Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2021 du préfet de l'Hérault portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination.
Par un jugement n° 2201013 du 10 juin 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 décembre 2022 et un mémoire en réplique enregistré le 20 avril 2023, M. B... C..., représenté par Me Ruffel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2021 du préfet de l'Hérault ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour, ou, subsidiairement, d'ordonner le réexamen de sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le tribunal n'a pas statué sur le moyen tiré du défaut d'examen sérieux des liens personnels et familiaux qu'il a établis en France au regard de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur le bien-fondé du jugement :
- la décision contestée est entachée d'un défaut d'examen sérieux des liens personnels et familiaux qu'il a établis en France, au regard de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision contestée est entachée d'un défaut d'examen sérieux du motif de sa situation professionnelle, au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision contestée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, faute de saisine de la commission du titre de séjour en méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa participation à l'entretien et à l'éducation de sa fille, de nationalité française, et méconnaît les dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire, enregistré le 4 avril 2023, le préfet de l'Hérault, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 4 avril 2023, la clôture d'instruction a été reportée et fixée en dernier lieu au 20 avril 2023.
M. B... C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Haïli, président-assesseur ;
- et les observations de Me Ruffel, représentant M. B... C....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C..., ressortissant centrafricain né le 29 décembre 1981 à Bangui, qui déclare être entré sur le territoire français en 2009, a fait l'objet d'un arrêté du 17 novembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours. L'intéressé fait appel du jugement du 10 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du formulaire de demande de titre de séjour, que l'appelant a présenté sa demande notamment sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, en s'abstenant de répondre expressément au moyen invoqué devant eux et tiré du défaut d'examen sérieux par l'autorité préfectorale des liens personnels et familiaux que le requérant a établi en France, au regard de l'article L. 423-23, qui n'était pas inopérant et qu'ils ont d'ailleurs visés, les premiers juges ont entaché leur décision d'irrégularité. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il statue sur les conclusions à fin d'annulation de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour.
3. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement sur ces conclusions aux fins d'annulation du refus de titre de séjour par la voie de l'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de la requête du requérant.
Sur le fond du litige :
En ce qui concerne la décision de refus du titre de séjour :
4. Il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté attaqué, ni des autres pièces du dossier, que le préfet de l'Hérault n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation personnelle de l'intéressé avant de prononcer la décision contestée au regard des dispositions de l'article L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... C..., qui déclare être entré sur le territoire français en 2009 et soutient résider habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué, s'est vu délivrer, à compter du 18 novembre 2014, une carte de séjour temporaire en qualité de parent d'enfant français qui a été régulièrement renouvelée jusqu'au 3 avril 2017. Il a ensuite obtenu une carte de séjour en cette même qualité, valable du 4 avril 2017 au 3 avril 2019, dont il a sollicité le renouvellement. Par un arrêté du 28 novembre 2019, le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de renouvellement, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. Par un jugement n° 200354 du 25 mai 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et ce jugement a été confirmé par un arrêt n° 20MA04000 du 18 mai 2021 de la cour administrative d'appel de Marseille. Il ressort des pièces du dossier que si M. B... C... est titulaire d'un visa de régularisation en date du 23 octobre 2014 et d'un contrat de bail depuis le 1er août 2019, les éléments produits, à savoir un avis d'imposition sur le revenu de 2010 et deux attestations d'assurance maladie datant de 2009 et 2010, sont insuffisants pour établir sa résidence habituelle en France au titre des années 2011 à 2013, de sorte que M. B... C... n'établit pas s'être maintenu de façon continue sur le territoire français pendant plus de dix ans à la date de l'arrêté en litige. Dès lors, le préfet de l'Hérault n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure en l'absence de saisine de cette commission doit être écarté.
6. Par ailleurs, M. B... C... fait valoir que le préfet ne pouvait lui opposer l'absence d'un visa long séjour dans le cadre de l'examen de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour. Toutefois, il ressort des termes de l'arrêté attaqué que le préfet n'a pas fondé son refus d'admission exceptionnelle au séjour sur l'absence de production d'un visa de long séjour par le requérant. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
7. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". L'article 371-2 du code civil dispose que : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. (...) ".
8. Il est constant que M. B... C... est père d'une enfant de nationalité française, née le 8 septembre 2013 à Montpellier (Hérault) de sa relation avec Mme A... et qu'il s'est vu délivrer des titres de séjour en qualité de parent d'un enfant français au cours de la période du 18 novembre 2014 au 3 avril 2019. Cependant, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment par la production de tickets de caisse, datés de 2017 à 2021, des récépissés de transfert d'argent pour les années 2017 et 2018 et des photographies établissant qu'il a eu des contacts ponctuels avec sa fille par téléphone entre 2017 et 2021, que le requérant contribuerait effectivement à l'entretien et à l'éducation de sa fille depuis au moins deux ans à la date de la décision attaquée. Au demeurant, dans son jugement du 26 avril 2022, le juge des affaires familiales du tribunal judiciaire de Strasbourg, qui a confié à Mme A... l'exercice exclusif de l'autorité parentale à l'égard de l'enfant mineur, a relevé que l'intéressé n'investit pas réellement sa fonction parentale, n'a quasiment jamais vu sa fille depuis sa naissance et n'a pas fait de réels efforts pour le faire et que l'absence d'implication réelle du père ne permet pas d'organiser judiciairement l'exercice de son droit de visite. Par conséquent, en l'absence d'éléments justificatifs suffisants, M. B... C... ne démontre pas qu'il contribuait effectivement à l'entretien et à l'éducation de celle-ci depuis au moins deux ans à la date de la décision de refus en litige. Par suite et dans ces conditions, le préfet de l'Hérault n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2° - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".
10. M. B... C... ne démontre pas par les pièces qu'il produit la réalité des liens affectifs l'unissant à son enfant de nationalité française, laquelle est domiciliée chez sa mère dont l'intéressé est séparé depuis plusieurs années. Ainsi qu'il a été dit précédemment, il n'établit pas contribuer de manière effective à l'éducation et à l'entretien de sa fille. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé, qui est célibataire et ne justifie pas d'une intégration sociale et professionnelle particulière en France, serait totalement dépourvu d'attaches dans son pays d'origine dans lequel il a vécu la majeure partie de sa vie. Il ressort enfin des pièces du dossier que M. B... C... s'est vu opposer un refus à sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 17 septembre 2009, confirmée ensuite par la Cour nationale du droit d'asile le 24 novembre 2010, et a déjà fait l'objet d'un refus de séjour avec obligation de quitter le territoire français par un arrêté du 28 novembre 2019 confirmé par un jugement du tribunal administratif de Montpellier n°2000354 du 25 mai 2020 et par un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille n°20MA04000 du 18 mai 2021. Dès lors, dans ces circonstances, le refus opposé à la demande de titre de séjour de M. B... C... n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B... C... au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, les moyens tirés de la violation des stipulations et dispositions citées au point précédent ne peuvent qu'être écartés.
11. Il résulte de ce qui précède que M. B... C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté en litige portant refus de séjour.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
12. En l'absence de moyen articulé à leur appui, les conclusions de M. B... C... aux fins d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ne peuvent être que rejetées. Il s'ensuit que l'appelant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de la mesure d'éloignement prononcée à son encontre.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par le requérant à l'encontre de l'arrêté du préfet de l'Hérault en litige n'implique aucune mesure d'exécution au sens des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque sur ces fondements.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n°2201013 du 10 juin 2022 du tribunal administratif de Montpellier est annulé en tant qu'il rejette les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 17 novembre 2021 du préfet de l'Hérault portant refus de séjour
Article 2 : La demande de M. B... C... présentée devant le tribunal administratif en tant qu'elle concerne la décision de refus de titre de séjour et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... C..., à Me Ruffel et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 30 mai 2024, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juin 2024.
Le rapporteur,
X. Haïli
Le président,
D. Chabert
La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22TL22492