Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Angelotti Aménagement a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Etat, au titre de sa responsabilité pour faute et sans faute, à lui verser la somme de 801 627,98 euros en réparation des préjudices financiers subis résultant de l'inconstructibilité de la parcelle lui appartenant.
Par un jugement n° 2001893 du 28 décembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 février 2022 sous le n° 21MA00676 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 22TL00676 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, la société Angelotti Aménagement, représentée par la SELARL Valette-Berthelsen, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 801 627,98 euros en réparation des préjudices subis ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- les premiers juges ont entaché leur jugement d'une dénaturation des pièces du dossier en écartant la responsabilité pour faute ;
- les premiers juges ont statué ultra petita en opposant l'argument relatif au chiffre d'affaires de la société, et ont entaché leur jugement d'une erreur de droit en écartant la responsabilité sans faute ;
Sur le bien-fondé du jugement :
- la responsabilité pour faute de l'Etat est engagée en raison de l'erreur de classement des parcelles acquises hors zone inondable révélant une défaillance dans l'appréciation du risque inondation dans le cadre du plan de prévention des risques inondations de 2001 ;
- sa responsabilité est engagée en raison de la non-révision décennale de la parcelle laissée en zone non inondable alors qu'elle aurait dû être classée en zone inondable ;
- sa responsabilité pour faute est également engagée en raison de l'espérance légitime qu'elle disposait d'un droit acquis à lotir et à vendre des terrains à bâtir ;
- sa responsabilité est engagée en raison de sa carence fautive dans l'exercice de sa mission de police des cours d'eau non domaniaux en vertu de l'article L. 215-7 du code de l'environnement ;
- la responsabilité sans faute de l'Etat est engagée en raison de la charge spéciale et exorbitante qu'elle supporte ;
- le préjudice subi en raison du classement de sa parcelle dans le plan de prévention au moment des inondations est spécial et exorbitant puisqu'elle est la seule à avoir dû subir l'intégralité de l'aléa pesant sur sa parcelle en l'absence de révision dudit plan par l'Etat ;
- elle a pu acquérir la parcelle en tant que terrain constructible du fait de l'appréciation première du risque d'inondation portée par l'Etat ;
- l'Etat, en choisissant de ne pas réviser le plan de prévention, a pris un risque alors qu'elle n'a pas pu bénéficier de la garantie d'indemnisation du fonds " Barnier " ;
- elle supporte des préjudices financiers, tenant à la perte de valeur de l'assiette foncière et aux frais engagés dans l'opération, en lien direct et certain avec le fait générateur procédant de la faute ou de la charge spéciale exorbitante et spéciale.
Une mise en demeure a été adressée le 24 mars 2023 au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur le fondement des dispositions de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.
Par une ordonnance du 27 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 10 août 2023.
Un mémoire en défense présenté par le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a été enregistré le 18 août 2023, après la clôture de l'instruction.
Les parties ont été informées par courrier du 8 février 2024, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité du manquement fautif de l'Etat dans l'exercice de sa mission de police des cours d'eau non domaniaux en vertu de l'article L. 215-7 du code de l'environnement, en tant que fait générateur invoqué pour la première fois en appel et différent de ceux invoqués dans la réclamation préalable et dans la demande devant les premiers juges.
La société appelante, représentée par la SELARL Valette-Berthelsen, a produit des observations en réponse à ce moyen d'ordre public, enregistrées le 9 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 ;
- la loi n° 95-101 du 2 février 1995 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience :
- le rapport de M. Haïli, président-assesseur ;
- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,
- et les observations de Me Vidal, représentant la société appelante.
Une note en délibéré, présentée par la société Angelotti Aménagement, représentée par la SELARL Valette Berthelsen, a été enregistrée le 16 février 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Le maire de la commune de Juvignac (Hérault) a pris, le 13 octobre 2012, un arrêté portant permis d'aménager la parcelle anciennement cadastrée BK n° 2, parcelle bordant le ruisseau de la Fosse, en vue de la réalisation d'un lotissement à usage d'habitation de huit lots. Par un arrêté du 23 novembre 2013, la société Angelotti Aménagement a obtenu le transfert du permis d'aménager et, le 19 mars 2014, cette société a acquis cette parcelle. Ayant dû abandonner la réalisation de son projet après le retrait par le maire de Juvignac de trois permis de construire initialement accordés pour des lots issus de ce lotissement, à la suite de fortes inondations ayant touché cette parcelle les 6 et 7 octobre 2014, la société Angelotti Aménagement recherche la responsabilité de l'Etat en raison des préjudices financiers subis résultant de l'inconstructibilité de sa parcelle. Par la présente requête, la société relève appel du jugement susvisé du 28 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 801 627,98 euros en réparation de ces préjudices.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La société appelante ne critique pas utilement la régularité du jugement attaqué par le moyen pris de la dénaturation des pièces du dossier, s'agissant d'un moyen de cassation et non d'appel quand il vise une décision juridictionnelle, et par le moyen pris d'une erreur de droit qui se rapporte au bien-fondé du jugement et au raisonnement suivi par les premiers juges et non à sa régularité.
3. Si la société appelante soutient que les premiers juges ont statué " ultra petita " en relevant à tort un argument financier tenant à l'importance de son chiffre d'affaires qui n'est pas d'ordre public pour écarter la responsabilité sans faute de l'Etat, toutefois, la méconnaissance d'une telle règle, qui s'apprécie au regard des conclusions et non des moyens des parties, est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué. En tout état de cause, en écartant l'existence d'une charge exorbitante supportée par la société requérante, représentée par l'investissement réalisé en pure perte, au regard de son chiffre d'affaires au titre de son activité spécialisée dans les opérations d'aménagement immobilier, les premiers juges ont seulement relevé que la société ne remplissait pas l'une des conditions d'engagement de la responsabilité sans faute de l'Etat. La société appelante n'est dès lors fondée, ni à soutenir que le tribunal aurait méconnu son office, ni qu'il aurait méconnu l'article R. 611-7 du code de justice administrative en omettant de communiquer aux parties un moyen relevé d'office.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. L'article R. 612-6 du code de justice administrative dispose que : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ". Malgré la mise en demeure qui lui a été adressée par la cour le 24 mars 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires n'a produit aucun mémoire en défense avant la clôture de l'instruction. Il est donc réputé avoir acquiescé aux faits exposés dans la requête. Il appartient cependant au juge de vérifier que ces faits ne sont pas contredits par l'instruction et qu'aucune règle d'ordre public ne s'oppose à ce qu'il soit donné satisfaction au requérant. En outre, l'acquiescement aux faits est par lui-même sans conséquence sur leur qualification juridique au regard des textes sur lesquels l'administration s'est fondée ou dont le requérant revendique l'application.
En ce qui concerne la responsabilité pour faute de l'Etat :
5. En vertu de l'article L. 562-1 du code de l'environnement, l'État élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles, en particulier pour les inondations et les tempêtes, qui ont notamment pour objet de délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de leur nature et de leur intensité, d'y interdire les constructions ou la réalisation d'aménagements ou d'ouvrages ou de prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités.
6. Il résulte de l'instruction que par un arrêté du 13 octobre 2012, le maire de Juvignac a délivré au nom de la commune à la société " Les Bleuets du Valat de la Fosse " un permis d'aménager la parcelle anciennement cadastrée section BK n° 2 pour la réalisation d'un lotissement à usage d'habitation de huit lots. Par un arrêté du 23 novembre 2013, la société Angelotti Aménagement a obtenu le transfert du permis d'aménager et le 19 mars 2014 a acquis cette parcelle. En exécution de ce permis, les travaux d'aménagement et de viabilisation de ce lotissement ont été réalisés et achevés le 24 septembre 2014 et la commercialisation des lots afférents a été engagée. Toutefois, après les fortes inondations qui ont touché la commune de Juvignac et particulièrement la parcelle en litige les 6 et 7 octobre 2014, avec une forte crue affectant le ruisseau de la Fosse, le maire de Juvignac a retiré les trois permis de construire qu'il avait accordés et a informé la société requérante qu'en application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, aucun permis de construire ne serait délivré. La société Angelotti Aménagement a alors résilié les promesses unilatérales de vente déjà conclues et, par courrier du 18 avril 2015, elle a indiqué à la commune que le lotissement réalisé au titre du permis d'aménager du 13 octobre 2012 ayant été fortement inondé, elle a décidé de renoncer à la poursuite de l'opération. Enfin, compte tenu de l'évènement pluvieux majeur des 6 et 7 octobre 2014 ayant impacté la commune de Juvignac, le préfet de l'Hérault a procédé à un retour d'expérience de ces intempéries et a ensuite notifié à la commune le 11 août 2015 un porter à connaissance traduisant l'emprise inondée et les levés des niveaux d'eau atteints.
7. En premier lieu, pour rechercher la responsabilité pour faute de l'Etat, la société appelante se plaint de l'erreur de classement de la parcelle en cause en zone non impactée par le risque d'inondation à l'exception de la frange bordière du ruisseau de la Fosse et d'un retard fautif de l'Etat dans la mise en révision du plan de prévention des risques d'inondation de 2001, validant ainsi sa constructibilité.
8. Il résulte de l'instruction que le plan de prévention des risques d'inondation et mouvements de terrains du bassin versant amont de la Mosson, concernant notamment la commune de Juvignac, a été approuvé le 9 mars 2001. La commune est traversée par le ruisseau de la Fosse et par le Courpouiran, et elle est riveraine de la Mosson à l'est. Selon le rapport de présentation de ce plan, " le ruisseau de la Fosse présente un cheminement hydraulique de 9,3 km pour une pente pondérée de 1,5 %. Il n'est pas pérenne. Le débit centennal peut être transité sans débordement jusqu'au gué de la Bournasse. Par contre, dès l'aval du gué, les débordements se produisent en rive gauche et affectent les habitations riveraines jusqu'au passage sous la R.N. 109. (...) toute urbanisation à proximité du cours d'eau devra être raisonnée afin de pallier le risque d'inondation ". Selon ce même rapport, quatre types de zones ont été définies sur le territoire communal de Juvignac, dont " la zone rouge R, correspondant à une zone de fort écoulement, non urbanisée, les terrains situés en bordure de la Mosson, et notamment : • la zone se trouvant au pied du golf de Fontcaude, atteignant les bâtiments des thermes et se prolongeant jusqu'à la confluence avec le Courpouiran, • la zone comprise entre le lieu-dit "Le Point du Jour" et la R.N. 109, englobant le Domaine des Bonniers de la Mosson, • à l'aval, une large bande s'étalant de part et d'autre de la Mosson et limitée par la D132. ". Enfin le rapport de présentation précise que " l'objectif du règlement est ici de permettre l'entretien et la gestion des bâtiments et activités existants, mais à la condition de ne pas aggraver la situation actuelle. Dans cette zone, aucune utilisation ou occupation nouvelle du sol n'est autorisée de façon à ne pas aggraver les conséquences d'une crue. (...) Sont classés en zone bleue Bn, des bandes de terrains globalement situées au-delà des zones rouges R. Il s'agit de zones d'expansion de crues, non urbanisées, qu'il faut absolument préserver afin de laisser le libre écoulement des eaux de crue et de maintenir libres les parties du champ d'inondation qui participent à l'écrêtement naturel des crues. Toute urbanisation y est interdite ".
9. D'une part, au regard de ce plan de prévention des risques d'inondation approuvé en 2001, la parcelle formant le terrain d'assiette du lotissement initialement autorisé est classée en zone blanche pour sa majeure partie et pour le reste, est classée inondable par la crue centennale du ruisseau de la Fosse, concernée pour partie par la zone rouge naturelle d'aléa fort R, inconstructible, et pour partie par la zone bleue naturelle d'aléa modéré BN, inconstructible. Il ne résulte pas de l'instruction que l'Etat aurait eu connaissance de risques d'inondations plus importants que les évènements de 2014, alors que les évènements postérieurs dont fait état la société appelante qui ont affecté le bassin versant du Lez en septembre 2002, décembre 2003 et septembre 2005, ne concernent pas des épisodes affectant la commune de Juvignac et la parcelle en cause, et qu'au demeurant il n'est pas établi que ces inondations ont été supérieures à la crue centennale modélisée pour établir la carte d'aléa puis le zonage réglementaire du plan de prévention. Ainsi, la seule circonstance que le terrain d'assiette du projet autorisé le 13 octobre 2012 par le permis d'aménager ait été inondé en octobre 2014 ne permet pas de supposer connu dans toute son ampleur le risque le concernant et par suite, l'existence d'une faute des services de l'Etat à raison d'une sous-évaluation du risque d'inondation dans le plan de prévention des risques d'inondation. Par conséquent, en déterminant ainsi le zonage de la parcelle en litige compte tenu des informations possédées à l'époque sur les risques d'inondation que présentait la zone, alors que la Mosson compte un faible nombre d'enregistrements de crues de qualité qui rend difficiles les estimations, et en élaborant un porter à connaissance le 11 août 2015 à la suite des inondations particulièrement importantes sur la commune de Juvignac les 6 et 7 octobre 2014, l'Etat ne peut être regardé comme ayant commis une faute dans le classement de l'assiette du terrain opéré par le plan de prévention des risques d'inondation dont s'agit.
10. D'autre part, alors que comme il a été dit, les services préfectoraux n'avaient pas connaissance d'un risque aggravé d'inondation pesant sur le secteur, l'Etat ne peut être regardé comme ayant commis de faute susceptible d'engager sa responsabilité envers la société devenue bénéficiaire du permis d'aménager en n'ayant pas encore mis en œuvre, à la date de sa délivrance, la procédure de révision de la délimitation des zones exposées à des risques d'inondation pour la partie amont de la rivière Mosson qui couvre la commune de Juvignac.
11. En deuxième lieu, l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme peut aussi, si elle estime, au vu d'une appréciation concrète de l'ensemble des caractéristiques de la situation d'espèce qui lui est soumise et du projet pour lequel l'autorisation de construire est sollicitée, y compris d'éléments déjà connus lors de l'élaboration du plan de prévention des risques naturels, que les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique le justifient, refuser, sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de délivrer un permis de construire, alors même que le plan n'aurait pas classé le terrain d'assiette du projet en zone à risques ni prévu de prescriptions particulières qui lui soient applicables. Ce faisant, lors de la délivrance du permis, le maire peut prendre immédiatement en compte des risques qui n'auraient pas pu être pleinement identifiés au moment de l'approbation du plan. Ainsi, si la société invoque " l'espérance légitime " dont elle disposait d'un droit acquis à lotir et à vendre des terrains à bâtir, il est constant que le permis d'aménager en 2012 et son transfert en 2013 à la société appelante a été accordé par le maire de Juvignac, et non par l'Etat seule personne morale dont la responsabilité est recherchée, et que l'inconstructibilité résulte directement du retrait des permis de construire décidé en 2014 par le maire de cette commune postérieurement aux évènements climatiques d'octobre 2014. En outre, alors que le zonage initial de la parcelle en litige de l'appelante ne peut avoir pour objet ou pour effet de lui garantir des droits à construire, il n'est pas établi ni même allégué que la société appelante aurait été incitée par les services de l'Etat à poursuivre son projet. Par suite, aucun agissement fautif ne saurait être reproché aux services de l'Etat.
12. En troisième et dernier lieu, si la société appelante entend rechercher la responsabilité de l'Etat du fait de la carence fautive du préfet dans l'exercice de sa mission de police des cours d'eau non domaniaux sur le fondement de l'article L. 215-7 du code de l'environnement, une telle mise en cause relève d'un fait générateur nouveau, distinct de ceux invoqués dans la réclamation préalable indemnitaire et dans la demande présentée devant les premiers juges. Par suite, ce moyen est irrecevable en cause d'appel et ne peut être qu'écarté.
En ce qui concerne la responsabilité sans faute de l'Etat :
13. Les servitudes instituées par les plans de prévention des risques en application de dispositions introduites dans la loi du 22 juillet 1987 par la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, dite " Loi Barnier ", ultérieurement codifiées aux articles L. 562-1 et suivants du code de l'environnement, constituent des servitudes d'utilité publique mais ne sont pas instituées par application du code de l'urbanisme. Il résulte des termes de la loi du 2 février 1995, éclairés par ses travaux préparatoires, que le législateur a entendu faire supporter par le propriétaire concerné l'intégralité du préjudice résultant de l'inconstructibilité de son terrain nu résultant des risques naturels le menaçant, sauf dans le cas où ce propriétaire supporterait une charge spéciale et exorbitante hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi.
14. Si la société Angelotti Aménagement se prévaut d'une charge spéciale exorbitante à raison d'une servitude instituée par le plan de prévention des risques d'inondation, le principe précité ne concerne que la réparation du préjudice résultant de l'inconstructibilité du terrain nu d'un propriétaire à raison des risques naturels le menaçant, alors que la société appelante se plaint d'un préjudice résultant, selon elle, du classement de sa parcelle en zone constructible et d'une mise en révision tardive du plan de prévention des risques d'inondation. En outre, cette charge spéciale et exorbitante que la société requérante soutient avoir subie, liée à l'absence de prise en charge de son préjudice financier au titre des garanties assurantielles, ne saurait trouver son origine dans le maintien du classement de la majeure partie de sa parcelle en zone blanche. Par suite, alors qu'il est constant que le retrait des permis de construire opéré par le maire de Juvignac, dont la légalité n'est au demeurant pas contestée par la société requérante, est fondé sur l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, et non sur le plan de prévention du risque d'inondation qui n'a pas frappé le terrain lui appartenant d'une servitude d'utilité publique valant inconstructibilité, la société requérante n'est pas fondée à réclamer une indemnité découlant d'un préjudice sans lien avec le régime de responsabilité sans faute ainsi institué.
15. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande indemnitaire.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société appelante.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Angelotti Aménagement est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Angelotti Aménagement et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 15 février 2024, où siégeaient :
- M. Chabert, président de chambre,
- M. Haïli, président assesseur,
- Mme Lasserre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mars 2024.
Le président-assesseur,
X. Haïli
Le président,
D. ChabertLe greffier,
N. Baali
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22TL00676