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15/02/2024 | FRANCE | N°23TL00619

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 15 février 2024, 23TL00619


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée (SAS) Askata a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 30 juin 2020 par lequel le maire de Jonquières a refusé de lui délivrer un permis d'aménager un ensemble de 14 lots dont 13 lots destinés à de l'habitat individuel et un lot de 6 logements collectifs sociaux sur un terrain sis au lieudit " La Dame ", ensemble la décision rejetant implicitement le recours gracieux qu'elle a formé contre cet arrêté.

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Par un jugement n° 2003627 du 30 décembre 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejet...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Askata a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 30 juin 2020 par lequel le maire de Jonquières a refusé de lui délivrer un permis d'aménager un ensemble de 14 lots dont 13 lots destinés à de l'habitat individuel et un lot de 6 logements collectifs sociaux sur un terrain sis au lieudit " La Dame ", ensemble la décision rejetant implicitement le recours gracieux qu'elle a formé contre cet arrêté.

Par un jugement n° 2003627 du 30 décembre 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande et a rejeté les conclusions de la commune de Jonquières présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 mars 2023, la société Askata, représentée par Anslaw Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire de Jonquières du 30 juin 2020 ainsi que la décision rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au maire de Jonquières de délivrer le permis d'aménager sollicité dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Jonquières une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de l'erreur de droit commise par la commune en opposant un rapport de conformité avec une orientation d'aménagement et de programmation ;

- le tribunal a insuffisamment motivé sa décision sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- l'arrêté est entaché d'insuffisance de motivation ;

- il est entaché d'une erreur de droit au regard de l'article L. 152-1 du code de l'urbanisme en ce qu'il impose que la demande de permis d'aménager soit compatible avec les orientations du règlement du plan local d'urbanisme ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation alors que le projet est conforme aux dispositions de la zone 1AUd du plan local d'urbanisme dès lors que le programme de construction envisagé remplit l'objectif de mixité sociale fixé.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 mai 2023, la commune de Jonquières, représentée par Me Coque, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société Askata en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la société Askata ne sont pas fondés ;

- si nécessaire, la juridiction accueillera une substitution de motifs dès lors que le dossier de demande de permis d'aménager était incomplet faute de comporter une autorisation au titre de la rubrique 2.1.5.0 de la nomenclature des opérations soumises à autorisation ou à déclaration, en application de l'article R. 214-1 du code de l'environnement, ou d'étude hydraulique et d'étude des sols ;

- le projet méconnaît les obligations de l'annexe 4 du règlement en matière d'évacuation des eaux pluviales.

En application de l'article R. 611-11 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée au 20 septembre 2023 par une ordonnance du 4 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Haïli, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 30 juin 2020, le maire de la commune de Jonquières (Vaucluse) a refusé de délivrer à la société Askata un permis d'aménager un ensemble de 14 lots dont 13 lots destinés à de l'habitat individuel et un lot de 6 logements collectifs sociaux sur un terrain situé au lieu-dit " La Dame ", cadastré section AK numéros de parcelles 49, 60, 127a et 135, en zone 1 AUd du plan local d'urbanisme de la commune. Par la présente requête, la société Askata interjette appel du jugement du 30 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté et de la décision rejetant son recours gracieux.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des points 4 et 5 du jugement attaqué que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré d'une erreur de droit commise par le maire de Jonquières à avoir apprécié la légalité du projet au regard des orientations d'aménagement et de programmation dans un rapport de conformité et non de compatibilité, moyen qui était soulevé par la société requérante dans sa demande introductive d'instance formée devant le tribunal administratif, et qui est distinct du moyen tiré de l'incompatibilité du projet avec cette même orientation. Par suite, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et doit dès lors être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société requérante devant le tribunal administratif de Nîmes et ses conclusions en appel.

Sur les conclusions en annulation :

4. En premier lieu, l'arrêté en litige a été signé par Mme A... en sa qualité d'adjointe au maire titulaire d'une délégation de signature en matière d'autorisation d'urbanisme par arrêté du 6 décembre 2017 transmis en préfecture le 12 décembre suivant et affiché en mairie le 7 décembre 2017. La société requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que l'arrêté qu'elle conteste a été signé par une autorité incompétente.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision rejette la demande (...), elle doit être motivée. / Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet (...), notamment l'ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6 (...) ".

6. L'arrêté attaqué vise le code de l'urbanisme, le plan local d'urbanisme applicable, le plan de prévention des risques inondation du bassin versant de l'Ouvèze et de ses affluents, le plan d'exposition au bruit de la base aérienne d'Orange Caritat, l'avis défavorable émis le 15 avril 2020 par la communauté de communes du pays réuni d'Orange et l'avis favorable émis le 5 juin 2020 par la société Enedis. Il précise en outre que le projet " ne respecte pas les orientations prévues dans la programmation de l'OAP en terme de densité de logement ". Il indique également que ce projet " ne stipule pas suffisamment précisément la temporalité dans le temps de la mise en œuvre globale du projet ". Si comme le soutient l'appelante, ces mentions apparaissent effectivement peu précises, la motivation de l'arrêté, éclairée par l'avis de la communauté de communes du pays réuni d'Orange qui était joint à l'arrêté et qui rappelait précisément tant la teneur de l'orientation d'aménagement et de programmation en termes de densité et de calendrier de mise en œuvre, permet d'appréhender sans difficulté les raisons ayant conduit le maire à refuser l'autorisation sollicitée, la règle de densité ainsi prévue étant clairement mentionnée comme étant celle avec laquelle le projet n'est pas compatible. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisante motivation doit être écarté.

7. En troisième lieu, selon l'article L. 152-1 du code de l'urbanisme : " L'exécution par toute personne publique ou privée de tous travaux, constructions, aménagements, plantations, affouillements ou exhaussements des sols, et ouverture d'installations classées appartenant aux catégories déterminées dans le plan sont conformes au règlement et à ses documents graphiques. Ces travaux ou opérations sont, en outre, compatibles, lorsqu'elles existent, avec les orientations d'aménagement et de programmation. ". Il résulte de ces dispositions que les travaux ou opérations d'urbanisme doivent être compatibles avec les orientations d'aménagement et de programmation, étant précisé que la compatibilité d'une autorisation d'urbanisme avec une orientation d'aménagement et de programmation donnée doit s'apprécier au regard des caractéristiques concrètes du projet et du degré de précision de l'orientation d'aménagement et de programmation donnée en cause.

8. Aux termes de l'article 1AU 2 du règlement du plan local d'urbanisme de Jonquières : " Les constructions et installations autorisées sont soumises aux conditions particulières suivantes : - Dans les secteurs 1AUb, 1AUc et 1AUd, faire l'objet d'une opération d'aménagement qui porte sur l'ensemble du secteur concerné. - Pour l'ensemble des secteurs, prendre en considération les orientations d'aménagement et de programmation (pièce n°4 du PLU). ".

9. Ainsi qu'il a été exposé au point 6 du présent arrêt, pour refuser de délivrer le permis d'aménager à la société Askata, le maire de Jonquières s'est fondé sur les motifs, énoncés à l'article 2 de l'arrêté en litige, d'une part, que " le projet ne respecte pas les orientations prévues dans la programmation de l'OAP en terme de densité de logement " et d'autre part que " le projet ne stipule pas suffisamment précisément la temporalité dans le temps de la mise en œuvre globale du projet ".

10. Il ne ressort pas des termes de la décision attaquée que le maire ait entendu opposer un rapport de non-conformité entre la demande de permis d'aménager de la société et l'orientation d'aménagement et de programmation relative aux zones AU opérationnelles. Le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entaché le refus de permis d'aménager pour s'être fondé sur un rapport de conformité en lieu et place d'un rapport de compatibilité doit, par suite, être écarté.

11. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet de lotissement litigieux se situe dans le secteur 1AUd " chemin des Ramades " mis en œuvre pour accueillir du logement individuel et individuel groupé, " opération d'aménagement sur l'ensemble du secteur ", et est inclus dans le périmètre de l'orientation d'aménagement et de programmation relative au " chemin des Ramades " qui prévoit 37 logements potentiels. Cette orientation énonce une densité théorique à l'hectare de 15 logements individuels et de 25 logements collectifs avec une prévision sur 37 logements produits de 17 logements individuels et 19 logements groupés. Il ressort des pièces du dossier que le projet d'aménagement de la société appelante porte sur la création de seulement 13 lots destinés à de l'habitat individuel et un lot de 6 logements collectifs sociaux sur une surface d'assiette de 19 757 m², soit une densité de moins de 10 logements par hectare. Dès lors, compte tenu de son lieu d'implantation et de sa densité résidentielle, le projet d'aménagement en cause est de nature à contrarier les objectifs poursuivis par l'orientation d'aménagement et de programmation dont s'agit et est donc incompatible avec celle-ci. Par suite, le moyen tiré de ce que le projet de la société appelante n'est pas incompatible avec cette orientation doit être écarté.

12. Si la société appelante fait valoir que son projet de construction, prévoyant une part de 31% d'habitat collectif social dans le programme total de construction, est conforme aux dispositions du règlement de la zone 1AUd du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Jonquière, un tel moyen est inopérant à l'effet de contester la légalité du refus de permis d'aménager eu égard aux motifs rappelés au point 9 qui ont présidé à son édiction.

13. Il résulte de ce qui précède que l'appelante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du maire de Jonquières du 30 juin 2020 ainsi que la décision rejetant son recours gracieux. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent être que rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune intimée qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Askata la somme demandée par la commune de Jonquières au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E:

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 30 décembre 2022 est annulé.

Article 2 : La demande de la société Askata présentée devant le tribunal administratif de Nîmes et le surplus de ses conclusions en appel sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Jonquières présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Askata et à la commune de Jonquières.

Délibéré après l'audience du 1er février 2024, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

Mme Lasserre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2024.

Le président-assesseur,

X. Haïli

Le président,

D. Chabert

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne à la préfète de Vaucluse en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23TL00619 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00619
Date de la décision : 15/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04 Urbanisme et aménagement du territoire. - Autorisations d`utilisation des sols diverses.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Xavier HAÏLI
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : COQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-15;23tl00619 ?
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