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19/03/2024 | FRANCE | N°23TL00798

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 19 mars 2024, 23TL00798


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A..., a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de la décision du 6 décembre 2021 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence d'une durée de dix ans.

Par un jugement n° 2200644 du 8 mars 2023, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision précitée et a enjoint au préfet de réexaminer la situation administrative de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la not

ification du jugement.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A..., a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de la décision du 6 décembre 2021 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence d'une durée de dix ans.

Par un jugement n° 2200644 du 8 mars 2023, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision précitée et a enjoint au préfet de réexaminer la situation administrative de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 avril 2023, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 mars 2023 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de rejeter la demande de M. A....

Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont fait droit à la demande de M. A... ; en effet, ce dernier ne répond pas à la condition posée par les stipulations de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 permettant la délivrance d'un certificat de résidence de dix ans, tenant au fait de justifier d'une résidence régulière en France depuis trois ans, dès lors que la régularité de son séjour a été interrompue du 18 août 2015 au 27 novembre 2020 ; M. A... n'entre pas par ailleurs dans les cas de délivrance de plein droit d'un certificat de résidence de dix ans ; de surcroît, l'octroi d'un certificat de résidence de dix ans n'est pas de droit et relève du pouvoir d'appréciation du préfet.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juin 2023, M. A..., représenté par Me Ouddiz-Nakache, conclut au rejet de la requête du préfet de la Haute-Garonne et doit être regardé comme demandant la réformation du jugement du 8 mars 2023 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un certificat de résidence, d'une durée de dix ans ; il demande, en outre, à ce qu'il soit mis à la charge de l'État la somme de 2 500 euros, à verser à son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que :

- aucun des moyens de la requête du préfet de la Haute-Garonne n'est fondé et que c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la condition tenant à la justification d'une résidence ininterrompue en France de trois ans était remplie ;

- par ailleurs, la décision du préfet est entachée d'incompétence, est insuffisamment motivée et se trouve entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;

- le préfet a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien dès lors qu'il justifie notamment de moyens d'existence suffisants pour lui permettre d'obtenir un certificat de résidence de dix ans ;

- il est par ailleurs porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et la décision du préfet est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

Par une décision du 22 novembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à M. A... le maintien de plein droit du bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 55 %.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bentolila,

- et les observations de Me Ouddiz-Nakache pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 21 février 1984, et de nationalité algérienne, est entré en France le 16 décembre 2016 sous couvert d'un visa court séjour. À la suite de son mariage avec une ressortissante française, il a bénéficié d'un certificat de résidence d'un an valable jusqu'au 18 août 2015. Le 14 juillet 2015, l'intéressé a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 10 février 2017, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui renouveler son titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français, la légalité de cet arrêté ayant été confirmée par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 8 juin 2018. Le 21 janvier 2020, l'intéressé a sollicité son admission exceptionnelle au séjour et a bénéficié, à ce titre, le 27 novembre 2020, d'une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " salarié " valable jusqu'au 26 novembre 2021 et renouvelée le 26 janvier 2022 jusqu'au 6 décembre 2022. Le 15 novembre 2021, M. A... a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence algérien d'une durée de dix ans sur le fondement de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien. Par une décision du 6 décembre 2021, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer le certificat de résidence de dix ans sollicité.

2. Par la présente requête, le préfet de la Haute-Garonne relève appel du jugement du 8 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 6 décembre 2021, et M. A... doit être regardé comme demandant, par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement du 8 mars 2023 en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un certificat de résidence de dix ans.

Sur l'appel principal du préfet de la Haute-Garonne :

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1967 : " Les dispositions du présent article et celles de l'article 7 bis fixent les conditions de délivrance du certificat de résidence aux ressortissants algériens autres que ceux visés à l'article 6 nouveau, ainsi qu'à ceux qui s'établissent en France après la signature du premier avenant à l'accord : / (...) b) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention " salarié " : cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française ; (...) ". Aux termes de l'article 7 bis de cet accord : " les ressortissants algériens visés à l'article 7 peuvent obtenir un certificat de résidence de dix ans s'ils justifient d'une résidence ininterrompue en France de trois années. / Il est statué sur leur demande en tenant compte des moyens d'existence dont ils peuvent faire état, parmi lesquels les conditions de leur activité professionnelle et, le cas échéant, des justifications qu'ils peuvent invoquer à l'appui de leur demande. / Le certificat de résidence valable dix ans, renouvelé automatiquement, confère à son titulaire le droit d'exercer en France la profession de son choix, dans le respect des dispositions régissant l'exercice des professions réglementées. / Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g): / a) Au ressortissant algérien marié depuis au moins un ans avec un ressortissant de nationalité française dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 6 nouveau 2) et au dernier alinéa de ce même article; / b) À l'enfant algérien d'un ressortissant français si cet enfant a moins de vingt et un ans ou s'il est à la charge de ses parents, ainsi qu'aux ascendants d'un ressortissant français et de son conjoint qui sont à sa charge; / c) Au ressortissant algérien titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 p. 100 ainsi qu'aux ayants droit d'un ressortissant algérien, bénéficiaire d'une rente de décès pour accident de travail ou maladie professionnelle versée par un organisme français; / d) Aux membres de la famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence valable dix ans qui sont autorisés à résider en France au titre du regroupement familial; / e) Au ressortissant algérien qui justifie résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans; / f) Au ressortissant algérien qui est en situation régulière depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'un certificat de résidence portant la mention "étudiant"; / g) Au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français résidant en France, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins, à l'échéance de son certificat de résidence d'un an; / h) Au ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une validité d'un an portant la mention "vie privée et familiale", lorsqu'il remplit les conditions prévues aux alinéas précédents ou, à défaut, lorsqu'il justifie de cinq années de résidence régulière ininterrompue en France. "

4. Pour annuler la décision du 6 décembre 2021 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a refusé de délivrer à M. A... un certificat de résidence d'une durée de dix ans, les premiers juges ont estimé que cette décision était fondée à tort sur la circonstance selon laquelle l'intéressé ne remplirait pas, à la date de cette décision, une condition de résidence en France de manière régulière et ininterrompue depuis trois années. Toutefois, les stipulations précitées de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien prévoient que pour les ressortissants algériens qui ne remplissent pas les conditions permettant l'attribution de plein droit d'un certificat de résidence de dix ans, ce certificat de résidence peut leur être octroyé s'ils justifient d'une résidence ininterrompue en France de trois années. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que dès lors que M. A... était, à la date de la décision attaquée, en situation régulière et qu'il résidait de manière ininterrompue, quoique non régulière, en France depuis plus de trois années, le refus de lui délivrer un certificat de résidence d'une durée de dix ans était entaché d'une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 6 décembre 2021 refusant de délivrer à M. A... un certificat de résidence d'une durée de dix ans.

Sur l'appel incident de M. A... :

6. Il résulte des stipulations précitées qu'il appartient au requérant qui sollicite la délivrance d'un certificat de résidence de dix ans, après avoir démontré entrer dans l'un des cas visés à l'article 7 de l'accord franco-algérien, d'établir sur le fondement de l'article 7 bis du même accord d'une part, la permanence et l'effectivité de sa résidence en France depuis trois ans, et, d'autre part, de justifier de ses moyens d'existence et notamment des conditions d'exercice de son activité professionnelle. En l'espèce, ainsi qu'il est dit au point 4 du présent arrêt, M. A... résidait, à la date de la décision attaquée, de manière régulière et ininterrompue en France depuis trois années. Par ailleurs, est produit au dossier un contrat à durée indéterminée l'employant à compter du 1er novembre 2016 à temps complet en qualité de coiffeur, ainsi que des fiches de paye établissant pour le mois de novembre 2021, soit pour la période immédiatement antérieure à l'arrêté en litige du 6 décembre 2021, le versement à l'intéressé, dont il est constant qu'il n'a pas de charges de famille, d'un salaire net mensuel de 1 313 euros net, alors que par ailleurs son avis d'imposition établi en 2021 pour l'année 2020, indique une déclaration d'un salaire annuel net de 15 188 euros. Dans ces conditions, l'intimé justifie disposer de moyens d'existence suffisants au sens des stipulations précitées de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien. Dès lors qu'aucun autre motif n'est opposé par le préfet pour lui refuser la délivrance d'un certificat de résidence d'une durée de dix ans, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont refusé de faire droit à ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un certificat de résidence d'une durée de dix ans, à demander la réformation du jugement en ce sens, et à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer ledit certificat dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire que cette injonction soit assortie d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État au bénéfice du conseil de Mme A..., la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Haute-Garonne est rejetée.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer un certificat de résidence de dix ans à M. B... A..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le jugement du 8 mars 2023 du tribunal administratif de Toulouse est réformé en ce qu'il est contraire à ce qui précède.

Article 4 : L'État versera la somme de 1 200 euros à Me Ouddiz-Nakache en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le surplus de l'appel incident de M. A... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. B... A... et à Me Ouddiz-Nakache.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne .

Délibéré après l'audience du 5 mars 2024, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami , première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024.

Le rapporteur,

P. Bentolila

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23TL00798 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00798
Date de la décision : 19/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : OUDDIZ-NAKACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-19;23tl00798 ?
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