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08/02/2024 | FRANCE | N°22TL20793

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 08 février 2024, 22TL20793


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société civile immobilière de l'Egalité a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge ou la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015 et des pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 2004666 du 13 décembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a fait droit à la demande de décharge de la société de l'Egalit

é et condamné l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière de l'Egalité a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge ou la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 2004666 du 13 décembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a fait droit à la demande de décharge de la société de l'Egalité et condamné l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 mars 2022 et le 9 août 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de remettre à la charge de la société de l'Egalité les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2015 ;

3°) de prononcer la restitution de la somme mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par le tribunal administratif.

Il soutient que la cession d'une maison à usage d'habitation le 22 mai 2015 par la société de l'Egalité est passible de la taxe sur la valeur ajoutée dès lors que cette cession procède de démarches actives de commercialisation foncière, eu égard à l'importance des travaux de construction qui représentent 70,55 % du prix de cession.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juillet 2023, la société de l'Egalité, représentée par Me Maurel, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- la cession à laquelle elle s'est livrée n'est pas constitutive d'une activité économique ;

- les énonciations du paragraphe n° 60 des commentaires administratifs publiés le 12 septembre 2012 au Bulletin officiel des finances publiques - Impôts sous la référence BOI-TVA-IMM-10-10-10-10 instituent une présomption d'absence d'exercice d'une activité économique au profit du particulier cédant des terrains.

Par ordonnance du 21 août 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 31 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Restino,

- les conclusions de M. Clen, rapporteur public,

- et les observations de Me Houlès, représentant la société de l'Egalité.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière de l'Egalité, qui a pour associés à parts égales MM. B... et A..., a fait l'objet d'un contrôle sur pièces portant sur la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, à l'issue de laquelle lui ont été notifiés des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015 à raison de la cession d'une maison d'habitation le 22 mai 2015. Par un jugement du 13 décembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a fait droit à la demande de la société de l'Egalité tendant à la décharge de ces rappels et des pénalités correspondantes et a mis une somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le moyen de décharge retenu par le tribunal administratif :

2. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". Selon l'article 256 A du même code : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. / (...) Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services (...) ". Aux termes de l'article 257 du même code : " I. - Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée dans les conditions qui suivent (...) 2. Sont considérés : (...) / 2° Comme immeubles neufs, les immeubles qui ne sont pas achevés depuis plus de cinq années (...) ". Pour l'application de ces dispositions, la livraison d'un bâtiment et du sol y attenant, effectuée avant sa première occupation par une société civile immobilière, est soumise à la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'elle procède, non de la simple gestion d'un patrimoine privé, mais de démarches actives de commercialisation foncière, telles que la réalisation de travaux ou la mise en œuvre de moyens de commercialisation de type professionnel, similaires à celles déployées par un producteur, un commerçant ou un prestataire de services, et qu'elle permet ainsi de regarder cette personne comme ayant exercé une activité économique.

3. Il résulte de l'instruction que la société de l'Egalité a acquis le 27 février 2014 un bâtiment à usage de remise et un terrain attenant situé sur le territoire de la commune de Saint-Marcel-sur-Aude (Aude) au prix de 46 000 euros. Elle a fait réaliser, par deux entreprises exploitées par ses associés, des travaux de transformation du bâtiment à usage de remise en maison à usage d'habitation d'une superficie de 134 mètres carrés, pour un coût total de 134 037 euros. Le 22 mai 2015, quelques jours après l'achèvement des travaux, elle a cédé la maison et le terrain attenant au prix de 190 000 euros. Compte tenu de l'importance du coût des travaux, qui représente 70,55 % du prix de cession, la société de l'Egalité qui, en tout état de cause, ne justifie pas des difficultés financières qui l'auraient contrainte à céder ce bien alors que son intention initiale aurait été de le louer, doit être regardée comme ayant engagé des démarches actives de commercialisation foncière, sans s'être bornée à la gestion de son patrimoine privé. Peu importe à cet égard qu'elle n'ait pas mis en œuvre de moyens de commercialisation de type professionnel ou encore que la plus-value déclarée à l'occasion de la cession ne s'élève qu'à 2 809 euros. Par suite, l'administration était fondée à soumettre cette cession à la taxe sur la valeur ajoutée.

4. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier, a admis le caractère patrimonial de la cession, pour prononcer la décharge demandée.

5. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société de l'Egalité tant devant le tribunal administratif que devant la cour.

En ce qui concerne les autres moyens :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

6. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. / Toutefois, les personnes qui effectuent des opérations occasionnelles soumises à la taxe sur la valeur ajoutée n'exercent le droit à déduction qu'au moment de la livraison (...) ". Aux termes du I de l'article 208 de l'annexe II au même code : " Le montant de la taxe déductible doit être mentionné sur les déclarations déposées pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, à condition qu'elle fasse l'objet d'une inscription distincte, la taxe dont la déduction a été omise sur cette déclaration peut figurer sur les déclarations ultérieures déposées avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l'omission. Les régularisations prévues à l'article 207 doivent également être mentionnées distinctement sur ces déclarations ".

7. Dès lors que la société de l'Egalité n'effectue des opérations passibles de la taxe sur la valeur ajoutée que de manière occasionnelle, le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses exposées pour la transformation du bâtiment à usage de remise en bâtiment à usage d'habitation est né à la date de sa cession, le 22 mai 2015. En application des dispositions susmentionnées de l'article 208 de l'annexe II au code général des impôts, la taxe figurant sur les factures émises par ses fournisseurs en 2014, qui aurait dû être mentionnée dans sa déclaration au titre du mois de mai 2015, pouvait être portée sur ses déclarations ultérieures, au plus tard le 31 décembre 2017. Ainsi, le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée d'amont au titre de la période litigieuse était frappé de péremption lorsque la société de l'Egalité a demandé, en cours d'instance devant le tribunal administratif, la déduction de la taxe figurant sur les factures émises par ses fournisseurs en 2014. Par suite, le moyen de l'existence d'une taxe sur la valeur ajoutée déductible doit être écarté.

S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

8. La société de l'Egalité n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations du paragraphe n° 60 des commentaires administratifs publiés le 12 septembre 2012 au Bulletin officiel des finances publiques - Impôts sous la référence BOI-TVA-IMM-10-10-10-10, qui ne comportent aucune interprétation différente de celle qui résulte de la loi fiscale dont il a été fait application aux points 2 et 3.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la société de l'Egalité au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015.

Sur les frais liés au litige de première instance :

10. Il résulte de ce qui précède que la société de l'égalité n'était pas fondée à demander au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font donc obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de l'Etat au titre des frais liés au litige de première instance. Par suite, le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de ces dispositions.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à la société de l'Egalité, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2004666 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La demande de la société de l'Egalité devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.

Article 3 : Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les pénalités correspondantes qui ont été déchargés au profit de la société de l'Egalité au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015 sont remis à sa charge.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société de l'Egalité sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société civile immobilière de l'Egalité.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2024, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 février 2024.

La rapporteure,

V. RestinoLe président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL20793
Date de la décision : 08/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

19-06-02-01-01 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Personnes et opérations taxables. - Opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Virginie RESTINO
Rapporteur public ?: M. CLEN
Avocat(s) : MAUREL

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-08;22tl20793 ?
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