Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 14 mars 2022 et des mémoires en réplique enregistrés les 30 mars 2023, 14 avril 2023 et 15 mai 2023, la société par actions simplifiée Distribution Casino France, représentée par Me Bolleau, demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté n° PC 06603721F0043 du 18 janvier 2022 par lequel le maire de Canet-en-Roussillon a délivré à la société en nom collectif Lidl un permis de construire, en tant que celui-ci vaut autorisation d'exploitation commerciale ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Canet et Roussillon et de l'Etat une somme de 1 500 euros chacun en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable, dès lors qu'elle justifie d'un intérêt pour agir contre la décision contestée ;
- la " demande de revoyure " de la société Lidl aurait dû être rejetée comme irrecevable par la Commission nationale d'aménagement commercial, dès lors qu'elle ne lui a pas été notifiée conformément aux dispositions de l'article R. 752-43-4 du code de commerce, et qu'elle ne prend pas en compte les motivations du précédent avis de cette commission, en méconnaissance de l'article L. 752-21 du même code ;
- l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial est insuffisamment motivé ;
- la Commission nationale d'aménagement commercial ne s'est pas prononcée en connaissance de cause en raison du caractère incomplet du dossier de demande, en ce qui concerne les informations relatives aux flux de circulation, la réalisation des aménagements envisagés pour la desserte, la présentation de la qualité environnementale du projet et les informations relatives à l'insertion du projet ;
- l'autorisation a été délivrée en méconnaissance des articles L. 750-1 et L. 752-6 du code de commerce, dès lors que le projet compromet l'objectif d'aménagement du territoire, du fait de son impact négatif sur les commerces de centre-ville, de son impact sur les flux de circulation, de l'absence de garantie de réalisation des aménagements routiers permettant sa desserte, de sa consommation non-économe d'espace en violation de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 et de la circulaire du 24 août 2020 sur le rôle des préfets en matière d'aménagement commercial dans le cadre de la lutte contre l'artificialisation ;
- le projet compromet l'objectif de développement durable du fait de sa qualité environnementale insuffisante et il n'est pas établi que le projet respectera les dispositions de l'article L. 111-19 du code de l'urbanisme instaurant une limitation de l'emprise au sol des surfaces affectées aux aires de stationnement.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 5 octobre 2022 et le 26 avril 2023, la commune de Canet-en-Roussillon, représentée par la SCP HG et C Avocats, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce que la cour sursoit à statuer sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Distribution Casino au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 111-19 du code de l'urbanisme est inopérant et irrecevable.
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par des mémoires en défense enregistrés les 6 avril et 26 avril 2023, la société Lidl, représentée par la SELARL Leonem, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société requérante une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par ordonnance du 26 avril 2023, la clôture d'instruction a été reportée et fixée en dernier lieu au 17 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021;
- le décret n° 2022-1312 du 13 octobre 2022 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Haïli, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,
- les observations de Me Louche représentant la société requérante ;
- les observations de Me Alzeari, représentant la commune intimée ;
- et les observations de Me Juliac-Degrellel, représentant la société défenderesse.
Considérant ce qui suit :
1. La société Lidl a déposé le 15 décembre 2020 auprès des services de la commune de Canet-en-Roussillon (Pyrénées-Orientales) une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la création d'un magasin à l'enseigne Lidl, sur un terrain sis avenue des Alizés, d'une surface de vente de 1 700 m² qui s'installe à 1,5 kilomètre du magasin de 997 m² exploité actuellement par l'enseigne. La commission départementale d'aménagement commercial des Pyrénées-Orientales a rendu un avis favorable le 3 mars 2021 concernant ce projet. Sur recours de la société Distribution Casino France, la Commission nationale d'aménagement commercial rendu, le 10 juin 2021, un premier avis défavorable avec la faculté de saisir directement la commission conformément aux dispositions de l'article L. 752-21 du code de commerce. La société Lidl a déposé directement devant la commission nationale le 21 août 2021 une nouvelle demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale. Sur cette saisine directe du pétitionnaire en application des articles L. 752-21 et R. 752-43-1 du code de commerce, la Commission nationale d'aménagement commercial a émis un avis favorable au projet en date du 15 décembre 2021. Par un arrêté n° PC 06603721F0043 du 18 janvier 2022, le maire de Canet-en-Roussillon a délivré à la société Lidl un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale. Par la présente requête, la société Distribution Casino France demande l'annulation de cet arrêté en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.
Sur les conclusions en annulation :
En ce qui concerne la nouvelle demande d'autorisation :
S'agissant de l'incomplétude de la demande de saisine directe de la Commission nationale d'aménagement commercial :
2. Aux termes de l'article L. 752-21 du code de commerce : " Un pétitionnaire dont le projet a été rejeté pour un motif de fond par la Commission nationale d'aménagement commercial ne peut déposer une nouvelle demande d'autorisation sur un même terrain, à moins d'avoir pris en compte les motivations de la décision ou de l'avis de la commission nationale. / Lorsque la nouvelle demande ne constitue pas une modification substantielle au sens de l'article L. 752-15 du présent code, elle peut être déposée directement auprès de la Commission nationale d'aménagement commercial ". Aux termes de l'article R. 752-43-4 de ce code alors en vigueur : " La nouvelle demande comprend, outre l'avis ou la décision de la Commission nationale rendu sur le projet, le dossier actualisé de demande d'autorisation d'exploitation commerciale. / A peine d'irrecevabilité, la demande est accompagnée d'un exposé synthétique des ajustements apportés au projet. / A peine d'irrecevabilité, le demandeur dispose de cinq jours, à compter de la saisine de la Commission nationale, pour notifier la nouvelle demande au préfet du département d'implantation du projet et, s'il y a lieu, à chaque requérant auteur d'une précédente saisine de la Commission nationale sur le même projet. Cette notification comporte une copie de l'exposé synthétique mentionné à l'alinéa précédent. (...) / Lorsque la réalisation du projet nécessite un permis de construire, le délai de cinq jours court, sous la même sanction d'irrecevabilité, à compter de la date d'enregistrement de la nouvelle demande en mairie, le récépissé délivré par le maire faisant foi ".
3. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 3 août 2021, la société Lidl a notifié à la société Distribution Casino France, auteure de la précédente saisine de la Commission nationale d'aménagement commercial sur le même projet, l'avis défavorable de cette commission, le récépissé de dépôt de sa nouvelle demande de permis de construire, daté du 2 août 2021, et un exposé synthétique des ajustements opérés sur le projet initial. D'une part, les dispositions de l'article R. 752-43-4 du code de commerce précitées n'imposaient pas à la société Lidl de joindre à ce courrier, en outre, le dossier actualisé de sa demande d'autorisation d'exploitation commerciale. D'autre part, le courrier a été réceptionné par la société Distribution Casino France le 4 août 2021, avant l'expiration du délai de cinq jours prévu par les mêmes dispositions. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la nouvelle demande était irrecevable à défaut de lui avoir été régulièrement notifiée.
S'agissant de la prise en compte des motivations du premier avis défavorable de la Commission nationale d'aménagement commercial :
4. Il ressort des pièces du dossier que la première demande soumise par la société Lidl, qui porte sur la création d'un supermarché entraînant la fermeture du magasin exploité actuellement par la même enseigne, avait donné lieu à un avis défavorable de la Commission nationale d'aménagement commercial le 10 juin 2021 en raison de l'absence de certitude de la résorption de la friche commerciale, de l'insuffisante insertion architecturale du projet dans son environnement et de la nécessaire amélioration du traitement paysager et de la perméabilisation du site. Il ressort également des pièces du dossier que la société pétitionnaire a fait évoluer son projet dans la prise en compte des objectifs en matière d'aménagement du territoire, en apportant des garanties de résorption de la friche laissée par l'actuel magasin, tenant notamment à la promesse de vente du site actuel à la commune de Canet-en-Roussillon, et dans la prise en compte de l'insertion paysagère et architecturale, en proposant une toiture en double pente en tuile, avec une surface de panneaux photovoltaïques augmentée, ainsi que dans la prise en compte de la perméabilisation des sols, par la diminution de la consommation foncière, la plantation d'arbres supplémentaires et l'augmentation de la surface perméable hors espaces en pleine terre. Par suite, il ressort de ces éléments que la société pétitionnaire a suffisamment pris en compte les motifs de l'avis défavorable par la commission nationale rendu sur sa première demande.
5. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 752-21 du code de commerce doit, en conséquence, être écarté.
En ce qui concerne la motivation de l'avis de la commission nationale :
6. Si, en vertu de l'article R. 752-16 du code de commerce, l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial doit être motivé, cette obligation n'implique pas que celle-ci soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect, par le projet qui lui est soumis, de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables, ni de répondre expressément aux arguments invoqués devant elle lors de l'instruction de la demande.
7. La société requérante soutient que l'avis favorable du 15 décembre 2021 est insuffisamment motivé en ce qu'il ne se prononce pas sur la question de la notification du dossier de sa demande actualisé, sur celle de la consommation de l'espace générée par le projet, sur la garantie de la réalisation des aménagements publics routiers nécessaires à une desserte sécurisée du projet et sur la dangerosité de l'accès au projet pour les véhicules de livraison. Toutefois, il ressort des termes de cet avis que la Commission nationale d'aménagement commercial a suffisamment décrit le projet et son implantation, mentionné les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle s'est fondée pour conclure au respect des exigences découlant du code de commerce et rendre un avis favorable à la nouvelle demande d'autorisation présentée par la société pétitionnaire, alors même que cet avis ne comporte de référence explicite ni aux modalités de la procédure de saisine directe, ni par ailleurs aux éléments en lien avec la motivation de l'avis défavorable antérieur de la Commission nationale d'aménagement commercial. Ainsi qu'il a été rappelé au point précédent, la commission n'avait pas, en outre, à répondre expressément à l'intégralité de l'argumentation développée par la requérante devant elle, ni à motiver spécialement son avis au regard de l'avis défavorable émis par la ministre en charge de l'urbanisme. Dans ces conditions, et dès lors que l'avis en litige comporte, pour le reste, un énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, le moyen tiré de l'insuffisance de sa motivation doit être écarté.
En ce qui concerne le contenu du dossier de demande d'autorisation :
8. Aux termes de l'article R. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au projet : " La demande est accompagnée d'un dossier comportant notamment les éléments suivants : / (...) 3° Effets du projet en matière d'aménagement du territoire. / Le dossier comprend une présentation des effets du projet sur l'aménagement du territoire, incluant les éléments suivants : / (...) c) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules de livraison générés par le projet et description des accès au projet pour ces véhicules ; / d) Indication de la distance du projet par rapport aux arrêts des moyens de transports collectifs, de la fréquence et de l'amplitude horaire de la desserte de ces arrêts ; / e) Analyse prévisionnelle des flux de déplacement dans la zone de chalandise, tous modes de transport confondus, selon les catégories de clients ; / f) En cas d'aménagements envisagés de la desserte du projet : tous documents garantissant leur financement et leur réalisation effective à la date d'ouverture de l'équipement commercial pour les aménagements pris en charge au moins pour partie par les collectivités territoriales, la mention des principales caractéristiques de ces aménagements, une estimation des coûts indirects liés aux transports supportés par les collectivités comprenant la desserte en transports en commun, ainsi qu'une présentation des avantages, économiques et autres, que ces aménagements procureront aux collectivités ;(...) ".
9. La circonstance que le dossier de demande d'autorisation ne comporterait pas l'ensemble des éléments exigés par les dispositions des articles L. 752-6 et R. 752-6 du code de commerce, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité l'autorisation qui a été accordée que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
10. Il ressort des pièces du dossier que la société Lidl a notamment joint à sa demande d'autorisation d'exploitation commerciale une étude de trafic établie par le bureau d'études Emtis faisant une analyse détaillée et chiffrée des flux journaliers de circulation de voitures particulières et de véhicules de livraison générés par le projet, des flux prévisionnels de déplacement dans la zone de chalandise et des capacités des infrastructures de transport existantes et l'impact des variations estivales. En se bornant à faire valoir, de manière très générale, l'insuffisante prise en compte de l'évolution du trafic liée à la réalisation prochaine d'autres équipements commerciaux voisins de l'opération et d'ores et déjà autorisés, la société requérante ne remet pas sérieusement en cause le caractère complet et adapté de cette étude. Dans ces conditions, les éléments du dossier ayant permis à la Commission nationale d'aménagement commercial d'apprécier l'impact des flux de circulation générés par le projet étaient suffisants au regard des exigences de l'article R. 752-6 du code de commerce alors en vigueur.
11. Par ailleurs, la fourniture de documents garantissant le financement et la réalisation effective, à la date d'ouverture de l'équipement commercial, d'aménagements envisagés pour la desserte du projet, n'est, aux termes mêmes du f) du 3° du I de l'article R. 752-6 du code de commerce précité, requise que pour les aménagements pris en charge au moins pour partie par les collectivités territoriales. Or, il ressort des pièces du dossier que le projet comporte la création d'une voie interne et des accès sur le terrain d'assiette réalisés et pris en charge par la société pétitionnaire. Par suite, cette dernière n'avait pas à fournir de documents garantissant leur financement et leur réalisation effective.
12. Enfin, les dispositions précitées n'imposent pas au pétitionnaire de présenter les mesures de traitement des déchets ou de limitation des émissions de gaz à effet de serre en phase de chantier. Le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale comprend, par ailleurs, plusieurs pages consacrées à la description des émissions de gaz à effet de serre qui ont été évaluées par le pétitionnaire ainsi que des actions envisagées pour les réduire ou les limiter, dont des mesures concernant les déchets. Le dossier comprend également plusieurs pages décrivant les mesures de réduction ou de valorisation des déchets envisagées pour limiter les pollutions liées à l'activité. Il comprend, enfin, une vue aérienne du projet dans son environnement, une vue aérienne rapprochée, un document d'insertion du projet, une vue de l'entrée du magasin depuis le parking, ainsi qu'une vue de l'ambiance paysagée de l'aire de stationnement, qui ont permis à la commission nationale d'apprécier la qualité architecturale et paysagère du projet. Le moyen tiré du caractère incomplet ne peut ainsi qu'être écarté.
En ce qui concerne le respect des objectifs et des critères de l'article L. 752-6 du code de commerce :
13. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa version alors applicable : " (...) La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone / e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; / f) Les coûts indirects supportés par la collectivité en matière notamment d'infrastructures et de transports ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / (...) 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; (...) / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. / (...) ".
S'agissant de l'aménagement du territoire :
14. Il ressort des pièces du dossier que le projet porte sur la création d'un supermarché à l'enseigne " Lidl " d'une surface de vente de 1 700 m² qui s'installe à 1,5 kilomètre du magasin de 997 m² exploité actuellement par la même enseigne, sur un terrain perméable et libre de toute construction entre le centre-ville de Canet-Village à 1,4 kilomètre et à 2 kilomètres du centre-ville de Canet-Plage. Le projet est situé en zone UEa du plan local d'urbanisme de la commune de Canet-en-Roussillon, destinée à l'implantation d'activités commerciales ainsi que d'établissements hôteliers et de restauration. Si la société requérante soutient que le projet ne participe pas à l'aménagement commercial du fait qu'il est situé entre Canet-Village et Canet-Plage, il ressort des pièces du dossier que le projet réhabilite un terrain non artificialisé prenant place dans un espace qualifié de friche industrielle situé à proximité du centre-ville, qui fait actuellement l'objet d'un projet immobilier d'importance avec la réalisation de la zone d'aménagement concerté " Port Alizés " comprenant à termes 670 logements, des commerces, des services de proximité et un hôtel. Dans ces conditions, alors que le taux de vacance commerciale de la commune de Canet-en-Roussillon demeure dans la moyenne nationale, de l'ordre de 9,5 % sur Canet-Village et de 8,1 %, en baisse, sur Canet-Plage, que le projet autorisé ne présente qu'un impact limité sur les commerces alimentaires en centre-bourg, soit deux supérettes et deux caves à vin, et que la délivrance de l'autorisation ne peut être subordonnée à l'absence de toute incidence négative sur les centres-villes, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le projet aura des effets négatifs sur l'animation de la vie urbaine.
15. Il ressort des pièces du dossier que le site d'implantation du projet bénéficie d'une bonne desserte routière depuis l'avenue des Alizés, qu'il est également facilement accessible par les modes doux piétons et cyclistes et qu'une desserte en transports en commun est assurée régulièrement. Il ressort également des pièces du dossier et n'est pas sérieusement contesté que le trafic supplémentaire généré par le projet sera limité et qu'il est compatible avec la capacité des infrastructures routières existantes. Enfin, les aménagements routiers seront intégralement pris en charge par la société Lidl, ce qui, compte tenu de l'intérêt évident de cette dernière à son propre projet, ne peut qu'en garantir la réalisation. Dans ces conditions, alors que l'estimation du trafic induit par le projet est fondée sur la fréquentation en période estivale et sur l'évolution à terme du quartier, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le projet aura un effet négatif sur les flux de transports.
16. S'agissant du critère lié à la consommation économe de l'espace, il ressort des pièces du dossier que le projet s'implante sur 22 500 m² d'espaces non artificialisés à ce jour, réévalués à 22 383 m² dans le projet amendé, et que l'emprise définitive affectée au projet a été ramenée à 13 213 m² contre 13 330 m² initialement. Par ailleurs, le terrain de l'unité foncière attenant au projet de 9 170 m² restant perméable et le projet d'aménagement prévoyant 5 183 m² de surface perméable totale, sur l'emprise affectée au projet de 13 213 m², dont 3 808 m² d'espaces en pleine terre et 1 375 m² de surface perméable de pavés drainants, la surface perméable totale de l'ensemble de l'emprise foncière représente 14 353 m² soit plus de 64 %. En outre, le rapport d'instruction de la commission nationale souligne le caractère compact des constructions envisagées par le projet et l'effort relatif à la perméabilisation des stationnements, soit un parc de stationnement comptant 107 places dont 101 perméables et 6 imperméables. Enfin, la société requérante ne peut utilement se prévaloir de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, en particulier s'agissant des critères énoncés au I de l'article L. 752-6 du code de commerce, alors que les dispositions du V de cet article issues de cette loi, du fait de l'application de l'article 9 du décret du 13 octobre 2022 relatif aux modalités d'octroi de l'autorisation d'exploitation commerciale pour les projets qui engendrent une artificialisation des sols, ne sont susceptibles d'être entrées en vigueur que dans le cadre de dossiers de demandes déposés à compter du 15 octobre 2022.
17. Il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas établi que le projet ne respecterait pas les critères d'aménagement du territoire retenus par l'article L. 752-6 du code de commerce.
S'agissant du développement durable :
18. Il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit 2 places pour véhicules électriques et 8 places pré-équipées, sur 107 places de stationnement au total et, comme il a été dit au point 16 ci-dessus, 103 places seront en revêtement perméable, soit la quasi-totalité des places de stationnement. Le projet autorisé par l'arrêté en litige prévoit également l'installation de 800 m² de panneaux photovoltaïques en toiture et de 255 m² en ombrières de stationnement, soit 1 055 m², contre seulement 78 m² en toiture et 255 m² sur des ombrières, pour atteindre 1 033 m² dans le projet initial, ainsi que la plantation de 58 arbres supplémentaires contre 67 arbres initialement. Si la société requérante fait valoir que ces éléments sont insuffisants, elle fonde ses allégations exclusivement sur le rapport établi par la direction départementale des territoires et de la mer des Pyrénées-Orientales le 22 février 2021 au sujet du projet initial. Or, la même direction a rendu le 25 mai 2021 un avis favorable au projet concluant ce nouveau rapport qui n'est assorti d'aucune réserve relative à sa qualité environnementale. Les modifications apportées au projet initial portent notamment sur ce point et traduisent la prise en compte des observations contenues dans le rapport initial. Enfin, ainsi qu'il a été exposé au point 16 ci-dessus, la surface perméable totale de l'ensemble de l'emprise foncière est maintenue sur plus de 64 % de la surface totale du terrain d'assiette du projet. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le projet ne satisfait pas au critère de la qualité environnementale, ni qu'il est de nature à compromettre l'objectif de développement durable.
19. Enfin, aux termes de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l'appui de telles conclusions (...) ". Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-19 du code de l'urbanisme, lequel concerne la détermination de l'emprise au sol maximale susceptible d'être affectée aux aires de stationnement annexes d'un commerce, relève de la régularité du permis en tant qu'il vaut autorisation de construire, au sens de l'article L. 600-1-4 précité du même code. Dès lors, ainsi que le fait valoir la commune intimée, ce moyen doit être écarté comme irrecevable.
20. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société Distribution Casino France n'est pas fondée à demander l'annulation du permis de construire délivré le 18 janvier 2022 par le maire de Canet-en-Roussillon à la société Lidl en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.
Sur les frais liés au litige :
21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande présentée par la société requérante, qui a la qualité de partie perdante à la présente instance, au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette société le versement d'une somme de 2 000 euros à la commune de Canet-en-Roussillon et d'une somme de 2 000 euros à la société Lidl au titre des frais exposés par elles dans cette instance et non compris dans les dépens sur le même fondement.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Distribution Casino France est rejetée.
Article 2 : La société Distribution Casino France versera à la commune de Canet-en-Roussillon la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La société Distribution Casino France versera à la société Lidl une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Distribution Casino France, à la commune de Canet-en-Roussillon, à la société en nom collectif Lidl et à la Commission nationale d'aménagement commercial.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2024, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
Mme Lasserre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2024.
Le président-assesseur,
X. HaïliLe président,
D. Chabert
La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL20782