Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société capital croissance, sous le n° 1906796, la société financière de la Pléiade sous le n° 1906798, Mme H... G... sous le n° 1906800, Mme J... L... sous le n° 1906802, M. B... A..., Mme K... D..., MM. Fréderic, Laurent et Robert Chaler, Mme O... M..., Mme N... I..., MM. Christophe et Basile E..., Mme F... E..., sous le n° 1906804, ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 22 août 2019 portant cessibilité des immeubles bâtis ou non bâtis nécessaires à la création d'une réserve foncière dans le secteur " C... " à Grabels au profit de l'établissement public foncier d'Occitanie et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°s 1906796, 1906798, 1906800, 1906802, 1906804 du 25 mai 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 juillet 2021 sous le n°21MA02947 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 sous le n°21TL02947 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, la société capital croissance, la société financière de la Pléiade, Mme H... G..., M. B... A..., Mme K... D..., MM. Fréderic, Laurent et Robert Chaler, Mme O... M..., Mme N... I..., MM. Christophe et Basile E... et Mme F... E..., représentés par Me Jeanjean, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°1906796, 1906798, 1906800, 1906802, 1906804 du 25 mai 2021 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 août 2019 du préfet de l'Hérault portant cessibilité des immeubles bâtis ou non bâtis nécessaires à la création d'une réserve foncière dans le secteur " C... " à Grabels au profit de l'Etablissement public foncier d'Occitanie ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de l'Etablissement public foncier d'Occitanie une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils abandonnent le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R.136 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ainsi que celui tiré de l'absence de document d'arpentage ;
- si le Conseil d'Etat a jugé, dans sa décision du 18 mai 2018 n° 414583 Fédération des finances et affaires économiques de la CFDT, qu'après l'expiration du délai de recours contentieux, la légalité des règles fixées par l'acte réglementaire, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, mais qu'il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux, cette solution est circonscrite à la seule exception d'illégalité d'un acte réglementaire ; or un arrêté de déclaration d'utilité publique ne constitue pas un acte réglementaire et l'exception d'illégalité soulevée s'inscrit dans le cadre de la théorie dite des opérations complexes, de sorte que les premiers juges ont commis une erreur de droit en faisant application de cette solution pour écarter le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la déclaration d'utilité publique ;
- l'arrêté de cessibilité est illégal en raison de l'illégalité de la déclaration d'utilité publique ;
- l'arrêté attaqué, qui a été précédé d'un dossier d'enquête publique simplifié, méconnaît les articles R. 112-4 et R. 112-5 du code l'expropriation pour cause d'utilité publique dès lors que le projet d'aménagement était suffisamment établi à la date de l'arrêté attaqué ;
- l'anticipation d'une réserve foncière est dépourvue d'utilité publique ;
- l'arrêté portant déclaration d'utilité publique est entaché d'un détournement de procédure.
Par des mémoires en défense enregistrés les 11 et 27 avril 2022, l'Etablissement public foncier d'Occitanie, représenté par la Selarl Parme avocats conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge des appelants in solidum en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- c'est à bon droit que la juridiction de premier degré a rejeté l'exception d'illégalité en appliquant la solution dégagée par la décision Fédération des finances et affaires économiques de la CDFT n° 414583 ; en effet, si une déclaration d'utilité publique ne constitue pas un acte réglementaire, il s'agit d'une décision d'espèce dont le régime juridique suit en de nombreux points celui des actes réglementaires, tout en étant assortie de règles particulières ;
- l'exception d'illégalité soulevée n'est pas fondée, en cas de procédure simplifiée comme en l'espèce, le dossier d'enquête publique n'a pas à contenir le plan général des travaux, ni les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants, puisque le projet n'est pas encore clairement défini à ce stade, de sorte que les dispositions de l'article R.112-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique trouvent à s'appliquer ;
- les caractéristiques principales du projet d'aménagement du nouveau quartier étaient inconnues à la date à laquelle la déclaration d'utilité publique est intervenue ;
- quand bien même ce projet d'aménagement n'était pas entièrement déterminé, il était nécessaire d'acquérir à bref délai le foncier ;
- l'anticipation foncière du projet présente un caractère d'utilité publique ;
- il n'y a pas de détournement de procédure.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 juin 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- c'est à bon droit que les moyens relatifs aux conditions d'édiction de la déclaration d'utilité publique soulevés par la voie de l'exception d'illégalité ont été écartés ;
- une exception au principe selon lequel une exception d'illégalité ne peut être soulevée qu'à l'encontre d'un acté réglementaire est admise pour le cas des opérations complexes, de sorte que la solution Fédération des finances publiques et affaires économiques de la CFDT peut être étendue au contentieux de l'expropriation pour cause d'utilité publique, alors même que la déclaration d'utilité publique ne peut être qualifiée d'acte réglementaire ;
- les moyens relatifs aux conditions d'édiction de la déclaration d'utilité publique ne peuvent ainsi être invoqués par la voie de l'exception à l'appui d'un recours en annulation dirigé à l'encontre de l'arrêté de cessibilité ;
- les caractéristiques principales du projet n'étaient pas connues ;
- le projet d'aménagement n'était défini que dans ses grands lignes, seuls étaient connus sa localisation et ses équipements publics ; le projet n'était pas en revanche développé, aucun plan général des travaux n'avait été réalisé et le coût de l'opération n'était pas déterminé, ni déterminable en l'absence de définition précise des caractéristiques des travaux à réaliser ;
- il était nécessaire que la commune de Grabels procède à l'acquisition du foncier avant que le projet soit établi ;
- la rareté du foncier disponible sur la commune et la pression foncière qui en découle créent une situation d'urgence incitant celle-ci à maîtriser ce foncier sans attendre la définition précise du projet ; la commune ne dispose pas des terrains nécessaires à la réalisation du projet ; le secteur C... est identifié comme un secteur prioritaire de développement urbain et face à la faiblesse de l'offre foncière, il était nécessaire et urgent de privilégier l'ouverture à l'urbanisation des sites les plus proches de l'aire métropolitaine qui concentre la plus forte attractivité ;
- il existe une impérieuse nécessité à maîtriser l'urbanisation du secteur pour préserver sa sensibilité environnementale et paysagère ;
- la constitution de réserve foncière sur le secteur C... présente incontestablement une utilité ;
- la déclaration d'utilité publique a été prononcée pour les acquisitions foncières nécessaires à la réalisation d'un aménagement conforme à la vocation de la zone définie par le plan local d'urbanisme, correspondant à la réalisation d'un programme mixte d'urbanisation du futur éco quartier autour de la ligne de tramway ; compte tenu des forts enjeux en matière de logement, de la prise en compte de la protection de l'environnement et de l'intérêt paysager, les avantages de l'opération sont supérieurs aux inconvénients qu'elle était potentiellement susceptible d'engendrer ;
- il n'y a pas de détournement de procédure.
Par une ordonnance du 3 juin 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 juin 2022 à 12h.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Céline Arquié, première conseillère,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de Me Borkowski pour la société capital croissance et autres.
Considérant ce qui suit :
1. Après la réalisation d'une enquête publique qui s'est déroulée du 6 juin 2017 au 7 juillet 2017, le préfet de l'Hérault a, par un arrêté du 19 septembre 2017, déclaré d'utilité publique la constitution d'une réserve foncière dans le secteur " C... " situé sur la commune de Grabels (Hérault) au profit de l'Etablissement public foncier d'Occitanie. Puis, après réalisation d'une enquête parcellaire, le préfet de l'Hérault a, par un arrêté du 22 août 2019, déclarés cessibles, au profit de l'Etablissement public foncier d'Occitanie, les immeubles bâtis ou non bâtis nécessaires à la création d'une réserve foncière sur le secteur " C... " situé sur la commune de Grabels. La société capital croissance et d'autres, propriétaires de parcelles dans le secteur C..., relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande d'annulation de l'arrêté de cessibilité du 22 août 2019.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la régularité de la composition du dossier d'enquête publique :
2. L'arrêté de cessibilité, l'acte déclaratif d'utilité publique sur le fondement duquel il a été pris et la ou les prorogations dont cet acte a éventuellement fait l'objet constituent les éléments d'une même opération complexe. Dès lors, à l'appui de conclusions dirigées contre l'arrêté de cessibilité, un requérant peut utilement se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la déclaration d'utilité publique ou de l'acte la prorogeant, y compris des vices de forme et de procédure dont ils seraient entachés, quand bien même le requérant aurait vu son recours en excès de pouvoir contre la déclaration d'utilité publique ou l'acte la prorogeant, être rejeté.
3. Aux termes de l'article L. 221-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " L'État, les collectivités locales, ou leurs groupements y ayant vocation, les syndicats mixtes et les établissements publics mentionnés aux articles L. 321-1 et L. 324-1, les bénéficiaires des concessions d'aménagement mentionnés à l'article L. 300-4, les sociétés publiques définies à l'article L. 327-1 et les grands ports maritimes sont habilités à acquérir des immeubles, au besoin par voie d'expropriation, pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation d'une action ou d'une opération d'aménagement répondant aux objets définis à l'article L. 300-1 ". L'article L. 300-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. / L'aménagement, au sens du présent code, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations (...) ". Il résulte de ces dispositions que les personnes publiques concernées peuvent légalement acquérir des immeubles par voie d'expropriation pour constituer des réserves foncières, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle la procédure de déclaration d'utilité publique est engagée, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si le dossier d'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique fait apparaître la nature du projet envisagé, conformément aux dispositions du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
4. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier de la notice explicative jointe au dossier d'enquête préalable à l'enquête publique, que la commune de Grabels poursuit un projet d'aménagement urbain dans le secteur dit " C... " depuis le 29 janvier 2009 au moins, date à laquelle une zone à aménagement différé a été créée par arrêté préfectoral dans la zone. Le plan local d'urbanisme de la commune adopté par délibération du conseil municipal du 7 octobre 2013, a classé le secteur " C... ", en zone à urbaniser pour réaliser un programme mixte d'habitats, d'équipements publics et d'activités de commerce et services, en conformité avec le document d'orientations générales du schéma de cohérence territoriale de l'agglomération de Montpellier, qui désignait la zone, d'une surface de 19 hectares située à proximité immédiate de la ville de Montpellier, composée à majorité de terrains nus et à proximité de la ligne de tramway, comme secteur prioritaire d'extension urbaine à haute valeur paysagère. Les orientations d'aménagement et de programmation du plan local d'urbanisme prévoient la réalisation dans ce secteur de 800 logements, de deux équipements publics scolaire et culturel à partir d'un bâtiment déjà existant et présentant un intérêt patrimonial, ainsi que différentes activités de commerce et de services. Un plan indique les emplacements possibles de ces différents aménagements ainsi que des espaces paysagers. Le projet consiste ainsi en un ensemble d'équipements publics et d'habitats, dont 30 % de logements sociaux et intermédiaires, dans un futur quartier écologique. Il est au nombre des projets d'aménagements prévus par les dispositions des articles L. 300-1 et L. 221-1 du code de l'urbanisme, susceptibles de donner lieu à la création de réserves foncières par la voie de l'expropriation, alors même que les caractéristiques dudit projet n'étaient pas toutes définies à la date d'engagement de la procédure de déclaration d'utilité publique.
5. Aux termes de l'article R. 112-4 du code l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages, l'expropriant adresse au préfet du département où l'opération doit être réalisée, pour qu'il soit soumis à l'enquête, un dossier comprenant au moins : 1° Une notice explicative ; 2° Le plan de situation ; 3° Le plan général des travaux ; 4° Les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ; 5° L'appréciation sommaire des dépenses. ". L'article R. 112-5 du même code dispose que : " Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de l'acquisition d'immeubles, ou lorsqu'elle est demandée en vue de la réalisation d'une opération d'aménagement ou d'urbanisme importante et qu'il est nécessaire de procéder à l'acquisition des immeubles avant que le projet n'ait pu être établi, l'expropriant adresse au préfet du département où sont situés les immeubles, pour qu'il soit soumis à l'enquête, un dossier comprenant au moins : 1° Une notice explicative ; 2° Le plan de situation ; 3° Le périmètre délimitant les immeubles à exproprier ; 4° L'estimation sommaire du coût des acquisitions à réaliser. ".
6. S'il ressort des pièces du dossier que le projet d'aménagement est ancien, que la commune de Grabels a tenté d'user de son droit de préemption pour acquérir les mêmes parcelles dans le cadre de la réalisation d'une zone à aménagement différé en 2009 et que la révision du plan d'occupation des sols en 2013 a confirmé cette orientation d'aménagement, le projet d'aménagement n'était, à date de l'enquête publique ouverte par arrêté du 15 mai 2017, défini que dans ses grandes lignes telles que mentionnées au point 4. L'étude du programme des travaux et des caractéristiques principales des ouvrages de la zone n'était pas suffisamment avancée pour que le projet puisse être regardé comme établi au sens des dispositions de l'article R. 112-5 du code de l'urbanisme citées au point 5. La circonstance qu'il ressorte de la délibération du conseil municipal du 8 octobre 2018, près de deux ans après la demande d'enquête publique, que le projet était à cette date défini notamment quant à la nature des équipements publics et au bilan financier, est sans incidence sur cette appréciation. De la même manière, est sans incidence sur cette appréciation l'avis d'appel public à la concurrence pour la réalisation de l'étude d'impact du projet du 9 janvier 2017, qui ne suppose pas l'existence préalable d'un projet suffisamment défini, ou encore la mention de la possibilité de réaliser le projet sous forme de zone d'aménagement concerté dans la délibération du conseil municipal de Grabels du 12 juillet 2016.
7. Les dispositions des articles R.112-4 et R112-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique n'imposent pas à la collectivité souhaitant constituer une réserve foncière de justifier d'une situation d'urgence pour requérir l'expropriation des terrains nécessaires à la réalisation de ce projet, dès lors qu'elle justifie de la réalité d'un projet d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, comme c'est le cas en l'espèce, ainsi qu'il a été dit au point 4. En outre, il ressort des pièces du dossier et notamment de la notice explicative jointe au dossier d'enquête publique, que la commune présente un déficit de logements, en particulier sociaux, dans un contexte de progression démographique importante et que le secteur de C... est la seule zone foncière pouvant accueillir le projet au regard de sa surface. D'autre part, eu égard à la situation stratégique des lieux, en limite de Montpellier, à la disponibilité des terrains nus et peu bâtis et à la proximité avec le tramway, à la haute valeur paysagère du secteur et alors que la création du secteur en zone à aménagement différé, caduque à la date à laquelle a été engagée la procédure préalable à la demande de déclaration d'utilité publique de la réserve foncière, n'avait pas permis d'obtenir l'objectif poursuivi de maîtrise du foncier dans le secteur, compte tenu de l'importance et de la complexité de l'opération, la constitution d'une réserve foncière permettant l'acquisition des immeubles présentait un caractère nécessaire à la réalisation du projet non encore établi. Enfin, la circonstance que l'enquête parcellaire, préalable à l'engagement de la procédure d'expropriation, n'avait toujours pas été engagée à la date d'introduction de la requête d'appel est sans incidence sur la légalité de l'arrêté litigieux, dès lors que la constitution d'une réserve foncière a pour seul objectif de s'assurer la maîtrise foncière des immeubles concernés, et non de procéder immédiatement à la réalisation du projet.
8. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que le moyen tiré de la composition irrégulière du dossier d'enquête publique doit être écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé de la déclaration d'utilité publique :
9. Une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier, les inconvénients d'ordre social, la mise en cause de la protection et de la valorisation de l'environnement, et l'atteinte éventuelle à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente.
10. Le projet d'aménagement du secteur " C... " a pour objectif la réalisation, notamment, d'un programme de construction de logements rendu nécessaire tant par la pression démographique de la commune que par son déficit de logements sociaux, associés à la réalisation d'équipements publics et au développement d'activités nécessitées par ce nouveau foyer de population, tout en préservant l'environnement paysager de cet espace. Ainsi qu'il a été dit au point 4, il est au nombre des projets définis par l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme. Il présente un intérêt public, lequel s'attache au projet d'aménagement lui-même, et non à la constitution d'une réserve foncière pour en permettre la réalisation, laquelle est justifiée dès lors qu'elle répond aux critères définis par les articles L. 221-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme.
11. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la déclaration d'utilité publique ait eu pour seul objet de faire de faire obstacle à la formation de recours contentieux par les propriétaires concernés en les privant d'un dossier d'enquête publique complet.
12. Enfin il résulte des points 2 à 8 qu'en l'absence d'illégalité de l'arrêté du 19 septembre 2017 du préfet de l'Hérault déclarant d'utilité publique la constitution d'une réserve foncière sur le secteur " C... " de la commune de Grabels au profit de l'Etablissement public foncier d'Occitanie, le moyen tiré de l'illégalité de l'arrêté de cessibilité du 22 août 2018, par la voie de l'exception, doit être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la société capital croissance et les autres requérants ne sont pas fondés à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat et de l'Etablissement public foncier d'Occitanie, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, une somme quelconque au titre des frais non compris dans les dépens exposés par les requérants. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de l'Etablissement public foncier d'Occitanie tendant à l'application des dispositions de cet article.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société capital croissance et autres est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'Etablissement public foncier d'Occitanie sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société capital croissance, à la société financière de la Pléiade, à Mme H... G..., M. B... A..., à Mme K... D..., à MM. Fréderic, Laurent et Robert Chaler, à Mme O... M..., à Mme N... I..., à MM. Christophe et Basile E..., à Mme F... E..., au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à l'Etablissement public foncier d'Occitanie.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
M. Teulière, premier conseiller,
Mme Arquié, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2024.
La rapporteure,
C. Arquié
La présidente,
A. Geslan-Demaret
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21TL02947