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07/05/2024 | FRANCE | N°22TL20787

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 07 mai 2024, 22TL20787


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. H... G... et Mme J... G..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leur fille, Mme D... G... et de leur fils, M. A... G..., ainsi que MM. B..., F... et C... E..., ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier universitaire de Toulouse à verser à M. H... G... et Mme J... G..., en leur qualité de représentants légaux de leur fille, Mme D... G..., la somme globale de 18 424 616,04 euros en réparation des pr

judices subis par cette dernière du fait de son handicap non décelé avant sa naissan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... G... et Mme J... G..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leur fille, Mme D... G... et de leur fils, M. A... G..., ainsi que MM. B..., F... et C... E..., ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier universitaire de Toulouse à verser à M. H... G... et Mme J... G..., en leur qualité de représentants légaux de leur fille, Mme D... G..., la somme globale de 18 424 616,04 euros en réparation des préjudices subis par cette dernière du fait de son handicap non décelé avant sa naissance, de condamner le centre hospitalier universitaire de Toulouse à verser à M. H... G... et à Mme J... G..., chacun, la somme de 60 000 euros en réparation de leurs préjudices moraux résultant du handicap dont est atteinte leur fille, de condamner le centre hospitalier universitaire de Toulouse à verser à M. H... G... et Mme J... G..., en leur qualité de représentants légaux de leur fils mineur, M. A... G..., la somme de 25 000 euros en réparation de son préjudice moral résultant du handicap dont est atteinte sa sœur, de condamner le centre hospitalier universitaire de Toulouse à verser à M. F... E..., à M. C... E... et à M. B... E..., chacun, la somme de 25 000 euros en réparation de leurs préjudices moraux résultant du handicap dont est atteinte leur sœur et de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Toulouse la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°1904324 du 13 janvier 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes ainsi que les conclusions de la caisse nationale militaire de sécurité sociale.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 mars 2022, un mémoire et un dépôt de pièces, enregistrés le 17 novembre 2023, qui n'ont pas été communiqués, M. H... G... et Mme J... G..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leur fille Mme D... G..., M. A... G..., ainsi que MM. B..., F... et C... E..., représentés par Me Arheix, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'infirmer le jugement du 13 janvier 2022 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) à titre principal, de condamner le centre hospitalier universitaire de Toulouse à verser à M. H... G... et Mme J... G..., en leur qualité de représentants légaux de leur fille, Mme D... G..., la somme globale de 25 587 389,29 euros, en réparation des préjudices subis par cette dernière assortie des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir et de leur capitalisation ; de condamner le centre hospitalier universitaire de Toulouse à verser à M. H... G... et Mme J... G... une somme de 263 273,59 euros au titre de leurs frais divers et dépenses de santé ; de condamner le centre hospitalier universitaire de Toulouse à verser à M. H... G... et Mme J... G... une somme de 35 000 euros au titre de l'aménagement du véhicule adapté ; de condamner le centre hospitalier universitaire de Toulouse à verser à M. H... G... une somme de 276 863,93 euros au titre de l'assistance par tierce personne apportée à sa fille ; de condamner le centre hospitalier universitaire de Toulouse à verser à Mme J... G... une somme de 8 582 784,06 euros au titre de la perte de gains professionnels et de l'assistance par tierce personne apportée à sa fille ; de condamner le centre hospitalier universitaire de Toulouse à verser à M. H... G... une somme de 60 000 euros au titre de son préjudice d'affection ; de condamner le centre hospitalier universitaire de Toulouse à verser à Mme J... G... une somme de 60 000 euros au titre de son préjudice d'affection ; de condamner le centre hospitalier universitaire de Toulouse à verser à M. B... E... une somme de 25 000 euros au titre de son préjudice d'affection ; de condamner le centre hospitalier universitaire de Toulouse à verser à M. F... E... une somme de 25 000 euros au titre de son préjudice d'affection ; de condamner le centre hospitalier universitaire de Toulouse à verser à M. C... E... une somme de 40 000 euros au titre de son préjudice d'affection ; de condamner le centre hospitalier universitaire de Toulouse à verser à M. A... G... une somme de 35 000 euros au titre de son préjudice d'affection ; de condamner le centre hospitalier universitaire de Toulouse à verser à M. H... G... une somme de 150 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence ; de condamner le centre hospitalier universitaire de Toulouse à verser à Mme J... G... une somme de 400 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner le centre hospitalier universitaire de Toulouse à réparer les préjudices subis par Mme D... G... et ses proches, à partir de la liquidation telle que mentionnée au 2°) et à concurrence de 74,07 % ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, d'ordonner une contre-expertise et de surseoir à statuer, en réservant les droits des appelants ;

5°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Toulouse, les dépens et les sommes de 10 000 euros à verser à M. H... G... et Mme J... G..., en qualité de représentants légaux de leur fille, de 1 500 euros à verser à M. H... G... et Mme J... G..., de 1 500 euros chacun à verser à MM. A... G..., B..., F... et C... E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les médecins du centre hospitalier universitaire de Toulouse qui ont suivi Mme G... alors qu'elle était enceinte de sa fille D... ont commis deux fautes de nature à engager la responsabilité de l'établissement consistant en une erreur de diagnostic prénatal et en un défaut d'information ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en retenant l'applicabilité au litige de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles ;

- les praticiens hospitaliers n'ont pas posé le bon diagnostic et ont cessé les investigations alors que des éléments laissaient apparaître un kyste arachnoïdien particulièrement suspect ; aucune investigation n'a été pratiquée sur le petit kyste suspecté à la suite de l'échographie du 24 février 1998 et sur la seconde anomalie détectée par l'imagerie par résonance magnétique, une ventriculomégalie asymétrique irrégulière prédominant à droite et les praticiens n'ont pas informé les époux G... de celle-ci ; l'erreur porte sur l'analyse des symptômes observés, la mise en œuvre de moyens d'investigation insuffisants, l'absence de recueil de l'avis éclairé d'autres médecins et le suivi des examens et investigations pratiqués ;

- le jugement doit être réformé en ce qu'il a considéré que l'expertise donnait suffisamment de garanties d'impartialité pour que ses conclusions puissent être prises en compte ;

- les imageries par résonance magnétique (IRM) étaient en 1998 des examens maîtrisés et les médecins disposaient d'études rétrospectives, dont les statistiques attachées démontrent que la découverte d'anomalies de giration était possible ;

- le handicap D... pouvant être connu, la perte de chance qu'elle a subie est totale ; subsidiairement, cette perte de chance doit être fixée à 74,07 % ;

- s'agissant des préjudices D... G..., doivent être retenus un préjudice scolaire, universitaire et de formation fixé à 107 000 euros, un préjudice évalué à 617 826,86 euros au titre de ses dépenses de santé futures, un préjudice évalué à 1 954 618,46 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs ; ses besoins d'assistance par tierce personne seront fixés à 20 061 288,58 euros et l'incidence professionnelle à 300 000 euros ; les frais de logement adapté s'établissent à 417 125,86 euros, ceux de véhicule adapté à 179 684,08 euros ; les frais divers futurs peuvent être fixés à 399 495,45 euros ; son déficit fonctionnel temporaire peut être estimé à 197 100 euros, les souffrances endurées à 100 000 euros et le préjudice esthétique temporaire à 80 000 euros ; son déficit fonctionnel permanent peut être fixé à 698 250 euros, son préjudice d'agrément à 80 000 euros, son préjudice esthétique permanent à 100 000 euros, son préjudice sexuel à 100 000 euros et son préjudice d'établissement à 150 000 euros ;

- s'agissant des préjudices des proches, M. et Mme G... sont fondés à solliciter un montant de 263 273,59 euros au titre des frais divers et des dépenses de santé supportées, un montant de 35 000 euros au tire des frais d'aménagement de véhicules ; M. G... est fondé à solliciter une somme de 276 863,93 euros, au titre de l'aide humaine apportée à sa fille ; Mme G... est fondée à demander une somme de 8 582 784,06 euros au titre de la perte de gains professionnels et de l'aide humaine apportée à sa fille ; les préjudices d'affection devront être également réparés ainsi que les troubles dans les conditions d'existence subis par M. et Mme G....

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2022, le centre hospitalier universitaire de Toulouse représenté par la SELARL Montazeau et Cara, agissant par Me Cara, conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement entrepris, à titre subsidiaire, au rejet de l'ensemble des demandes des consorts G... et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit quant au régime juridique applicable ;

- sa responsabilité ne saurait être engagée, en l'absence de faute médicale concernant tant le diagnostic prénatal que son devoir d'information ;

- la demande de contre-expertise ne saurait être accueillie et le rapport d'expertise ne pourra qu'être homologué ;

- à titre subsidiaire, le jugement serait confirmé par substitution de fondement, en l'absence de fautes.

Par un mémoire enregistré le 19 avril 2023, la caisse nationale militaire de sécurité sociale, représentée par Me Vergeloni, demande à la cour, dans l'hypothèse où la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Toulouse serait retenue, d'annuler le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté ses demandes et de condamner cet établissement public à lui verser une somme de 779 972,37 euros au titre des débours définitifs exposés pour le compte de son assuré, assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2020 et de leur capitalisation et de mettre à sa charge une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les débours définitifs qu'elle a engagés pour le compte de son assuré s'élèvent à la somme 779 972,37 euros.

Par une ordonnance du 25 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 17 novembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de déontologie médicale ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- les observations de Me Arheix, représentant les consorts K... et les observations de Me Buscail, représentant le centre hospitalier universitaire de Toulouse.

Considérant ce qui suit :

1. Le 6 avril 1998, Mme J... G..., alors âgée de 35 ans, a donné naissance à sa fille, D..., au terme de 39 semaines d'aménorrhée. D... G... est atteinte du syndrome d'Aicardi, pathologie neurologique rare la privant d'autonomie et étant notamment responsable de crises d'épilepsie quotidiennes. Le 10 mars 2011, à l'occasion d'une consultation chez un médecin neurologue dans le cadre du suivi annuel de l'état de santé de sa fille, Mme G... a découvert un compte-rendu d'examen radiologique du 16 mars 2001 faisant état d'une " IRM anténatale très douteuse ". Elle a alors demandé la communication du compte-rendu de cet examen pratiqué le 24 février 1998. Les époux G... ont parallèlement engagé une procédure en référé expertise auprès du tribunal de grande instance de Toulouse. Par une ordonnance du 19 juin 2012, ce tribunal a ordonné une expertise judiciaire aux fins de déterminer si une erreur de diagnostic avait été commise lors dudit examen au regard des données acquises de la science en 1998. Le rapport d'expertise a été déposé le 21 février 2013. Les consorts G..., après avoir vainement recherché l'engagement de la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Toulouse devant le juge judiciaire et persistant à estimer qu'il avait commis des fautes à l'occasion de la prise en charge de Mme G... au cours du mois de février 1998, ont présenté, par une lettre du 19 mars 2019, une demande indemnitaire préalable tendant à la réparation de leurs préjudices, qui a été implicitement rejetée par cet établissement. Par un jugement n°1904324 du 13 janvier 2022, dont les consorts K... relèvent appel, le tribunal administratif de Toulouse a notamment rejeté leurs demandes à fin d'indemnisation.

Sur la régularité du jugement :

2. Les requérants, qui soutiennent que l'un des experts désignés par le tribunal de grande instance de Toulouse avait une connaissance préalable du dossier médical D... G... et qu'il avait omis de déclarer un lien d'intérêt avec l'un des praticiens mis en cause, contestent la régularité de cette expertise, et par conséquent, doivent être regardés comme contestant la régularité du jugement attaqué en ce qu'il aurait considéré que le rapport du collège d'experts offrait suffisamment de garanties d'impartialité. Cependant, il résulte de l'instruction qu'à la différence du tribunal judiciaire de Toulouse, le tribunal administratif de Toulouse n'a pas été saisi d'un moyen relatif au défaut d'impartialité de cet expert et n'a, en conséquence, pas eu à se prononcer sur la régularité de l'expertise à cet égard. Par suite, le jugement n'est pas entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 162-16 du code de la santé publique, alors applicable : " Le diagnostic prénatal s'entend des pratiques médicales ayant pour but de détecter in utero chez l'embryon ou le foetus une affection d'une particulière gravité. (...) ". Aux termes de l'article 33 du code de déontologie médicale, alors applicable : " Le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s'aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s'il y a lieu, de concours appropriés. ". Selon l'article 35 alors applicable de ce même code : " Le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille, une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension. /(...) ".

4. Il résulte de l'instruction que, le 16 février 1998, à l'occasion de l'échographie du troisième trimestre de l'enfant à naître de Mme G..., a été retrouvée au niveau du cerveau du fœtus une formation kystique en bi-sac, qui semblait exercer une petite compression sur la corne frontale droite. Du fait de cette possible compression, un des médecins de la clinique de l'Union en charge du suivi de cette grossesse a demandé l'avis d'un radiologue référent au centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal du centre hospitalier universitaire de Toulouse. Une deuxième échographie et un examen d'imagerie par résonance magnétique (IRM) ont alors été effectués respectivement par deux médecins, l'un gynécologue, l'autre radiologue, au centre hospitalier universitaire de Toulouse le 24 février 1998. Ces examens ont confirmé la présence d'un kyste arachnoïdien non compressif et révélé l'éventuelle présence d'un second kyste plus petit et non compressif ainsi que d'une ventriculomégalie asymétrique irrégulière prédominant à droite. Concluant à l'existence d'un kyste arachnoïdien de la citerne quadrijumelle, le médecin radiologue a préconisé, dans son compte-rendu d'examen, la réalisation d'un bilan post natal. Pour le reste, elle a indiqué que " le corps calleux est visualisé " et que " la giration est normale pour l'âge " du fœtus. Du fait de la présence du kyste arachnoïdien, le médecin en charge du suivi de la grossesse de Mme G... à la clinique de l'Union a décidé de déclencher l'accouchement le 6 avril 1998. Une échographie transfontanellaire a permis de retrouver, dès le lendemain, le kyste arachnoïdien mais les autres examens effectués à la naissance ont confirmé un développement normal et ce n'est qu'à partir du 1er juillet 1998 qu'a été révélée une anomalie de giration à l'origine des graves séquelles dont Mme D... G... demeure atteinte.

5. Les consorts K... persistent en appel à soutenir que les praticiens hospitaliers ayant réalisé les examens le 24 février 1998 ont commis une erreur de diagnostic fautive en ne posant pas le bon diagnostic, en cessant les investigations sur le premier kyste arachnoïdien particulièrement suspect et en ne menant aucune recherche sur le second et la ventriculomégalie, qui désignerait en fait, selon eux, l'anomalie de giration droite, véritable cause du handicap de leur fille.

6. Les requérants contestent en premier lieu la validité de l'expertise ordonnée par le tribunal de grande instance de Toulouse en mettant en doute l'impartialité du professeur I..., l'un des experts désignés, au motif qu'il a réalisé en 2001 l'IRM fœtale du dernier né de la fratrie. Il n'est toutefois pas établi qu'il aurait à cet occasion nécessairement examiné l'IRM anténatale D.... S'ils soutiennent que cet expert a également eu une activité de recherche commune avec la radiologue mise en cause sans avoir signalé ce lien d'intérêt, l'étude en cause a été publiée en août 2002, soit plus de dix ans avant les opérations d'expertise et elle a été cosignée par douze professionnels. Dans ces conditions et alors que l'expertise critiquée a été réalisée par un collège d'experts, les circonstances invoquées ne suffisent pas à caractériser un défaut d'impartialité de nature à remettre en cause et à écarter les conclusions expertales.

7. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction et notamment du rapport établi par le collège d'experts que le handicap moteur et cérébral dont est atteinte D... G... résulte d'une malformation corticale bilatérale ou, autrement dit, d'une anomalie de giration étendue au niveau des deux hémisphères cérébraux. Il résulte également du rapport d'expertise que le kyste arachnoïdien détecté en échographie le 16 février 1998 est sans rapport avec la pathologie neurologique D... G.... Il ne peut qu'en aller de même s'agissant du second kyste suspecté lors de l'échographie du 24 février 1998, également sans rapport avec l'affection. Il en résulte que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le centre hospitalier universitaire de Toulouse aurait commis une faute en ne poursuivant pas les investigations sur le premier kyste et en ne menant aucune recherche sur le second. Il résulte également de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que les anomalies de giration droites n'étaient pas décelables sur les images par résonnance magnétique réalisées le 24 février 1998. Les experts ont également précisé que les anomalies de giration, inaccessibles en échographie, étaient très difficilement accessibles en IRM anténatale. S'ils indiquent qu'a posteriori, soit au moment de l'expertise, et en connaissance du diagnostic final établi postérieurement à la naissance de l'enfant, des éléments très subtils de giration sont repérables sur les images par résonnance magnétique réalisées le 24 février 1998, soit la présence d'un hémisphère cérébral un peu plus petit que l'hémisphère contro-latéral et siège d'un plissement cortical anormal, ils ne retiennent pour autant aucune erreur de diagnostic anténatal, compte tenu de l'état limité des connaissances en matière d'IRM anténatale, technique encore débutante en février 1998, ainsi que l'a confirmé le médecin radiologue sollicité par le conseil des requérants au cours des opérations d'expertise. La circonstance que la bibliographie annexée à l'expertise ne se réfère, en particulier, pas à deux études publiées en 1997 et 1998 montrant l'intérêt des examens d'IRM ne suffit pas, en elle-même, à remettre en cause l'appréciation portée par les experts sur l'état des données de la science à cette période. Dès lors et en considération des éléments qui précèdent, il ne peut être tenu pour établi que les images par résonnance magnétique réalisées le 24 février 1998 permettaient de révéler ou même de suspecter, la pathologie neurologique dont est atteinte Mme D... G... et la découverte de la ventriculomégalie, que rien ne permet d'assimiler à une anomalie de giration, n'imposait, par elle-même, aucune investigation complémentaire. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à invoquer une erreur d'interprétation des résultats de l'examen d'IRM à partir d'analyses de praticiens toutes effectuées a posteriori, ni un défaut d'investigations suffisantes, de recueil d'avis éclairés d'autres médecins ou de suivi des examens pratiqués.

8. En troisième lieu, les requérants soutiennent qu'ils n'ont pas été informés de la découverte d'une ventriculomégalie asymétrique irrégulière prédominant à droite qu'ils assimilent à une anomalie de giration droite, des diagnostics possibles de cette affection et du défaut de connaissance de ces diagnostics. Cependant, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que les séquelles D... G... proviennent, non pas de la dilatation ventriculaire signalée dans le compte-rendu de la radiologue mais d'anomalies de giration, dont il n'est pas établi qu'elles étaient effectivement décelables à l'époque de la réalisation et de l'analyse de l'imagerie. Par suite, aucun défaut d'information quant à ces anomalies de giration et à l'existence d'un risque de pathologie grave du foetus ne saurait être retenu, non plus qu'une perte de chance pour Mme G... de recourir à une interruption volontaire de grossesse.

9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer, ni d'ordonner la contre-expertise sollicitée qui ne présente aucun caractère utile, que les consorts K... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes indemnitaires. Par voie de conséquence, les conclusions de la caisse nationale militaire de sécurité sociale tendant au remboursement par le centre hospitalier universitaire de Toulouse de ses débours définitifs ne peuvent également qu'être rejetées ainsi que les conclusions nouvelles des requérants tendant au paiement d'intérêts légaux et à leur capitalisation.

Sur les frais liés au litige :

10. Le tribunal judiciaire de Toulouse ayant statué sur les dépens par un jugement du 28 janvier 2021, les conclusions présentées par les consorts K... sur le fondement des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées. Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge du centre hospitalier universitaire de Toulouse, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes que demandent les consorts K... et la caisse nationale militaire de sécurité sociale, au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des consorts K... la somme que demande le centre hospitalier universitaire de Toulouse au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête des consorts K... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la caisse nationale militaire de sécurité sociale sont rejetées.

Article 3 : les conclusions du centre hospitalier universitaire de Toulouse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... G..., à Mme J... G..., à M. A... G..., à MM. B..., F... et C... E..., au centre hospitalier universitaire de Toulouse, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne et à la caisse nationale militaire de sécurité sociale.

Délibéré après l'audience du 23 avril 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2024.

Le rapporteur,

T. Teulière

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°22TL20787


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL20787
Date de la décision : 07/05/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-01 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé. - Établissements publics d'hospitalisation. - Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: M. Thierry Teulière
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : VERGELONI

Origine de la décision
Date de l'import : 19/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2024-05-07;22tl20787 ?
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