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04/04/2024 | FRANCE | N°22TL21058

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 04 avril 2024, 22TL21058


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... C... veuve B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 17 décembre 2019 par laquelle le maire de Boissières a refusé d'inscrire à l'ordre du jour du conseil municipal sa demande d'abrogation de la délibération approuvant le plan local d'urbanisme de la commune.



Par un jugement n° 2000325 du 17 mars 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :
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Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 avril 2022 et 6 mars 2023, Mme C... veuve B..., représe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... veuve B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 17 décembre 2019 par laquelle le maire de Boissières a refusé d'inscrire à l'ordre du jour du conseil municipal sa demande d'abrogation de la délibération approuvant le plan local d'urbanisme de la commune.

Par un jugement n° 2000325 du 17 mars 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 avril 2022 et 6 mars 2023, Mme C... veuve B..., représentée par Me Hemeury, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 17 décembre 2019 du maire de Boissières ;

3°) d'enjoindre au maire de Boissières d'inscrire à l'ordre du jour l'abrogation du plan local d'urbanisme de la commune, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Boissières une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la délibération approuvant le plan local d'urbanisme méconnaît les articles L. 151-6 et L. 151-8 du code de l'urbanisme dès lors que la création d'un parking sur un emplacement réservé situé en plein centre du village, notamment prévue par les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement du plan local d'urbanisme, n'est pas cohérente avec l'orientation n° 4 du plan d'aménagement et de développement durables ;

- la délibération approuvant le plan local d'urbanisme, qui crée un emplacement réservé n°4 sur sa parcelle, porte une atteinte excessive à son droit de propriété dès lors qu'il existe d'autres emplacements disponibles à moindre frais, que le maire a accordé un permis de construire sur une parcelle grevée du même emplacement réservé que sa parcelle, que cet emplacement réservé n'est pas mentionné dans le rapport de présentation, que le dossier de déclaration d'utilité publique montre que seules 14 places de stationnement peuvent être créées sur cet emplacement réservé ce qui ne correspond pas aux prérequis définis par le conseil municipal, que cet emplacement a seulement pour but de satisfaire quelques intérêts privés et que l'emprise de l'emplacement réservé est excessive.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 juillet 2022 et 28 avril 2023, la commune de Boissières, représentée par la SELARL Delran Bargeton Dyens Sergent A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme C... veuve B... une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête d'appel est irrecevable dès lors que la requérante ne démontre pas disposer d'un intérêt pour agir et car elle a fictivement élu domicile à Boissières en méconnaissance de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- les moyens soulevés par Mme C... veuve B... sont inopérants ou infondés.

Par ordonnance du 7 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 9 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lasserre, première conseillère,

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,

- et les observations de Me Hemeury, représentant Mme C... veuve B....

Considérant ce qui suit :

1. Par délibération du 11 juillet 2017, le conseil municipal de Boissières (Gard) a adopté le nouveau plan local d'urbanisme couvrant le territoire communal, lequel institue un emplacement réservé n° 4 ayant pour objet la création d'une aire de stationnement sur les parcelles cadastrées section A nos 740 et 743, classées en zone UA. Mme C... veuve B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 décembre 2019 par lequel le maire de Boissières a refusé d'inscrire à l'ordre du jour du conseil municipal sa demande d'abrogation du plan local d'urbanisme.

Sur les conclusions en annulation :

2. Aux termes de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme : " Les orientations d'aménagement et de programmation comprennent, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, des dispositions portant sur l'aménagement, l'habitat, les transports, les déplacements et, en zone de montagne, sur les unités touristiques nouvelles. / (...) ". Selon l'article L. 151-8 du même code : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3 ". Aux termes de l'article L. 151-41 de ce code : " Le règlement peut délimiter des terrains sur lesquels sont institués : / 1° Des emplacements réservés aux voies et ouvrages publics dont il précise la localisation et les caractéristiques ; / 2° Des emplacements réservés aux installations d'intérêt général à créer ou à modifier ; (...) ". Aux termes de l'article L. 152-2 du même code, " Le propriétaire d'un terrain bâti ou non bâti réservé par un plan local d'urbanisme en application de l'article L. 151-41 peut, dès que ce plan est opposable aux tiers, et même si une décision de sursis à statuer qui lui a été opposée est en cours de validité, exiger de la collectivité ou du service public au bénéfice duquel le terrain a été réservé qu'il soit procédé à son acquisition dans les conditions et délais mentionnés aux articles L. 230-1 et suivants. ". L'appréciation à laquelle se livrent les auteurs d'un plan local d'urbanisme lorsqu'ils décident de créer des emplacements réservés ne peut être discutée devant le juge de l'excès de pouvoir que si elle repose sur des faits matériellement inexacts, si elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ou si elle procède d'un détournement de pouvoir. En outre, l'intention d'une commune de réaliser un aménagement sur une parcelle suffit à justifier légalement son classement en tant qu'emplacement réservé sans qu'il soit besoin pour la commune de faire état d'un projet précisément défini. Enfin, il n'appartient pas au juge d'apprécier l'opportunité du choix de la localisation d'un emplacement réservé par rapport à d'autres localisations possibles.

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le plan local d'urbanisme de la commune de Boissières délimite en zone UA un emplacement réservé n° 4 en vue de créer un parking de 936 m² sur des parcelles cadastrées sections A nos 740 et 743 situées en limite du cœur du village et appartenant à Mme C... veuve B.... Si l'orientation n°4 du projet d'aménagement et de développement durables intitulée " accompagner la croissance du village par la création de nouveaux équipements publics, l'amélioration des déplacements, des entrées de ville, la valorisation du cadre de vie et le développement des énergies renouvelables " prévoit de " créer de nouveaux parcs de stationnement en limite du tissu urbain et inciter les habitants ou les visiteurs à laisser la voiture en dehors du centre ancien ", il n'exclut pas, pour autant, la possibilité de créer des aires de stationnement en limite du cœur du village. En outre, la création de telles aires, prévues à la fois par l'orientation d'aménagement et de programmation n°2 " stationnement cœur du village " et le règlement du plan local d'urbanisme au travers des emplacements réservés nos1 à 4, répond à l'orientation n° 3 intitulée " créer les conditions d'implantation de commerces et services de proximité " qui prévoit, outre un pôle de commerce au niveau du château, de créer une économie de proximité. Enfin, si le rapport de présentation du plan local d'urbanisme n'évoque pas l'emplacement réservé n°4, il indique qu'un des objectifs est de " favoriser les déplacements doux " notamment " en améliorant le stationnement des véhicules motorisés au sein du village témoin " et qu'" un ou deux nouveaux parkings sont prévus en limite du centre ancien, afin de décongestionner le village ", ce qui correspond aux caractéristiques de l'emplacement réservé n°4. Les objectifs des auteurs du plan local d'urbanisme sont à la fois de développer la pratique des déplacements doux, d'améliorer les déplacements, les flux de circulation et l'accessibilité au centre du village aux rues étroites ainsi que de répartir l'offre en stationnement aux différentes entrées de la commune. Par suite, le moyen tiré de ce que, en instituant l'emplacement réservé n° 4 en litige, le plan local d'urbanisme de Boissières serait illégal du fait d'incohérences entre le projet d'aménagement et de développement durables, le règlement et les orientations d'aménagement et de programmation et aurait ainsi méconnu les dispositions des articles L. 151-6 et L. 151-8 du code de l'urbanisme doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que la création de l'emplacement réservé n°4 est destinée à la réalisation d'une aire de stationnement d'une superficie de 936 m² afin de garantir de meilleures conditions de stationnement et de circulation en limite du centre ancien du village dont les rues sont très étroites. Ainsi, et alors même qu'une partie de ces places de stationnement pourraient à terme être données en location à des riverains, cet emplacement réservé répond à un but d'intérêt général au sens des dispositions de l'article L. 151-41 du code de l'urbanisme. En outre, la circonstance qu'il existe d'autres emplacements disponibles, laquelle se rapporte à l'opportunité du choix de la localisation de l'emplacement réservé n°4, est sans incidence sur sa légalité. De même, la circonstance qu'un permis de construire a été délivré à un tiers pour réaliser une villa sur la parcelle cadastrée section A n° 554 pourtant dédiée à un emplacement réservé n° 3 affecté à un même usage est sans incidence sur la légalité de l'emplacement réservé n° 4, alors, au surplus, qu'il est constant que la délivrance de ce permis de construire devenu définitif résulte de la délivrance d'un certificat d'urbanisme délivré antérieurement à l'entrée en vigueur du nouveau du plan local d'urbanisme de la commune de Boissières. Dans ces conditions, la commune de Boissières n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en créant, par la délibération attaquée, l'emplacement réservé n°4.

5. En troisième lieu, alors que la commune n'a pas à faire état d'un projet précis, la circonstance que le projet d'aire de stationnement prévu sur les parcelles grevées de l'emplacement réservé n°4 dans le cadre de la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique engagée par la commune de Boissières ne porte que sur la réalisation de quatorze places de stationnements privées et celle selon laquelle l'emprise de cet emplacement réservé serait excessive au regard de ce même projet ne sont pas davantage de nature à révéler une erreur manifeste d'appréciation commise par les auteurs du plan local d'urbanisme.

6. En dernier lieu, ainsi qu'il vient d'être dit au point 4 du présent arrêt, la création de l'emplacement réservé n°4, qui n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation, répond à un but d'intérêt général. En outre, les propriétaires concernés ont toujours la possibilité d'exercer le droit de délaissement prévu par les dispositions de l'article L. 152-2 du même code rappelées au point 2 du présent arrêt, en exigeant de la commune qu'elle procède à l'acquisition du bien réservé. Par suite, il n'est contraire ni au principe constitutionnel du droit de propriété ni aux stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni, en tout état de cause, aux articles 544 et 552 du code civil.

7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que Mme C... veuve B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Boissières, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que Mme C... veuve B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... veuve B... la somme demandée par la commune de Boissières sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... veuve B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Boissières présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... veuve B... et à la commune de Boissières.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2024, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

Mme Lasserre, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2024.

La rapporteure,

N. Lasserre

Le président,

D. ChabertLa greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au préfet du Gard en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL21058


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21058
Date de la décision : 04/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Plans d'aménagement et d'urbanisme. - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d’urbanisme (PLU).


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: Mme Nathalie LASSERRE
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : HEMEURY

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-04;22tl21058 ?
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