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13/02/2024 | FRANCE | N°22TL00355

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 13 février 2024, 22TL00355


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... doit être regardé comme ayant demandé au tribunal administratif de Nîmes d'enjoindre au syndicat mixte Rieu Foyro de déplacer la canalisation d'écoulement des eaux de ruissellement implantée sous la parcelle cadastrée ... hors de l'emprise de sa propriété et de restituer les lieux dans leur état initial, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un jugeme

nt avant-dire droit n° 1900716 du 2 mars 2021, le tribunal administratif de Nîmes, après avoir...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... doit être regardé comme ayant demandé au tribunal administratif de Nîmes d'enjoindre au syndicat mixte Rieu Foyro de déplacer la canalisation d'écoulement des eaux de ruissellement implantée sous la parcelle cadastrée ... hors de l'emprise de sa propriété et de restituer les lieux dans leur état initial, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement avant-dire droit n° 1900716 du 2 mars 2021, le tribunal administratif de Nîmes, après avoir constaté l'emprise irrégulière d'une canalisation située sur la parcelle cadastrée ... appartenant à M. B..., à Mornas, a ordonné une expertise afin, notamment de préciser les caractéristiques physiques de l'implantation de cette canalisation, de déterminer les atteintes à la propriété de M. B... résultant de l'implantation de cette canalisation, ainsi que les éventuels préjudices en résultant.

Par un jugement n° 1900716 du 30 novembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 janvier 2022, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire en réplique, enregistré le 14 août 2023, M. B..., représenté par Me Rota, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 30 novembre 2021 ;

2°) d'enjoindre au syndicat mixte du Rieu Foyro, de déplacer la canalisation d'écoulement des eaux de ruissellement implantée sans titre sur sa propriété et de restituer les lieux dans leur état initial dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent cinquante euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de ce syndicat mixte la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'est pas établi que la démolition ou le déplacement de la canalisation d'eau irrégulièrement implantée sur sa propriété porterait une atteinte excessive à l'intérêt général ; ainsi la démonstration de l'utilité de cette canalisation n'est pas rapportée et son déplacement hors de sa propriété, qui est techniquement possible et d'un coût raisonnable, sauvegarderait l'intérêt général et ses propres intérêts ;

- les inconvénients qu'il supporte du fait de l'implantation sans titre de la canalisation d'eau, sont importants ; d'une part, cette implantation qui a eu pour effet de modifier l'écoulement naturel des eaux pluviales, lui impose une servitude nouvelle qui n'existait pas lors de l'acquisition de son terrain ; avant les travaux de recalibrage de la route départementale en 2005 et de l'implantation subséquente de la canalisation, aucun fossé d'écoulement des eaux pluviales n'existait le long de la route départementale ; d'autre part, elle a endommagé la canalisation d'eau potable desservant son habitation ; enfin, elle le prive de la possibilité de clôturer sa propriété.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juillet 2023, la communauté de communes Aygues Ouvèze en Provence, venant aux droits du syndicat mixte de Rieu Foyro, représentée par Me Lazennec, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelant la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par la voie de l'appel incident, elle demande qu'il soit mis à la charge de l'appelant les frais et honoraires d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 4 196,26 euros toutes taxes comprises.

Elle fait valoir que :

- la démolition ou le déplacement de la canalisation d'eau en litige porterait une atteinte excessive à l'intérêt général ; d'une part, les opérations d'expertise montrent que l'ouvrage public, dans son ensemble, est d'une grande utilité publique ; cet ouvrage qui a, en effet, pour objet d'assurer l'évacuation des eaux de ruissellement provenant du ruisseau dénommé Valadas des pins qui draine le bassin versant du Rieu Foyro, limite le risque d'inondation des zones urbaines environnantes et des voies routières situées en contrebas de la commune de Mornas ;

- d'autre part, le déplacement de la canalisation d'eau qui présenterait un coût substantiel de 20 482 euros toutes taxes comprises, impliquerait de buser le fossé ce qui aurait pour effet de limiter la capacité hydraulique ; de plus, l'autorisation des services de la police de l'eau ne serait probablement pas accordée pour la réalisation de ce déplacement ;

- les inconvénients subis par M. B... du fait de l'implantation irrégulière de la canalisation d'eau sur sa propriété ne présentent pas un caractère excessif eu égard à l'intérêt général qui s'attache au maintien de l'ouvrage.

Par une ordonnance du 28 août 2023, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 5 octobre 2023 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Beltrami,

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Simon, représentant la communauté de communes Aygues Ouvèze en Provence.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... est propriétaire depuis novembre 2001 des parcelles cadastrées ... situées sur le territoire de la commune de Mornas (Vaucluse). Par une décision du 19 décembre 2018, le syndicat mixte du Rieu Foyro a refusé de déplacer une canalisation d'écoulement d'eaux de ruissellement implantée sans son autorisation sous la parcelle ... et de remettre les lieux en l'état, et d'ordonner la démolition ou le déplacement de cet ouvrage. Par un jugement avant-dire droit du 2 mars 2021, le tribunal administratif de Nîmes, après avoir constaté l'emprise irrégulière d'une canalisation située sur la parcelle cadastrée ... appartenant à M. B..., à Mornas, a ordonné une expertise afin, notamment de préciser les caractéristiques physiques de l'implantation de cette canalisation, de déterminer les atteintes à la propriété de M. B... résultant de l'implantation de cette canalisation, ainsi que les éventuels préjudices en résultant. L'expert a rendu son rapport le 4 mars 2021. M. B... relève appel du jugement du 30 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses conclusions tendant à ce que le syndicat mixte du Rieu Foyro procède au déplacement de la canalisation d'écoulement des eaux de ruissellement implantée sur sa parcelle cadastrée ... hors de l'emprise de sa propriété et de restituer les lieux dans leur état initial.

Sur les conclusions tendant au déplacement de la canalisation d'eau hors de la parcelle A ... :

2. Lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à ce que soit ordonnée la démolition d'un ouvrage public dont il est allégué qu'il est irrégulièrement implanté par un requérant qui estime subir un préjudice du fait de l'implantation de cet ouvrage et qui en a demandé sans succès la démolition à l'administration, il appartient au juge administratif, juge de plein contentieux, de déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l'ouvrage est irrégulièrement implanté, puis, si tel est le cas, de rechercher, d'abord, si eu égard notamment à la nature de l'irrégularité, une régularisation appropriée est possible, puis, dans la négative, en tenant compte de l'écoulement du temps, de prendre en considération, d'une part les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général.

3. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du 4 mars 2021, cité au point 1, qu'au cours de l'année 2005, une canalisation d'écoulement des eaux pluviales d'un diamètre de 800 mm a été enterrée à faible profondeur sur la parcelle cadastrée ... appartenant à M. B... à Mornas. Elle traverse la parcelle de l'intéressé sur une dizaine de mètres. En outre, l'enrochement réalisé au débouché de cette buse se situe également en grande partie sur sa propriété. Il est constant que l'implantation de cet ouvrage public, réalisée sans l'accord de M. B..., constitue une emprise irrégulière et que cette implantation n'est pas régularisable.

4. Il résulte de l'instruction que la canalisation d'eau en litige a pour fonction d'évacuer les eaux de ruissellement d'une grande partie du territoire de la commune de Mornas en servant d'exutoire au bassin versant du lotissement des Pins, situé sur le bassin versant du Rieu Foyro, désormais fortement urbanisé et occupé par les lotissements les Pins, Bourgnanen et les Pintoles. Or, selon le schéma d'aménagement du bassin versant du Rieu Foyro de 2007, le bassin versant du lotissement des Pins est exposé à des phénomènes d'inondations relativement chroniques des habitations dus aux eaux de ruissellement. Dès lors, même si la pose, en 2005, de la canalisation en litige par la direction des routes du département de Vaucluse s'inscrivait dans des travaux de rééquilibrage et de renforcement de la route départementale 74 et n'avait pas pour finalité de prévenir les inondations et même si l'écoulement des eaux de ruissellement du bassin versant du lotissement des Pins s'effectue également à l'Est sur un autre bassin versant, cette canalisation, qui permet de protéger les habitations contre le risque d'inondation du fait des eaux de ruissellement provenant du bassin versant du lotissement des Pins, présente, à la date du présent arrêt, une utilité publique avérée.

5. L'appelant se plaint des inconvénients importants que la présence de cet ouvrage sur sa propriété lui occasionne. S'il résulte de l'instruction que l'ouvrage en litige a endommagé la canalisation d'eau potable desservant l'habitation de M. B..., le trouble de jouissance supporté par ce dernier a néanmoins disparu depuis plusieurs années à la date du présent arrêt du fait des réparations réalisées. En revanche, l'impossibilité de clôturer sa propriété en raison de la présence du fossé et de la canalisation d'eau le long de la route départementale constitue une atteinte à son droit de propriété. De plus, à supposer même qu'au moment de l'acquisition de son terrain en 2001, il existât un fossé ou un valadas sec permettant l'écoulement des eaux pluviales de la route départementale 74, il ne résulte cependant pas, de façon certaine, de l'instruction que ce fossé naturel, dont l'expert indique qu'il présentait probablement une plus faible capacité que la canalisation actuelle et dont l'emplacement n'est pas précisément identifié, aurait été situé sur la propriété de M. B.... Ainsi, du fait de la présence de cet ouvrage irrégulièrement implanté sur son terrain, M. B... supporte une servitude d'accès pour l'entretien du fossé et de la canalisation qui n'existait pas au moment de son acquisition.

6. Toutefois, eu égard à l'utilité publique de la canalisation d'eau en litige pour la prévention du risque d'inondation des zones urbaines environnantes, la démolition de cet ouvrage public porterait une atteinte excessive à l'intérêt général. En revanche, le déplacement de cet ouvrage consistant dans le seul dévoiement et non le busage de la canalisation sur 9 mètres linéaires pour sortir la buse existante du terrain de M. B..., dont il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, qu'il est techniquement exécutable pour un coût de 4 080 euros hors taxes, permettrait de sauvegarder l'intérêt général qui s'attache au maintien de cet ouvrage public et de résoudre les inconvénients supportés par l'appelant. Compte tenu de ces éléments, il y a lieu d'enjoindre à la communauté de communes Aygues Ouvèze en Provence, venant aux droits du syndicat mixte du Rieu Foyro, de procéder, dans un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt, au déplacement hors de l'emprise de la propriété de M. B... de la canalisation en litige en procédant au dévoiement de cette canalisation sur 9 mètres linéaires. Il n'y a cependant pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

7. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant au déplacement de la canalisation d'eau irrégulièrement implantée sur sa propriété.

Sur l'appel incident concernant les frais d'expertise :

8. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'État. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) ".

9. Il y a lieu de mettre à la charge définitive de la communauté de communes Aygues Ouvèze en Provence venant aux droits du syndicat mixte du Rieu Foyro, partie perdante à l'instance, les frais et honoraires d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 4 196,26 euros toutes taxes comprises par ordonnance n° 1900716 du président du tribunal administratif de Nîmes du 26 juillet 2021.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme réclamée par la communauté de communes Aygues Ouvèze en Provence au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge la communauté de communes Aygues Ouvèze en Provence, le versement à M. B... de la somme de 1 500 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE:

Article 1er : Le jugement n° 1900716 du tribunal administratif de Nîmes du 30 novembre 2021, est annulé.

Article 2 : Il est enjoint à la communauté de communes Aygues Ouvèze en Provence de procéder, dans un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt, au déplacement hors de l'emprise de la propriété de M. B... de la canalisation en litige en procédant au dévoiement de cette canalisation sur 9 mètres linéaires.

Article 3 : Les frais et honoraires d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 4 196,26 euros toutes taxes comprises par ordonnance n° 1900716 du 26 juillet 2021 du président du tribunal administratif de Nîmes sont mis à la charge définitive de la communauté de communes Aygues Ouvèze en Provence.

Article 4 : La communauté de communes Aygues Ouvèze en Provence versera à M. B... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la communauté de communes Aygues Ouvèze en Provence présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et la communauté de communes Aygues Ouvèze en Provence.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2024.

La rapporteure,

K. Beltrami

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne à la préfète de Vaucluse, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22TL00355


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL00355
Date de la décision : 13/02/2024

Analyses

54-07-03 Procédure. - Pouvoirs et devoirs du juge. - Pouvoirs du juge de plein contentieux.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Karine BELTRAMI
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : CLL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-13;22tl00355 ?
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