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04/07/2024 | FRANCE | N°22TL21876

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 1ère chambre, 04 juillet 2024, 22TL21876


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme B... et C... A... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012, 2013 et 2014.



Par un jugement n° 2002788, 2002789 du 1er juillet 2022, le tribunal administratif de Nîmes a déchargé, en droits et pénalités, M. et Mme A... des cotisations supplément

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... et C... A... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012, 2013 et 2014.

Par un jugement n° 2002788, 2002789 du 1er juillet 2022, le tribunal administratif de Nîmes a déchargé, en droits et pénalités, M. et Mme A... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2013 et 2014 à hauteur de réductions de base de 246,10 euros et de 23,67 euros et a rejeté le surplus de leur demande après l'avoir jointe avec une autre.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 août 2022, et trois mémoires complémentaires enregistrés le 18 avril 2023, le 31 mai 2023 et le 19 juin 2023, M. et Mme A..., représentés par Me Alle et Me Bichard, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement, en tant qu'il a rejeté leur demande ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012, 2013 et 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'administration, qui s'est fondée exclusivement sur les conclusions d'une enquête pénale, a méconnu le principe d'indépendance des procédures fiscale et pénale ;

- elle a dénaturé une vérification de comptabilité en contrôle sur pièces ;

- elle a rejeté l'ensemble des frais comptabilisés par la société H Efficience en estimant à tort qu'ils correspondaient à ceux visés dans l'enquête pénale ;

- elle ne pouvait se contenter de transposer les conclusions de cette enquête, qui porte sur une période différente ;

- les charges que la société a comptabilisées sont justifiées ;

- ils doivent être déchargés des pénalités en conséquence du caractère infondé des rectifications ;

- ces pénalités ne sont pas justifiées, dès lors qu'ils démontrent leur bonne foi.

Par quatre mémoires en défense, enregistrés le 27 janvier 2023, le 11 mai 2023, le 8 juin 2023 et le 21 juin 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que :

- le litige n'a plus d'objet à hauteur du montant du dégrèvement prononcé le 18 janvier 2023 ;

- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 14 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 juin 2023.

Des pièces complémentaires ont été produites par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, le 6 mai 2024, et communiquées au titre des dispositions de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lafon,

- les conclusions de M. Clen, rapporteur public,

- et les observations de Me Alle pour M. et Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. La société H Efficience, qui est spécialisée dans la fourniture de prestations de services multimédia à la personne destinés aux patients d'établissements de santé et aux personnes dépendantes en établissement ou à leur domicile et dont Mme A... est la représentante légale, a fait l'objet d'un contrôle sur pièces portant sur les exercices clos les 31 décembre 2012 et 2013 et d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, à l'issue desquels l'administration fiscale a réintégré dans ses bénéfices imposables des frais de déplacement, d'hôtellerie et de restauration qu'elle a estimés engagés au profit de M. A.... Ces sommes ont été regardées comme distribuées à ce dernier par la société H Efficience et imposées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été ainsi assujettis au titre des années 2012, 2013 et 2014. Par un jugement du 1er juillet 2022, le tribunal les a déchargés, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2013 et 2014 à hauteur de réductions de base de 246,10 euros et de 23,67 euros et rejeté le surplus de leur demande. M. et Mme A... font appel de ce jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de leur demande.

Sur l'étendue du litige :

2. Par décision du 18 janvier 2023, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur départemental des finances publiques du Gard a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, à concurrence de la somme totale de 3 086 euros, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle M. et Mme A... avaient été assujettis au titre de l'année 2014. Les conclusions de la requête relatives à ces impositions sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur le surplus des conclusions en décharge :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

3. En premier lieu, le principe d'indépendance des procédures fiscale et pénale ne s'oppose pas à ce que l'administration fonde des rappels d'imposition sur des éléments recueillis auprès de l'autorité judiciaire. Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration, qui a en l'espèce repris à son compte des indications mentionnées dans un procès-verbal de synthèse d'une procédure d'enquête préliminaire, sans d'ailleurs se fonder exclusivement sur ces conclusions, aurait en l'espèce méconnu ce principe doit être écarté.

4. En second lieu, le moyen tiré de ce que le service a dénaturé une vérification de comptabilité en contrôle sur pièces n'est pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

5. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) / (...) / 5. Sont également déductibles les dépenses suivantes : / a. Les rémunérations directes et indirectes, y compris les remboursements de frais versés aux personnes les mieux rémunérées ; / b. Les frais de voyage et de déplacements exposés par ces personnes ; / c. Les dépenses et charges afférentes aux véhicules et autres biens dont elles peuvent disposer en dehors des locaux professionnels / (...) / Les dépenses ci-dessus énumérées peuvent également être réintégrées dans les bénéfices imposables dans la mesure où elles sont excessives et où la preuve n'a pas été apportée qu'elles ont été engagées dans l'intérêt direct de l'entreprise (...) ". L'article 109 du même code dispose que : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ".

6. Il résulte de l'instruction, notamment d'un procès-verbal de synthèse d'une procédure d'enquête préliminaire établi par le service régional de police judiciaire de Clermont-Ferrand, que des frais de déplacement, d'hôtellerie et de restauration exposés par M. A... dans le cadre de son activité de directeur technique et commercial de la société Delta 2i ont été, entre les mois de janvier 2012 et d'octobre 2014, comptabilisés à l'identique par cette société et la société H Efficience sur la base d'états mensuels que l'intéressé adressait simultanément à ces dernières. Il a été relevé, à ce titre, que M. A... transmettait mensuellement ses états de frais à son épouse, unique salariée de la société H Efficience, dont elle est la présidente. Il a été également constaté que M. A... payait ses dépenses d'hôtel, de restaurant et de train en utilisant la carte bancaire de la société H Efficience et que ces frais lui étaient ensuite remboursés par la société Delta 2i dans le cadre de notes de frais. Par ailleurs, il utilisait un véhicule de la société Delta 2i, qui prenait en charge ses dépenses de carburant, et percevait, de la société H Efficience, des indemnités kilométriques pour les mêmes déplacements. Dans ces conditions, l'administration fiscale a estimé, conformément aux conclusions de l'enquête pénale, que l'intégralité des dépenses inscrites dans les comptes " missions réception ", " frais de déplacement ", " frais restaurant " et " indemnités kilométriques " de la société H Efficience constituaient des frais engagés au profit d'un tiers à l'entreprise. Alors que ces faits étaient corroborés par l'absence de présentation de justificatifs suffisants de ces charges, qui n'ont pas été regardées comme ayant été exposées dans l'intérêt direct de l'entreprise, l'administration a, en conséquence, réintégré les montants correspondants dans les résultats de ses exercices clos les 31 décembre 2012, 2013 et 2014. Ils ont été considérés, en application du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, comme des revenus distribués, imposables entre les mains de M. A....

7. Les requérants affirment que les frais remis en cause par le service comprennent des dépenses engagées par Mme A... dans le cadre de l'activité commerciale de la société H Efficience et que, compte tenu des liens entretenus avec la société Delta 2i, qui exerce l'activité de vente et d'installation de systèmes informatiques appelés " e-medis " dans des établissements de santé, elle démarchait des clients avec M. A.... Toutefois, en se bornant à produire l'agenda dématérialisé de Mme A..., en sa qualité de dirigeante de la société H Efficience, pour la période de janvier 2012 à avril 2014, des listings de frais, des tickets de caisse et factures non nominatifs, des pièces libellées au nom de M. A..., de " A... " ou d'autres personnes, des justificatifs concernant des charges ne relevant pas de celles qui ont été remises en cause par le service et des documents illustrant l'activité économique des sociétés H Efficience et Delta 2i, les requérants, alors d'ailleurs qu'il n'a été procédé à aucune refacturation partielle à la société Delta 2i à raison des frais engagés, n'apportent aucun élément permettant de rattacher les frais remis en cause à l'activité de la société H Efficience et dans son intérêt direct. Il en est de même des factures établies au nom de Mme A..., qui se rapportent à des dépenses ne correspondant à aucun déplacement professionnel avéré. Dans un arrêt définitif du 11 mars 2021, la 6ème chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Nîmes a d'ailleurs condamné pénalement M. et Mme A... au motif que cette dernière avait fait supporter délibérément et pendant trois ans par sa société, pour un montant de 72 615 euros, les frais de déplacement de son époux dans le cadre de ses fonctions de directeur commercial de la société Delta 2i. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant que l'ensemble des frais de déplacement, d'hôtellerie et de restauration inscrits en comptabilité par la société H Efficience et visés dans l'enquête pénale, à l'exception de ceux qui ont été admis par le tribunal administratif de Nîmes, ne correspondent pas à des dépenses engagées dans l'intérêt de cette société. La circonstance que cette enquête concernait des faits commis au cours d'une période, comprise entre les mois de janvier 2012 et d'octobre 2014, qui ne correspond pas exactement à celle des rectifications en litige, qui concerne les années 2012, 2013 et 2014, est, dans ces mêmes conditions et alors d'ailleurs que les montants retenus ne sont pas identiques pour l'année 2014, sans incidence sur leur bien-fondé. C'est, par suite, à bon droit que les avantages correspondants ont été regardés comme constituant des distributions au sens du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, imposables entre les mains de M. A....

En ce qui concerne les pénalités :

8. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de ce que M. et Mme A... doivent être déchargés des pénalités en conséquence du caractère infondé des impositions contestées doit être écarté.

9. En second lieu, d'une part, aux termes du I de l'article 1727 du code général des impôts : " Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard (...) ". Les intérêts de retard qui ont été mis à la charge de M. et Mme A... indépendamment de toute appréciation portée par l'administration fiscale sur leur comportement ne sauraient être utilement contestés par la circonstance qu'ils auraient agi de bonne foi.

10. D'autre part, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". En relevant que M. A... était à l'origine d'une double comptabilisation injustifiée de ses frais professionnels, ainsi que d'une double appréhension de ces frais, que Mme A..., en sa qualité de présidente et unique associée et salariée de la société H Efficience, ne pouvait ignorer ces manquements et que ces derniers avaient un caractère répétitif sur plusieurs exercices consécutifs, l'administration établit la volonté délibérée d'éluder une partie de l'impôt dû. Par suite, le moyen tiré de ce que l'application de la majoration prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts n'est pas justifiée doit être écarté.

11. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté le surplus de leur demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme A... à concurrence du dégrèvement de 3 086 euros prononcé en cours d'instance.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par M. et Mme A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... et C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2024, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.

Le rapporteur,

N. Lafon

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°22TL21876 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21876
Date de la décision : 04/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. - Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. Barthez
Rapporteur ?: M. Nicolas Lafon
Rapporteur public ?: M. Clen
Avocat(s) : SELARL ELLAW;SELARL ELLAW;SELARL ELLAW

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-04;22tl21876 ?
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