La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/02/2024 | FRANCE | N°23TL00872

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 15 février 2024, 23TL00872


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2022 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois.



Par un jugement n° 2200448 du 17 mars 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté

sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 14 avril 2023...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2022 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois.

Par un jugement n° 2200448 du 17 mars 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 avril 2023, M. D..., représenté par Me Moulin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 janvier 2022 du préfet de l'Hérault ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa situation dans un délai de trente jours et de lui remettre dans l'attente une autorisation provisoire de séjour dans le délai de huit jours ;

4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le premier juge a omis de statuer sur son moyen relatif aux erreurs de fait entachant l'arrêté contesté ;

- l'arrêté est entaché d'un vice d'incompétence du signataire de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a commis une erreur d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;

- la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est entachée d'erreurs de fait ;

- le préfet a commis une erreur de droit en lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire au regard des dispositions du 2° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a commis une erreur d'appréciation en refusant de lui octroyer le délai de départ volontaire et en s'estimant lié ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale compte tenu des irrégularités des décisions portant obligation de quitter sans délai le territoire français.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 décembre 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Chabert, président, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant albanais né le 18 septembre 1999, déclare être entré en France en juillet 2018. Sa demande d'asile a été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 11 septembre 2018 que par la Cour nationale du droit d'asile le 30 avril 2019. Par la présente requête, M. D... fait appel du jugement du 17 mars 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 janvier 2022 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire pour une durée de six mois.

Sur l'admission de M. D... à l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Par décision du 8 mars 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé à M. D... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. En conséquence, la demande de l'intéressé tendant à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire se trouve dépourvue d'objet. Il n'y a donc plus lieu d'y statuer.

Sur la régularité du jugement :

3. Il ressort des écritures de la demande de première instance que pour contester la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire pour l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre, M. D... a indiqué que le préfet avait entaché sa décision d'erreurs de fait dès lors " qu'il n'a jamais indiqué ne pas vouloir exécuter une mesure d'éloignement " et qu'il a " volontairement remis son passeport et justifie de son adresse avec sa compagne par son bail, ses quittances de loyer et l'attestation de son bailleur ". Il ressort des motifs du jugement attaqué que le premier juge, après avoir cité les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à l'octroi ou le refus d'un délai de départ volontaire, notamment les 4° et 5° de l'article L. 612-3 du code précité, a, au point 9 du jugement, exposé de manière circonstanciée les raisons pour lesquelles le préfet de l'Hérault n'a pas commis d'erreur de fait en décidant de ne pas lui accorder un délai de départ volontaire au regard de ces dispositions. En procédant de la sorte, le premier juge a répondu au moyen dont il était saisi. En conséquence, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement contesté serait entaché d'une omission à statuer.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme C... B..., cheffe de la section éloignement de la préfecture de l'Hérault, a reçu délégation, par un arrêté du préfet de l'Hérault n° 2021/01/1208 du 23 septembre 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture du même jour, pour signer les décisions relatives à la mise en œuvre des mesures concernant les ressortissants étrangers en situation irrégulière. Dès lors, le moyen tiré de son incompétence doit être écarté comme manquant en fait.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. D... est entré selon ses déclarations en France sous couvert de son passeport biométrique en juillet 2018 et y a sollicité l'asile. Sa demande a été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 11 septembre 2018 que par la Cour nationale du droit d'asile le 30 avril 2019. Si l'intéressé fait valoir qu'il réside en France depuis quatre années à la date de l'arrêté attaqué, il n'établit la continuité de sa présence sur le territoire national qu'à compter du début de son contrat de location immobilière le 1er octobre 2020 et son ancienneté de séjour résulte de son maintien irrégulier en dépit du rejet de sa demande d'asile et d'une précédente mesure d'éloignement prononcée à son encontre le 17 mai 2019. Par ailleurs, si l'appelant se prévaut d'une relation de concubinage avec une compatriote, il ressort des pièces du dossier que cette dernière fait également l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, confirmée en dernier lieu par un arrêt n° 20MA03125 du 30 décembre 2021 de la cour administrative d'appel de Marseille. Au surplus, M. D... n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où résident ses parents et où il a vécu la majeure partie de sa vie. Enfin, ni la promesse d'embauche du 28 février 2022 produite par l'intéressé dans le secteur du bâtiment, postérieure à la date de la décision attaquée, ni les attestations sur l'honneur produites ne font état d'une insertion sociale ou professionnelle particulière au regard de la durée alléguée de sa présence sur le territoire français. Par suite, l'arrêté en litige n'a pas porté au droit de l'appelant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale.

7. D'autre part, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... aurait déposé auprès de la préfecture de l'Hérault une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il résulte de ce qui a été exposé au point précédent qu'il n'est pas en situation d'obtenir de plein droit la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement. Par suite, en obligeant l'intéressé à quitter le territoire français, le préfet de l'Hérault ne peut être regardé comme ayant méconnu l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être mentionnés, les circonstances invoquées par M. D... ne permettent pas d'établir que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait sur sa situation personnelle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / 2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) / 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L 743-15 et L. 751-5 ".

10. Il ressort des termes de l'arrêté du 28 janvier 2022 que le préfet de l'Hérault a refusé d'accorder à M. D... un délai de départ volontaire en se fondant sur les dispositions du 3° de l'article L. 612-2 et celles des 2°, 4°, 5° et 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement prise à son encontre par le préfet de l'Hérault le 17 mai 2019. Le préfet a ainsi pu légalement refuser d'accorder un délai de départ volontaire. Si l'appelant soutient que cette décision est entachée d'erreurs de fait dans la mesure où il n'a pas indiqué " ne pas vouloir exécuter une mesure d'éloignement " et qu'il justifie d'une adresse de résidence stable et a présenté un passeport valide, il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision en se fondant sur les éléments relevant du 5° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être exposés, le préfet de l'Hérault n'a pas commis d'erreur de droit en refusant d'octroyer un délai de départ volontaire à M. D... sur le fondement des dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

12. En troisième lieu, il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté contesté ni des autres pièces du dossier que le préfet se serait estimé lié par l'application des dispositions précitées des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

13. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10, le préfet n'a pas commis une erreur d'appréciation en refusant à M. D... l'octroi d'un délai de départ volontaire eu égard notamment au risque de fuite en vertu du 5° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

14. Compte tenu de ce qui a été exposé précédemment, l'appelant n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français par voie de conséquence de l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et lui refusant le bénéfice d'un délai de départ volontaire.

15. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions aux fins d'injonction et de celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., au ministre de l'intérieur et à Me Moulin.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault,

Délibéré après l'audience du 1er février 2024, où siégeaient :

- M. Chabert, président de chambre,

- M. Haïli, président assesseur,

- Mme Lasserre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2024.

Le président-rapporteur,

D. Chabert

Le président-assesseur,

X. Haïli La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL00872


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00872
Date de la décision : 15/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Denis CHABERT
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : MOULIN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-15;23tl00872 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award