Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée Fimed a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018.
Par un jugement n° 2001208 du 3 octobre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 novembre 2022, et un mémoire complémentaire enregistré le 11 octobre 2023, la société Fimed, représentée par Me Youssoupov, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration n'apporte aucune précision sur le reliquat de 11 861 euros de taxe sur la valeur ajoutée dont le paiement lui a été assigné ;
- son droit à déduction n'était pas entaché de péremption, dès lors qu'elle avait comptabilisé à l'actif de son bilan de clôture des exercices 2016 et 2017 une créance de taxe sur la valeur ajoutée de 109 495 euros et que le remboursement du crédit correspondant a été sollicité lors de l'établissement de la déclaration rectificative du mois de novembre 2018 ;
- l'administration aurait dû faire droit à sa demande de déduction de cette taxe, présentée dans le cadre de sa réclamation du 12 décembre 2019, introduite dans le délai prévu à l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales ;
- cette position est reprise dans la doctrine référencée BOI-TVA-DED-40-20 n° 70 et BOI-CTX-PREA-10-40 n° 20 ;
- le fait de ne pas avoir bénéficié de l'application de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales méconnaît le principe d'égalité devant les charges publiques ;
- il méconnaît également le principe des droits de la défense garanti par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts méconnaît les dispositions de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 24 août 2023 et le 18 octobre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante sont inopérants ou ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 19 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lafon,
- et les conclusions de M. Clen, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société Fimed, qui exerce une activité de marchand de biens, fait appel du jugement du 3 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018, procédant de la remise en cause de droits à déduction pour un montant de 109 495 euros.
Sur les conclusions en décharge :
2. Aux termes de l'article 269 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " 1 Le fait générateur de la taxe se produit : / a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué / (...) / 2. La taxe est exigible : / a) Pour les livraisons et les achats visés au a du 1 (...), lors de la réalisation du fait générateur ; / (...) / c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits (...) ". L'article 271 du même code dispose que : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable (...) / 3. La déduction de la taxe ayant grevé les biens et les services est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance (...) ". Aux termes du 1 de son article 287, dans sa rédaction applicable : " Tout redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est tenu de remettre au service des impôts dont il dépend et dans le délai fixé par arrêté une déclaration conforme au modèle prescrit par l'administration ". Aux termes enfin du I de l'article 208 de l'annexe II au même code : " Le montant de la taxe déductible doit être mentionné sur les déclarations déposées pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, à condition qu'elle fasse l'objet d'une inscription distincte, la taxe dont la déduction a été omise sur cette déclaration peut figurer sur les déclarations ultérieures déposées avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l'omission. Les régularisations prévues à l'article 207 doivent également être mentionnées distinctement sur ces déclarations ". Il résulte de ces dispositions que le délai imparti pour réparer une omission de déclaration de la taxe sur la valeur ajoutée déductible court à compter de la date d'exigibilité de la taxe chez le redevable et expire le 31 décembre de la deuxième année suivant la date à laquelle la déclaration devait être effectuée.
3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les rappels en litige correspondent à la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé, d'une part, le loyer, acquitté le 25 mai 2016, d'un bateau pris en crédit-bail par la société Fimed, d'autre part, le prix de marchandises dont la livraison a été effectuée au cours de l'année 2016. Le montant de ces rappels comprend ainsi une somme de 11 861 euros correspondant au cumul de taxe sur la valeur ajoutée figurant sur diverses factures émises par des fournisseurs, reçues par la société Fimed. Cette dernière n'est donc pas fondée à soutenir que l'administration n'apporte aucune précision sur le reliquat de 11 861 euros composant les rappels en litige.
4. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la taxe sur la valeur ajoutée qui y est mentionnée était, en application des dispositions précitées de l'article 269 du code général des impôts, devenue exigible chez les redevables en 2016. En vertu du 2 du I de l'article 271 du code général des impôts, le droit à déduction de cette taxe était né la même année. En application des dispositions susmentionnées de l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts, cette même taxe, qui aurait dû être mentionnée dans les déclarations des mois de janvier à décembre 2016 de la société Fimed, pouvait être portée sur ses déclarations ultérieures, au plus tard le 31 décembre 2018. Ainsi, le droit à déduction était frappé de péremption lorsqu'elle a porté cette taxe sur une déclaration déposée le 20 mai 2019, alors même qu'il s'agissait d'une déclaration rectificative relative au mois de novembre 2018. L'inscription de la somme correspondante dans un compte de créance à l'actif du bilan des exercices clos les 31 décembre 2016 et 2017 ne saurait valoir dépôt de la déclaration requise pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que l'administration a remis en cause la taxe sur la valeur ajoutée déductible déclarée par la société Fimed au titre du mois de novembre 2018 pour un montant de 109 495 euros.
5. En troisième lieu, d'une part, la société Fimed ne peut, pour échapper à l'application du I de l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts, qui instaure un délai de péremption du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, invoquer les dispositions de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales, qui se bornent à accorder au contribuable faisant l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations. Le I de l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts ne saurait d'ailleurs méconnaître ces dispositions, qui n'ont pas le même objet.
6. D'autre part, la société Fimed n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine référencée BOI-TVA-DED-40-20 n° 70 et BOI-CTX-PREA-10-40 n° 20, qui se borne à préciser que l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales ouvre au contribuable faisant l'objet d'une procédure de reprise un délai de réclamation égal au délai de répétition de l'administration et qui ne comporte aucune interprétation différente de celle qui résulte de la loi fiscale dont il a été fait application.
7. En quatrième lieu, la société Fimed soutient que le fait de ne pas avoir bénéficié de l'application de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales méconnaît le principe d'égalité devant les charges publiques, dès lors que l'administration fiscale admet par ailleurs, au paragraphe 60 de la doctrine référencée BOI-CF-PGR-30-50, que " la compensation entre des droits rappelés pour défaut de déclaration d'opérations imposables et une surtaxe résultant de l'omission par erreur, de déductions autorisées est possible même si le délai fixé par le I de l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts (CGI) pour opérer les déductions susvisées est venu à expiration ". La différence de traitement invoquée par la société requérante est toutefois fondée sur une différence de situation avec des contribuables susceptibles de bénéficier d'une compensation et sur des critères objectifs et rationnels au regard des buts poursuivis. Par suite et en tout état de cause, le traitement dont elle a fait l'objet n'a pas méconnu le principe d'égalité devant les charges publiques.
8. En dernier lieu, la société Fimed ne peut utilement invoquer les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour contester les droits de taxe sur la valeur ajoutée en litige devant le juge de l'impôt, qui ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas des contestations sur des droits et obligations à caractère civil.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Fimed n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.
D E C I D E :
Article 1er : La requête présentée par la société Fimed est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Fimed et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2024, où siégeaient :
- M. Barthez, président,
- M. Lafon, président assesseur,
- Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.
Le rapporteur,
N. Lafon
Le président,
A. Barthez
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°22TL22413 2