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09/07/2024 | FRANCE | N°22TL21377

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 09 juillet 2024, 22TL21377


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de la décision du 16 octobre 2020 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité départementale de Vaucluse a autorisé son licenciement pour motif économique.

Par un jugement n° 2003888 du 15 avril 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :



Par une requête du 15 juin 2022, Mme A..., représentée par Me Pr

adal, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement du 15 avril 2022 du tribunal administratif de Nîmes...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de la décision du 16 octobre 2020 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité départementale de Vaucluse a autorisé son licenciement pour motif économique.

Par un jugement n° 2003888 du 15 avril 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête du 15 juin 2022, Mme A..., représentée par Me Pradal, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 avril 2022 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler la décision du 16 octobre 2020 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité départementale de Vaucluse a autorisé son licenciement pour motif économique ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision d'autorisation de licenciement est insuffisamment motivée ;

- l'administration n'a pas pris en compte l'ensemble des mandats syndicaux qu'elle détenait antérieurement, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 2421-16 du code du travail ;

- l'inspecteur du travail a commis une erreur d'appréciation quant à la réalité des difficultés économiques invoquées pour justifier son licenciement ;

- la société Conforama ayant été cédée le 23 septembre 2020 au groupe Mobilux, c'est dans le cadre de ce groupe que doit s'apprécier le motif tenant aux difficultés économiques ;

- la décision d'autorisation de licenciement est également entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de la question de son reclassement ;

- les premiers juges, après avoir constaté que son reclassement n'avait pas été recherché au sein du groupe Mobilux, n'en ont pas tiré les conséquences alors que, contrairement à ce qu'ils relèvent, elle n'a jamais exprimé de refus catégorique à tout reclassement ; de plus, dès lors qu'elle n'était pas informée des possibilités de reclassement au sein du groupe Mobilux, sa renonciation aux seules possibilités de reclassement proposées chez Conforama ne peut lui être opposée ;

- le principe d'égalité est méconnu dès lors que, dans d'autres départements, l'administration a apprécié différemment la situation d'autres salariés protégés en refusant la demande d'autorisation de licenciement au motif de l'absence de prise en compte du groupe Mobilux, pour le reclassement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2023, la société Conforama France, représentée par Me Labalte, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par Mme A... n'est fondé.

Par un arrêt avant-dire droit du 5 mars 2024, la présente cour avant de statuer sur la requête de Mme A... a ordonné un supplément d'instruction à l'effet d'inviter les parties, dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt, à produire les éléments mentionnés aux points 7 et 12 de cet arrêt, se rapportant respectivement à la situation économique de l'employeur à la date de l'autorisation de licenciement du 16 octobre 2020, à la suite de la reprise du groupe Conforama France par le groupe Mobilux et aux emplois de reclassement susceptibles, à la date de cette décision du 16 octobre 2020, d'être proposés à Mme A... au sein des groupes Conforama France et Mobilux.

Par un mémoire, enregistré le 8 avril 2024, la ministre du travail, de la santé et des solidarités indique ne pas être en mesure de produire les éléments demandés à la cour.

Par deux mémoires, enregistrés les 6 et 20 juin 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la société Conforama France, représentée par Me Labalte, fait valoir que :

- pour ce qui est de la question du périmètre d'appréciation du motif économique, les dispositions du code du travail afférentes au transfert automatique des contrats de travail ne s'appliquent pas, la primauté devant être donnée à l'accord collectif majoritaire conclu sur le fondement de l'article L 1233-24-1 du code du travail ;

- il appartient à Mme A... de démontrer l'existence d'un groupe, au sens du code de commerce, à la date de la décision attaquée ;

- les difficultés économiques du groupe Mobilux après intégration fiscale, au 1er octobre 2020, des sociétés du groupe Conforama, sont établies ;

- pour ce qui est de la question du reclassement, l'accord collectif majoritaire validé par la direction du travail en application des articles L. 1235-7-1, L. 1233-24-1 et L.1233-61 du code du travail, s'imposait à l'administration.

Par un mémoire, enregistré le 8 juin 2024, Mme A..., représentée par Me Pradal, soutient en outre qu'au 1er octobre 2020, 144 postes étaient disponibles au sein de la société But, filiale du groupe Mobilux, et qu'au 24 octobre 2020, 143 postes étaient disponibles.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bentolila, président assesseur,

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... relève appel du jugement du 15 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 octobre 2020 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité départementale de Vaucluse a autorisé son licenciement pour motif économique, sollicité par la société Conforama.

2. Par un arrêt avant-dire droit du 5 mars 2024, la présente cour, avant de statuer sur la requête de Mme A... a invité les parties dans un délai de trois mois à compter de la notification de l' arrêt, à produire les éléments, mentionnés aux points 7 et 12 de cet arrêt, se rapportant, d'une part, à la situation économique de l'employeur à la suite de la reprise du groupe Conforama France par le groupe Mobilux et, d'autre part, aux emplois de reclassement susceptibles, à la date de la décision du 16 octobre 2020, d'être proposés à Mme A... au sein des groupes Conforama France et Mobilux.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017: " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel./ Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. À défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. L'employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l'ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ".

4. Pour apprécier si l'employeur a satisfait à son obligation en matière de reclassement, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié, tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises du groupe auquel elle appartient. Il appartient au juge, pour apprécier le respect par l'employeur de l'obligation de moyens dont il est débiteur pour le reclassement d'un salarié, de tenir compte de l'ensemble des circonstances de fait qui lui sont soumises, notamment de ce que les recherches de reclassement conduites au sein de l'entreprise et du groupe ont débouché sur des propositions précises de reclassement.

5. Ainsi que l'a jugé la cour dans son arrêt avant-dire droit précité, compte tenu de ce que le groupe Conforama a été cédé le 23 septembre 2020 au groupe Mobilux, c'est dans le cadre de ce dernier groupe que devaient s'apprécier à la date de la décision du 16 octobre 2020 l'existence et le caractère suffisant des efforts de reclassement de Mme A... par l'employeur.

6. Par ailleurs, Mme A... fait valoir, sans contestation en défense, qu'au 1er octobre 2020, 144 postes étaient disponibles au sein de la société But, filiale du groupe Mobilux, et qu'au 24 octobre 2020, 143 postes y étaient disponibles. Par conséquent, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'appelante est fondée à soutenir qu'il n'a pas été satisfait à l'obligation de reclassement et à demander pour ce motif, l'annulation du jugement du 15 avril 2022 du tribunal administratif de Nîmes et de la décision du 16 octobre 2020 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité départementale de Vaucluse a autorisé son licenciement pour motif économique.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A... qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, la somme que la société Conforama France demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 000 euros à Mme A..., sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 15 avril 2022 du tribunal administratif de Nîmes et la décision du 16 octobre 2020 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité départementale de Vaucluse a autorisé le licenciement pour motif économique de Mme A... sont annulés.

Article 2 : L'État versera la somme de 1000 euros à Mme A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Conforama France sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... à la ministre du travail, de la santé et des solidarités et à la société Conforama France.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2024 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2024.

Le rapporteur

P. Bentolila

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière

C. Lanoux

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21377
Date de la décision : 09/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. - Licenciements. - Autorisation administrative - Salariés protégés. - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. - Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: M. Pierre Bentolila
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : ADEAL

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-09;22tl21377 ?
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