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23/05/2024 | FRANCE | N°22TL21284

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 23 mai 2024, 22TL21284


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'ordre de mutation le concernant en date du 11 juillet 2018, ainsi que la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur son recours préalable reçu le 29 août 2018 devant la commission des recours des militaires et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Par un jugemen

t n°2000143 du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande qu'il a rega...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'ordre de mutation le concernant en date du 11 juillet 2018, ainsi que la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l'intérieur sur son recours préalable reçu le 29 août 2018 devant la commission des recours des militaires et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°2000143 du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande qu'il a regardée comme dirigée contre la décision du 20 août 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours administratif préalable obligatoire.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 juin 2022, et un mémoire en réplique, enregistré le 19 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Pilone, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 avril 2022 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler la décision du 20 août 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours administratif préalable obligatoire dirigé à l'encontre de l'ordre de mutation le concernant ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement contesté est infondé ; les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation et une dénaturation des pièces qui leur étaient soumises en estimant non établie l'existence d'une sanction disciplinaire déguisée ; le jugement est entaché d'erreur de droit et d'appréciation en ce qu'il considère que le poste d'opérateur de quart sur lequel il a été muté correspond à son niveau de qualification et à son grade ;

- la sanction déguisée dont il a fait l'objet a été prise sans qu'il ait été mis à même de bénéficier d'une procédure contradictoire et des garanties de la procédure disciplinaire prévues à l'article R. 4137-15 du code de la défense ;

- cette sanction est entachée d'un défaut ou d'une insuffisante motivation au regard des dispositions de l'article R. 4137-16 du même code ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation quant au choix du lieu de mutation et quant au choix du poste.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 août 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête de M. B....

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 19 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- le décret n° 2008-952 du 12 septembre 2008 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Me Bourqueney substituant Me Pilone, représentant M. B....

Une note en délibéré présentée pour M. B... a été enregistrée le 8 mai 2024 et n'a pas été communiquée.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., adjudant-chef de la gendarmerie nationale exerçant les fonctions d'adjoint au chef du groupe d'observation et de surveillance de Montpellier, a fait l'objet, le 11 juillet 2018, d'un ordre de mutation, dans l'intérêt du service, sur un poste d'opérateur de quart au centre d'opérations et de renseignement de la gendarmerie de Nîmes, cette mutation prenant effet au 1er septembre 2018. Le recours administratif préalable obligatoire formé par l'intéressé contre cet ordre de mutation a été rejeté par une décision du ministre de l'intérieur du 20 août 2019. Par un jugement n°2000143 du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Nîmes, après avoir regardé les conclusions à fin d'annulation de sa requête comme dirigées contre la décision ministérielle du 20 août 2019, a rejeté la demande de M. B.... Ce dernier relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 1er du décret du 12 septembre 2008 portant statut particulier du corps des sous-officiers de gendarmerie : " Les sous-officiers de gendarmerie participent, sous le commandement des officiers, à la constitution et à l'encadrement des formations de gendarmerie./ Ils peuvent occuper des emplois de commandement ou de haute qualification dans une spécialité déterminée./ Ils exercent en outre les attributions et assument les responsabilités que les lois et règlements leur confèrent dans les domaines de la police judiciaire et de la police administrative. (...) ".

3. Une mutation d'office revêt le caractère d'une mesure disciplinaire déguisée lorsque, tout à la fois, il en résulte une dégradation de la situation professionnelle de l'agent concerné et que la nature des faits qui ont justifié la mesure et l'intention poursuivie par l'administration révèlent une volonté de sanctionner cet agent.

4. Il ressort des pièces du dossier, incluant le rapport de l'enquête administrative menée du 13 novembre 2017 au 15 janvier 2018, que M. B... a participé à la mise en place d'une " caisse occulte " reposant sur des fonds détournés de leur but. Il est notamment apparu que lors d'une mission du 4 au 5 juillet 2017, les militaires concernés ont demandé l'indemnisation de leurs repas alors que le relevé de leur connexion informatique indiquait qu'ils se trouvaient dans leur bureau. M. B... a été informé, le 5 juin 2018, qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mutation dans l'intérêt du service pour des motifs tenant à sa personne et qu'il lui était possible de prendre connaissance de son dossier individuel. M. B... a établi, le 19 juin 2018, une fiche de vœux comprenant des postes situés à Montpellier. Par la décision en litige, son recours administratif dirigé contre la décision de le muter à compter du 1er septembre 2018 à Nîmes a été rejeté.

5. M. B... persiste à soutenir en appel que la décision attaquée révèle une volonté de le sanctionner. Il est exact que le rapport établi le 19 janvier 2018 à la suite de l'enquête administrative indique notamment que le requérant " mérite d'être sanctionné pour ses manquements dans l'affaire considérée " et propose des mesures de sanction disciplinaire à l'égard de plusieurs militaires, dont le requérant. Toutefois, ce même rapport préconise également la mutation du chef de groupe, de son adjoint, M. B... et d'un autre militaire, dans l'intérêt du service. Il ressort également des pièces du dossier, notamment du rapport établi le 22 mai 2018, que les agissements de M. B... ont occasionné, outre la perte de confiance de ses supérieurs hiérarchiques et d'une partie de ses subordonnés, un climat délétère, des tensions et une déstabilisation du groupe, de nature à compromettre durablement le fonctionnement de l'unité et sa capacité opérationnelle. Dans ces circonstances, la décision de muter l'intéressé dans l'intérêt du service, indépendamment de l'engagement d'une éventuelle procédure disciplinaire, ne révèle pas, par elle-même, une sanction disciplinaire déguisée. Si M. B... entend également se prévaloir en appel du témoignage d'un ancien officier supérieur en poste à la gendarmerie de Montpellier, qui indique que l'intéressé subit des décisions et sanctions disproportionnées et qui décèle, dans le rapport d'enquête, une position de principe et personnelle de son auteur, cet élément ne suffit pas, par lui-même, à remettre en cause les conclusions dudit rapport d'enquête et n'est pas de nature à établir que la mutation d'office dont a fait l'objet M. B... aurait le caractère d'une sanction. La circonstance qu'aucune procédure disciplinaire n'a été, en définitive, engagée à l'encontre de M. B... ne révèle pas davantage une volonté de l'auteur de la mesure de mutation d'office de sanctionner l'agent sans respecter la procédure disciplinaire requise. De même, la circonstance que certains postes situés à Montpellier et souhaités par M. B... ne lui aient pas été proposés, alors même qu'ils auraient été vacants, ne révèle pas, par elle-même, une quelconque intention de lui nuire et de le sanctionner, l'autorité hiérarchique pouvant prendre en considération l'adéquation des agents aux profils des postes proposés dans le cadre de leur attribution. M. B..., qui invoque une rupture d'égalité de traitement ne peut, par ailleurs, utilement se prévaloir du fait que son chef d'unité a été muté dans l'intérêt du service sur un poste correspondant au premier choix de sa fiche de vœux, les intéressés ne se trouvant pas dans la même situation. Ce fait n'est également pas de nature à établir, en lui-même, une volonté de sanctionner le requérant.

6. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'établit pas que la mutation d'office dont il a fait l'objet n'aurait pas été prise dans l'intérêt du service. Eu égard à ce qui a été indiqué au point précédent et en l'absence de toute démonstration d'une intention de son autorité hiérarchique de le sanctionner, le requérant n'établit pas davantage que cette décision serait constitutive d'une sanction déguisée, quand bien même cette mesure aurait entraîné son affectation sur un poste d'opérateur de quart ne correspondant pas exactement à son grade. Par voie de conséquence et eu égard à l'absence de sanction, les moyens tirés de ce que la sanction déguisée serait intervenue en méconnaissance des dispositions règlementaires applicables aux militaires en matière disciplinaire, au regard des articles R. 4137-15 et R. 4137-16 du code de la défense et de ce qu'elle serait entachée d'erreur d'appréciation quant au choix du lieu de mutation et quant au choix du poste, doivent être écartés comme inopérants.

7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2024.

Le rapporteur,

T. Teulière

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°22TL21284


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21284
Date de la décision : 23/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-01-02 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Affectation et mutation. - Mutation.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: M. Thierry Teulière
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : PILONE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2024-05-23;22tl21284 ?
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