La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/07/2024 | FRANCE | N°22TL22403

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 1ère chambre, 04 juillet 2024, 22TL22403


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er octobre 2009 au 30 juin 2012.



Par un jugement n° 1921511 du 30 septembre 2022, le tribunal administratif de Nîmes, à qu

i la demande a été attribuée par ordonnance du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er octobre 2009 au 30 juin 2012.

Par un jugement n° 1921511 du 30 septembre 2022, le tribunal administratif de Nîmes, à qui la demande a été attribuée par ordonnance du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, l'a rejetée.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 novembre 2022, Mme B..., représentée par Me Sérée de Roch, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er octobre 2009 au 30 juin 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a méconnu l'article 5 du code de procédure civile en écartant, pour un motif qui n'était pas opposé par l'administration, le moyen tiré de ce que la dépense correspondant à l'acquisition d'un site internet doit être admise comme une charge déductible dès lors qu'elle présente un lien avec l'activité de son entreprise ;

- son activité de prestation de services en formation professionnelle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité sans qu'elle n'en ait été informée par une mention expresse de l'avis de vérification ;

- elle n'a pas reçu de mise en demeure de déposer une déclaration des bénéfices industriels et commerciaux de l'année 2010 ;

- les mises en demeure adressées au titre des bénéfices industriels et commerciaux ne pouvaient concerner son activité de soutien scolaire ;

- l'administration a entrepris une seconde vérification de comptabilité portant sur la même période, en méconnaissant les dispositions des articles L. 47 et L. 51 du livre des procédures fiscales ;

- elle a été privée de débat oral et contradictoire ;

- la proposition de rectification du 14 mars 2013 et la réponse aux observations du contribuable du 16 juillet 2013 sont insuffisamment motivées ;

- le procès-verbal de défaut de comptabilité est irrégulier, dès lors que, compte tenu de l'avis de vérification, seule l'activité de soutien scolaire était susceptible de faire l'objet d'un contrôle et que les éléments comptables de l'activité de formation professionnelle ne se trouvaient pas sur les lieux des opérations ;

- la reconstitution de sa comptabilité est irrégulière, dès lors qu'elle ne repose que sur une seule méthode, contrairement à ce qu'exige la doctrine référencée 4 G-3342 n° 4 du 25 juin 1998, et qu'elle n'est pas probante compte tenu des faibles montants de charge retenus ;

- la dépense correspondant à l'acquisition d'un site internet destiné à la formation de traders doit être admise comme une charge déductible, dès lors qu'elle présente un lien avec l'activité de son entreprise ;

- elle est fondée à solliciter la prise en compte des régularisations de cotisations sociales versées au titre des charges d'exploitation des années 2010, 2011 et 2012 ;

- les dépenses correspondant aux droits d'auteur qu'elle a acquis pour son entreprise constituent des charges déductibles ;

- elle sollicite la prise en compte de charges supplémentaires, correspondant aux frais de fonctionnement de son entreprise ;

- les pourcentages de charges retenus par l'administration ne sont pas réalistes ;

- l'administration a, à tort, pris en compte la dispense de taxe sur la valeur ajoutée prévue au 4° du 4 de l'article 261 du code général des impôts pour l'intégralité du chiffre d'affaires réalisé dans le cadre de l'activité de formation professionnelle continue ;

- aucun profit sur le Trésor n'a pu naître, dès lors qu'elle a pensé réaliser des opérations exonérées de taxe sur la valeur ajoutée ou exclues de son champ ;

- elle doit être déchargée des pénalités en conséquence du caractère infondé des rectifications ;

- la majoration pour manquement délibéré n'est pas motivée ;

- elle n'est pas justifiée, en particulier s'agissant des chefs de redressement liés au rejet des charges relatives à l'achat d'un site internet et de droits d'auteur, ainsi qu'à la régularisation de cotisations sociales et à l'application de la majoration de 1,25 prévue au 7 de l'article 158 du code général des impôts.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante sont inopérants ou ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 19 janvier 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 février 2024.

Des pièces complémentaires ont été produites par Mme B..., le 14 juin 2024, et communiquées au titre des dispositions de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lafon,

- et les conclusions de M. Clen, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... fait appel du jugement du 30 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er octobre 2009 au 30 juin 2012, à l'issue de la vérification de comptabilité de l'entreprise individuelle de soutien scolaire et de formation professionnelle qu'elle exploitait sous l'enseigne commerciale " C... ".

Sur la régularité du jugement :

2. Le tribunal administratif de Nîmes a pu, sans entacher son jugement d'irrégularité, écarter le moyen tiré de ce que la dépense correspondant à l'acquisition d'un site internet devait être admise comme une charge déductible de l'entreprise de Mme B..., en remettant en cause sa qualité de propriétaire de ce site, d'autant que ce motif était invoqué en défense, en particulier dans le mémoire en réplique présenté le 18 juillet 2022 par le directeur de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable au présent litige : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix (...) ".

4. Il résulte de l'instruction que Mme B... a été informée, par un avis de vérification du 27 septembre 2012, de ce que l'administration vérifierait " l'ensemble " des " déclarations fiscales ou opérations susceptibles d'être examinées " portant sur la période du 1er janvier 2009 au 30 juin 2012 et de ce qu'elle avait la faculté de se faire assister par le conseil de son choix. La circonstance que cet avis faisait référence à une " activité de soutien scolaire " sous le nom de sa destinataire, dans l'encart relatif à son adresse postale, n'était pas de nature, alors d'ailleurs qu'elle n'apporte aucun élément permettant de distinguer effectivement ses deux activités, à induire cette dernière en erreur sur la portée de la vérification dont elle allait faire l'objet. Il en résulte que Mme B... n'a pas été privée des garanties prévues par l'article L. 47 du livre des procédures fiscales.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales : " Peuvent être évalués d'office : / 1° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus provenant d'entreprises industrielles, commerciales ou artisanales, ou des revenus d'exploitations agricoles imposables selon un régime de bénéfice réel, lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 53 A du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal ; / (...) / Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux 1° et 2° ". L'article L. 68 du même livre dispose que : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure (...) ".

6. L'administration fiscale a produit en première instance deux avis de réception de plis recommandés envoyés aux adresses personnelles et de l'activité de Mme B..., contenant chacun, conformément aux mentions de ces avis, quatre mises en demeure, datées du 26 octobre 2012, de déposer la déclaration n° 2031 des résultats en matière de bénéfices industriels et commerciaux des années 2009, 2010, 2011 et 2012. Il en résulte que Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas reçu de mise en demeure concernant la déclaration de son bénéfice commercial de l'année 2010. Par ailleurs, la vérificatrice a estimé que l'activité de l'entreprise individuelle de Mme B..., prise dans son ensemble, était de nature commerciale. Il ne résulte pas de l'instruction que cette qualification serait erronée. Dans ces conditions, la seule circonstance que Mme B... a fait immatriculer son activité de soutien scolaire en tant que profession libérale et opté en conséquence, selon elle, pour le régime " micro BNC " ne permet pas de considérer que les mises en demeure adressées au titre des bénéfices industriels et commerciaux ne concernaient pas son activité de soutien scolaire. Il s'en déduit que, à défaut de dépôt de la déclaration des bénéfices industriels et commerciaux réalisés en 2010, c'est à bon droit que l'administration fiscale a eu recours, pour leur détermination, à la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 73 du livre des procédures fiscales.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Lorsque la vérification de la comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période (...) ".

8. Il résulte de l'instruction que la vérification de comptabilité de l'activité de Mme B... s'est déroulée du 25 octobre 2012 au 14 décembre 2012, à l'issue de laquelle une proposition de rectification lui a été adressée le 18 décembre 2012. A la suite de la réception, les 14 janvier et 5 février 2013, des relevés bancaires et du montant des cotisations sociales payées par l'entreprise B..., en réponse au droit de communication que la vérificatrice avait exercé auprès de l'établissement bancaire dans lequel l'intéressée détenait un de ses comptes professionnels et du régime social des indépendants, un entretien a été réalisé le 1er mars 2013 au sein de l'entreprise pour évoquer ces éléments d'information. Une nouvelle proposition de rectification a été adressée à Mme B... le 14 mars 2013, se substituant à celle du 18 décembre 2012. Il se déduit de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient Mme B..., la détermination des droits omis ne procède pas d'une seconde vérification dont elle n'aurait pas été avisée en temps utile et qui se serait déroulée en méconnaissance des dispositions des articles L. 47 et L. 51 du livre des procédures fiscales, mais de l'exploitation par le service de renseignements qui lui ont été communiqués à la suite d'investigations chez des tiers. Par suite, le moyen correspondant doit être écarté.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables (...) ". Dans le cas où la vérification de comptabilité d'une entreprise a été effectuée, conformément à ces dispositions, dans ses propres locaux, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat. Il résulte de l'instruction, notamment des mentions de la proposition de rectification du 14 mars 2013, que la vérificatrice a, durant les opérations de vérification, rencontré à plusieurs reprises Mme B... et son conseil dans les locaux de l'entreprise. En se bornant à se prévaloir de ce que le service aurait rejeté en bloc l'ensemble des justificatifs apportés et a assujetti l'ensemble de ses recettes dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, la requérante ne démontre pas qu'à ces différentes occasions la vérificatrice se serait refusé à tout échange de vues. Par suite, le moyen tiré de l'absence de débat oral et contradictoire doit être écarté.

10. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction et n'est pas sérieusement contesté que l'entreprise de Mme B..., qui avait trois lieux d'activité, disposait de son siège social au 66 boulevard de Strasbourg à Toulouse (Haute-Garonne). Les opérations de vérification ont donc pu s'y dérouler. Par suite, la circonstance que la comptabilité de l'activité de formation professionnelle ne se serait pas trouvée à cette adresse est, en tout état de cause, sans incidence sur la régularité du procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité qui a été dressé par la vérificatrice le 26 novembre 2012. Il résulte par ailleurs de ce qui a été dit au point 4 que l'avis de vérification du 27 septembre 2012 ne faisait pas obstacle à ce que ce procès-verbal concerne l'activité de formation professionnelle de l'entreprise de Mme B....

11. En sixième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". L'article R. 57-1 du même livre dispose que : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, qui est applicable à Mme B... au titre des bénéfices commerciaux réalisés en 2010, lesquels ont été évalués d'office : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions (...) ".

12. La proposition de rectification adressée à Mme B... le 14 mars 2013 comportait les mentions exigées par les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales. Elle précisait notamment la méthode retenue de reconstitution du chiffre d'affaires et du bénéfice imposable de l'entreprise de Mme B..., en particulier les raisons de la prise en compte des encaissements bancaires et des ratios représentés par les branches d'activité et les charges déductibles. Dans ces conditions, alors même que la proposition de rectification ne justifiait pas le choix de la catégorie d'imposition retenue au titre de l'impôt sur le revenu, Mme B... doit être regardée comme ayant été informée des motifs fondant les rectifications envisagées de manière suffisante pour lui permettre de présenter utilement ses observations. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification, justifiant l'application de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales, doit être écarté.

13. En dernier lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ". Ces dispositions obligent l'administration à aviser le contribuable qui a présenté des observations sur une proposition de rectification de la persistance d'un désaccord, en lui en faisant connaître les motifs. En l'espèce, la réponse aux observations du contribuable du 16 juillet 2013 énonçait les motifs sur lesquels l'administration a entendu se fonder pour justifier le maintien des rectifications proposées et pour écarter les arguments soulevés par Mme B..., auxquels elle a répondu explicitement. Le service a d'ailleurs pris en compte une partie des observations de l'intéressée en modifiant notamment le calcul des bénéfices industriels et commerciaux, auquel elle a appliqué, dans les nouvelles conséquences financières du contrôle, le coefficient multiplicateur de 1,25 prévu au 7 de l'article 158 du code général des impôts, ainsi que la remise en cause de l'abattement associé au régime des micro-bénéfices. L'administration n'avait pas à expliciter ces éléments de calcul, qui étaient contenus dans la proposition de rectification et qui ne faisaient l'objet d'aucune contestation. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la réponse aux observations du contribuable doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

14. Il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que Mme B... n'a pas été en mesure de produire une comptabilité régulière et probante pour l'ensemble de la période vérifiée. Pour reconstituer le chiffre d'affaires de l'entreprise individuelle de Mme B..., le service vérificateur a pris en compte les sommes encaissées sur ses comptes bancaires professionnels, auquel il a ajouté un montant représentant les paiements en espèces à partir d'un coefficient de 0,64 % évalué par Mme B.... Des charges ont été retenues pour les années 2009 et 2010 sur le fondement d'un ratio constaté à partir d'un document relatant des écritures comptables pour les années 2011 et 2012. Pour ces deux dernières années, le service a pris en compte les charges comptabilisées, à l'exception de celles dont il a estimé qu'elles n'étaient pas fiscalement déductibles du résultat. Bien que limitant ses conclusions en matière d'impôt sur le revenu aux années 2010 et 2011, Mme B... critique l'ensemble des rectifications correspondant aux années 2009 à 2012.

S'agissant de la reconstitution des recettes :

15. En premier lieu, aux termes de l'article 261 du code général des impôts : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : / (...) / 4. (Professions libérales et activités diverses) : / (...) / 4° a. les prestations de services et les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées, effectuées dans le cadre : / (...) / de la formation professionnelle continue, telle qu'elle est définie par les dispositions législatives et réglementaires qui la régissent, assurée soit par des personnes morales de droit public, soit par des personnes de droit privé titulaires d'une attestation délivrée par l'autorité administrative compétente reconnaissant qu'elles remplissent les conditions fixées pour exercer leur activité dans le cadre de la formation professionnelle continue. / Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application de ces dispositions, notamment pour ce qui concerne les conditions de délivrance et de validité de l'attestation (...) ". L'article 202 B de l'annexe II au même code dispose que : " La délivrance de l'attestation entraîne l'exonération de TVA au jour de la réception de la demande. / L'attestation ne vaut que pour les opérations effectuées dans le cadre de la formation professionnelle continue ou des missions dévolues aux organismes paritaires agréés. Elle s'applique obligatoirement à l'ensemble de ces opérations réalisées par le titulaire de l'attestation ". Il résulte de ces dispositions, lues à la lumière de celles de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, que l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient n'est pas subordonnée à l'obligation que les prestations de formation professionnelle continue soient réalisées personnellement par le titulaire de l'attestation, sans recourir à la sous-traitance.

16. Il résulte de l'instruction que Mme B... est titulaire, depuis le 3 février 2010, de l'attestation prévue par les dispositions citées au point 15. Il ressort par ailleurs du contrat de sous-traitance et de la convention conclue avec un client qu'elle verse au dossier en guise d'illustration que, au regard notamment de leurs conditions de réalisation et des relations entre les formateurs et leur public, les prestations de formation professionnelle continue réalisées dans le cadre de son entreprise individuelle, lorsqu'elles ont été sous-traitées, ont été réalisées sous sa responsabilité effective et selon des modalités similaires aux autres formations. C'est, dès lors, à bon droit que l'administration a estimé que l'ensemble de ces prestations, y compris celles qui ont été sous-traitées, étaient exonérées de taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions du 4° du 4 de l'article 261 du code général des impôts et a, en conséquence, pris en compte l'intégralité du chiffre d'affaires réalisé à ce titre, sans soustraire la taxe qu'elle avait appliquée à tort, pour reconstituer son résultat imposable et appliquer le coefficient multiplicateur de 1,25 prévu au 7 de l'article 158 du code général des impôts.

17. En second lieu, aux termes de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales : " En cas de vérification simultanée des taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées, de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, le supplément de taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées afférent à un exercice donné est déduit, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, des résultats du même exercice, sauf demande expresse des contribuables, formulée dans le délai qui leur est imparti pour répondre à la proposition de rectification (...) ". Lorsqu'un contribuable a fait l'objet de redressements en matière d'impôts sur les bénéfices et de taxe sur la valeur ajoutée, ses bases d'imposition à l'impôt sur le revenu peuvent être rehaussées d'un profit sur le Trésor chaque fois que le droit qui lui est ouvert de déduire de ces bases la taxe sur la valeur ajoutée rappelée aboutirait, à défaut de la constatation à due concurrence d'un tel profit, à ce que le contribuable soit imposé à l'impôt sur le revenu sur une assiette plus réduite que celle sur laquelle il aurait été imposé s'il avait acquitté régulièrement la taxe sur la valeur ajoutée.

18. Mme B... ne conteste pas le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des activités autres que celles mentionnées au point 16. Alors même qu'elle aurait pensé réaliser des opérations exonérées de cette taxe ou exclues de son champ, les montants correspondants ont constitué un élément d'actif net imposable. Il s'ensuit que la requérante n'est pas fondée à remettre en cause le profit sur le Trésor en procédant.

S'agissant de la reconstitution des charges :

19. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

20. En premier lieu, en se bornant à produire une " note pour vente occasionnelle " par laquelle un particulier indique avoir cédé à la société C..., pour la somme de 32 000 euros, son site internet destiné à la formation de traders, un extrait de relevé de compte mentionnant un virement bancaire de ce montant, le référencement de ce site sur un moteur de recherche faisant apparaître un lien avec l'entité " D... " et des courriels adressés à " C... " par des clients intéressés par de type de formation, Mme B... n'apporte pas d'éléments suffisants pour établir sa qualité de propriétaire de ce site et que cette charge devrait être regardée comme des frais de publicité répondant à son intérêt direct.

21. En deuxième lieu, aux termes de l'article 154 bis du code général des impôts : " I. - Pour la détermination des bénéfices industriels et commerciaux et des bénéfices des professions non commerciales, sont admises en déduction du bénéfice imposable les cotisations à des régimes obligatoires, de base ou complémentaires, d'allocations familiales, d'assurance vieillesse (...), invalidité, décès, maladie et maternité (...) ". Il résulte par ailleurs des dispositions citées au point 19 que des dépenses de personnel non encore réglées à la clôture d'un exercice ne peuvent être déduites des résultats de cet exercice qu'à la condition que l'entreprise ait pris à l'égard des salariés intéressés des engagements fermes, rendant certaine l'obligation de versement des sommes en cause. En l'espèce, Mme B..., qui se borne à produire un avis amiable de régularisation que l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales lui a adressé le 28 novembre 2013, n'apporte aucun élément permettant de considérer que le versement des cotisations sociales dues au titre des années en litige et acquittées postérieurement constituait une obligation certaine, dans son principe et son montant, à la date de la clôture des exercices correspondants. C'est donc à bon droit que le service, qui a constaté l'absence de comptabilisation de ces charges, en particulier de constitution de provisions, et qui n'a pas fait application d'une interprétation contraire à la loi fiscale, a refusé de les déduire des résultats imposables de chacune des années vérifiées.

22. En troisième lieu, la seule production d'attestations manuscrites établies sur papier libre, relatives à l'acquisition de droits d'auteurs de divers ouvrages, ne permet pas, à défaut notamment de constatation de flux financiers correspondants, de justifier à ce titre la réalité de dépenses de charge courante.

23. En quatrième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 14, l'administration fiscale a admis certaines charges, en particulier un montant de 186 691 euros pour l'année 2011, à partir duquel elle a évalué les charges des années antérieures. Mme B... sollicite la prise en compte de charges supplémentaires, correspondant aux frais de fonctionnement de son entreprise. Toutefois, elle n'apporte aucun justificatif permettant d'établir l'insuffisance des charges admises par le service.

24. En cinquième lieu, en se bornant à se prévaloir de considérations d'ordre général, des données propres à d'autres entreprises du secteur d'activité, des ratios de rentabilité issus de la comptabilité de son entreprise pour les années 2016 et 2017, alors que le ministre relève d'importantes variations des données comptables selon ces exercices, révélant un manque de stabilité des conditions d'exploitation, et à proposer un pourcentage de charges non étayé, Mme B... n'apporte aucun élément permettant de justifier l'insuffisance ou le caractère irréaliste des charges retenues par le service à partir des éléments spécifiques à son exploitation.

25. Dans l'ensemble de ces conditions, l'administration, qui a suffisamment pris en considération les conditions réelles d'exploitation et qui n'était pas tenue de recourir à plusieurs méthodes de reconstitution, doit être regardée comme apportant la preuve du bien-fondé de la reconstitution de la comptabilité de l'entreprise de Mme B....

26. En dernier lieu, Mme B... n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine référencée 4 G-3342 n° 4 du 25 juin 1998, qui ne comporte aucune interprétation différente de celle qui résulte de la loi fiscale dont il a été fait application.

En ce qui concerne les pénalités :

27. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de ce que Mme B... doit être déchargée des pénalités en conséquence du caractère infondé des impositions contestées doit être écarté.

28. En second lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". L'article L. 80 D du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose que : " Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable (...) ".

29. D'une part, il résulte de l'instruction que la proposition de rectification adressée le 14 mars 2013 par l'administration fiscale à Mme B... mentionne les circonstances de droit et de fait ayant conduit à l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue par le a de l'article 1729 du code général des impôts.

30. D'autre part, en relevant que Mme B... ne tenait aucune comptabilité probante, ne déposait pas spontanément ou de façon complète ses déclarations de bénéfices industriels et commerciaux et de taxe sur la valeur ajoutée, déclarait des charges non-déductibles et ne pouvait ignorer que, eu égard aux montants des encaissements réalisés, elle ne relevait ni du régime de franchise de taxe sur la valeur ajoutée pour les prestations d'enseignement scolaire et universitaire et de cours privés qu'elle assurait, ni du régime des micro-bénéfices, l'administration établit, compte tenu de l'importance et du caractère répétitif des minorations relevées, le manquement délibéré de la contribuable. Tel est, en particulier et en tout état de cause, le cas de la déduction de charges correspondant à l'acquisition d'un site internet et de droits d'auteurs, qui doivent être regardés comme ne répondant pas à l'intérêt direct de l'exploitation ou à des dépenses effectivement acquittées, ou à des régularisations de cotisations sociales non réglées à la clôture des exercices en cause. Si Mme B... conteste par ailleurs l'application de la majoration prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts au redressement concernant un crédit de 80 000 euros correspondant à un virement interne de compte à compte, il résulte de ce l'instruction que ce dernier a été abandonné par l'administration fiscale. Dans l'ensemble de ces conditions, le moyen tiré de ce que cette majoration, alors même que Mme B... aurait ignoré les conditions à respecter pour éviter l'application du coefficient multiplicateur de 1,25 prévu au 7 de l'article 158 du code général des impôts, n'est pas fondée doit être écarté.

31. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

32. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2024, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.

Le rapporteur,

N. Lafon

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°22TL22403 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL22403
Date de la décision : 04/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Vérification de comptabilité.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. Barthez
Rapporteur ?: M. Nicolas Lafon
Rapporteur public ?: M. Clen
Avocat(s) : SEREE DE ROCH

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-04;22tl22403 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award