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09/07/2024 | FRANCE | N°22TL21569

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 09 juillet 2024, 22TL21569


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de la décision par laquelle le préfet de l'Hérault a implicitement rejeté leur demande, présentée par courrier du 4 septembre 2020, tendant à l'abrogation de l'arrêté du 16 juin 2010 approuvant le plan de prévention des risques naturels d'inondation et de mouvements de terrain de la commune de Béziers, en tant que ce plan classe la parcelle cadastrée section PV n° 63 en zone ro

uge au titre des mouvements de terrain.



Par un jugement n° 2005765 du 17 mai 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de la décision par laquelle le préfet de l'Hérault a implicitement rejeté leur demande, présentée par courrier du 4 septembre 2020, tendant à l'abrogation de l'arrêté du 16 juin 2010 approuvant le plan de prévention des risques naturels d'inondation et de mouvements de terrain de la commune de Béziers, en tant que ce plan classe la parcelle cadastrée section PV n° 63 en zone rouge au titre des mouvements de terrain.

Par un jugement n° 2005765 du 17 mai 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. et Mme B....

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 12 juillet 2022, le 14 avril 2023 et le 26 mai 2023, M. C... B... et Mme A... B..., représentés par la SCP CGCB et Associés, demandent à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement du 17 mai 2022 ;

2°) d'annuler la décision implicite du préfet de l'Hérault refusant d'abroger son arrêté du 16 juin 2010, en tant que le plan de prévention des risques naturels classe la parcelle cadastrée section PV n° 63 en zone rouge au titre des mouvements de terrain ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, d'abroger l'arrêté du 16 juin 2010 en tant que le plan en litige classe la parcelle susmentionnée en zone rouge et de prescrire une modification de ce plan en vue de classer ladite parcelle en zone bleue ;

4°) à titre subsidiaire, d'annuler le jugement du 17 mai 2022 en tant qu'il rejette leur demande s'agissant de la partie haute de la parcelle cadastrée section PV n° 63 située au-dessus de la crête du talus après le mur de soutènement et avant la pente à 30 degrés ;

5°) d'annuler la décision implicite du préfet de l'Hérault refusant d'abroger son arrêté du 16 juin 2010, en tant que le plan de prévention des risques naturels classe la partie haute de la parcelle cadastrée section PV n° 63 en zone rouge au titre des mouvements de terrain ;

6°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, d'abroger l'arrêté du 16 juin 2010, en tant que le plan en litige classe la partie haute de la parcelle susmentionnée en zone rouge et de prescrire une modification de ce plan en vue de classer ladite partie en zone bleue ;

7°) en tout hypothèse, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le tribunal administratif de Montpellier a jugé à tort que leur parcelle faisait partie du secteur favorable aux phénomènes de glissements de terrain, alors que le classement de la parcelle en cause en zone rouge à ce titre est entaché tant d'une erreur de fait que d'une erreur manifeste d'appréciation et que la parcelle aurait dû être classée en zone bleue Bg1 ;

- les premiers juges ont également considéré à tort que l'étude de sol réalisée par un bureau d'études à leur demande n'était pas de nature à remettre en cause le classement de leur parcelle en zone rouge ; à titre subsidiaire, il serait possible de reclasser en zone bleue Bg1 la partie haute de la parcelle située au-dessus de la crête du talus et de maintenir le classement en zone rouge pour la partie basse de la parcelle située à l'ouest de la crête du talus ;

- les premiers juges ont enfin estimé à tort que le classement de la parcelle en zone urbaine par le plan local d'urbanisme était sans incidence sur le classement en zone rouge retenu par le plan de prévention des risques naturels, alors que les caractéristiques urbaines du secteur justifient un classement en zone bleue Bg1 au titre du plan de prévention des risques.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une ordonnance en date du 12 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme :

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet de l'Hérault a approuvé, par un arrêté pris le 16 juin 2010, le plan de prévention des risques naturels d'inondation et de mouvements de terrain applicable sur le territoire de la commune de Béziers. M. et Mme B... sont propriétaires d'une parcelle cadastrée section PV n° 63, supportant une maison d'habitation, située n° 47 rue du Pech des Moulins, sur le territoire de cette commune. Par un courrier du 4 septembre 2020, réceptionné le 7 septembre suivant, les intéressés ont demandé au préfet de l'Hérault d'abroger l'arrêté du 16 juin 2010 en tant que le plan de prévention des risques naturels classe ladite parcelle en zone rouge au titre du risque mouvements de terrain. En l'absence de réponse expresse à ce courrier, M. et Mme B... ont saisi le tribunal administratif de Montpellier d'une demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le préfet a implicitement rejeté la demande d'abrogation partielle ainsi présentée. Par la présente requête, les intéressés relèvent appel du jugement du 17 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé. / (...) ".

3. D'autre part, selon l'article L. 562-1 du code de l'environnement : " I. - L'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les incendies de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes ou les cyclones. / II. - Ces plans ont pour objet, en tant que de besoin : / 1° De délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle, notamment afin de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles, pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ; / 2° De délimiter les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où des constructions, des ouvrages, des aménagements ou des exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux et y prévoir des mesures d'interdiction ou des prescriptions telles que prévues au 1° ; / (...) ". Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle restreint sur le classement de terrains entre les zones du plan de prévention des risques.

4. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle de M. et Mme B... se situe en bordure ouest de la partie agglomérée de la commune de Béziers et en surplomb de la vallée de l'Orb. La maison d'habitation implantée sur cette parcelle se trouve en contrebas par rapport à la rue du Pech des Moulins et le terrain présente une pente marquée descendant vers la vallée à l'ouest. Le plan de prévention des risques naturels approuvé le 16 juin 2010 a classé la parcelle litigieuse, ainsi que l'ensemble des terrains situés sur le coteau de part et d'autre de la rue, en zone rouge " Rmt ", laquelle correspond, suivant les indications du règlement de ce plan, à la zone de danger exposée à un aléa fort au titre des phénomènes de mouvements de terrain et, plus précisément, aux phénomènes de glissements de terrain et coulées boueuses associées.

5. Il ressort par ailleurs du rapport de présentation du plan de prévention des risques naturels, produit par le préfet de l'Hérault en première instance, que, pour élaborer ledit plan, les services de l'Etat ont procédé à une recherche historique pour recenser les événements survenus par le passé ainsi qu'à une reconnaissance des phénomènes naturels à partir d'une analyse des photographies aériennes et d'études de terrain. L'exploitation des données existantes sur les plans géologique, géomorphologique, hydrogéologique et géotechnique a été complétée par la réalisation d'études de terrain pour élaborer une base de données et des fiches descriptives de l'ensemble des événements ainsi recensés, établir une cartographie des phénomènes naturels à l'échelle de la commune et qualifier les aléas en fonction de l'intensité de ces phénomènes et de leur probabilité d'occurrence, compte tenu de la prédisposition de chaque site concerné.

6. D'une part, si les appelants remettent en cause la localisation de leur parcelle dans un secteur propice aux phénomènes de glissements de terrain, il ressort au contraire du rapport de présentation du plan de prévention des risques, lequel comporte un paragraphe spécifique sur le secteur de la rive gauche de l'Orb situé entre le Pech des Moulins et le Pech la Pieule, que la zone considérée correspond à un ensemble de glissements emboîtés et que la totalité du versant présente de nombreux indices d'activité récente tels que des désordres sur des habitations, des loupes d'arrachements fraîches, une topographie moutonnée, des désordres sur la végétation, des fissures sur les chaussées ou infrastructures et des sources et suintements fréquents. Le même rapport mentionne que les indices en cause s'intensifient au niveau du Pech des Moulins et du lieu-dit " La Chevalière " où des désordres et des dégâts ont notamment été recensés à la suite de réactivations récentes en 1988, 1996, 2005 et 2006, à seulement quelques dizaines de mètres au sud et au nord du terrain des requérants. Eu égard à la multiplicité des indices ainsi relevés et à leur caractère récent à l'échelle des temps géologiques et compte tenu de la forte pente marquant le coteau à cet endroit, les auteurs du rapport ont pu valablement considérer que l'ensemble du linéaire de ce coteau présentait une vulnérabilité particulière au titre du risque de glissements de terrain. Il ressort au demeurant de la cartographie du rapport de présentation qu'il existe une niche d'arrachement localisée immédiatement à l'aval de la parcelle des requérants, laquelle ne saurait dès lors être détachée, même pour sa seule partie haute, du vaste secteur exposé dans lequel elle s'intègre. La circonstance que les phénomènes de glissements observés dans cette zone restent d'une ampleur modérée n'est pas suffisante pour remettre en cause l'aléa fort retenu par le plan de prévention des risques au regard de la multiplicité des réactivations récentes de ces phénomènes. La circonstance qu'une parcelle située au sud du secteur a été classée en zone bleue ne permet pas davantage d'établir l'incohérence du zonage adopté pour le terrain des appelants, lequel est localisé sur le flanc même du coteau, contrairement à la parcelle dont s'agit.

7. D'autre part, si les requérants se prévalent d'un rapport réalisé à leur demande par le bureau d'études EG Sol Sud au mois de février 2020, il ressort de l'analyse de ce document que son seul objet était d'examiner la stabilité du talus situé sur la propriété des intéressés dans le cadre de leur projet d'extension de l'habitation et de création d'une piscine. Le rapport ainsi invoqué porte uniquement sur la parcelle des appelants, ne repose pas sur des données aussi précises et complètes que l'étude des aléas réalisée pour l'élaboration du plan de prévention des risques naturels et ne se prononce d'ailleurs pas sur le niveau d'aléa impactant le terrain, mais seulement sur les incidences des travaux projetés sur la stabilité du talus. Par suite et à supposer même que les aménagements envisagés par M. et Mme B... puissent contribuer à améliorer la stabilité de leur parcelle, les conclusions de l'étude de sol dont ils se prévalent ne sont pas de nature à remettre en cause la pertinence du zonage retenu par le plan de prévention des risques naturels. Par ailleurs et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, l'étude en cause confirme que la parcelle présente une pente importante et que ses sols sont constitués de limons et argiles sableux surmontant des molasses altérées et des calcaires marneux, soit des composants identifiés dans le rapport de présentation comme propices aux glissements de terrain et coulées boueuses.

8. Enfin, si les requérants soulignent que leur terrain est classé en zone urbaine UC2 du plan local d'urbanisme de la commune de Béziers et situé dans un secteur largement urbanisé, les circonstances ainsi invoquées sont par elles-mêmes sans incidence sur la caractérisation du niveau de risque impactant la parcelle au titre des mouvements de terrain. Elles ne sont donc pas non plus susceptibles de remettre en cause le bien-fondé de son classement en zone rouge par le plan de prévention des risques naturels, alors au surplus que le terrain se trouve en limite de la partie agglomérée de la commune comme il a été indiqué au point 4 et qu'il jouxte à l'ouest les flancs boisés du coteau classés en zone naturelle par le même plan local d'urbanisme.

9. Il résulte de tout ce qui a été exposé aux points précédents que le classement de la parcelle de M. et Mme B... en zone rouge " Rmt " du plan de prévention des risques naturels ne procède, y compris s'agissant de la partie haute de ladite parcelle, ni d'une erreur de fait, ni d'une erreur manifeste d'appréciation. Il s'ensuit que le préfet de l'Hérault n'a pas commis de telles erreurs en refusant, par la décision implicite en litige, d'abroger partiellement son arrêté du 16 juin 2010 en tant qu'il classe l'ensemble de cette parcelle en zone rouge " Rmt ".

10. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 17 mai 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande. Il en résulte également que doivent être rejetées leurs conclusions subsidiaires présentées devant la cour tendant à l'annulation du jugement et de la décision attaqués en tant seulement qu'ils se rapportent à la partie haute de la parcelle cadastrée section PV n° 63.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Le présent arrêt rejette les conclusions en annulation présentées par les appelants et n'implique donc aucune mesure d'exécution au sens des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Par conséquent, les conclusions en injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque à verser aux appelants au titre des frais non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Mme A... B... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2024, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2024.

Le rapporteur,

F. JazeronLe président,

D. Chabert

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22TL21569


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21569
Date de la décision : 09/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Florian Jazeron
Rapporteur public ?: Mme Meunier-Garner
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS CGCB & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-09;22tl21569 ?
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