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28/03/2024 | FRANCE | N°23TL02048

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 1ère chambre, 28 mars 2024, 23TL02048


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 5 avril 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2203131 du 30 septembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :

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Par une requête enregistrée le 8 août 2023, Mme B..., représentée par Me Ruffel, demande à la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 5 avril 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2203131 du 30 septembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 août 2023, Mme B..., représentée par Me Ruffel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 avril 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à compter de la décision de la cour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de deux mois sous la même condition d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé en ce que le tribunal administratif ne donne aucun élément factuel et aucune précision justifiant que l'arrêté serait suffisamment motivé ;

- le préfet de l'Hérault n'a pas procédé à un examen réel et complet de sa situation médicale ;

- l'arrêté du préfet de l'Hérault est insuffisamment motivé ;

- cet arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 et du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il se fonde sur l'avis du 17 juin 2021 du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui est erroné ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 février 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 juillet 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Barthez a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante marocaine née en 1960 déclarant être entrée en France en 2010, a bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour en qualité d'étranger malade du 25 juin au 18 septembre 2012. Le 30 octobre 2012, elle a fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français, les recours contre ces décisions ayant été rejetés par le tribunal administratif de Montpellier le 18 avril 2013 et par la cour administrative d'appel de Marseille le 9 février 2015. Par un arrêté du 6 octobre 2014, dont la légalité a été confirmée in fine par la cour administrative d'appel de Marseille le 20 juin 2017, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre et l'a obligée à quitter le territoire français. Le 11 mai 2017, Mme B... a fait l'objet d'une nouvelle mesure d'éloignement, annulée par un jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 5 décembre 2017 qui a enjoint le préfet de l'Hérault de procéder au réexamen de sa situation. Par la suite, la requérante a fait l'objet d'un arrêté du 26 mars 2018 portant refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français et la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté son recours par un arrêt du 27 mars 2020. Le 1er avril 2021, l'appelante a sollicité un titre de séjour en raison de son état de santé et de sa présence en France depuis dix ans. Par un arrêté du 5 avril 2022, le préfet de l'Hérault a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... fait appel du jugement du 30 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 5 avril 2022.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Pour écarter le moyen tiré du caractère insuffisant de la motivation de l'arrêté contesté, les premiers juges ont rappelé, au point 2 du jugement attaqué, que la décision préfectorale visait les textes sur lesquels elle était fondée, exposait la procédure suivie et faisait état des éléments de fait propres à la situation personnelle et administrative de l'intéressée. Par suite, le jugement critiqué est suffisamment motivé sur le point invoqué par l'appelante.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, l'arrêté contesté du 5 avril 2022 vise les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celles de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il analyse la situation personnelle et familiale de Mme B... et mentionne de manière suffisante les éléments de fait pris en compte pour chacune des décisions contestées, notamment l'avis du 17 juin 2021 du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et l'avis du 3 mars 2022 de la commission du titre de séjour. Ainsi, dès lors qu'il comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, l'arrêté en litige du préfet de l'Hérault est suffisamment motivé et, eu égard notamment à cette motivation, n'est pas entaché d'un défaut d'examen réel et sérieux de la situation de l'appelante.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) ". Aux termes du 9 ° de l'article L. 611-3 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., qui a levé le secret médical, souffre d'une sténose sous-glottique inflammatoire et d'une néphropathie, nécessitant un suivi régulier avec des dilatations trachéales et un traitement médicamenteux à base de corticoïdes. Par un avis du 17 juin 2021, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que, si l'état de santé de l'intéressée requiert une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut toutefois bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Pour remettre en cause l'appréciation ainsi portée, Mme B... produit quatre certificats médicaux établis par le même médecin généraliste les 12 novembre 2012, 30 avril 2014, 29 novembre 2016 et 2 septembre 2022, qui se bornent à mentionner, sans précision, qu'il n'existe pas, dans son pays d'origine, de traitement équivalent à celui suivi par la requérante en France. Par ailleurs, si la requérante se prévaut d'un certificat médical du 19 septembre 2022 faisant état de la nécessité d'une opération de dilatation trachéale en raison d'une dégradation de son état de santé, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une telle aggravation de la pathologie ne serait pas postérieure à l'arrêté en litige. Dans ces conditions, en l'absence d'élément précis produit par Mme B... et eu égard à l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, il ressort des pièces du dossier qu'elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié au Maroc. Par suite, la décision portant refus de titre de séjour ne méconnaît pas les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les dispositions précitées du 9° de l'article L. 611-3 du même code.

6. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine ".

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., déclarant être entrée en France en 2010, a bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour en raison de son état de santé du 25 juin au 18 septembre 2012. Il est constant que la requérante réside en France depuis plus de dix ans et que la commission du titre de séjour a rendu un avis favorable à la délivrance d'un titre de séjour le 3 mars 2022. Elle participe, de manière régulière, à des activités associatives et suit des cours de français dispensés par une association. Il ressort également des pièces du dossier que la requérante réside avec sa sœur et son beau-frère en situation régulière sur le territoire français, et que deux de ses sœurs et l'un de ses frères, ressortissant néerlandais, résident aux Pays-Bas. Toutefois, l'appelante s'est maintenue irrégulièrement en France en dépit des trois précédentes mesures d'éloignement dont elle a fait l'objet les 30 octobre 2012, 6 octobre 2014 et 26 mars 2018, qui ont toutes été confirmées par les juridictions administratives. Par ailleurs, elle n'établit aucune intégration professionnelle en France dès lors qu'elle ne détient aucune qualification particulière et ne justifie d'aucune expérience professionnelle depuis son entrée sur le territoire français en 2010. Enfin, Mme B..., célibataire et sans enfant, n'établit pas être dépourvue de toute attache dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de cinquante ans, nonobstant le décès de ses parents et la présence d'une sœur en France et d'autres membres de la fratrie aux Pays-Bas. Dans ces conditions, eu égard aux conditions de son séjour en France, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté du préfet de l'Hérault aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 (...) ". Les circonstances précédemment mentionnées ne peuvent être regardées comme humanitaires ou exceptionnelles au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit ainsi être écarté. Eu égard à ces circonstances, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du préfet de l'Hérault serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter également ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Christophe Ruffel et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président,

Mme Restino, première conseillère,

Mme Chalbos, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2024.

Le président rapporteur,

A. Barthez

L'assesseure la plus ancienne dans l'ordre du tableau,

V. Restino

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°23TL02048 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23TL02048
Date de la décision : 28/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: M. CLEN
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-28;23tl02048 ?
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