Enedis le 23 janvier 2020, le projet nécessitait une extension du réseau électrique sur 20 mètres hors du terrain d'assiette de l'opération. Eu égard à sa faible longueur, le raccordement ainsi évoqué relève toutefois d'un simple branchement au réseau électrique et ne peut être regardé comme impliquant des travaux d'extension ou de renforcement de ce réseau justifiant l'application de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme. Le requérant est donc fondé à soutenir que le motif invoqué dans l'arrêté litigieux procède d'une inexacte application de ces dispositions.
9. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve qu'elle n'ait pas pour effet de priver l'intéressé d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
10. En l'espèce, la commune de Congénies fait valoir dans son mémoire en défense que l'avis émis par la société Enedis ne mentionnait pas seulement le besoin d'une extension du réseau haute tension sur une longueur de 20 mètres, ainsi d'ailleurs que d'une extension du réseau basse tension sur une longueur de 10 mètres, mais également la nécessité de créer un poste de distribution publique haute et basse tension sur le terrain d'assiette de l'opération. En se prévalant de cette autre prescription émise par le gestionnaire du réseau électrique, la commune intimée doit être considérée comme présentant une demande de substitution de motif.
11. D'une part, s'il est vrai que le poste de distribution électrique évoqué dans l'avis de la société Enedis aurait vocation à être implanté sur une parcelle appartenant à M. B... et que l'intéressé a exprimé son accord pour la prise en charge financière des travaux correspondants le 3 février 2020, il ressort du tableau annexé à ce même avis que l'équipement prévu est un transformateur présentant une puissance de 100 kilovoltampères (kVA), soit une puissance supérieure à celle nécessitée par les seuls besoins du hangar projeté par l'appelant, lesquels s'élèvent à seulement 36 kVA selon les indications contenues dans sa déclaration préalable. Par suite et alors même que cet ouvrage ne bénéficierait dans l'immédiat qu'à ce seul hangar, le poste de transformation dont s'agit présente la nature d'un équipement public et ne peut être regardé comme un équipement propre dont le coût serait susceptible d'être mis à la charge du pétitionnaire sur le fondement de l'article L. 332-15 précité du code de l'urbanisme.
12. D'autre part, si, en raison de leur faible longueur, les travaux de raccordement du projet aux réseaux haute et basse tension ne constituent pas des travaux d'extension au sens et pour l'application de l'article L. 111-11 du code de l'urbanisme, les travaux de mise en place du poste de distribution doivent en revanche être regardés, compte tenu de leur consistance et de leur coût représentant près de 17 000 euros hors taxes, comme relevant d'un renforcement du réseau public électrique pour l'application de cet article. Il ressort des pièces du dossier que le maire de Congénies a accompli les diligences appropriées pour recueillir les informations utiles à son appréciation en consultant la société Enedis, gestionnaire du réseau concerné, laquelle a précisé dans son avis du 23 janvier 2020 que le délai d'exécution des travaux serait de quatre à six mois à compter de la réception de l'ordre de service et que leur coût serait réparti entre ladite société et la commune, à hauteur de 60 % de la somme totale à la charge de cette dernière. Dès lors qu'il n'existe par ailleurs aucune perspective d'urbanisation ou de développement dans la zone agricole au sein de laquelle se situe le terrain d'assiette de l'opération, le maire aurait pu légalement refuser le permis de construire sollicité par M. B... au motif qu'il n'était pas en mesure d'indiquer le délai de réalisation du poste de distribution électrique prescrit par la société Enedis. Par voie de conséquence, il y a lieu de procéder à la substitution de motif sollicitée par la commune intimée, laquelle ne prive le requérant d'aucune garantie procédurale.
13. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté pris par le maire de Congénies le 20 juillet 2020.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. Le présent arrêt rejette les conclusions en annulation présentées par l'appelant et n'implique donc aucune mesure d'exécution au sens des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Par suite, les conclusions en injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Congénies, laquelle n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque à verser à M. B... au titre des frais non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. B... la somme réclamée par la commune de Congénies à ce titre.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Congénies sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Congénies.
Délibéré après l'audience du 25 juin 2024, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2024.
Le rapporteur,
F. JazeronLe président,
D. Chabert
La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au préfet du Gard, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22TL21722