La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/04/2024 | FRANCE | N°22TL21072

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 04 avril 2024, 22TL21072


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 29 juin 2020 portant déclaration d'intérêt général et autorisation environnementale au titre du code de l'environnement concernant les travaux de rétablissement de la continuité écologique et de valorisation des berges basses de la Têt sur le territoire de la commune de Perpignan.



Par un jugement n° 2004088 du 8 mars 2022, le tri

bunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 29 juin 2020 portant déclaration d'intérêt général et autorisation environnementale au titre du code de l'environnement concernant les travaux de rétablissement de la continuité écologique et de valorisation des berges basses de la Têt sur le territoire de la commune de Perpignan.

Par un jugement n° 2004088 du 8 mars 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 29 avril 2022 et les 15 et 23 juin 2023, Mme A..., représentée par Me Tribillac, demande à la cour

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 29 juin 2020 ;

3°) à titre subsidiaire, dire que l'arrêté ne sera pas applicable à sa parcelle s'agissant de la végétalisation et de son entretien ;

4°) de condamner solidairement l'Etat, Perpignan Méditerranée Métropole et le syndicat mixte Têt Bassin Versant au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est taisant sur le moyen tiré de l'incomplétude du dossier et se trouve entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation des moyens de sa demande ;

- l'arrêté est entaché d'une méconnaissance de la procédure contradictoire préalable en violation de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration et de la loi du 29 décembre 1892 ;

- l'arrêté est entaché d'irrégularité en l'absence d'examen au cas par cas par l'autorité environnementale, en violation de l'article R. 122-2 du code de l'environnement (rubrique 10 de l'annexe) ;

- compte-tenu de la nature des travaux envisagés, qui consistent en l'implantation d'ouvrages publics sur des fonds privés, leur réalisation nécessitait une déclaration d'utilité publique ;

- les analyses jointes à la décision attaquée ont été réalisées frauduleusement sur des propriétés privées en méconnaissance de la loi du 29 décembre 1892, viciant la procédure ;

- la décision est irrégulière en l'absence de précision sur le chiffrage du projet sur les travaux portant sur la passe à poissons et les berges ;

- le dossier est incomplet en l'absence de demande d'autorisation d'accéder aux propriétés privées sur lesquelles les travaux doivent être réalisés, en méconnaissance de l'article R. 181-13 du code de l'environnement ;

- l'enquête publique présente des insuffisances au regard des dispositions de l'article R. 123-19 du code de l'environnement ;

- les parcelles concernées par la déclaration d'intérêt général sont incohérentes ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'arrêté est entaché de détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 avril 2023, la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole, représentée par Me Di Frenna, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de Mme A... à lui verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen tiré du vice entachant la procédure contradictoire préalable est inopérant ;

- les autres moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mai 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'il s'en rapporte aux moyens de défense développés par le préfet des Pyrénées-Orientales en première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2023, le syndicat mixte Têt Bassin Versant, représenté par Me Boissy, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de Mme A... à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été reportée et fixée en dernier lieu le 30 juillet 2023 par une ordonnance du 19 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la loi du 29 décembre 1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par

l'exécution des travaux publics

- l'arrêté du 1er avril 2008 fixant les prescriptions générales applicables aux installations, ouvrages, travaux ou activités soumis à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-6 du code de l'environnement

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Haïli, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique ;

- les observations de Me Tribillac, représentant Mme A... ;

- et les observations de Me Effa, représentant le syndicat mixte Têt Bassin Versant.

Considérant ce qui suit :

1. En octobre 2019, la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole et le syndicat mixte Têt Bassin Versant ont adressé au préfet des Pyrénées-Orientales un dossier de demande de déclaration d'intérêt général et d'autorisation environnementale pour un projet de " rétablissement de la continuité écologique et valorisation des berges basses de la Têt à Perpignan " sur le fondement des articles L. 211-7 et L. 214-1 à L. 214-6 du code de l'environnement. Après une enquête publique qui s'est déroulée du 23 janvier au 7 février 2020 inclus, le commissaire-enquêteur a donné le 13 mars 2020 un avis favorable sans réserve à la réalisation du projet. Par un arrêté du 29 juin 2020, le préfet des Pyrénées-Orientales a déclaré d'intérêt général la demande déposée et autorisé les maîtres d'ouvrage au titre de l'autorisation environnementale à modifier le radier du pont Joffre n° ROE45481 implanté sur la Têt, à exécuter les travaux de confortement des berges et les travaux d'entretien définis dans le plan pluriannuel sur le territoire de la commune de Perpignan. Par un jugement n° 2004088 du 8 mars 2022, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce que soutient l'appelante, le tribunal administratif n'a pas omis de se prononcer sur le moyen tiré de " l'incomplétude du dossier ", auquel il a répondu au point 8 du jugement attaqué par une motivation suffisante. Par ailleurs, si l'appelante fait valoir que le jugement attaqué est entaché " d'une erreur manifeste d'appréciation de ses moyens ", une telle critique relève du bien-fondé du jugement et est, par suite, sans incidence sur sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". L'article L. 211-2 du même code dispose : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; / (...) 3° Subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ; (...) ". D'autre part, aux termes des dispositions de l'article 3 de la loi du 29 décembre 1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par l'exécution des travaux publics : " Lorsqu'il y a lieu d'occuper temporairement un terrain, soit pour en extraire ou ramasser des matériaux, soit pour y fouiller ou y faire des dépôts de terre, soit pour tout autre objet relatif à l'exécution de projets de travaux publics, civils ou militaires, cette occupation est autorisée par un arrêté du préfet, indiquant le nom de la commune où le territoire est situé, les numéros que les parcelles dont il se compose portent sur le plan cadastral, et le nom du propriétaire tel qu'il est inscrit sur la matrice des rôles. / Cet arrêté indique d'une façon précise les travaux à raison desquels l'occupation est ordonnée, les surfaces sur lesquelles elle doit porter, la nature et la durée de l'occupation et la voie d'accès. / Un plan parcellaire désignant par une teinte les terrains à occuper est annexé à l'arrêté, à moins que l'occupation n'ait pour but exclusif le ramassage des matériaux. ".

4. L'arrêté en litige a pour objet la réalisation de travaux de rétablissement de la continuité écologique et de valorisation des berges basses de la Têt sur le territoire de la commune de Perpignan, qu'il déclare d'intérêt général sur le fondement de l'article L. 211-7 du code de l'environnement et autorise au titre du régime de l'autorisation environnementale.

5. L'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration n'exige la motivation que des catégories de décisions administratives individuelles défavorables qu'il énumère, en considération des seules personnes physiques ou morales qui sont directement concernées par elles. D'une part, l'arrêté en litige portant autorisation environnementale n'est pas au nombre des décisions qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, l'appelante ne peut utilement soutenir que l'arrêté en litige, en tant qu'il porte autorisation environnementale, aurait dû être précédé d'une procédure contradictoire à son égard en vertu de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration. D'autre part, l'arrêté attaqué, en tant qu'il porte déclaration d'intérêt général constituant une décision d'espèce, et non une décision individuelle, n'avait pas à être précédé de la procédure contradictoire prévue par l'article L. 121-1 du code précité.

6. Par ailleurs, en l'absence de dispositions législatives ayant instauré une procédure contradictoire particulière et alors que l'arrête en litige a été pris sur le fondement des articles des articles L. 211-7 et L. 214-1 à L. 214-6 du code de l'environnement, l'appelante ne peut utilement soutenir qu'il serait intervenu en méconnaissance d'une procédure contradictoire préalable " en méconnaissance de la loi du 29 décembre 1892 ".

En ce qui concerne la composition du dossier de demande :

7. Les obligations relatives à la composition du dossier de demande d'autorisation environnementale relèvent des règles de procédure. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant ce dossier ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d'entacher d'irrégularité l'autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

8. Aux termes de l'article L. 122-1 du code de l'environnement alors applicable : " (...) II.- Les projets qui, par leur nature, leur dimension ou leur localisation, sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine font l'objet d'une évaluation environnementale en fonction de critères et de seuils définis par voie réglementaire et, pour certains d'entre eux, après un examen au cas par cas. (...) ". Aux termes de l'article R. 122-2 du même code : " I. - Les projets relevant d'une ou plusieurs rubriques énumérées dans le tableau annexé au présent article font l'objet d'une évaluation environnementale, de façon systématique ou après un examen au cas par cas, en application du II de l'article L. 122-1, en fonction des critères et des seuils précisés dans ce tableau. (...) ". En vertu de l'annexe à l'article R. 122-2 de ce code, rentrent dans la catégorie des projets soumis à examen au cas par cas, en milieux aquatiques, littoraux et maritimes, ceux concernant les " (...) 10 Canalisation et régularisation des cours d'eau. / Ouvrages de canalisation, de reprofilage et de régularisation des cours d'eau s'ils entraînent une artificialisation du milieu sous les conditions de respecter les critères et seuils suivants : / -installations, ouvrages, travaux ou activités conduisant à modifier le profil en long ou le profil en travers du lit mineur d'un cours d'eau sur une longueur de cours d'eau supérieure ou égale à 100 m ; / -consolidation ou protection des berges, par des techniques autres que végétales vivantes sur une longueur supérieure ou égale à 200 m ; / -installations, ouvrages, travaux ou activités, dans le lit mineur d'un cours d'eau, étant de nature à détruire les frayères, les zones de croissance ou les zones d'alimentation de la faune piscicole, des crustacés et des batraciens, ou dans le lit majeur d'un cours d'eau, étant de nature à détruire les frayères de brochet pour la destruction de plus de 200 m 2 de frayères ; / -installations, ouvrages, travaux ou activités conduisant à la dérivation d'un cours d'eau sur une longueur supérieure ou égale à 100 m. ".

9. Il résulte de l'instruction que les travaux projetés ont pour objet le rétablissement de la continuité écologique et sédimentaire sur le Têt à travers l'aménagement d'ouvrages faisant obstacle à la migration piscicole. L'aménagement afférent du pont Joffre à Perpignan nécessite des mesures compensatoires préalables avec la protection de la rive gauche le long de la digue Vernet Est et un traitement de l'atterrissement central en aval du même pont. S'il est prévu au niveau de la passe à poissons, au centre du lit mineur, l'aménagement d'un chenal d'étiage pour permettre le maintien de la vie et de la circulation piscicole, ces travaux ne constituent ni une opération de recalibrage ni une modification du tracé du lit, et ne constituent pas davantage un endiguement du lit mineur. De même, les travaux consistent en la consolidation de la berge basse en rive gauche de la Têt complétée par des aménagements de génie végétal, de manière à recréer un faciès écologique naturel propre à ce cours d'eau. Enfin, un programme pluriannuel de la gestion de la végétation est prévu pour conforter ces berges, tout en évitant la création d'embâcles lors de crues, de sorte qu'aucune artificialisation des berges et plus généralement du milieu n'est établie. Alors que l'appelante n'apporte aucun élément précis et étayé de nature à infirmer l'étude d'incidences réalisée dans le cadre de la déclaration d'intérêt général et de la demande d'autorisation environnementale présentée par les pétitionnaires, lesdits travaux doivent être regardés comme des travaux de renaturation d'un cours d'eau permettant de restaurer les fonctionnalités d'un cours d'eau et de restaurer la végétation des berges. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que le projet autorisé a pour conséquence de modifier ou recalibrer le lit du fleuve et qu'il devait être soumis à un examen au cas par cas au titre de l'article R. 122-2 du code de l'environnement.

10. Aux termes de l'article R. 214-32 du code de l'environnement dans sa rédaction alors applicable : " I.-Toute personne souhaitant réaliser une installation, un ouvrage, des travaux ou une activité soumise à déclaration adresse une déclaration au préfet du département ou des départements où ils doivent être réalisés. / II.- Cette déclaration, remise en trois exemplaires et sous forme électronique, comprend : / 1° Le nom et l'adresse du demandeur, ainsi que son numéro SIRET ou, à défaut, sa date de naissance ; / 2° L'emplacement sur lequel l'installation, l'ouvrage, les travaux ou l'activité doivent être réalisés ; / 3° La nature, la consistance, le volume et l'objet de l'ouvrage, de l'installation, des travaux ou de l'activité envisagés, ainsi que la ou les rubriques de la nomenclature dans lesquelles ils doivent être rangés ; / 4° Un document : / a) Indiquant les incidences du projet sur la ressource en eau, le milieu aquatique, l'écoulement, le niveau et la qualité des eaux, y compris de ruissellement, en fonction des procédés mis en œuvre, des modalités d'exécution des travaux ou de l'activité, du fonctionnement des ouvrages ou installations, de la nature, de l'origine et du volume des eaux utilisées ou affectées et compte tenu des variations saisonnières et climatiques ; / b) Comportant l'évaluation des incidences du projet sur un ou plusieurs sites Natura 2000, au regard des objectifs de conservation de ces sites. Le contenu de l'évaluation d'incidence Natura 2000 est défini à l'article R. 414-23 et peut se limiter à la présentation et à l'exposé définis au I de l'article R. 414-23, dès lors que cette première analyse conclut à l'absence d'incidence significative sur tout site Natura 2000 ; / c) Justifiant, le cas échéant, de la compatibilité du projet avec le schéma directeur ou le schéma d'aménagement et de gestion des eaux et avec les dispositions du plan de gestion des risques d'inondation mentionné à l'article L. 566-7 et de sa contribution à la réalisation des objectifs visés à l'article L. 211-1 ainsi que des objectifs de qualité des eaux prévus par l'article D. 211-10 ; / d) Précisant s'il y a lieu les mesures correctives ou compensatoires envisagées ; / e) Les raisons pour lesquelles le projet a été retenu parmi les alternatives ainsi qu'un résumé non technique. Ce document est adapté à l'importance du projet et de ses incidences. Les informations qu'il doit contenir peuvent être précisées par un arrêté du ministre chargé de l'environnement. ".

11. Il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que le dossier dont s'agit comportait l'ensemble des pièces requises par les dispositions précitées, notamment la nature, la consistance, le volume et l'objet des travaux projetés, le plan pluriannuel détaillé, une étude d'incidences, sa compatibilité avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux du bassin Rhône-Méditerranée et les annexes. Alors qu'au demeurant, les dossiers de déclaration d'intérêt général et de demande d'autorisation environnementale indiquent l'estimation des montants des travaux de protection et d'entretien des berges, en décomposant les prix unitaires dans un détail quantitatif des travaux, le moyen tiré de " l'absence de chiffrage du projet ", dont le fondement juridique n'est pas davantage précisé devant la cour, ne peut qu'être écarté.

12. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que la digue de Vernet construite autour de l'année 1977 entre le Pont Joffre et l'aval du Passage à Gué se situe actuellement pour partie dans le domaine non cadastré du fleuve Têt et pour partie dans l'emprise de certaines parcelles riveraines. L'appelante, dont la parcelle cadastrée ... constitue partiellement l'assiette foncière de la digue et qui s'est opposée à la proposition d'acquisition formulée par la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole le 7 septembre 2018, soutient nouvellement en appel que le dossier de demande d'autorisation ne contenait pas un document attestant que le pétitionnaire est le propriétaire du terrain ou qu'il dispose du droit d'y réaliser son projet ou qu'une procédure est en cours ayant pour effet de lui conférer ce droit en méconnaissance des dispositions du 3° de l'article R. 181-13 du code de l'environnement. Toutefois, il résulte de l'instruction que le pétitionnaire a justifié auprès de l'administration de façon suffisante, par l'intermédiaire de la demande même de déclaration d'intérêt général, qu'une procédure est en cours ayant pour effet de lui conférer un droit de réaliser son projet en vertu de ces mêmes dispositions.

13. Enfin, si l'appelante soutient que certains éléments du dossier, sans au demeurant en préciser la nature et le contenu, auraient été obtenus par les pétitionnaires sans que soient respectées les modalités prévues à l'article 1er de la loi du 29 décembre 1892, un tel moyen est sans incidence sur le caractère complet du dossier d'autorisation environnementale délivrée sur le fondement de l'article L. 181-1 du code de l'environnement. En outre, la partie appelante n'explique pas en quoi ces modalités de collecte des données et leur contenu auraient nui à l'information de la population, ni qu'elles auraient exercé une influence quelconque sur la décision de l'autorité administrative. De même, doit être écarté comme non fondé le moyen tiré de ce que la demande de déclaration d'intérêt général serait incomplète faute d'avoir sollicité la possibilité d'accéder aux berges qui relèvent de propriétés privées, dès lors que la déclaration d'intérêt général a pour objet même de permettre à une personne publique d'intervenir sur des terrains privés. En outre, et en tout état de cause, le dossier de déclaration d'intérêt général dresse la liste des parcelles privées concernées et précise pour chaque parcelle la surface effectivement impactée par le programme de travaux.

14. Pour le surplus, le moyen tiré de ce que le contenu de la demande de déclaration d'intérêt général et d'autorisation environnementale serait incomplet doit être écarté par adoption des motifs retenus, à bon droit, par les premiers juges aux points 8 et 10 du jugement attaqué

En ce qui concerne la procédure d'enquête publique :

15. En vertu des dispositions de l'article L. 215-15 du code de l'environnement, lorsqu'un groupement de communes prend en charge l'entretien et l'aménagement d'un cours d'eau en application de l'article L. 211-7 du même code, l'enquête publique prévue pour la déclaration d'intérêt général est menée conjointement avec celle prévue pour l'autorisation environnementale. Aux termes de l'article R. 123-19 du code de l'environnement : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. / Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public. / Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans une présentation séparée, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet. / (...) ". Si les dispositions précitées n'imposent pas au commissaire enquêteur de répondre à chacune des observations présentées lors de l'enquête publique, elles l'obligent à indiquer, au moins sommairement, en donnant son avis personnel, les raisons déterminant le sens de cet avis.

16. Il ressort de la lecture même du rapport d'enquête publique que par ces indications dans ses conclusions sur l'enquête publique en date du 13 mars 2020, le commissaire enquêteur a suffisamment exposé les motifs de l'avis favorable qu'il a rendu sur le projet déclaré d'intérêt général et autorisé par l'arrêté en litige. Il en résulte que le moyen tiré de l'irrégularité des conclusions du commissaire enquêteur doit être écarté.

En ce qui concerne les moyens tirés de l'implantation irrégulière d'ouvrages publics sur des fonds privés :

17. Il ne résulte pas de l'instruction que les travaux autorisés de rétablissement de la continuité écologique, de confortement des berges et de plan pluriannuel d'entretien dans le cours d'eau non domanial de la Têt, dont le lit appartient aux propriétaires des deux rives, comporterait la dérivation d'un cours d'eau, de sorte que l'opération devrait être autorisée par déclaration d'utilité publique des travaux, en vertu de l'article L. 215-13 du code de l'environnement. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que les travaux autorisés, portant sur une correction du profil en long en aval des dalots existants en rive gauche et en rive droite de façon à en diminuer la pente, et portant sur un renforcement de l'existant et une création de la passe à poissons, consisteraient en des travaux privant les propriétaires de leur droit de propriété et nécessitant l'acquisition d'immeubles ou de droits réels immobiliers. Par ailleurs, eu égard à la nature et à la durée des travaux dont s'agit, la requérante ne peut utilement se prévaloir de l'article 9 de la loi du 29 décembre 1892 au terme duquel au-delà d'un délai supérieur à cinq années, l'occupation des terrains nécessaires à l'exécution des travaux publics requiert la mise en œuvre par l'administration d'une procédure d'expropriation. Enfin, l'appelante ne peut faire utilement état de travaux liés au système d'endiguement de la Têt qui ne figurent pas au nombre des travaux autorisés par l'arrêté en litige. Par suite, ces moyens ne peuvent être qu'écartés. Par voie de conséquence, le moyen tiré de ce que les règles relatives à la durée de l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique n'auraient pas été respectées doit être écarté comme inopérant.

En ce qui concerne les moyens tirés de l'incohérence des parcelles concernées par la déclaration d'intérêt général et de l'erreur d'appréciation :

18. Aux termes de l'article L. 211-7 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I.- Les collectivités territoriales et leurs groupements, tels qu'ils sont définis au deuxième alinéa de l'article L. 5111-1 du code général des collectivités territoriales, ainsi que les établissements publics territoriaux de bassin prévus à l'article L. 213-12 du présent code peuvent, sous réserve de la compétence attribuée aux communes par le I bis du présent article, mettre en œuvre les articles L. 151-36 à L. 151-40 du code rural et de la pêche maritime pour entreprendre l'étude, l'exécution et l'exploitation de tous travaux, actions, ouvrages ou installations présentant un caractère d'intérêt général ou d'urgence, dans le cadre du schéma d'aménagement et de gestion des eaux, s'il existe, et visant :/ (...) 2° L'entretien et l'aménagement d'un cours d'eau, canal, lac ou plan d'eau, y compris les accès à ce cours d'eau, à ce canal, à ce lac ou à ce plan d'eau ; / (...) 5° La défense contre les inondations et contre la mer ; / (...) 8° La protection et la restauration des sites, des écosystèmes aquatiques et des zones humides ainsi que des formations boisées riveraines (...) ; III.- Il est procédé à une seule enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du présent code au titre de l'article L. 151-37 du code rural et de la pêche maritime, de l'article L. 181-9 ou le cas échéant, des articles L. 2141 à L. 214-6 du présent code et, s'il y a lieu, de la déclaration d'utilité publique. (...) ". Selon la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du même code, sont soumises à autorisation les opérations suivantes : "3.1.1.0. Installations, ouvrages, remblais et épis, dans le lit mineur d'un cours d'eau, constituant : / 1° Un obstacle à l'écoulement des crues (...) ; / 2° Un obstacle à la continuité écologique : (...) 3. 1. 2. 0. Installations, ouvrages, travaux ou activités conduisant à modifier le profil en long ou le profil en travers du lit mineur d'un cours d'eau, à l'exclusion de ceux visés à la rubrique 3. 1. 4. 0, ou conduisant à la dérivation d'un cours d'eau : / 1° Sur une longueur de cours d'eau supérieure ou égale à 100 m".

19. Il ressort des pièces du dossier que le radier du pont Joffre, présent au niveau de la traversée urbaine de la Têt à Perpignan, est identifié comme obstacle à la continuité écologique. La Têt sur ce secteur étant classée en liste 1 au titre de l'article L. 214-17 du code de l'environnement, l'ouvrage doit faire l'objet d'aménagements. L'opération en litige a pour objet le rétablissement de la continuité écologique et sédimentaire du radier du pont Joffre sur la Têt à Perpignan, la définition d'un programme d'actions pluriannuel pour la gestion de la végétation et de la continuité sédimentaire sur un périmètre élargi d'environ 2,5 kilomètre sur la section urbaine. Il ressort également des pièces du dossier que l'opération est rendue nécessaire par une mise en conformité réglementaire en vue du rétablissement des continuités écologiques et permet en outre de répondre à d'autres objectifs en matière d'intégration paysagère, écologique et de fonctionnement hydraulique, notamment de contribuer au schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux Rhône-Méditerranée dont l'orientation fondamentale n° 6 est de " préserver et restaurer le fonctionnement des milieux aquatiques et des zones humides " qui se décline en plusieurs dispositions en lien avec les travaux prévus au dossier, notamment " préserver et restaurer les rives des cours d'eau (...) " et " restaurer la continuité écologique des milieux aquatiques ", de conforter les berges en rive gauche, et d'améliorer l'intégration paysagère du site et la qualité écologique des habitats naturels. L'appelante qui se borne à soutenir que l'érosion des berges en rive gauche serait imputable à une mauvaise gestion par la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole, notamment par la réalisation de coupes blanches qui favorisent l'érosion des berges, n'établit pas par ces seuls éléments que le projet litigieux en tant qu'il déclare d'intérêt général les travaux de restauration de la continuité écologique et de valorisation des berges basses de la Têt serait contraire aux dispositions précitées de l'article L. 211-7 du code de l'environnement.

20. Enfin, le moyen tiré d'un détournement de pouvoir doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 12 du jugement attaqué.

21. Il résulte de ce qui précède que l'appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 29 juin 2020 en litige. Par voie de conséquence, en tout état de cause, doivent être rejetées ses conclusions de " dire que l'arrêté ne sera pas applicable à sa parcelle s'agissant de la végétalisation et de son entretien ".

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des parties intimées qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... une somme de 1 000 euros à verser respectivement à la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole et au syndicat mixte Têt Bassin Versant sur le même fondement.

D E C I D E:

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Mme A... versera une somme 1 000 euros à la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole ainsi qu'une somme de 1 000 euros au syndicat mixte Têt Bassin Versant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole, au syndicat mixte Têt Bassin Versant et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie pour information en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2024, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2024.

Le président-assesseur,

X. Haïli

Le président,

D. Chabert

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22TL21072 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21072
Date de la décision : 04/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

27-03 Eaux. - Travaux.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Xavier HAÏLI
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : BOISSY AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-04;22tl21072 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award