Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté notifié le 5 août 2021 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 60 jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2200043 du 19 avril 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 mai 2022, et des mémoires, enregistrés les 8 et 13 juin 2022, M. B..., représenté par Me Marcel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 19 avril 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 5 août 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer une carte de séjour mention " vie privée et familiale " ou de procéder au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 € sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile ; il ne pourra pas accéder effectivement aux soins nécessaires au traitement de sa pathologie dans son pays d'origine dès lors qu'il ne bénéficie pas du système d'assurance maladie marocain et qu'il est dépourvu de toute ressource financière ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale.
Par une décision du 23 juin 2023, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Toulouse a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Beltrami.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain né le 4 mai 1973, a sollicité, le 18 juin 2020, la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Le 5 octobre 2020, il a obtenu un titre de séjour sur ce fondement pour une durée de six mois. Par un arrêté qui lui a été notifié le 5 août 2021, le préfet de Vaucluse a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 60 jours en fixant le pays de destination. Saisi d'une requête tendant notamment à l'annulation de cette décision, le tribunal administratif de Nîmes a, par un jugement du 19 avril 2022 dont M. B... relève appel, rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (...) ".
3. Il appartient au juge administratif d'apprécier, au vu des pièces du dossier, si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
4. Le certificat médical confidentiel adressé au médecin de l'Office au soutien de la demande de titre de séjour de M. B... faisait état d'une surdité de l'oreille droite et d'un déficit auditif de l'oreille gauche de l'intéressé, qui nécessitaient un suivi et des soins spécialisés par un oto-rhino-laryngologue.
5. Il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, par un avis du 29 mars 2021, a estimé que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner pour l'intéressé des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé marocain, il pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
6. Pour contredire l'avis du collège des médecins concernant la disponibilité d'un traitement approprié à sa pathologie, l'appelant soutient qu'il ne pourra pas effectivement accéder dans son pays d'origine aux soins nécessaires au traitement de sa maladie en raison de leur coût, qui ne sera pas couvert par le système public de sécurité sociale marocain. Toutefois, d'une part, M. B... n'établit pas ne pas disposer des ressources nécessaires pour financer ses soins, qui consistent principalement en un suivi médical régulier. D'autre part, s'il soutient que n'étant pas salarié, il ne peut prétendre au bénéfice de la couverture médicale de base prévue par le système de santé marocain, il ne démontre pas qu'il serait exclu du Régime d'assistance médicale aux économiquement démunis dont le but est de garantir le droit aux soins pour les personnes économiquement défavorisées qui ne bénéficient pas de l'assurance maladie obligatoire. Dans ces conditions, M. B... ne parvient pas à utilement contredire l'avis rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement de l'article L. 452-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de Vaucluse n'a pas commis d'erreur d'appréciation.
7. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait abstenu de procéder à un examen sérieux de la situation de l'appelant.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".
9. M. B... se prévaut d'une durée de présence sur le territoire national de plus de dix ans et de sa relation de concubinage avec une ressortissante marocaine titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle au titre de la vie privée et familiale. Toutefois, d'une part, il ne justifie, par les pièces médicales qu'il produit, que d'une présence ponctuelle et non pas continue sur le territoire français. D'autre part, alors qu'il se prévaut de son hébergement chez son ami depuis 2013 à 2021 et d'une élection de domicile au centre d'action sociale d'Avignon depuis le 14 juin 2021, il n'établit pas la réalité de la communauté de vie qu'il dit entretenir avec Mme A.... Enfin, l'appelant ne conteste pas disposer d'attaches familiales dans son pays d'origine. Il en résulte que le préfet de Vaucluse n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en considérant, pour refuser à M. B... l'admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale, qu'il ne présentait aucune considération humanitaire ou motif exceptionnel.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
11. Pour les motifs exposés au point précédent, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
12. En dernier lieu, M. B... n'ayant pas démontré l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, n'est pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.
13. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 5 août 2021. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées
DÉCIDE:
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 13 février 2024 à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mars 2024.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL21174