Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société en nom collectif Château Abbaye de Cassan, la société civile immobilière Cassan, l'association Confrérie de Cassan Vigne et Olivier et M. D... A... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2015 par lequel le maire de Gabian a délivré un permis de construire à Mme B... C... en vue de l'édification d'une cave de vinification, d'élevage et de stockage de vin d'une surface de plancher de 146,63 m² sur la parcelle cadastrée section B n° 782 et la décision du 16 février 2016 rejetant leur recours gracieux.
Par un jugement n° 1601995 du 10 avril 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes.
Par un arrêt n°19MA02574 du 26 novembre 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement et renvoyé l'affaire au tribunal.
Par un jugement n° 1906439 du 14 octobre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n°21MA04667 puis au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°21TL04667 le 7 décembre 2021 et un mémoire en réplique enregistré le 15 mars 2023, la SNC Château Abbaye de Cassan et la SCI Cassan, représentées par la société civile professionnelle Juris Excell, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2015 par lequel le maire de Gabian a délivré un permis de construire à Mme B... C... en vue de l'édification d'une cave de vinification, d'élevage et de stockage de vin d'une surface de plancher de 146,63 m² sur la parcelle cadastrée section B n° 782 et la décision du 16 février 2016 rejetant leur recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Gabian une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- elles ont intérêt pour agir en leur qualité de voisins immédiats du projet litigieux ;
- le permis de construire attaqué est illégal en tant que le dossier de demande de permis de construire ne comporte pas de document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement en méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme ;
- l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 15 octobre 2015 ne pouvait pas fonder le rejet du recours gracieux des requérants ;
- le projet ne remplit pas les conditions posées à l'article 2 A du règlement du plan local d'urbanisme relatif aux conditions spéciales d'occupation ou d'utilisation des sols en zone agricole dès lors que le lien direct et nécessaire avec l'activité agricole de la construction autorisée par le permis de construire litigieux n'est pas démontré et a un but commercial ;
- le projet ne mentionne aucun raccordement de la cave de vinification aux réseaux d'assainissement et d'eau potable ni aucun dispositif d'élimination des eaux pluviales en méconnaissance de l'article 4 A du règlement du plan local d'urbanisme ;
- le projet méconnaît l'article 11 A du même règlement ainsi que l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;
- le permis de construire attaqué ne saurait valoir autorisation au sens des dispositions de l'article L. 621-31 du code du patrimoine dès lors que le projet se situe dans le périmètre de protection du château de Cassan et de la fontaine d'huile de pétrole et qu'il existe des co-visibilités entre le château et le projet ;
- le projet méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en ce qu'il est situé à proximité immédiate d'une zone rouge soumise à un risque d'inondation.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 janvier 2022 et 21 mars 2023, Mme C..., représentée par la société civile professionnelle Levy Balzarini Sagnes Serre Lefebvre Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge solidaire de la SNC Château Abbaye de Cassan et de la SCI Cassan une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- l'autorité de la chose jugée par les jugements du tribunal administratif de 2011, 2014 et 2015 s'oppose, en l'absence d'éléments de droit et de fait nouveaux, à ce que les moyens tirés de la méconnaissance des articles 2 A, 4 A et 11 A du règlement du plan local d'urbanisme, puissent être retenus ;
- aucun des autres moyens soulevés par les requérantes n'est fondé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2022, la commune de Gabian, représentée par la société civile professionnelle CGCB et Avocats, conclut à ce qu'il soit statué ce que de droit sur la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SNC Château Abbaye de Cassan et de la SCI Cassan une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'elle a délivré le permis de construire en litige en exécution du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 15 octobre 2015.
Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de la SNC Château Abbaye de Cassan et de la SCI Cassan.
Par ordonnance du 16 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 30 mars 2023.
Par courrier du 6 juin 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que le moyen tiré de la nécessité d'un avis conforme de l'architecte des Bâtiments de France en application des dispositions de l'article L. 621-31 du code du patrimoine au regard de la proximité du château Abbaye de Cassan doit être écarté en raison de l'autorité de la chose jugée qui s'attache aux motifs constituant le soutien nécessaire du dispositif du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 15 octobre 2015.
Des observations en réponse à ce moyen d'ordre public, produites par la SNC Château Abbaye de Cassan et la SCI Cassan, représentées par la société civile professionnelle Juris Excell, ont été enregistrées le 7 juin 2024.
Des observations en réponse à ce moyen d'ordre public, produites par Mme C..., représentée par la société civile professionnelle Levy Balzarini Sagnes Serre Lefebvre Avocats, ont été enregistrées le 11 juin 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lasserre, première conseillère,
- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,
- et les observations de Me Hiault Spitzer, représentant la SNC Château Abbaye de Cassan et la SCI Cassan et de Me Crétin, représentant la commune de Gabian.
Considérant ce qui suit :
1. Le 19 septembre 2012, Mme C... a demandé un permis de construire en vue de l'édification d'une cave de vinification, d'élevage et de stockage de vin, sur une parcelle cadastrée section B n° 782 à Gabian (Hérault). Par arrêté du 26 novembre 2012, le maire de Gabian a rejeté sa demande. Par un jugement n° 1205366 du 3 avril 2014 devenu définitif, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cet arrêté et a enjoint au maire de procéder au réexamen de sa demande. Par arrêté du 30 juin 2014, le maire de Gabian a de nouveau refusé de lui délivrer le permis sollicité. Par un jugement n° 1403720 du 15 octobre 2015, devenu définitif, le tribunal administratif de Montpellier a annulé ce second arrêté de refus et a enjoint au maire de délivrer ledit permis de construire. La SNC Château Abbaye de Cassan et d'autres requérants ont demandé au tribunal l'annulation de l'arrêté du 13 novembre 2015 par lequel le maire de Gabian a délivré, en exécution de ce jugement, le permis de construire sollicité par Mme C... et la décision du 16 février 2016 rejetant leur recours gracieux. Le jugement n° 1601995 du 10 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur requête pour défaut d'intérêt à agir a été annulé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille n° 19MA02574 du 26 novembre 2019 qui a renvoyé l'affaire au tribunal afin qu'il y soit statué à nouveau. Par la présente requête, la SNC Château Abbaye de Cassan et la SCI Cassan relèvent appel du jugement n°1906439 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur requête au fond.
Sur les conclusions en annulation :
En ce qui concerne la légalité du permis de construire du 13 novembre 2015 :
S'agissant de la complétude du dossier de demande de permis de construire :
2. Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également : (...) c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; / d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse. ".
3. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
4. Il ressort des pièces du dossier que le dossier de demande de permis de construire comporte trois documents photographiques de l'environnement proche et de l'environnement lointain du projet ainsi qu'un document représentant son insertion dans son environnement. En outre, la notice de présentation signale la présence du château Abbaye de Cassan sur les crètes du site. Dans ces conditions, ces documents ont permis au service instructeur d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et notamment par rapport au château de Cassan alors en outre que ce château figure sur le plan de situation joint au dossier de demande. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de dispositions de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme doit être écarté.
S'agissant de la méconnaissance des dispositions du plan local d'urbanisme de Gabian :
5. D'une part, pour annuler pour excès de pouvoir le refus initial de permis de construire, le tribunal administratif de Montpellier, par son jugement du 3 avril 2014 devenu définitif, s'est notamment fondé sur les motifs tirés de ce que le projet de Mme C..., qui était nécessaire à son activité agricole, ne méconnaissait pas les dispositions de l'article 2 A du règlement du plan local d'urbanisme de Gabian et que ce projet, ne comportant pas d'installation sanitaire, ne nécessitant pas de recueil des eaux pluviales et dont l'évacuation des eaux résiduaires de vinification s'effectue par un regard " dégrilleur UE " et une cuve de stockage des effluents, ne méconnaissait pas non plus les dispositions de l'article 4 A du même règlement. D'autre part, pour annuler pour excès de pouvoir le second refus de permis de construire portant sur la demande initiale du 19 septembre 2012, le tribunal administratif de Montpellier, par son jugement du 15 octobre 2015 devenu définitif, s'est notamment fondé sur les motifs tirés de ce que le projet de Mme C..., qui ne portait pas atteinte aux lieux avoisinants, ne méconnaissait pas les dispositions de l'article 11 A du règlement du plan local d'urbanisme de Gabian et que ce projet ne nécessitait pas l'obtention d'un avis conforme de l'architecte des bâtiments de France sur le fondement des dispositions de l'article L. 621-31 du code du patrimoine dès lors qu'il n'est pas situé dans un périmètre de 500 mètres du château de Cassan protégé au titre des monuments historiques et alors même qu'il existerait des co-visibilités entre le projet et ce château.
6. L'autorité de chose jugée s'attachant au dispositif de ce jugement d'annulation devenu définitif ainsi qu'aux motifs qui en sont le support nécessaire fait obstacle à ce que, en l'absence de modification de la situation de droit ou de fait, le permis de construire sollicité soit à nouveau refusé par l'autorité administrative ou que le permis accordé soit annulé par le juge administratif, pour un motif identique à celui qui a été censuré par le tribunal administratif.
7. En premier lieu, le règlement du plan local d'urbanisme de Gabian rappelle expressément, en sa section I relative à la nature de l'occupation et de l'utilisation des sols, les dispositions alors en vigueur de l'article R. 123-7 du code de l'urbanisme qui prévoient que : " Les constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif et à l'exploitation agricole sont seules autorisées en zone A (...) ". Selon l'article 2 A de ce règlement, sont admis : " 1 - Les habitations sous réserve : a) Qu'elles soient directement nécessaires à l'exploitation agricole ; b) Que l'exploitant apporte la preuve de la nécessité de se loger sur l'exploitation pour les besoins de son activité ; c) Qu'elles ne puissent, après leur construction, être disjointes de l'exploitation ; (...) 2- les bâtiments autres que les habitations sous les mêmes réserves que ci-dessus s'ils permettent exclusivement à l'exploitant d'abriter ses outils de travail et les activités classées, nécessaires à l'exploitation (...) ".
8. Pour vérifier que la construction ou l'installation projetée est nécessaire à l'exploitation agricole, l'autorité administrative compétente doit s'assurer au préalable, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la réalité de l'exploitation agricole, au sens de ces dispositions, laquelle est caractérisée par l'exercice effectif d'une activité agricole d'une consistance suffisante. Par ailleurs, le lien de nécessité, qui doit faire l'objet d'un examen au cas par cas, s'apprécie entre, d'une part, la nature et le fonctionnement des activités de l'exploitation agricole et, d'autre part, la destination de la construction ou de l'installation projetée.
9. Ainsi qu'il a été dit au point 5 du présent arrêt, par son jugement du 3 avril 2014 devenu définitif, le tribunal administratif a annulé le refus de permis de construire opposé à la demande de Mme C... du 19 septembre 2012 au motif notamment de ce que le projet de Mme C..., qui était nécessaire à son activité agricole, ne méconnaissait pas les dispositions de l'article 2 A du règlement du plan local d'urbanisme de Gabian. Par suite, et alors qu'aucun changement de circonstances de droit et de fait n'est intervenu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 2 A du règlement du plan local d'urbanisme de Gabian doit être écarté en raison de l'autorité de la chose jugée qui s'attache aux motifs constituant le soutien nécessaire du dispositif du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 3 avril 2014.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 A du règlement du plan local d'urbanisme de Gabian, relatif à la desserte par les réseaux : " 1 - Eau potable : toute construction doit être alimentée en eau potable et raccordée au réseau public / a) Pour les installations agricoles et l'irrigation, l'usage non sanitaire doit être, en priorité, être alimenté par une autre source que de l'eau potable et le réseau public de distribution. (...) / b) Les autres constructions, logements notamment, doivent être alimentés en eau potable et raccordés au réseau public. Des dérogations sont possibles mais pas à privilégier. Les alimentations par captages, forages pourront et exceptionnellement autorisées selon la réglementions en vigueur (...) / 2 - Assainissement : toute construction ou installation doit évacuer ses eaux usées sur le réseau collectif d'assainissement. Des dérogations sont possibles notamment en fonction de l'aptitude des sols. 3 - Eaux pluviales : tout terrain doit les évacuer directement sur le réseau public séparatif sans stagnation, par un système approprié à la taille et à la nature de l'opération. 4 - Eaux résiduaires : Elles doivent être, si nécessaire, soumises à une pré-épuration appropriée à leur nature et degré de pollution avant rejet dans le réseau public d'assainissement. Des équipements complémentaires peuvent être nécessaires suivant la nature de l'exploitation. ".
11. D'une part, ainsi qu'il a été dit au point 5 du présent arrêt, par son jugement du 3 avril 2014 devenu définitif, le tribunal administratif a annulé le refus de permis de construire opposé à la demande de Mme C... du 19 septembre 2012 au motif notamment de ce que le projet de Mme C..., ne comportant pas d'installation sanitaire, ne nécessitant pas de recueil des eaux pluviales et dont l'évacuation des eaux résiduaires de vinification s'effectue par un regard " dégrilleur UE " et une cuve de stockage des effluents, ne méconnaît pas les dispositions de l'article 4 A du règlement du plan local d'urbanisme de Gabian. Par suite, et alors qu'aucun changement de circonstances de droit et de fait n'est intervenu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions relatives aux réseaux d'assainissement et d'eaux pluviales de l'article 4 A du règlement du plan local d'urbanisme de Gabian doit être écarté en raison de l'autorité de la chose jugée qui s'attache aux motifs constituant le soutien nécessaire du dispositif du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 3 avril 2014.
12. D'autre part, si les sociétés appelantes soutiennent que le projet ne prévoit pas de raccordement au réseau d'eau potable, il ressort des pièces du dossier de demande de permis de construire qu'il n'est pas prévu que l'installation agricole projetée nécessite de recevoir des eaux destinées à la consommation humaine. Quant à l'usage non sanitaire, il est prévu une alimentation par forage. Par suite, le moyen tiré de ce que le permis de construire attaqué méconnaîtrait les dispositions relatives à l'eau potable de l'article 4 A du règlement du plan local d'urbanisme de Gabian doit être écarté.
13. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur à la date du permis de construire attaqué : " Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ". Aux termes de l'article 11 A du règlement du plan local d'urbanisme de Gabian : " Les constructions ne doivent pas par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou leurs aspects extérieurs porter atteinte au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants des paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. Afin d'atteindre ces objectifs, dans la conception du bâtiment proprement dit les projets peuvent, ou bien utiliser les solutions architecturales de base énumérées ci-dessous, ou bien proposer des solutions originales d'architecture contemporaine justifiées par une analyse approfondie du site et du contexte du projet. Solution de base a) matériaux apparents en façade nature : enduit ou matériaux de l'architecture traditionnelle ; couleurs : voir palette de couleurs déposées en mairie (...) ". Les dispositions précitées de l'article 11 A ont le même objet que celles de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme et posent des exigences qui ne sont pas moindre. Dès lors, c'est par rapport aux dispositions du règlement du plan local d'urbanisme que doit être appréciée la légalité du permis de construire en litige.
14. Les sociétés appelantes se prévalent de documents et d'un courrier de la direction régionale des affaires culturelles du 11 avril 2016 qui n'avaient pas été produits dans les instances antérieures rappelées au point 5 du présent arrêt pour soutenir que des éléments nouveaux font apparaître une forte co-visibilité entre le projet de Mme C... et le monument historique constitué par le château de Cassan. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le projet réexaminé par la commune de Gabian à la suite de l'annulation des deux refus ayant fait l'objet d'annulations contentieuses devenues définitives était le même que le projet initial et de tels documents ne sauraient dès lors révéler aucun changement qui aurait affecté la réalité de la situation de fait, tenant notamment à la consistance ou à l'implantation du projet, en l'absence notamment de modification du projet ayant fait l'objet de la demande de permis de construire du 19 septembre 2012. Ainsi, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'un changement dans les circonstances de fait serait intervenu. Par suite, et alors qu'il est constant qu'aucun changement de circonstance de droit n'est intervenu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 11 A doit être écarté en raison de l'autorité de la chose jugée qui s'attache aux motifs constituant le soutien nécessaire du dispositif du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 15 octobre 2015.
S'agissant de l'avis de l'architecte des Bâtiments de France :
15. Aux termes de l'article R. 425-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques (...), le permis de construire (...) tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 621-31 du code du patrimoine dès lors que la décision a fait l'objet de l'accord de l'architecte des Bâtiments de France ". Selon le II de l'article L. 621-30 du code du patrimoine : " La protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, situé dans un périmètre délimité par l'autorité administrative dans les conditions fixées à l'article L. 621-31. (...) / En l'absence de périmètre délimité, la protection au titre des abords s'applique à tout immeuble, bâti ou non bâti, visible du monument historique ou visible en même temps que lui et situé à moins de cinq cents mètres de celui-ci. / La protection au titre des abords s'applique à toute partie non protégée au titre des monuments historiques d'un immeuble partiellement protégé ". En vertu de l'article L. 621-32 du même code : " Les travaux susceptibles de modifier l'aspect extérieur d'un immeuble, bâti ou non bâti, protégé au titre des abords sont soumis à une autorisation préalable. / (...) / Lorsqu'elle porte sur des travaux soumis à formalité au titre du code de l'urbanisme ou au titre du code de l'environnement, l'autorisation prévue au présent article est délivrée dans les conditions et selon les modalités de recours prévues à l'article L. 632-2 du présent code ". Aux termes du I de l'article L. 632-2 de ce code : " Le permis de construire (...) tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 632-1 du présent code si l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord, le cas échéant assorti de prescriptions motivées ".
16. Il résulte de la combinaison des articles L. 621-30, L. 621-32, du I de l'article L. 632-2 du code du patrimoine et de l'article R. 425-1 du code de l'urbanisme que ne peuvent être délivrés qu'avec l'accord de l'architecte des Bâtiments de France les permis de construire portant sur des immeubles situés, en l'absence de périmètre délimité, à moins de cinq cents mètres d'un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques, s'ils sont visibles à l'œil nu de cet édifice ou en même temps que lui depuis un lieu normalement accessible au public, y compris lorsque ce lieu est situé en dehors du périmètre de cinq cents mètres entourant l'édifice en cause. Cette expression doit s'entendre de la distance de 500 mètres entre l'immeuble classé ou inscrit et la construction projetée.
17. D'une part, ainsi qu'il a été dit au point 14 du présent arrêt, les documents dont se prévalent les sociétés appelantes pour établir une forte co-visibilité entre le projet de Mme C... et le monument historique constitué par le château Abbaye de Cassan et pour démontrer que le projet se situerait dans le périmètre des 500 mètres de protection de ce château ne révèlent aucun changement qui aurait affecté la réalité de la situation de fait, tenant notamment à la consistance ou à l'implantation du projet en l'absence notamment de modification du projet ayant fait l'objet de la demande de permis de construire du 19 septembre 2012. Ainsi, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'un changement dans les circonstances de fait serait intervenu. Par suite, et alors qu'il est constant qu'aucun changement de circonstance de droit n'est intervenu, le moyen tiré de la nécessité d'un avis conforme de l'architecte des Bâtiments de France en application des dispositions de l'article L. 621-31 du code du patrimoine au regard de la proximité du château Abbaye de Cassan doit être écarté en raison de l'autorité de la chose jugée qui s'attache aux motifs rappelés au point 5 du présent arrêt constituant le soutien nécessaire du dispositif du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 15 octobre 2015.
18. D'autre part, les sociétés n'apportent aucun élément de nature à établir que le projet de Mme C... se situerait dans le périmètre de protection de la fontaine d'huile de pétrole dite " Font de l'Oli " inscrite au titre des monuments historiques. Par suite, le moyen tiré de la nécessité d'un avis conforme de l'architecte des Bâtiments de France en application des dispositions de l'article L. 621-31 du code du patrimoine au regard de la proximité de cette fontaine doit être écarté.
S'agissant de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme :
19. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue du décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007, alors en vigueur : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".
20. En se bornant à faire valoir que le terrain d'assiette du projet est proche de la zone rouge d'aléa fort d'inondation du plan de prévention des risques de la commune et, qu'en cas de crue importante, les véhicules de secours ne pourront pas y accéder, les sociétés appelantes n'établissent pas que le maire de Gabian aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en délivrant le permis de construire attaqué.
En ce qui concerne la légalité de la décision du 16 février 2016 portant rejet du recours gracieux :
21. Les vices propres dont la décision de rejet du recours gracieux serait entachée ne peuvent être utilement invoqués dès lors que ce recours n'a d'autre objet que d'inviter l'auteur de la décision à reconsidérer sa position. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant rejet de recours gracieux du 16 février 2016, qui oppose l'autorité de la chose jugée par le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 15 octobre 2015, est entachée d'une erreur de droit ne peut qu'être écarté comme inopérant.
22. Il résulte de tout ce qui précède que la SNC Château Abbaye de Cassan et la SCI Cassan ne sont pas fondées à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes.
Sur les frais liés au litige :
23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Gabian, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge solidaire de la SNC Château Abbaye de Cassan et de la SCI Cassan la somme de 1 000 euros à verser à Mme C.... De même, il y a lieu de mettre à la charge de la SNC Château Abbaye de Cassan et de la SCI Cassan la même somme à verser à la commune de Gabian au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SNC Château Abbaye de Cassan et de la SCI Cassan est rejetée.
Article 2 : La SNC Château Abbaye de Cassan et la SCI Cassan verseront solidairement à Mme C... la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La SNC Château Abbaye de Cassan et la SCI Cassan verseront à la commune de Gabian la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société en nom collectif Château Abbaye de Cassan et la société civile immobilière Cassan, à Mme B... C... et à la commune de Gabian.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2024, à laquelle siégeaient :
M. Moutte, président,
M. Jazeron, premier conseiller,
Mme Lasserre, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2024.
La rapporteure,
N. Lasserre
Le président,
J.-F. MoutteLa greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°21TL04667