La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/04/2024 | FRANCE | N°22TL21962

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 02 avril 2024, 22TL21962


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de la décision du 16 avril 2019 de l'inspecteur du travail de l'unité départementale de la Haute-Garonne qui a fait droit à la demande présentée par la société Belvia Garanties d'autorisation de son licenciement pour inaptitude physique.



Par un jugement n° 1903222 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.



Procédure devant la cou

r :



Par une requête, enregistrée le 12 septembre 2022, et des mémoires enregistrés les 28 février et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de la décision du 16 avril 2019 de l'inspecteur du travail de l'unité départementale de la Haute-Garonne qui a fait droit à la demande présentée par la société Belvia Garanties d'autorisation de son licenciement pour inaptitude physique.

Par un jugement n° 1903222 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 septembre 2022, et des mémoires enregistrés les 28 février et 1er mars 2023, Mme B..., représentée par Me Clair, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 juillet 2022 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler la décision du 16 avril 2019 par laquelle l'inspecteur du travail a accordé à la société Belvia Garantie l'autorisation de la licencier pour inaptitude physique ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges n'ont pas retenu l'existence de l'irrégularité tenant au fait qu'elle n'a pas disposé de suffisamment de temps entre son entretien préalable et son audition devant la délégation du personnel, pour préparer utilement cette dernière ;

- il appartenait à l'inspecteur du travail de s'assurer de la réalité des recherches de reclassement au sein du groupe sans être dispensé de cette recherche par le fait que le médecin du travail avait constaté que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement, dès lors qu'elle n'était pas dans l'incapacité d'occuper tout emploi ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que la demande d'autorisation de licenciement n'était pas fondée sur un motif discriminatoire en lien avec le mandat exercé, l'inspecteur du travail n'ayant procédé à aucune investigation en vue de vérifier qu'il n'existait aucun lien entre la demande d'autorisation de licenciement et le mandat détenu, et n'ayant notamment pas demandé les éléments de salaire de certains collègues de travail, qui bénéficiaient d'un salaire plus élevé que le sien.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 26 décembre 2022 et le 26 mai 2023, la société Belvia Garanties, représentée par Me Deshoulières, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelante la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués par Mme B... n'est fondé.

Par une ordonnance du 30 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 20 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bentolila, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Françoise Perrin, rapporteure publique

- et les observations de Me Clair, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a été recrutée le 1er décembre 2015 en tant que gestionnaire d'assurances par la société Belvia Garanties, appartenant au groupe Belvia, puis, à compter du 1er juillet 2017, en tant que gestionnaire courtage après le rachat de la société Belvia par le groupe Citya. À compter du 22 février 2017, elle a détenu un mandat de membre de la délégation unique du personnel de l'unité économique et sociale Belvia, d'abord en qualité de suppléante, puis en qualité de membre permanent. Le 19 février 2019, le médecin du travail l'a déclarée inapte à son poste de travail en estimant que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi. La société Belvia Garanties Garanties a demandé, le 15 mars 2019, l'autorisation de licencier Mme B... pour inaptitude physique, qui lui a été accordée par une décision du 16 avril 2019 de l'inspecteur du travail de l'unité départementale de la Haute-Garonne. Mme B... relève appel du jugement du 13 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande en annulation de cette décision.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2421-3 du code du travail : " Le licenciement envisagé par l'employeur d'un membre élu à la délégation du personnel au comité social et économique titulaire ou suppléant ou d'un représentant syndical au comité social et économique ou d'un représentant de proximité est soumis au comité social et économique, qui donne un avis sur le projet de licenciement dans les conditions prévues à la section 3 du chapitre II du titre Ier du livre III (...) ". Selon l'article R. 2421-8 du même code : " L'entretien préalable au licenciement a lieu avant la consultation du comité social et économique faite en application de l'article L. 2421-8 ". Aux termes de l'article R. 2421-9 du même code : " L'avis du comité social et économique est exprimé au scrutin secret après audition de l'intéressé (...) ".

3. Saisie par l'employeur d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, il appartient à l'administration de s'assurer que la procédure d'entretien préalable et de consultation du comité social et économique a été régulière. Elle ne peut légalement accorder l'autorisation demandée que si le comité économique et social a été mis à même d'émettre son avis en toute connaissance de cause, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation. À cet égard, si la consultation de la délégation unique du personnel a eu lieu le 14 mars 2019, soit seulement une heure après l'entretien préalable de Mme B..., il ne ressort des pièces du dossier ni que les membres de la délégation unique du personnel, devant laquelle Mme B... ne s'est pas présentée, ne se serait pas prononcés en toute connaissance de cause, ni que Mme B..., qui ne fait pas valoir qu'elle aurait disposé lors de son entretien préalable d'informations qu'elle aurait pu transmettre à la délégation unique du personnel, n'aurait pas pu préparer utilement son audition devant cette délégation. Le moyen invoqué par l'appelante tiré de l'irrégularité de la procédure interne de licenciement doit donc être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail : " Lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail ". Aux termes de l'article L. 1226-2-1 du même code : " Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement. L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail. S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III du présent livre ". Aux termes de l'article R. 4624-42 de ce code : " Le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du travailleur à son poste de travail que : (...) Le médecin du travail peut mentionner dans cet avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ".

5. Il ressort des pièces du dossier que le médecin du travail dans son avis du 19 février 2019, en se référant expressément aux articles L. 1226-2-1 et R. 4624-42 précités du code du travail, a considéré que l'état de santé de Mme B... faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi, cet avis devant être interprété comme indiquant une impossibilité de reclassement tant au sein de l'entreprise que dans le groupe auquel appartenait la société Belvia Garanties. Dans ces conditions, ainsi que l'ont considéré à bon droit les premiers juges, et alors au demeurant que Mme B... n'a pas répondu au courrier que lui adressé son employeur, le 21 février 2019, lui indiquant que le médecin du travail avait considéré que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi, tout en lui demandant si elle souhaitait que lui soient proposés " des postes en adéquation avec (ses) souhaits de reclassement ", l'inspecteur du travail n'a pas entaché sa décision d'erreur de droit.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 1132-1 du code du travail : " Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français ".

7. Il résulte de ce qui est indiqué au point 5 du présent arrêt, que l'état de santé de Mme B..., et l'absence de possibilité de la reclasser étaient de nature à justifier son licenciement pour inaptitude physique sans que l'intéressée puisse faire valoir à cet égard, ni que cela ressorte en tout état de cause des pièces du dossier, que l'appréciation de son état de santé et de la possibilité de la reclasser seraient empreintes de discrimination ou seraient en relation avec les fonctions représentatives exercées. Dans ces conditions, et à supposer que les différences salariales invoquées par Mme B... étaient établies, elles sont sans lien avec la question de son inaptitude physique. Par suite, l'inspecteur du travail, qui n'était pas tenu, contrairement à ce que l'appelante allègue, de procéder à des investigations quant aux différenciations salariales invoquées, n'a pas entaché sa décision d'autorisation de licenciement d'une erreur de fait ou d'une erreur d'appréciation en relevant l'absence de lien entre la demande d'autorisation de licenciement pour inaptitude physique de Mme B... et ses fonctions représentatives au sein de l'entreprise Belvia.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Belvia Garanties, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu en application de ces dispositions de mettre à la charge de Mme B..., la somme de 1 500 euros au profit de la société Belvia Garanties.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Mme B... versera à la société Belvia Garanties la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à la société Belvia Garanties et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Délibéré après l'audience du 19 mars 2024 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami , première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2024

Le rapporteur

P. Bentolila

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22TL21962 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21962
Date de la décision : 02/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-035-02 Travail et emploi. - Licenciements. - Autorisation administrative - Salariés protégés. - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. - Motifs autres que la faute ou la situation économique. - Inaptitude ; maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : ENVERGURE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-02;22tl21962 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award