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01/02/2024 | FRANCE | N°21TL04729

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 01 février 2024, 21TL04729


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Sotramo Parola a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 21 mars 2019 par lequel le préfet de Vaucluse a prononcé à son encontre une amende administrative de 12 000 euros, l'arrêté du 21 mars 2019 par lequel le préfet de Vaucluse l'a rendue redevable d'une astreinte d'un montant journalier de 300 euros et la décision du 28 mai 2019 rejetant ses recours gracieux formés contre les arrêtés du 21 mars 2019.



La soci

té Sotramo Parola a également demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler le titre de percept...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Sotramo Parola a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 21 mars 2019 par lequel le préfet de Vaucluse a prononcé à son encontre une amende administrative de 12 000 euros, l'arrêté du 21 mars 2019 par lequel le préfet de Vaucluse l'a rendue redevable d'une astreinte d'un montant journalier de 300 euros et la décision du 28 mai 2019 rejetant ses recours gracieux formés contre les arrêtés du 21 mars 2019.

La société Sotramo Parola a également demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler le titre de perception n° 013000 009 070 084 250504 2019 0007754 émis à son encontre le 7 juin 2019 pour recouvrer la somme de 12 000 euros et la décision rejetant implicitement son opposition à exécution formée le 31 juillet 2019.

Par un jugement nos 1902585, 2000999 du 12 octobre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a annulé le titre de perception émis à l'encontre de la société Sotramo Parola le 7 juin 2019 et la décision rejetant implicitement l'opposition à exécution formée le 31 juillet 2019 et a rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille sous le n° 21MA04729 puis au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL04729 le 10 décembre 2021, la société Sotramo Parola, représentée par la SELARL Noûs Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 mars 2019 par lequel le préfet de Vaucluse a prononcé à son encontre une amende administrative de 12 000 euros, l'arrêté du 21 mars 2019 par lequel le préfet de Vaucluse l'a rendue redevable d'une astreinte d'un montant journalier de 300 euros et la décision du 28 mai 2019 rejetant ses recours gracieux formés contre les arrêtés du 21 mars 2019 ;

2°) d'annuler ces arrêtés et cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté lui infligeant une amende administrative et la décision portant rejet de son recours gracieux sont insuffisamment motivés en l'absence de mention de sa situation à la date des décisions attaquées ;

- les arrêtés attaqués méconnaissent les dispositions de l'article L. 171-8 du code de l'environnement, dès lors que le montant est disproportionné au regard de la gravité des manquements qui lui sont reprochés et de l'atteinte portée à l'environnement, que le principe de non-rétroactivité des lois répressives plus sévères a été méconnu, qu'elle a commencé à exécuter les prescriptions de l'arrêté du 27 février 2018 et qu'elle n'est pas à l'origine de la pollution constatée ;

- les arrêtés attaqués sont illégaux par voie de conséquence de l'illégalité de l'arrêté du 4 juillet 2018 du préfet de Vaucluse la mettant en demeure de réaliser les prescriptions d'un précédent arrêté du 27 février 2018, dès lors que cet arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 171-6 du code de l'environnement, dans la mesure où elle n'a pas été mise à même de présenter ses observations avant son édiction ;

- l'arrêté attaqué est illégal par voie de conséquence de l'illégalité de l'arrêté du 27 février 2018, dès lors que : il n'est pas justifié de l'agrément du laboratoire ayant effectué les analyses d'eau des 21 septembre et 7 novembre 2017 ; elle a été mise dans l'impossibilité d'effectuer une contre-expertise ; le rapport de l'inspecteur des installations classées du 30 novembre 2017 ne lui a pas été communiqué ; les dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ont été méconnues ; les prescriptions complémentaires qui lui sont imposées sont illégales en l'absence de lien de causalité entre son activité et la pollution constatée ; il est entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 556-3-2 du code de l'environnement ; il était impossible de prescrire des mesures à l'égard d'exploitants pour des pollutions antérieures au 30 avril 2007 ; les coûts de l'étude ne pouvaient pas être mis à sa charge en l'absence de lien de causalité et en l'absence de démonstration d'une faute ou d'une négligence ; il méconnaît les dispositions de l'article L. 152-1 du code de l'environnement ; elle était dans l'impossibilité de réaliser les études prescrites dans le délai prévu par le préfet.

Par un mémoire, enregistré le 2 février 2022, la directrice régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur conclut à sa mise hors de cause et au rejet de la demande présentée au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à son encontre.

Elle fait valoir que les questions relatives aux fondements du titre de perception en cause ne relèvent pas de sa compétence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société Sotramo Parola sont inopérants ou infondés.

Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de la société Sotramo Parola.

Par ordonnance du 16 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 5 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'ordonnance n° 2012-34 du 11 janvier 2012 ;

- l'arrêté du 27 octobre 2011 de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, portant modalités d'agrément des laboratoires effectuant des analyses dans le domaine de l'eau et des milieux aquatiques au titre du code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lasserre, première conseillère,

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,

- et les observations de Me Ravestein, représentant la société Sotramo Parola.

Considérant ce qui suit :

1. La société Sotramo Parola, implantée à Pertuis (Vaucluse), a pour activité l'élimination et le recyclage de déchets d'animaux soumise à autorisation au titre de la rubrique 2730 des installations classées pour la protection de l'environnement. Au cours de l'année 2016, une pollution au tétrachloroéthylène (PCE) a été détectée dans les eaux du forage utilisé par une ferme laitière située sur le territoire de la même commune. Au cours des recherches effectuées pour déterminer l'origine de cette pollution, des prélèvements réalisés les 6 septembre 2017 et 7 novembre 2017 dans le puits de forage de la société Sotramo Parola ont révélé la présence de tétrachloroéthylène dans des taux supérieurs à la valeur admise pour l'eau potable. Par arrêté du 27 février 2018, le préfet de Vaucluse a prescrit à la société Sotramo Parola de réaliser un diagnostic de la pollution des eaux souterraines à l'intérieur et hors du site, de rechercher l'origine de la pollution, d'évaluer les impacts sanitaires hors site et de proposer un plan d'actions au vu des résultats de ces études. Constatant que certaines de ces prescriptions n'avaient pas été mises en œuvre dans les délais qu'il avait fixés, le préfet de Vaucluse a mis en demeure la société Sotramo Parola, par arrêté du 4 juillet 2018, de réaliser les prescriptions prévues par son précédent arrêté, dans un délai de deux mois. Par deux arrêtés du 21 mars 2019, le préfet de Vaucluse a, d'une part, prononcé à son encontre une amende administrative de 12 000 euros et, d'autre part, l'a rendue redevable d'une astreinte journalière de 300 euros jusqu'à satisfaction de la mise en demeure du 4 juillet 2018. La société Sotramo Parola relève appel du jugement du 12 octobre 2021 du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés du 21 mars 2019 ainsi qu'à l'annulation de la décision du 28 mai 2019 rejetant son recours gracieux formé contre ces deux arrêtés.

Sur les conclusions en annulation :

En ce qui concerne le défaut de motivation des décisions attaquées :

2. En premier lieu, la société requérante ne peut utilement se prévaloir de la circulaire du 19 juillet 2013 relative à la mise en œuvre des polices administratives et pénales en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, laquelle n'a pas un caractère impératif et n'énonce pas de lignes directrices. En tout état de cause, l'arrêté du 21 mars 2019 prononçant une amende administrative mentionne les éléments de faits sur lesquelles il se fonde, et notamment les éléments concernant la capacité financière de la société requérante telle que notamment relevée par l'ordonnance n° 1803802 du juge des référés du tribunal administratif de Nîmes du 6 décembre 2018 ainsi que le courrier du 15 février 2019 par lequel la société Sotramo Parola a fait part de ses difficultés financières à l'autorité préfectorale. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 21 mars 2019 est insuffisamment motivé doit être écarté.

3. En deuxième lieu, il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l'encontre d'une décision administrative un recours gracieux devant l'auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque le recours gracieux a été rejeté. L'exercice du recours gracieux n'ayant d'autre objet que d'inviter l'auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d'un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l'autorité administrative. Dans ces conditions, l'appelante ne peut utilement invoquer le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision du 28 mai 2019 par lequel le préfet de Vaucluse a rejeté son recours gracieux.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 171-8 du code de l'environnement :

4. Aux termes de l'article L. 171-8 du code de l'environnement : " I.- Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, en cas d'inobservation des prescriptions applicables en vertu du présent code aux installations, ouvrages, travaux, aménagements, opérations, objets, dispositifs et activités, l'autorité administrative compétente met en demeure la personne à laquelle incombe l'obligation d'y satisfaire dans un délai qu'elle détermine. En cas d'urgence, elle fixe, par le même acte ou par un acte distinct, les mesures nécessaires pour prévenir les dangers graves et imminents pour la santé, la sécurité publique ou l'environnement./ II.- Si, à l'expiration du délai imparti, il n'a pas été déféré à la mise en demeure, aux mesures d'urgence mentionnées à la dernière phrase du I du présent article (...), l'autorité administrative compétente peut arrêter une ou plusieurs des sanctions administratives suivantes :/ 1° Obliger la personne mise en demeure à consigner entre les mains d'un comptable public avant une date déterminée par l'autorité administrative une somme correspondant au montant des travaux ou opérations à réaliser (...) / 2° Faire procéder d'office, en lieu et place de la personne mise en demeure et à ses frais, à l'exécution des mesures prescrites. Les sommes consignées en application du 1° du présent II sont utilisées pour régler les dépenses ainsi engagées ;/ 3° Suspendre le fonctionnement des installations ou ouvrages (...) jusqu'à l'exécution complète des conditions imposées et prendre les mesures conservatoires nécessaires, aux frais de la personne mise en demeure ;/ 4° Ordonner le paiement d'une amende administrative au plus égale à 15 000 €, recouvrée comme en matière de créances de l'Etat étrangères à l'impôt et au domaine, et une astreinte journalière au plus égale à 1 500 € applicable à partir de la notification de la décision la fixant et jusqu'à satisfaction de la mise en demeure ou de la mesure ordonnée. Les deuxième et dernier alinéas du même 1° s'appliquent à l'astreinte. / Les amendes et les astreintes sont proportionnées à la gravité des manquements constatés et tiennent compte notamment de l'importance du trouble causé à l'environnement (...) ".

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les recherches effectuées à la suite de la découverte de la pollution des eaux de forage d'une ferme laitière ont permis de retracer en amont de la nappe phréatique des concentrations croissantes en tétrachloroéthylène jusqu'au site de la société Sotramo Parola. Les prélèvements réalisés dans les eaux du puits de forage de cette société ont révélé un taux de ce solvant d'une valeur supérieure à 250 fois le taux admis, l'installation de piézomètres en amont hydrologique de la société ayant, pour sa part, révélé des taux inférieurs au seuil toléré. Si la société Sotramo Parola soutient qu'elle a cessé d'utiliser du tétrachloroéthylène depuis la fin des années 1980, il résulte de l'instruction qu'elle a conservé sur son site une cuve de plus de 3 tonnes de déchets contenant ce solvant, dont elle a fait procéder à l'élimination après les premières analyses effectuées sur son puits de forage le 7 septembre 2017. Dans ces conditions, la société requérante ne peut sérieusement soutenir que la pollution en cause serait antérieure à 1989, date à partir de laquelle l'utilisation du tétrachloroéthylène a été interdite. Par suite, elle ne saurait se prévaloir de la méconnaissance du principe de non-rétroactivité des lois répressives plus sévères pour soutenir que les dispositions précitées de l'article L. 171-8 du code de l'environnement, introduites dans le code de l'environnement par l'ordonnance n° 2012-34 du 11 janvier 2012 portant simplification, réforme et harmonisation des dispositions de police administrative et de police judiciaire du code de l'environnement, ne pouvaient lui être appliquées.

6. En deuxième lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit ci-dessus que le lien de causalité entre la pollution au tétrachloroéthylène et l'activité de la société Sotramo Parola doit être regardé comme établi. A cet égard, la circonstance que la société Sotramo Parola ait fait procéder à une analyse en août 2018 laquelle fait état d'un taux de tétrachloroéthylène inférieur à 0,1 µg/l ne permet pas de remettre en cause le lien de causalité entre la pollution et son activité dès lors qu'elles ont été réalisées plus de dix mois après l'enlèvement des déchets incriminés.

7. En troisième lieu, la seule production d'un devis établi le 4 mars 2019 par la société Antea, mandatée pour effectuer une partie du diagnostic prescrit par l'arrêté du 27 février 2018, ne permet ni d'établir que l'étude ainsi demandée aurait été réalisée, ni que le reste des prescriptions contenues dans l'arrêté du 27 février 2018 aurait été exécuté. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté de mise en demeure du 4 juillet 2018 a reçu un début d'exécution doit être écarté.

8. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction que, comme il a été dit précédemment, une forte pollution au tétrachloroéthylène provenant du site de la société Sotramo Parola a atteint la nappe phréatique, causant notamment la pollution des eaux d'un forage utilisé par une ferme laitière située le territoire de la commune de Pertuis. Ainsi, eu égard à la gravité de l'atteinte portée à l'environnement, les montants de l'amende et de l'astreinte prononcées à l'encontre de la société Sotramo Parola, dont il n'est pas établi qu'elles seraient de nature à la mettre en état de liquidation, ne présentent pas un caractère disproportionné.

9. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 171-8 du code de l'environnement doit être écarté.

En ce qui concerne l'exception d'illégalité de l'arrêté du 27 février 2018 imposant des prescriptions à la société Sotramo Parola et de l'arrêté du 4 juillet 2018 portant mise en demeure de réaliser ces prescriptions :

S'agissant de la légalité de l'arrêté du 27 février 2018 :

10. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique (...) ". L'article L. 512-20 du même code dispose que : " En vue de protéger les intérêts visés à l'article L. 511-1, le préfet peut prescrire la réalisation des évaluations et la mise en œuvre des remèdes que rendent nécessaires soit les conséquences d'un accident ou incident survenu dans l'installation, soit les conséquences entraînées par l'inobservation des conditions imposées en application du présent titre, soit tout autre danger ou inconvénient portant ou menaçant de porter atteinte aux intérêts précités. Ces mesures sont prescrites par des arrêtés pris, sauf cas d'urgence, après avis de la commission consultative compétente. ".

11. En premier lieu, aux termes de l'article R. 512-61 du code de l'environnement, " Les organismes de contrôle périodique sont agréés par arrêté du ministre chargé des installations classées (...) ". En application de l'article 9 de l'arrêté du 27 octobre 2011 portant modalités d'agrément des laboratoires effectuant des analyses dans le domaine de l'eau et des milieux aquatiques au titre du code de l'environnement alors en vigueur : " La liste des laboratoires agréés est publiée sur le site internet de gestion des agréments du ministère chargé de l'environnement (...) ".

12. Il résulte de l'instruction que pour déterminer l'origine de la pollution au tétrachloroéthylène mentionnée au point 1 ci-dessus, des prélèvements ont été réalisés le 6 septembre 2017 dans le puits de forage de la société Sotramo Parola et ont révélé la présence de tétrachloroéthylène dans des taux anormaux, de l'ordre de 2 500 µg/l, alors que la valeur admise pour l'eau potable est de 10 µg/l. De nouveaux prélèvements effectués le 7 novembre 2017 ont confirmé la présence de ce solvant, à raison de 1 600 µg/l. Il résulte également de l'instruction que, contrairement à ce que soutient la société requérante, les rapports d'analyse de ces prélèvements qui lui ont été notifiés les 2 octobre 2017 et 17 novembre suivant, mentionnent le nom du laboratoire qui les a effectués, à savoir le laboratoire AL-West B.V., lequel est mentionné dans la liste des laboratoires agréés figurant sur le site dédié du ministère de la transition écologique pour la recherche de la présence de tétrachloroéthylène. Dès lors, le moyen tiré de l'absence d'identification du laboratoire permettant de s'assurer de son agrément ne peut qu'être écarté.

13. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 172-14 du code de l'environnement : " (...) II. - Les échantillons sont prélevés au moins en double exemplaire et adressés à un laboratoire d'analyse. Un exemplaire est conservé aux fins de contre-expertise. / La personne mise en cause ou son représentant est avisée qu'elle peut faire procéder à ses frais à l'analyse de l'exemplaire conservé. Elle fait connaître sa décision dans les cinq jours suivant la date à laquelle les résultats de l'analyse du laboratoire ont été portés à sa connaissance. Passé ce délai, l'exemplaire peut être éliminé (...) ".

14. Les éventuelles irrégularités entachant une procédure pénale sont sans incidence sur la légalité des décisions administratives. Par suite, la société Sotramo Parola ne peut utilement se prévaloir des dispositions précitées de l'article L. 172-14 du code de l'environnement pour soutenir qu'elle a été dans l'impossibilité de faire procéder à une contre-expertise dès lors que ces dispositions, insérées au sein du chapitre 2 du titre VII du livre 1er du code de l'environnement alors en vigueur, concernent la recherche et la constatation des infractions pénales.

15. En troisième lieu, il résulte des dispositions des articles L. 514-5, R. 512-25 et R. 512-26 du code de l'environnement que, préalablement à l'édiction de prescriptions complémentaires prises sur le fondement de l'article L. 512-20 du code de l'environnement, l'exploitant d'une installation classée pour la protection de l'environnement doit être destinataire du rapport du contrôle le cas échéant réalisé par l'inspection des installations classées, des propositions de l'inspection tendant à ce que des prescriptions complémentaires lui soient imposées et du projet d'arrêté du préfet comportant les prescriptions complémentaires envisagées. Il résulte des mêmes dispositions du code de l'environnement combinées aux dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration que l'exploitant doit être mis à même de présenter des observations et d'obtenir également communication, s'il le demande, de celles des pièces du dossier utiles à cette fin.

16. D'une part, il résulte de l'instruction que le rapport du 30 novembre 2017 établi par l'inspecteur des installations classées ne constitue pas un rapport de contrôle au sens des dispositions de l'article L. 514-5 du code de l'environnement mais le rapport de présentation du dossier aux membres du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques dont la séance s'est tenue le 19 décembre 2017. Ainsi, la société Sotramo Parola ne peut utilement soutenir que ce rapport aurait dû lui être communiqué en application des dispositions de l'article L. 514-5 du code de l'environnement. En outre, il est constant que la société Sotramo Parola a été destinataire des propositions de l'inspecteur des installations classées tendant à ce que des prescriptions complémentaires lui soient imposées et du projet d'arrêté du préfet comportant les prescriptions complémentaires envisagées. Par suite, l'arrêté attaqué du 27 février 2018 n'est pas entaché d'un vice de procédure au regard des dispositions précitées de l'article L. 514-5 du code de l'environnement.

17. D'autre part, il résulte de l'instruction que, par courrier du 27 septembre 2017, l'inspecteur des installations classées pour l'environnement a informé la société requérante qu'à la suite de la visite sur site intervenue le 6 septembre 2017 dans le cadre de l'enquête sur la pollution des eaux de forage d'une ferme laitière située sur le territoire de la commune de Pertuis, il proposera au préfet d'édicter un arrêté d'urgence imposant l'arrêt d'usage de l'eau de son puits. Dans ces conditions, et alors qu'aucun autre rapport n'est intervenu à cette date, la société Sotramo Parola ne peut utilement soutenir qu'un tel rapport aurait dû lui être communiqué sur le fondement des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration.

18. Enfin, si la société Sotramo Parola a également demandé la communication du rapport d'analyse du 21 septembre 2017 portant sur les prélèvements réalisés le 6 septembre 2017 en sortie de pompe et à l'intérieur de son puits ainsi que du rapport de manquement administratif du 21 septembre 2017, il résulte de l'instruction que la société requérante a été rendue destinataire de ces documents par courrier reçu le 2 octobre 2017. Par ailleurs, si la société Sotramo Parola soutient qu'elle n'a pas eu communication du rapport des analyses effectuées en amont hydrologique de son site du 30 novembre 2017, le rapport du 30 novembre 2017 mentionnant ces analyses est le rapport de présentation du dossier aux membres du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques. Or, il résulte également de l'instruction que la société Sotramo Parola a participé le 19 décembre 2017 à la séance de ce conseil au cours de laquelle elle a pu faire valoir ses observations. En outre, elle a reçu notification le 29 décembre 2017 du projet d'arrêté portant prescriptions complémentaires et a formulé ses observations à deux reprises. Elle a ainsi été informée tant des manquements qui lui étaient reprochés que de la teneur de l'ensemble des analyses effectuées. Par suite, et dès lors que la société Sotramo Parola a été mise à même de présenter utilement ses observations, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.

19. En quatrième lieu, contrairement à ce que soutient la société Sotramo Parola, l'arrêté du 27 février 2018 la met en demeure de recenser les puits et forages dans un délai de deux mois suivant sa notification, de réaliser un diagnostic des sols et eaux souterraines du site dans un délai de trois mois suivant sa notification et un diagnostic hors site avec mise en place d'un réseau piézométrique dans un délai de cinq mois. Cet arrêté la met aussi en demeure d'effectuer des prélèvements et d'en transmettre les analyses à l'inspection des installations classées dans le délai d'un mois suivant la mise en place des piézomètres, de réaliser une étude de l'état des milieux dans un délai de deux mois suivant la remise du diagnostic hors site et de proposer un plan d'action en fonction des résultats de l'étude dans un délai de deux mois suivant la remise de l'étude. Si la société requérante soutient que ces délais sont disproportionnés au regard de l'ampleur des tâches à réaliser et du peu d'entreprises agréées en capacité de les réaliser, elle n'a produit aucun élément précis à l'appui de ses affirmations. Notamment, la circonstance que la société Antéa, qu'elle a mandatée tardivement en mars 2019 n'ait pas réalisé cette mission dans les délais prévus par la mise en demeure en litige ne suffit pas à considérer que les prescriptions imposées par le préfet de Vaucluse étaient impossibles à réaliser dans les délais fixés. Enfin, les éventuelles difficultés financières de la société requérante sont sans incidence sur ces délais. Dans ces conditions, et alors que la pollution en tétrachloroéthylène présente un danger pour la protection de l'environnement au sens des dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'environnement, la société Sotramo Parola n'est pas fondée à soutenir que la prescription contestée serait disproportionnée par rapport aux buts de protection des intérêts mentionnés à cet article, en vue desquels elle a été prise.

20. En cinquième lieu, il résulte des dispositions précitées des articles L. 511-1 et L. 512 20 du code de l'environnement que l'autorité administrative peut prendre à tout moment, à l'égard de l'exploitant d'une installation classée, les mesures qui se révèleraient nécessaires à la protection des intérêts énumérés à l'article L. 511-1 du même code, y compris après sa mise à l'arrêt définitif. De telles mesures peuvent concerner, le cas échéant, des terrains situés au-delà du strict périmètre de l'installation en cause, dans la mesure où ceux-ci présentent des risques de nuisance pour la santé publique ou la sécurité publique ou la protection de l'environnement, se rattachant directement à l'activité présente ou passée de cette installation.

21. Il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit plus haut, que les recherches effectuées à la suite de la découverte de la pollution des eaux de forage d'une ferme laitière ont permis de retracer en amont de la nappe phréatique des concentrations croissantes en tétrachloroéthylène jusqu'au site de la société Sotramo Parola. Les prélèvements réalisés dans les eaux du puits de forage de cette société ont révélé un taux de ce solvant d'une valeur supérieure à 250 fois le taux admis, l'installation de piézomètres en amont hydrologique de la société ayant pour sa part révélé des taux inférieurs au seuil toléré. Si la société Sotramo Parola soutient qu'elle a cessé d'utiliser du tétrachloroéthylène depuis la fin des années 1980, il résulte de l'instruction qu'elle a conservé sur son site une cuve de plus de 3 tonnes de déchets contenant ce solvant, dont elle a fait procéder à l'élimination après les premières analyses effectuées sur son puits de forage le 7 septembre 2017. A cet égard, la circonstance que la société Sotramo Parola ait fait procéder à une analyse en août 2018 laquelle fait état d'un taux de tétrachloroéthylène inférieur à 0,1 µg/l ne permet pas de remettre en cause le lien de causalité entre la pollution et son activité dès lors qu'elles ont été réalisées plus de dix mois après l'enlèvement des déchets incriminés. Dans ces conditions, le lien de causalité entre la pollution au tétrachloroéthylène et l'activité de la société Sotramo Parola doit être regardé comme établi. Par suite, par son arrêté du 27 février 2018, le préfet de Vaucluse a pu légalement prescrire à la société Sotramo Parola de réaliser un diagnostic de la pollution des eaux souterraines sur et hors du site, de rechercher l'origine de la pollution, d'évaluer les impacts sanitaires hors site et, en dernier lieu, de proposer un plan d'actions au vu des résultats de ces études tout en mettant à sa charge les frais qui en résultent.

22. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 556-3 du code de l'environnement : " I. En cas de pollution des sols ou de risques de pollution des sols présentant des risques pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques et l'environnement au regard de l'usage pris en compte, l'autorité titulaire du pouvoir de police peut, après mise en demeure, assurer d'office l'exécution des travaux nécessaires aux frais du responsable. (...) / II- Au sens du I, on entend par responsable, par ordre de priorité : / 1° Pour les sols dont la pollution a pour origine une activité mentionnée à l'article L. 165-2, une installation classée pour la protection de l'environnement ou une installation nucléaire de base, le dernier exploitant de l'installation à l'origine de la pollution des sols, ou la personne désignée aux articles L. 512-21 et L. 556-1, chacun pour ses obligations respectives. Pour les sols pollués par une autre origine, le producteur des déchets qui a contribué à l'origine de la pollution des sols ou le détenteur des déchets dont la faute y a contribué ; / 2° A titre subsidiaire, en l'absence de responsable au titre du 1°, le propriétaire de l'assise foncière des sols pollués par une activité ou des déchets tels que mentionnés au 1°, s'il est démontré qu'il a fait preuve de négligence ou qu'il n'est pas étranger à cette pollution. ".

23. L'arrêté attaqué n'étant pas fondé sur ces dispositions mais sur les dispositions précitées de l'article L. 512-20 du même code, le moyen tiré de ce que les dispositions du II de l'article L. 556-3 du code de l'environnement ne sont pas opposables à la société requérante doit être écarté comme inopérant,

24. En septième lieu, aux termes de l'article L. 161-5 du code de l'environnement, " Le présent titre n'est pas applicable non plus : / 1° Lorsque le fait générateur du dommage est survenu avant le 30 avril 2007 (...) ". Aux termes de l'article L. 162-17 du même code : " L'exploitant tenu de prévenir ou de réparer un dommage en application du présent titre supporte les frais liés :/ 1° A l'évaluation des dommages ; / 2° A la détermination, la mise en œuvre et le suivi des mesures de prévention et de réparation ; /3° Le cas échéant, aux procédures de consultation prévues aux deux premières phrases de l'article L. 162-10 ; 4° Le cas échéant, aux indemnités versées en application des articles L. 162-5 et L. 162-12. ". aux termes de l'article L. 162-23 de ce code : " Le coût des mesures visées aux articles L. 162-4, L. 162-8 et L. 162-9 ne peut être mis à la charge de l'exploitant s'il apporte la preuve qu'il n'a pas commis de faute ou de négligence et que le dommage à l'environnement résulte d'une émission, d'une activité ou, dans le cadre d'une activité, de tout mode d'utilisation d'un produit qui n'étaient pas considérés comme susceptibles de causer des dommages à l'environnement au regard de l'état des connaissances scientifiques et techniques au moment du fait générateur du dommage. ".

25. Les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions précitées doivent être écartés comme inopérants, l'arrêté attaqué n'étant pas fondé sur le titre VI du livre 1er du code de l'environnement mais, ainsi qu'il a été dit au point 23 du présent arrêt, sur les dispositions précitées de l'article L. 512-20 du même code.

26. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 152-1 du code de l'environnement : " Les obligations financières liées à la réparation des dommages causés à l'environnement par les installations, travaux, ouvrages et activités régis par le présent code se prescrivent par dix ans à compter du jour où le titulaire de l'action a connu ou aurait dû connaître la manifestation du dommage. ".

27. Ainsi qu'il a été dit au point 21 du présent arrêt, il résulte de l'instruction que la pollution en cause ne provient pas de l'utilisation en elle-même de tétrachloroéthylène par la société Sotramo Parola jusqu'à la fin des années 1980, mais du stockage sur son site de déchets contenant ce solvant, dont elle a commencé à faire procéder à son élimination après la découverte de cette pollution. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet ne pouvait pas légalement mettre à sa charge les coûts des prescriptions complémentaires contenues dans l'arrêté attaqué du 27 février 2018.

S'agissant de la légalité de l'arrêté du 4 juillet 2018 :

28. Aux termes de l'article L. 171-6 du code de l'environnement : " Lorsqu'un agent chargé du contrôle établit à l'adresse de l'autorité administrative compétente un rapport faisant état de faits contraires aux prescriptions applicables, en vertu du présent code, à une installation (...), il en remet une copie à l'intéressé qui peut faire part de ses observations à l'autorité administrative. ".

29. Il résulte de l'instruction que la société Sotramo Parola a reçu le 22 juin 2018 le rapport dressé par l'inspecteur des installations classés du 20 juin 2018. Dans ces conditions, la société requérante a disposé d'un délai de douze jours pour présenter ses observations au préfet de Vaucluse, avant que celui-ci n'édicte l'arrêté dont l'illégalité est soulevée dans le présent litige par la voie de l'exception. Par suite, et en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires imposant à l'administration d'indiquer le délai imparti à l'exploitant pour produire ses observations, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire doit être écarté.

30. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de l'exception d'illégalité de l'arrêté du 27 février 2018 imposant des prescriptions à la société Sotramo Parola et de l'arrêté du 4 juillet 2018 portant mise en demeure de réaliser ces prescriptions doivent être écartés.

31. Il résulte de tout ce qui précède que la société Sotramo Parola n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

32. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que la société Sotramo Parola demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Sotramo Parola est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sotramo Parola et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée à la directrice régionale des finances publiques Provence-Alpes-Côte d'Azur et à la préfète de Vaucluse.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

Mme Lasserre, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2024.

La rapporteure,

N. Lasserre

Le président,

D. ChabertLa greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21TL04729


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL04729
Date de la décision : 01/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

68-03-025-02-01-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Nature de la décision. - Octroi du permis. - Permis tacite. - Retrait.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: Mme Nathalie LASSERRE
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : SELARL NOUS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-01;21tl04729 ?
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