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09/07/2024 | FRANCE | N°22TL00561

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 09 juillet 2024, 22TL00561


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le préfet de l'Hérault a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2019 du maire de Cessenon-sur-Orb portant retrait de l'arrêté de refus de permis de construire du 21 décembre 2018 opposé à M. A... ainsi que le permis de construire tacite né le 24 décembre 2018.



Par un jugement n° 1905410 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a annulé le permis de construire tacite né le 24 décembre 2

018, remis en vigueur par l'effet de l'arrêté du 3 juillet 2019 du maire de Cessenon-sur-Orb portant re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de l'Hérault a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2019 du maire de Cessenon-sur-Orb portant retrait de l'arrêté de refus de permis de construire du 21 décembre 2018 opposé à M. A... ainsi que le permis de construire tacite né le 24 décembre 2018.

Par un jugement n° 1905410 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a annulé le permis de construire tacite né le 24 décembre 2018, remis en vigueur par l'effet de l'arrêté du 3 juillet 2019 du maire de Cessenon-sur-Orb portant retrait du refus de permis de construire du 21 décembre 2018 opposé à M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n°22MA00561 puis au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°22TL00561 le 15 février 2022, et un mémoire complémentaire enregistré le 19 septembre 2023, M. B... A..., représenté par la société civile professionnelle CGCB et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) A titre principal, de rejeter la demande présentée par le préfet de l'Hérault devant le tribunal administratif de Montpellier comme irrecevable et à titre subsidiaire de la rejeter comme mal fondée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la demande d'annulation du permis de construire tacite est irrecevable en raison de son caractère tardif ;

- le permis de construire tacite ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 111-23 du code de l'urbanisme ;

- les moyens tirés de la méconnaissance des articles 1 et 2 ainsi que l'article 10 du règlement du plan local d'urbanisme sont inopérants.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mai 2022, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- sa demande de première instance n'était pas tardive ;

- aucun des moyens soulevés par M. A... n'est fondé.

Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de M. A....

Par ordonnance du 19 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 10 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales.

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lasserre, première conseillère,

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,

- et les observations de Me Crétin, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a déposé le 1er août 2018 une demande de permis de construire pour la restauration d'une ancienne métairie sur le territoire de la commune de Cessenon-sur-Orb (Hérault). Par un arrêté en date du 21 décembre 2018, le maire de Cessenon-sur-Orb a opposé un refus à cette demande. Ce refus a fait l'objet d'un arrêté de retrait pris par la même autorité administrative le 3 juillet 2019. Par jugement du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier, saisi sur déféré par le préfet de l'Hérault, a annulé le permis de construire tacite remis en vigueur par l'effet de l'arrêté du 3 juillet 2019 portant retrait du refus de permis de construire opposé à M. A... le 21 décembre 2018. Par la présente requête, M. A... relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

2. Aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage (...) ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département (...) ". Aux termes de l'article L. 2131-6 du même code : " Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission (...) ". Parmi les actes mentionnés par l'article L. 2131-2 de ce code figure, au 6° : " Le permis de construire et les autres autorisations d'utilisation du sol et le certificat d'urbanisme délivrés par le maire ". Par ailleurs, l'article R. 424-1 du code de l'urbanisme prévoit que, à défaut d'une décision expresse dans le délai d'instruction, le silence gardé par l'autorité compétente vaut permis de construire et l'article L. 424-8 dispose qu'un tel permis tacite est exécutoire à compter de la date à laquelle il est acquis. Enfin, aux termes de l'article R. 423-7 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsque l'autorité compétente pour délivrer le permis ou pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est le maire au nom de la commune, celui-ci transmet un exemplaire de la demande ou de la déclaration préalable au préfet dans la semaine qui suit le dépôt ".

3. En l'espèce, la demande de permis de construire déposée par M. A... le 1er août 2018 a été complétée le 24 septembre 2018, date à laquelle l'autorité compétente en matière de service public d'assainissement non collectif a délivré le formulaire attestant de la conformité du système d'assainissement proposé. Le délai d'instruction de cette demande, qui porte sur la restauration d'une métairie et non sur la construction d'une maison individuelle, était de trois mois en application de l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme. Il est constant que l'arrêté du 21 décembre 2018 par lequel le maire de Cessenon-sur-Orb a refusé de délivrer le permis de construire sollicité n'a été notifié au pétitionnaire que le 27 décembre 2018, soit postérieurement au 24 décembre 2018, date à laquelle est né un permis de construire tacite en l'absence de notification d'une décision expresse. Cet arrêté de refus du 21 décembre 2018 doit ainsi être regardé comme retirant le permis de construire tacite né le 24 décembre 2018 et l'arrêté litigieux du 3 juillet 2019 a pour objet et pour effet de retirer ce retrait et de remettre en vigueur le permis de construire tacite né le 24 décembre 2018.

4. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Cessenon-sur-Orb a transmis le 24 avril 2019 au préfet de l'Hérault l'entier dossier de demande de permis de construire déposée par M. A... le 1er août 2018 ainsi que la décision du 21 décembre 2018 portant retrait de ce permis de construire, ces documents ayant été réceptionnés par les services de la préfecture de l'Hérault le 25 avril 2019. A cette date, la seule décision prise par le maire sur la demande consistait donc en un retrait et le représentant de l'Etat dans le département ne pouvait contester un permis de construire qui n'était pas délivré. Dans ces conditions le délai dont le préfet de l'Hérault disposait pour déférer ce permis a commencé à courir, non le 25 avril 2019 mais le 10 juillet 2019, date de réception en préfecture de l'arrêté du 3 juillet 2019, à laquelle il a eu connaissance pour la première fois de la mise en vigueur du permis de construire initialement accordé de façon tacite. Ainsi, et dès lors que, par courrier du 7 août 2019 réceptionné le 12 août suivant, le maire de Cessenon-sur-Orb a refusé de retirer l'arrêté du 3 juillet 2019 en réponse à la lettre d'observations du préfet du 31 juillet 2019 qui doit être regardée comme un recours gracieux prorogeant le délai de recours alors même que le maire n'aurait pu retirer sa décision au regard des dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, le déféré préfectoral enregistré le 10 octobre 2019 dans le délai de recours contentieux n'est pas tardif. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le déféré préfectoral présenté devant le tribunal administratif de Montpellier était irrecevable.

En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-23 du code de l'urbanisme :

5. Aux termes de l'article L. 111-23 du code de l'urbanisme : " La restauration d'un bâtiment dont il reste l'essentiel des murs porteurs peut être autorisée, sauf dispositions contraires des documents d'urbanisme et sous réserve des dispositions de l'article L. 111-11, lorsque son intérêt architectural ou patrimonial en justifie le maintien et sous réserve de respecter les principales caractéristiques de ce bâtiment. ". Les deux conditions prévues par cet article sont cumulatives.

6. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des photographies de l'état existant figurant dans le dossier de demande de permis de construire, que le bâtiment dont la restauration est envisagée par M. A... ne conserve pas l'essentiel de ses murs porteurs malgré la conservation d'un bâtiment " dur " de 30 m² sur les 385,61 m² de surface de plancher que comporte cette ancienne métairie. En outre, les vestiges qui demeurent, en ce compris ce bâtiment " dur ", ne comportent ni charpente, ni toiture, ni plancher et sont envahis par la végétation. Dans ces conditions et alors que le bâtiment doit être regardé comme étant à l'état de ruine, le permis de construire tacite né le 24 décembre 2018 méconnaît les dispositions précitées de l'article L. 111-23 du code de l'urbanisme.

En ce qui concerne la méconnaissance du règlement du plan local d'urbanisme :

7. En premier lieu, en vertu des dispositions combinées des articles 1 et 2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Cessenon-sur-Orb, applicables à la zone A dans laquelle se situe le terrain d'assiette du projet, sont autorisées " les constructions et les habitations nécessitant la présence de l'occupant, directement liées et nécessaires à l'exploitation agricole ainsi que les campings à la ferme et les gîtes en tant que complément de l'exploitation existante et uniquement dans des bâtiments existants ou en extension de ces bâtiments, à condition de respecter la qualité architecturale des bâtiments ".

8. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la notice explicative jointe au dossier de demande de permis de construire, que le projet consiste à restaurer une ancienne métairie pour y installer 3 chambres d'hôtes. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier que cette activité viendrait en complément d'une exploitation agricole existante. Au demeurant, ainsi qu'il a été dit au point 9 du présent arrêt, et dès lors que cette métairie est à l'état de ruine, cette activité ne peut pas non plus être regardée comme installée dans un bâtiment existant. Par suite, et dès lors que le projet de M. A... ne se rattache à aucune des activités prévues par les articles 1 et 2 du règlement du plan local d'urbanisme, le permis de construire tacite né le 24 décembre 2018 méconnaît les dispositions des articles 1 et 2 du règlement de la zone A du plan local d'urbanisme.

9. En deuxième lieu, l'article 10 du règlement du plan local d'urbanisme fixe une hauteur maximale des nouvelles constructions autres que les hangars et installations d'activité agricole à 7 mètres calculés en tout point du sol naturel existant jusqu'à l'égout des toitures.

10. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des plans joints au dossier de demande de permis de construire, que la hauteur de la construction comptée à partir du terrain naturel est supérieure à 7 mètres. Par suite, le permis de construire tacite né le 24 décembre 2018 méconnaît les dispositions de l'article 10 du règlement du plan local d'urbanisme applicable à la zone A.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault et à la commune de Cessenon-sur-Orb.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2024, à laquelle siégeaient :

M. Moutte, président,

M. Jazeron, premier conseiller,

Mme Lasserre, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2024.

La rapporteure,

N. Lasserre

Le président,

J.-F. Moutte La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL00561


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL00561
Date de la décision : 09/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Moutte
Rapporteur ?: Mme Nathalie Lasserre
Rapporteur public ?: Mme Meunier-Garner
Avocat(s) : SCP CGCB & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-09;22tl00561 ?
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