La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/04/2024 | FRANCE | N°22TL22597

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 02 avril 2024, 22TL22597


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.



Par un jugement n° 2205164 du 15 décembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.



Procédure deva

nt la cour :



Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2022, M. D..., représenté par la SCP Dessalces...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2205164 du 15 décembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2022, M. D..., représenté par la SCP Dessalces, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 15 décembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 13 juillet 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ou " salarié " à compter de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de cet arrêt et sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le rapporteur public ne pouvait pas être dispensé d'exposer ses conclusions à l'audience ;

- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle compte tenu de l'ancienneté de sa présence en France et de son intégration professionnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juin 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par une décision du 22 mars 2023, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. D....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Beltrami.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., né en 1991, de nationalité algérienne, est entré sur le territoire français le 14 octobre 2016 muni d'un visa court séjour valable du 10 octobre au 9 novembre 2016. Il a sollicité, le 21 avril 2022, la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié et au titre de sa vie privée et familiale. Par un arrêté du 13 juillet 2022, le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Saisi d'une requête tendant notamment à l'annulation de cette décision, le tribunal administratif de Montpellier a, par un jugement du 15 décembre 2022 dont M. D... relève appel, rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 732-1 du code de justice administrative : " Dans des matières énumérées par décret en Conseil d'État, le président de la formation de jugement peut dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, d'exposer à l'audience ses conclusions sur une requête, eu égard à la nature des questions à juger ".

3. Pour l'application de ces dispositions, l'article R. 732-1-1 du même code fixe la liste des contentieux dans lesquels une telle dispense est possible, dont ceux relatifs à l'entrée, au séjour et à l'éloignement des étrangers, à l'exception des expulsions. Il résulte, de plus, de ces dispositions que le président de la formation de jugement peut, après examen du dossier par le rapporteur public, le dispenser, sur sa proposition, de prononcer à l'audience des conclusions sur une requête entrant dans le champ d'application de l'article R. 732-1-1. S'il appartient au juge d'appel saisi d'un recours dirigé contre un jugement rendu dans ces conditions, de vérifier que le litige relevait de l'un des contentieux mentionnés à l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative, il ne peut en revanche être utilement soutenu en appel que les particularités de la requête ne permettaient pas de dispenser le rapporteur public de prononcer des conclusions. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en raison des particularités de la requête de première instance, le rapporteur public ne pouvait être dispensé de prononcer des conclusions à l'audience ne peut qu'être écarté.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

4. En premier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré du défaut de motivation de la décision portant refus de séjour par adoption de motifs retenus à bon droit par le tribunal.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 7 de l'accord franco-algérien : " Les dispositions du présent article et celles de l'article 7 bis fixent les conditions de délivrance du certificat de résidence aux ressortissants algériens autres que ceux visés à l'article 6 nouveau, ainsi qu'à ceux qui s'établissent en France après la signature du premier avenant à l'accord : (...) b) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention " salarié " : cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française ; (...) ". Aux termes de l'article 9 du même accord : " Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles (...) 7 (...), les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises ".

6. Le 21 avril 2022, M. D... a présenté une demande de titre de séjour en qualité de salarié et au titre de sa vie privée. L'appelant qui a fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 7 mars 2018, confirmé par un jugement du tribunal administratif de Montpellier du 5 octobre 2018, ne réside pas régulièrement en France depuis le 14 septembre 2016. En outre, il ne justifie pas de sa présence habituelle et interrompue sur le territoire national depuis cette date, en ne présentant qu'une demande de complémentaire santé solidaire ni signée, ni datée par le demandeur au titre de l'année 2019. Par ailleurs, si l'intéressé se prévaut, d'une part, d'un contrat de travail à durée indéterminée signé le 17 mai 2021 avec la société IFIS pour l'emploi d'agent de service et de bulletins de salaire de mai 2021, de juillet 2021 à janvier 2022 et de mars et avril 2022, et d'autre part, d'une promesse d'embauche par la société Full Habitat pour un poste de carreleur sous la réserve de l'obtention d'une autorisation de travail en France, il ne justifie cependant pas de l'obtention du visa de long séjour exigé par les stipulations de l'article 9 de l'accord franco-algérien pour exercer une activité professionnelle en France. Dans ces conditions, le préfet de l'Hérault n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'ancienneté de son séjour et de son intégration professionnelle en France.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. D'une part, un étranger éligible au regroupement familial peut se prévaloir de l'atteinte disproportionné que le refus de titre de séjour porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention précitée.

9. D'autre part, dans l'appréciation par l'administration de la gravité de l'atteinte portée à la situation de l'intéressé, la circonstance que l'étranger relèverait, à la date de cet examen, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, être prise en compte. Cette dernière peut en revanche tenir compte le cas échéant, au titre des buts poursuivis par la mesure d'éloignement, de ce que le ressortissant étranger en cause ne pouvait légalement entrer en France pour y séjourner qu'au seul bénéfice du regroupement familial et qu'il n'a pas respecté cette procédure.

10. M. D... est marié depuis le 23 décembre 2017 avec Mme A... B..., de nationalité algérienne, qui réside régulièrement en France sous couvert d'un certificat de résidence en cours de validité. Le couple n'a aucun enfant. À la date de la décision attaquée, M. D..., âgé de 30 ans, se maintenait irrégulièrement sur le territoire national depuis 2016 où il avait rejoint Mme B..., qui, au chômage depuis le 12 février 2020, ne justifie pas disposer de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de la famille. Si le préfet ne pouvait, dans son appréciation de l'atteinte à la vie privée et familiale de M. D... prendre en compte la circonstance que son épouse était éligible à la procédure de regroupement familial, il ressort des pièces du dossier que même en l'absence de cette circonstance et compte tenu des éléments qui viennent d'être exposés, il aurait pris la même décision. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

11. En quatrième lieu, l'appelant n'ayant pas démontré l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour, n'est pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.

12. En dernier lieu, pour les motifs exposés au point 10, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dont serait entachée la décision portant obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 13 juillet 2022. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées

DÉCIDE:

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault

Délibéré après l'audience du 19 mars 2024 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2024.

La rapporteure,

K. Beltrami

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL22597


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL22597
Date de la décision : 02/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Karine BELTRAMI
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : DESSALCES & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-02;22tl22597 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award