Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société de développement économique d'Agde et du littoral a demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, d'ordonner l'expulsion de la société par actions simplifiée Katwans et de tous occupants de son chef du local sis sur le domaine public portuaire à l'extrémité Est du quai Jean Miquel au Cap d'Agde à compter de la notification du jugement à intervenir et au-delà sous astreinte de 100 euros par jour de retard et d'autre part, à défaut de libération de ce local dans un délai de quatre jours suivant la date de notification de ce jugement, de l'autoriser à procéder d'office, aux frais et risques de l'intéressée, à l'expulsion et à l'enlèvement des aménagements et mobiliers appartenant à cette société ou à tous occupants de son chef en sollicitant au besoin le concours de la force publique.
Par un jugement n° 2101580 du 28 septembre 2022 et une ordonnance en rectification d'erreur matérielle, le tribunal administratif de Montpellier a, d'une part, enjoint à la société Katwans, et à tous occupants de son chef, de quitter sans délai les espaces irrégulièrement occupés sur le domaine public portuaire du Cap d'Agde, d'autre part, contraint la société Katwans de justifier de la correcte exécution de cette injonction dans un délai de sept jours suivant la notification du jugement sous peine de devoir s'acquitter d'une astreinte de 50 euros par jour de retard et enfin, autorisé la société de développement économique d'Agde et du littoral à procéder d'office à l'expulsion des lieux et à l'enlèvement de tous aménagements et biens meubles maintenus sur le domaine public portuaire aux frais, risques et périls de l'intéressée en sollicitant au besoin le concours de la force publique.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 octobre 2022 et 1er mars 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la société Katwans, représentée par la SCP Lafon Portes, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 28 septembre 2022 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par la société de développement économique d'Agde et du littoral ;
3°) de mettre à la charge de cette société une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- même si elle n'occupe plus les lieux en litige, sa requête est recevable eu égard à sa qualité de redevable, envers la société Ritel, de la garantie d'éviction qui s'attache à la cession de son fonds de commerce ;
- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal a relevé d'office le moyen tiré de ce que les conventions d'occupation du domaine public conclues pour les années 2019 et 2020 conditionnaient leur reconduction au dépôt d'une demande expresse du bénéficiaire, sans que les parties aient reçu communication de ce moyen dans les formes prévues par les dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;
- elle est titulaire depuis 2016 d'une autorisation d'occupation du domaine public portuaire, tacitement reconduite pour l'année 2021 en application de l'article 3 du règlement des autorisations de terrasse du domaine public portuaire ; son absence de présentation d'une demande expresse de renouvellement de son autorisation n'a pas éteint le 31 décembre 2020 son droit d'occupation ; aucun refus de renouvellement de son autorisation ne lui a été notifié ;
- faute d'avoir été régulièrement paraphées et signées, les stipulations des conventions d'occupation du domaine public conclues pour les années 2019 et 2020 ne lui sont pas opposables ;
- en tout état de cause, la société de développement économique d'Agde et du littoral n'aurait pu légalement s'opposer au renouvellement de son autorisation dès lors qu'aucun des motifs énumérés à l'article 11 de l'arrêté du 19 avril 2016 n'était de nature à fonder une telle décision ;
- la demande présentée par la société de développement économique d'Agde et du littoral devant le tribunal était fondée sur des motifs étrangers à l'intérêt et à la protection du domaine public.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2023, la société de développement économique d'Agde et du littoral, représentée par Me Rigeade, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société Katwans en application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est régulier ; les premiers juges n'étaient pas tenus d'informer les parties et de susciter leurs observations sur l'exclusion, par les stipulations des conventions d'occupation du domaine public portuaire, d'une possibilité de reconduction tacite de l'autorisation d'occupation, dès lors qu'un tel moyen découlait nécessairement de son action en injonction de quitter les lieux pour occupation sans droit ni titre ;
- la société Katwans disposait, compte tenu des conventions d'occupation conclues en 2018, 2019 et 2020, d'un droit régulier à occuper le domaine public portuaire jusqu'au 31 décembre 2020 ; l'absence de signature de la convention de 2020 est due à la crise sanitaire ;
- les titulaires d'autorisations ou de convention d'occupation du domaine public n'ont pas de droit acquis au renouvellement de leur titre ; la convention d'occupation du domaine public, qui prévoyait que l'occupant devait expressément demander le renouvellement de son autorisation, n'accordait pas à la société appelante le renouvellement automatique de son autorisation ;
- le règlement des terrasses du domaine public, document non daté dont les visas sont incomplets et qui ne fait pas partie des annexes des conventions d'occupation, ne lui est pas opposable ;
- le règlement des terrasses du domaine public et l'arrêté du maire d'Agde n° 2016-654 du 19 avril 2016 ne concernent que les titulaires d'un fonds de commerce ; la société appelante ayant cédé son fonds de commerce le 2 février 2021, elle ne bénéficiait plus des conditions pour bénéficier d'une autorisation d'occuper le domaine public ;
- le récit du conflit prétendument existant entre elle et le bailleur du fonds de commerce est étranger au litige.
Vu les autres pièces de ce dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Beltrami,
- et les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,
Considérant ce qui suit :
1. La société Katwans exploitait, sous l'enseigne ..., un fonds de commerce de vente de nourriture à emporter, situé place ... au Cap d'Agde à Agde (Hérault). Elle a été autorisée, par des conventions d'occupation du domaine public portuaire conclues en 2018, 2019 et 2020, à occuper une dépendance de ce domaine afin d'y installer une terrasse composée d'un espace couvert et clos d'une superficie de 40,29 m² et d'un espace non couvert de 19,5 m². Le 29 mars 2021, la société de développement économique d'Agde et du littoral, gestionnaire du domaine public occupé, a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'ordonner l'expulsion de la société Katwans et de tous occupants de son chef. Par un jugement du 28 septembre 2022 dont la société Katwans relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a fait droit à cette demande.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué ".
3. La société Katwans soutient que les premiers juges se seraient, d'office, fondés sur le moyen tiré de ce que les stipulations des conventions d'occupation excluent la reconduction tacite de l'autorisation d'occupation alors que ce moyen n'avait pas été soulevé par les parties et qu'il n'a pas été porté à leur connaissance.
4.Toutefois, d'une part, dans son mémoire du 17 juin 2021, la société Katwans, qui soutenait bénéficier, pour la terrasse située côté Jean Miquel, d'une autorisation d'occupation du domaine public renouvelée chaque année depuis 2016 par la société de développement économique d'Agde et du littoral, indiquait que son expert-comptable avait égaré les conventions d'occupation précaires correspondantes. En outre, elle se prévalait du renouvellement tacite pour l'année 2021 de son autorisation d'occuper la terrasse en se fondant sur l'article 3 du règlement des autorisations de terrasse du domaine public. Il en résulte que contrairement à ce que soutient la société appelante, le moyen concernant le renouvellement tacite de l'autorisation d'occupation du domaine public portuaire, prétendument relevé d'office par le tribunal, était soulevé au soutien de sa propre défense.
5. D'autre part, en demandant à chacune des parties, le 25 mars 2022, la transmission, dans un délai de quinze jours, de la convention d'occupation domaniale ou de l'autorisation unilatérale d'occupation du domaine public portuaire précédemment accordée à la société Katwans, le tribunal a simplement effectué une mesure d'instruction destinée à vérifier un fait qui ressortait des pièces du dossier. De plus, il résulte de l'instruction que les conventions d'occupation du domaine public portuaire transmises par la société de développement économique d'Agde et du littoral, ont été communiquées par le tribunal, le 18 juillet 2022, à la société Katwans, qui était appelée à présenter le cas échéant des observations. Il en résulte que cette dernière, qui a été mise à même de contester, si elle le souhaitait, l'authenticité, l'opposabilité ou le contenu de ces conventions, n'est pas fondée à soutenir que le principe du contradictoire aurait été méconnu. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.
Sur les conclusions à fin d'expulsion :
6. Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public. Eu égard aux exigences qui découlent tant de l'affectation normale du domaine public que des impératifs de protection et de bonne gestion de ce domaine, l'existence de relations contractuelles en autorisant l'occupation privative ne peut se déduire de sa seule occupation effective, même si celle-ci a été tolérée par l'autorité gestionnaire et a donné lieu au versement de redevances domaniales. En conséquence, une convention d'occupation du domaine public ne peut être tacite et doit revêtir un caractère écrit.
7. En premier lieu, comme les premiers juges l'ont à juste titre estimé, la société Katwans ne saurait se prévaloir, au soutien de l'allégation selon laquelle elle a bénéficié d'une reconduction tacite de son autorisation d'occupation du domaine public portuaire, du document portant règlement des autorisations de terrasse du domaine public. Si ce document est signé par le maire d'Agde, il ne comporte cependant que des visas à l'état de projet et n'est pas daté et doit ainsi être regardé comme constituant un document préparatoire qui n'est pas entré en vigueur.
8. Par ailleurs, ni l'occupation effective du domaine public portuaire, postérieurement au 31 décembre 2021, par la société Katwans ni le versement des redevances domaniales ne permettent d'établir l'existence de relations contractuelles autorisant, au titre de l'année 2021, l'occupation privative de ce domaine par la société appelante. Alors qu'il lui appartenait de produire le titre l'autorisant à occuper la terrasse faisant partie des dépendances du domaine public portuaire, la société Katwans s'est bornée à indiquer que son comptable avait égaré les conventions d'occupation constitutives d'un tel titre. En outre, la circonstance que les conventions d'occupation du domaine public portuaire présentées par la société de développement économique d'Agde et du littoral ne seraient pas paraphées et seraient dépourvues de la signature des parties est sans incidence sur l'absence de justification par l'appelante de l'existence d'un titre l'habilitant à occuper la dépendance en litige.
9. Au demeurant, la convention d'occupation du domaine public portuaire autorisant la société Katwans à occuper, à titre précaire et révocable, la terrasse relevant de ce domaine, située ... au Cap d'Agde, d'une superficie de 59,79 m², pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2019, comporte la signature des parties. De plus, la société appelante ne conteste pas que la signature manuscrite de l'occupant figurant dans cette convention correspond à celle de sa représentante légale, Mme A... B.... Par ailleurs, même si la convention d'occupation du domaine public portuaire de 2020 autorisant la société appelante à occuper la terrasse en litige pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2020 ne comporte pas la signature des parties, cette convention reprend néanmoins les stipulations contractuelles des précédentes conventions d'occupation signées pour les années 2018 et 2019 hormis celles concernant la fixation du montant actualisé de la redevance. Dans ces conditions, en l'absence de présentation par la société appelante de toute autre convention l'autorisant à occuper la terrasse en litige, les conventions produites par la société de développement économique d'Agde et du littoral doivent être regardées comme constituant le titre l'ayant habilitée à l'occuper, en dernier lieu, pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2020. Dès lors que l'article 4 de ces conventions exclut la possibilité d'une reconduction tacite de l'autorisation, la société Katwans, qui n'a ni demandé ni obtenu le renouvellement exprès de son autorisation d'occupation au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2021, ne pouvait régulièrement poursuivre son occupation de la terrasse en litige au-delà du 31 décembre 2020.
10. En deuxième lieu, la société Katwans, qui ne justifie pas même avoir présenté une demande de renouvellement de son autorisation d'occupation de la terrasse en litige pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2021, n'est pas fondée à soutenir, en tout état de cause, que le refus éventuellement opposé à sa demande par la société de développement économique d'Agde et du littoral serait contraire aux motifs de refus limitativement énumérés par l'article 11 de l'arrêté du maire d'Agde n° 2016-654 du 19 avril 2016.
11. En dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction que le recours exercé par la société gestionnaire du domaine public portuaire serait fondé sur des motifs étrangers à l'intérêt et à la protection de ce domaine.
12. Il en résulte que la société Katwans n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier lui a enjoint de quitter sans délai les espaces irrégulièrement occupés sur le domaine public portuaire.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société de développement économique d'Agde et du littoral, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Katwans une somme de 1 500 euros en application de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE:
Article 1er : La requête de la société Katwans est rejetée.
Article 2 : La société Katwans versera à la société de développement économique d'Agde et du littoral une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Katwans et à la société de développement économique d'Agde et du littoral.
Délibéré après l'audience du 19 mars 2024, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2023.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
É. Rey-BethbéderLa greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 22TL22160 2