Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La métropole Toulouse Métropole a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler dix-huit titres de perception émis à son encontre le 16 novembre 2018 et le 6 février 2019 par la direction départementale des finances publiques de l'Hérault, pour un montant total de 6 722 412,06 euros, ainsi que la décision du 16 octobre 2019 rejetant la réclamation qu'elle avait présentée contre ces titres, et de la décharger du paiement de cette somme.
Par un jugement n° 1907234, 1907305, 1907306, 1907307, 1907308, 1907309, 1907310, 1907311, 1907312, 1907313, 1907314, 1907315, 1907317, 1907318, 1907319, 1907320, 1907321, 1907322, 1907324 du 21 juillet 2022, le tribunal administratif de Toulouse a annulé les dix-sept titres émis le 6 février 2019 et la décision du 16 octobre 2019 en tant qu'elle rejette la réclamation présentée contre ces titres et rejeté le surplus des conclusions de ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 septembre 2022, et un mémoire complémentaire enregistré le 7 juin 2024, la métropole Toulouse Métropole, représentée par Me Seban, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement, en tant qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions tendant à la décharge du paiement de la somme de 6 669 418,62 euros correspondant au montant total des dix-sept titres émis le 6 février 2019 ;
2°) de la décharger du paiement de la somme de 6 669 418,62 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le litige conserve son objet ;
- le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation, s'agissant de la réponse apportée aux moyens tirés de la prescription d'assiette et de l'absence de bien-fondé des créances ;
- les créances en litige étaient prescrites ;
- les titres de perception initiaux et les titres d'annulation, sur lesquels se fondent les titres contestés, mentionnent de façon insuffisante les bases de la liquidation ;
- les pièces transmises en première instance ne permettent pas de s'assurer du bien-fondé des créances.
La requête a été communiquée le 22 mai 2023 au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, lequel n'a pas produit de mémoire en défense.
Par un mémoire, enregistré le 4 juin 2024, le directeur départemental des finances publiques de l'Hérault conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête.
Il soutient que le litige n'a plus d'objet.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lafon,
- les conclusions de M. Clen, rapporteur public,
- et les observations de Me Cazou pour la métropole Toulouse Métropole.
Considérant ce qui suit :
1. L'Etat, qui recouvre la taxe d'aménagement auprès des dépositaires de permis de construire et qui reverse les recettes correspondantes aux collectivités bénéficiaires, a procédé au remboursement des sommes qui lui ont été indûment versées en raison d'annulations, de modifications ou de transferts d'autorisations d'urbanisme, sans pouvoir les récupérer entre l'année 2013 et le mois de juillet 2018, en raison d'un dysfonctionnement technique. Par un courrier du 15 octobre 2018, le directeur régional des finances publiques d'Occitanie et du département de la Haute-Garonne a informé la métropole Toulouse Métropole qu'elle allait procéder à la récupération des sommes qui lui avaient été indûment reversées au cours de cette période, pour un montant total de 6 669 418,62 euros. La direction départementale des finances publiques de l'Hérault a ensuite émis à son encontre, le 16 novembre 2018 et le 6 février 2019, dix-huit titres de perception pour un montant global de 6 722 412,06 euros. La métropole Toulouse Métropole a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler ces titres de perception, ainsi que la décision du 16 octobre 2019 rejetant la réclamation qu'elle avait présentée contre eux, et de la décharger du paiement de cette somme. Par un jugement du 21 juillet 2022, le tribunal administratif a annulé les dix-sept titres émis le 6 février 2019 et, dans cette mesure, la décision du 16 octobre 2019 et rejeté le surplus de ses demandes. La métropole Toulouse Métropole fait appel de ce jugement, en tant qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions tendant à la décharge du paiement de la somme de 6 669 418,62 euros correspondant au montant total des dix-sept titres émis le 6 février 2019.
Sur l'office du juge :
2. L'annulation d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, l'extinction de la créance litigieuse, à la différence d'une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre.
3. Il en résulte que, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions tendant à l'annulation d'un titre exécutoire, des conclusions à fin de décharge de la somme correspondant à la créance de l'administration, il incombe au juge administratif d'examiner prioritairement les moyens mettant en cause le bien-fondé du titre qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de la décharge.
4. Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens qui seraient de nature à justifier le prononcé de la décharge mais retient un moyen mettant en cause la régularité formelle du titre exécutoire, le juge n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler le titre : statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande de décharge de la somme litigieuse.
5. Si le jugement est susceptible d'appel, le requérant est recevable à relever appel en tant que le jugement n'a pas fait droit à sa demande de décharge. Il appartient alors au juge d'appel, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à cette demande.
Sur l'exception de non-lieu à statuer opposée par le directeur départemental des finances publiques de l'Hérault :
6. La circonstance que le directeur départemental des finances publiques de l'Hérault a, en exécution du jugement du 21 juillet 2022 du tribunal administratif de Toulouse, procédé à l'annulation comptable des titres contestés, par l'émission de titres d'annulation émis en août 2022, et indique " qu'aucun titre de perception n'a été réémis à l'encontre de [la métropole Toulouse Métropole] compte tenu du fait générateur de chacune des créances qui aurait été atteint par la prescription ", ne rend pas sans objet les conclusions en décharge présentées par la requérante. Par suite, l'exception de non-lieu à statuer doit être écartée.
Sur la régularité du jugement :
7. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". La métropole Toulouse Métropole a saisi le tribunal administratif de conclusions tendant non seulement à l'annulation des titres de perception émis à son encontre mais aussi à la décharge des sommes qui lui étaient réclamées. Dans ces conditions, il incombait au tribunal administratif de statuer en examinant prioritairement les moyens contestant le bien-fondé des créances litigieuses. Il ressort des énonciations du jugement du tribunal administratif de Toulouse qu'après avoir fait droit aux conclusions à fin d'annulation des dix-sept titres de perception attaqués par la métropole Toulouse Métropole, le tribunal a rejeté ses conclusions à fin de décharge des sommes correspondantes en jugeant que le motif d'annulation de ces titres de perception, tiré de leur insuffisante motivation, n'impliquait pas nécessairement de prononcer cette décharge. Dès lors que, ce faisant, le tribunal est réputé avoir nécessairement examiné et écarté l'ensemble des moyens, soulevés devant lui, relatifs au bien-fondé de ces titres exécutoires que la requérante invoquait à l'appui de sa demande principale de décharge de ces sommes. Par suite, les premiers juges ont suffisamment motivé le rejet des conclusions à fin de décharge présentées par la métropole Toulouse Métropole et le jugement n'est entaché d'aucune omission à statuer.
Sur le bien-fondé du jugement :
8. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ". L'article 3 de la même loi dispose que : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ".
9. Il résulte de l'instruction, en particulier d'un listing informatique transmis à la métropole le 17 octobre 2018 et d'un tableau détaillé des indus par autorisation d'urbanisme annexé à la décision du 16 octobre 2019, dont les données précises sont confirmées par la production des titres correspondants, que les droits de l'Etat au remboursement par la métropole Toulouse Métropole de la somme totale de 6 669 418,62 euros, réclamée par les titres de perception contestés à raison de reversements indus, ont été acquis au plus tôt en 2015, année de l'émission des titres d'annulation les plus anciens adressés aux personnes bénéficiant des restitutions correspondantes de taxe d'aménagement. Dans ces conditions, la créance détenue par l'Etat sur la métropole Toulouse Métropole n'était pas prescrite le 6 février 2019, date à laquelle la direction départementale des finances publiques de l'Hérault a émis ces titres de perception. Il en résulte que l'exception de prescription quadriennale opposée par la métropole Toulouse Métropole doit être écartée.
10. En deuxième lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. En cas d'erreur de liquidation, l'ordonnateur émet un ordre de recouvrer afin, selon les cas, d'augmenter ou de réduire le montant de la créance liquidée. Il indique les bases de la nouvelle liquidation. Pour les créances faisant l'objet d'une déclaration, une déclaration rectificative, indiquant les bases de la nouvelle liquidation, est souscrite ". L'article 114 du même décret dispose que : " (...) L'ordre de recouvrer mentionné au deuxième alinéa de l'article 24 prend la forme, selon le cas, soit d'un titre de perception en cas d'augmentation du montant de la créance, soit d'un titre d'annulation totale ou partielle en cas de réduction du montant de la créance ".
11. Pour contester le bien-fondé des titres litigieux, la métropole Toulouse Métropole excipe du défaut de base légale des titres de perception initialement émis pour le recouvrement de la taxe d'aménagement et des titres d'annulation adressés ensuite aux mêmes personnes, en soutenant qu'ils mentionnent de façon insuffisante les bases de la liquidation. Toutefois, d'une part, la prétendue illégalité de ces titres de perception, dont ne procèdent pas les titres contestés, n'est pas de nature à priver de base légale la créance que l'Etat prétend détenir sur la métropole Toulouse Métropole. D'autre part, les dispositions citées au point 10 n'imposent pas à la personne publique qui émet un titre d'annulation totale d'indiquer une quelconque base de la liquidation. Ces dispositions, qui visent seulement à mettre le destinataire d'un titre d'annulation partielle à même de discuter les bases de la liquidation de sa dette, n'exigent pas davantage d'expliciter le calcul des sommes qui lui sont remboursées. Il en résulte que le moyen, présenté par voie d'exception, tiré du défaut de motivation des titres de perception initiaux et des titres d'annulation, doit être écarté.
12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 331-26 du code de l'urbanisme, alors en vigueur : " (...) Lorsque la taxe qui fait l'objet d'un titre d'annulation a été acquittée par le redevable en tout ou partie et répartie entre les collectivités territoriales et les établissements publics bénéficiaires, le versement indu fait l'objet d'un remboursement par le comptable et un titre de perception est émis à l'égard des collectivités territoriales ou établissements publics de coopération intercommunale bénéficiaires pour les montants indûment reversés (...) ".
13. Le listing informatique transmis le 17 octobre 2018 identifie, pour chaque trop-perçu de taxe d'aménagement, le numéro de permis de construire, le nom de son bénéficiaire, les références du titre de perception initial, le montant de la taxe remboursée, la clé de répartition par collectivité, ainsi que le montant de l'indu brut et de l'indu net de frais d'assiette perçu par la métropole Toulouse Métropole, repris dans les titres contestés. Le tableau annexé à la décision du 16 octobre 2019 reprend la même présentation en ajoutant la date du titre de perception initial, le montant et la date de mise à disposition des fonds versés par avis de règlement à la métropole Toulouse Métropole par le biais de son comptable public de la trésorerie municipale de Toulouse, ainsi que le numéro, la date et le montant du titre d'annulation. Par ailleurs, la direction départementale des finances publiques de l'Hérault a produit en première instance l'intégralité des titres de perception initiaux et d'annulation correspondants, un tableau récapitulatif des indus intégrant, pour chaque titre, le numéro de l'avis de règlement du versement initial au bénéficiaire de la taxe d'aménagement, le nom des fichiers joints et le numéro du titre de recette, ainsi que les références du titre de perception d'indu émis à l'encontre de la métropole Toulouse Métropole, notamment son numéro et la date d'émission. L'ensemble de ces pièces, qui font un lien pertinent entre les titres d'annulation et les titres litigieux, permet de connaître les éléments de calcul sur lesquels se fondent ces derniers et de justifier leurs montants. En se bornant à soutenir que la quantité des informations ainsi transmises, qui sont pourtant précises, lisibles et concordantes, n'a pas permis à ses services de confirmer les sommes réclamées, que le contenu des avis de règlement produits rend impossible tout recoupement et que l'absence d'identification des décisions de modification ou d'annulation des autorisations d'urbanisme ne permet pas de s'assurer que les titres contestés sont justifiés, l'établissement public requérant n'apporte aucun élément pour remettre en cause le bien-fondé des sommes qui lui sont réclamées par la direction départementale des finances publiques de l'Hérault au titre des reversements d'indus de taxe d'aménagement.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la métropole Toulouse Métropole n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse n'a pas fait droit à sa demande de décharge des dix-sept titres émis le 6 février 2019.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.
D E C I D E :
Article 1er : La requête présentée par la métropole Toulouse Métropole est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la métropole Toulouse Métropole et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publique d'Occitanie et au directeur départemental des finances publiques de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2024, où siégeaient :
- M. Barthez, président,
- M. Lafon, président assesseur,
- Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.
Le rapporteur,
N. Lafon
Le président,
A. Barthez
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°22TL22006 2