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08/02/2024 | FRANCE | N°22TL21847

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 08 février 2024, 22TL21847


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2021 par lequel la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2103289 du 25 janvier 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :


r> Par une requête, enregistrée le 22 août 2022, Mme B..., représentée par Me Ezzaïtab, demande à la cour :



1°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2021 par lequel la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2103289 du 25 janvier 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 août 2022, Mme B..., représentée par Me Ezzaïtab, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2021 par lequel la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Gard de réexaminer sa situation et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 400 euros à verser à son conseil, en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- la décision portant refus de séjour méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision méconnaît les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation en raison de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire, enregistré le 29 décembre 2023, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 13 juillet 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Restino a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante marocaine née le 4 janvier 1988, est entrée en France le 7 avril 2018 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour. Le 17 mars 2021, elle a demandé la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 6 septembre 2021, la préfète du Gard a refusé de lui délivrer le titre sollicité, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 25 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

3. Il ressort des pièces du dossier et n'est pas sérieusement contesté que le 7 avril 2018, Mme B... est entrée en France, où elle s'est maintenue depuis lors, afin d'y rejoindre son époux, un compatriote résidant en France depuis plus de trente ans et titulaire d'un certificat de résidence de dix ans valable jusqu'en 2026. Deux enfants sont nés de cette union, en juin 2018 et mai 2019. Par suite, l'arrêté de la préfète du Gard du 6 septembre 2021, qui ne pouvait se borner à opposer à Mme B... la possibilité de recourir au regroupement familial, lequel lui avait d'ailleurs été refusé en février 2018 par le préfet de l'Aisne, a porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'arrêté a été pris et a, ainsi, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 septembre 2021 de la préfète du Gard.

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

5. Aux termes des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". L'article L. 911-3 du même code dispose que : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ".

6. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement, eu égard à ses motifs, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction, d'une part, que la situation de Mme B... aurait été modifiée en droit ou en fait depuis l'intervention de l'arrêté contesté et, d'autre part, qu'un motif tenant à l'ordre public ferait obstacle à la délivrance d'un titre de séjour, que l'administration délivre à la requérante la carte de séjour temporaire d'un an portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer le titre de séjour susmentionné, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par la requérante.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Ezzaïtab, conseil de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 400 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2103289 du 25 janvier 2022 du tribunal administrative de Nîmes et l'arrêté du 6 septembre 2021 de la préfète du Gard sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Gard de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Ezzaïtab une somme de 1 400 euros en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Wafae Ezzaïtab.

Copie en sera adressée au préfet du Gard.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2024, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 février 2024.

La rapporteure,

V. Restino

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°22TL21847 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21847
Date de la décision : 08/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Virginie RESTINO
Rapporteur public ?: M. CLEN
Avocat(s) : EZZAÏTAB

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-08;22tl21847 ?
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