Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 17 décembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de titre de séjour.
Par un jugement n° 2100929 du 16 février 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 20 novembre 2023 et le 31 janvier 2024, M. C..., représenté par Me Sadek, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 17 décembre 2020 du préfet de la Haute-Garonne ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à compter de la décision de la cour, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le jugement n'a pas statué sur le risque lié à sa pathologie psychiatrique en cas de retour dans son pays d'origine ;
- le jugement n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation, faute pour le tribunal d'avoir pris en compte les éléments démontrant la nécessité d'une prise en charge médicale en France ;
- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré l'incompétence du médecin signataire du rapport médical et, par voie de conséquence, de l'irrégularité de la composition du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
Sur le bien-fondé du jugement :
- la décision du préfet de la Haute-Garonne est entachée d'incompétence ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et complet de sa situation ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que le préfet de la Haute-Garonne n'a pas visé et communiqué le rapport médical et l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur lequel il fonde sa décision, cette absence de communication le plaçant dans l'impossibilité de s'assurer de la régularité de la composition du collège des médecins ;
- elle méconnaît les dispositions de l'ancien article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faute pour le collège des médecins d'avoir rendu son avis dans le délai de trois mois à compter de la demande ;
- elle méconnaît les stipulations du paragraphe 3 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que le préfet ne lui a pas transmis l'avis du collège des médecins afin qu'il puisse présenter ses observations, le privant ainsi de son droit d'être entendu ;
- le préfet s'est estimé lié par l'avis consultatif du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- la décision méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il remplit les conditions pour obtenir la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il a fixé le centre de ses intérêts personnels et professionnels en France ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 janvier 2024, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 septembre 2023.
Par ordonnance du 13 mai 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 31 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Alain Barthez a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant tunisien né le 17 juin 1986 et indiquant être entré en France le 19 octobre 2017 de manière irrégulière, a sollicité le 1er avril 2020, la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 17 décembre 2020, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté cette demande. M. C... fait appel du jugement du 16 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement :
2. A l'appui de sa demande d'annulation de la décision portant refus de titre de séjour dont il a fait l'objet, M. C... soutenait que celle-ci était entachée d'un vice de procédure en raison de l'incompétence du médecin signataire du rapport médical qui a été remis au collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le tribunal, qui ne l'a pas visé, ne s'est pas prononcé sur ce moyen. L'intéressé est dès lors fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité pour ce motif. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête relatifs à la régularité du jugement, le jugement du 16 février 2023 du tribunal administratif de Toulouse doit être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Toulouse.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. En premier lieu, par arrêté du 15 décembre 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, accessible tant au juge qu'aux parties, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation à Mme D... B..., directrice des migrations et de l'intégration, à fin de signer, notamment, les décisions portant refus de séjour. Cette délégation de signature n'est, contrairement à ce que soutient M. C..., ni générale, ni permanente. Par suite et sans qu'il soit nécessaire de s'interroger sur l'absence ou l'empêchement du préfet, condition à laquelle cette délégation n'est pas subordonnée, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de la décision attaquée du 17 décembre 2020 manque en fait et doit être écarté.
5. En deuxième lieu, la décision portant refus de titre de séjour se réfère au 11° de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur. Par ailleurs, le préfet de la Haute-Garonne mentionne les éléments de fait propres à la situation administrative en France de M. C..., notamment la circonstance qu'il a fait l'objet d'une mesure d'assignation à résidence et qu'il a été déclaré en fuite. L'autorité préfectorale a également fait état de l'avis du 26 novembre 2020 du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration estimant que l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il peut toutefois bénéficier effectivement d'un traitement approprié et voyager sans risques en Tunisie. Enfin, le préfet a examiné la situation de M. C... au regard de son pouvoir discrétionnaire de régularisation et a écarté cette possibilité. Ainsi, alors même que la décision attaquée ne mentionnerait pas la pathologie et n'évoquerait pas le coût des soins en Tunisie, elle comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
6. En troisième lieu, eu égard notamment à cette motivation, le moyen tiré du défaut d'examen réel et complet de la situation de M. C... doit être écarté.
7. En quatrième lieu, par décision du 15 octobre 2020 n° INTV2028389S publiée sur le site internet de l'Office et au bulletin officiel du ministère de l'intérieur, accessible tant aux juges qu'aux parties, le directeur général de l'Office français de l'intégration et de l'immigration a nommé les trois médecins qui ont émis l'avis du 26 novembre 2020 ainsi que le médecin rapporteur au sein du collège des médecins à compétence nationale.
8. La circonstance que le rapport médical n'aurait pas été mentionné dans un visa de l'avis est sans incidence sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour.
9. En tout état de cause, une copie de l'avis du collège des médecins de l'Office, comportant les noms des trois médecins ayant émis l'avis ainsi que celui du médecin rapporteur, a été transmise par le préfet de la Haute-Garonne devant le tribunal administratif de Toulouse, ce qui permet à M. C... de vérifier sa régularité. Il ne ressort d'aucune disposition législative ou réglementaire applicable que cet avis ou le rapport médical auraient dû être communiqués à M. C... avant que le préfet de la Haute-Garonne ne prenne sa décision.
10. M. C... n'établit pas, ni même n'indique d'ailleurs, la date à laquelle il a transmis à l'Office français de l'immigration et de l'intégration le certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que le délai de trois mois prévu par les dispositions de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, courant à compter de la transmission de ce certificat, n'aurait pas été respecté par le collège des médecins lorsqu'il a émis son avis le 26 novembre 2020. En tout état de cause, à supposer qu'il soit établi, le non-respect de ce délai pour émettre l'avis médical n'a privé M. C... d'aucune garantie et n'a pas été susceptible d'avoir en l'espèce une influence sur le sens de la décision prise par le préfet de la Haute-Garonne.
11. L'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration comporte les mentions prévues par les dispositions de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 précédemment visé. Ces dispositions ne prévoient pas que l'avis indique les pathologies dont l'étranger malade souffre ou les sources documentaires utilisées par le collège des médecins pour établir le sens de l'avis.
12. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de titre de séjour serait entachée d'un vice de procédure devant entraîner son annulation en raison de l'irrégularité de l'avis du collège des médecins.
13. En cinquième lieu, la procédure administrative conduisant à une décision sur le droit au séjour n'étant pas un procès, M. C... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives au procès équitable.
14. En sixième lieu, il ressort de la motivation rappelée au point 5 de la décision du 17 décembre 2020 que le préfet de la Haute-Garonne, qui a pris en compte l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, a examiné la possibilité, nonobstant le sens de cet avis, d'une régularisation à titre exceptionnel de la situation de M. C.... Celui-ci n'est donc pas fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Garonne se serait estimé en situation de compétence liée par rapport à cet avis et que la décision portant refus de titre de séjour serait, pour ce motif, entachée d'une erreur de droit.
15. En septième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ".
16. Pour rejeter la demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade présentée par M. C..., le préfet de la Haute-Garonne s'est fondé notamment sur l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 26 novembre 2020. Pour le contester, M. C... fait état de troubles neuropsychologiques suite à un traumatisme crânien et facial devant faire l'objet d'un suivi et de soins médicaux. Il ne ressort toutefois ni des certificats médicaux, ni des articles de presse de portée générale sur la situation des hôpitaux en Tunisie que, contrairement à ce qu'a estimé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, M. C... ne pourrait effectivement bénéficier des soins nécessaires à sa pathologie dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
17. En huitième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du même code, applicable à la date de la décision attaquée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
18. M. C... ne précise aucun élément relatif à sa vie privée et familiale en France. En tout état de cause, la durée du séjour habituel en France de M. C... s'élève à trois ans seulement à la date de la décision du préfet de la Haute-Garonne. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
19. En dernier lieu, eu égard aux éléments de fait mentionnés aux points 16 et 18, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision du préfet de la Haute-Garonne serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.
20. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 17 décembre 2020 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de titre de séjour. Par voie de conséquence, les conclusions présentées aux fins d'injonction et d'astreinte doivent, également, être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
21. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme quelconque au conseil de M. C... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2100929 du 16 février 2023 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal de Toulouse est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Saliha Sadek.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2024, où siégeaient :
M. Barthez, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition du greffe le 4 juillet 2024.
Le président-rapporteur,
A. Barthez
L'assesseur le plus ancien dans l'ordre du tableau,
N. Lafon
Le greffier,
F. Kinach
Le République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 23TL02711 2