Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Montpellier, sous le n° 2004173, d'annuler l'arrêté du 30 juillet 2020 par lequel le préfet de l'Hérault lui a temporairement interdit, en application de la procédure d'urgence prévue à l'article L. 212-13 du code du sport, d'exercer les fonctions énumérées à l'article L. 212-1 du même code pendant une durée de six mois.
Sous le n° 2103201, M. E... a également demandé à ce même tribunal d'annuler l'arrêté du 21 avril 2021 par lequel cette même autorité lui a interdit, à titre définitif, d'exercer bénévolement et contre rémunération ces mêmes fonctions.
Par deux jugements du 8 mars 2022 n° 2004173 et n° 2103201, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté les demandes de M. E... tendant à l'annulation de deux arrêtés du préfet de l'Hérault du 30 juillet 2020 et du 21 avril 2021 précités.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 8 mai 2022 et les 7 septembre et 13 octobre 2023, sous le n° 22TL21117, M. E..., représenté par Me Maillot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2103201 du 8 mars 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 avril 2021 par lequel le préfet de l'Hérault lui a interdit, à titre définitif, d'exercer bénévolement et contre rémunération les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 du code du sport ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté en litige a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que l'auteur de l'enquête administrative a manqué à son devoir d'impartialité objective et subjective dans la conduite de cette phase ;
- il est également entaché d'un vice de procédure tiré de ce que l'avis émis par la formation spécialisée du conseil départemental de la jeunesse, des sports et de la vie associative a manqué d'impartialité objective et subjective en préjugeant de l'issue de son dossier et faisant preuve de préjugés sur sa situation ;
- il est entaché d'inexactitude matérielle des faits quant aux faits de violences sexuelles qui lui sont reprochés ;
- il est entaché d'une erreur d'appréciation ;
- il n'est ni adapté, ni nécessaire ni proportionné à l'intensité de la prétendue menace que représente sa pratique pédagogique sur la santé physique ou morale des pratiquants ;
- il est entaché d'une erreur de droit dès lors que le motif tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-11 du code du sport faisant obligation à un éducateur sportif de déclarer préalablement son activité à l'autorité administrative afin d'obtenir une carte professionnelle, à le supposer établi, ne pouvait légalement justifier le prononcé d'une mesure de police.
Par deux mémoires, enregistrés les 17 novembre 2022 et 2 octobre 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2023, la ministre des sports, des jeux olympiques et des jeux paralympiques, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 18 décembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 9 janvier 2024, à 12 heures.
II. Par une requête, enregistrée le 8 mai 2022, sous le n° 22TL21118, M. E..., représenté par Me Maillot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 2004173 du 8 mars 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 juillet 2020 par lequel le préfet de l'Hérault lui a temporairement interdit, en application de la procédure d'urgence prévue à l'article L. 212-13 du code du sport, d'exercer les fonctions énumérées à l'article L. 212-1 du code du sport pendant une durée de six mois ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision en litige a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, en méconnaissance des articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, dès lors que, s'agissant d'une mesure de police administrative, d'une part, elle n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire préalable et, d'autre part, il n'a été averti ni de l'intention du préfet de l'Hérault d'édicter une mesure d'interdiction temporaire en urgence ni des motifs de l'interdiction envisagée, pas plus qu'il n'a été informé de son droit à se faire assister par un conseil ou se faire représenter par un mandataire de son choix pour présenter des observations sur la mesure envisagée ; la seule circonstance que l'arrêté en litige vise une situation d'urgence prévue par l'article L. 212-3 du code du sport n'est pas suffisante pour justifier l'absence d'organisation d'une procédure contradictoire préalable, la condition d'urgence dispensant l'autorité administrative de toute formalité préalable n'étant pas satisfaite ;
- la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie ;
- à la date de l'arrêté en litige, le préfet de l'Hérault ne disposait donc d'aucun élément de nature à fonder une interdiction temporaire d'exercer les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 du code du sport ;
- la mesure d'interdiction en litige est infondée et disproportionnée, le risque invoqué d'atteinte à la santé physique ou morale des pratiquants d'équitation n'étant pas établi.
Par un mémoire, enregistré le 17 novembre 2022, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces de ces deux dossiers.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du sport ;
- le décret n° 2006-665 du 7 juin 2006 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme El Gani-Laclautre,
- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Raynal, substituant Me Maillot, représentant M. E....
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., professeur d'équitation depuis 1996 et conseiller technique régional d'équitation de l'ancienne région Aquitaine puis Midi-Pyrénées intervenait régulièrement, y compris après avoir été admis à faire valoir ses droits à la retraite en 2004, auprès d'enseignants et cavaliers en qualité de formateur et d'expert, au sein d'un centre équestre situé à ... dirigé par sa compagne. Le 6 février 2020, une ancienne cavalière, devenue depuis majeure, a déposé une plainte pour des faits de viol sur mineur de quinze ans et de plus de quinze ans commis lorsqu'elle pratiquait l'équitation au sein du ... (Pyrénées-Atlantiques), auprès des services de gendarmerie de ... (Dordogne). Par un courrier de la directrice départementale de la cohésion sociale des Pyrénées-Atlantiques du 4 mars 2020, la directrice départementale de la cohésion sociale de l'Hérault a été destinataire d'un signalement au sujet de ces faits. Une enquête administrative a été ouverte le 10 mars 2020, dans le cadre de laquelle M. E... a été entendu, une première fois, le 2 juin 2020, puis le 6 janvier 2021. Par une décision du 17 juin 2020, le procureur de la République de ... a prononcé le classement sans suite de la plainte précitée au motif que la prescription des faits était définitivement acquise au 23 mars 1997. Estimant que le maintien en activité de l'intéressé présentait des risques pour la santé physique ou morale des pratiquants et qu'il existait une situation d'urgence, le préfet de l'Hérault a, par un arrêté du 30 juillet 2020, temporairement interdit, en application de la procédure d'urgence prévue à l'article L. 212-13 du code du sport, à M. E... d'exercer les fonctions énumérées à l'article L. 212-1 du même code pendant une durée de six mois. Après avoir recueilli l'avis de la formation spécialisée du conseil départemental de la jeunesse, des sports et de la vie associative, réunie le 23 mars 2021, cette même autorité lui a, par un arrêté du 21 avril 2021, fait interdiction, à titre définitif, d'exercer bénévolement et contre rémunération les fonctions énumérées à l'article L. 212-1 du code du sport. Sous le n° 22TL21117, M. E... relève appel du jugement n° 2103201 du 8 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de ... a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 21 avril 2021 portant interdiction définitive d'exercer les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 du code du sport. Sous le n° 22TL21118, M. E... relève appel au jugement n° 2004173 du même jour par lequel ce même tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 30 juillet 2020 portant interdiction temporaire d'exercer ces mêmes fonctions.
2. Les requêtes précitées n°s 22TL21117 et 22TL21118 présentées pour M. E..., concernent la situation d'un même requérant et présentent à juger des questions connexes. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le cadre juridique applicable au litige :
3. Aux termes de l'article L. 212-1 du code du sport : " I. - Seuls peuvent, contre rémunération, enseigner, animer ou encadrer une activité physique ou sportive ou entraîner ses pratiquants, à titre d'occupation principale ou secondaire, de façon habituelle, saisonnière ou occasionnelle, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa du présent article et de l'article L. 212-2 du présent code, les titulaires d'un diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification professionnelle : / 1° Garantissant la compétence de son titulaire en matière de sécurité des pratiquants et des tiers dans l'activité considérée ; / 2° Et enregistré au répertoire national des certifications professionnelles dans les conditions prévues à l'article L. 6113-5 du code du travail. (...) ". L'article L. 212-13 du même code dispose, dans sa rédaction applicable au litige, que : " L'autorité administrative peut, par arrêté motivé, prononcer à l'encontre de toute personne dont le maintien en activité constituerait un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants l'interdiction d'exercer, à titre temporaire ou définitif, tout ou partie des fonctions mentionnées à l'article L. 212-1. / L'autorité administrative peut, dans les mêmes formes, enjoindre à toute personne exerçant en méconnaissance des dispositions du I de l'article L. 212-1 et de l'article L. 212-2 de cesser son activité dans un délai déterminé. / Cet arrêté est pris après avis d'une commission comprenant des représentants de l'État, du mouvement sportif et des différentes catégories de personnes intéressées. Toutefois, en cas d'urgence, l'autorité administrative peut, sans consultation de la commission, prononcer une interdiction temporaire d'exercice limitée à six mois ". L'article D. 212-95 de ce code précise que : " Les conseils départementaux de la jeunesse, des sports et de la vie associative institués par l'article 28 du décret n° 2006-665 du 7 juin 2006 relatif à la réduction du nombre et à la simplification de la composition de diverses commissions administratives exercent les fonctions de la commission mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 212-13 ".
4. Il résulte de ces dispositions que pour assurer la protection des pratiquants d'une activité physique ou sportive, l'autorité administrative peut interdire à une personne d'exercer une activité d'enseignement, d'animation ou d'encadrement d'une telle activité, une mission arbitrale, une activité de surveillance de baignade ou piscine ouverte au public, ou d'exploiter un établissement dans lequel sont pratiquées des activités physiques ou sportives, lorsque son maintien en activité " constituerait un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants ". Le législateur a ainsi défini les conditions d'application de cette mesure de police, que l'autorité compétente est tenue, même en l'absence de disposition explicite en ce sens, d'abroger à la demande de l'intéressé si les circonstances qui ont pu motiver légalement son intervention ont disparu et qu'il est établi qu'il n'existe plus aucun risque pour les pratiquants.
En ce qui concerne la décision portant interdiction temporaire d'exercer :
5. En premier lieu, l'urgence à prononcer une mesure d'interdiction pour une durée limitée à six mois et la dispense subséquente de consulter le conseil départemental de la jeunesse, des sports et de la vie associative s'apprécie non au regard du délai pris par l'autorité administrative compétente pour édicter une telle mesure mais au regard de l'existence d'une situation de danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants au sens des dispositions précitées de l'article L. 212-13 du code du sport. Par suite, M. E... ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que l'interdiction d'exercer temporairement toute activité d'enseignement, d'animation ou d'encadrement d'une activité physique ou sportive n'est intervenue que le 30 juillet 2020 alors que le signalement des faits qui lui sont reprochés datait du 6 mars 2020. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que les agissements en litige, qui présentent une gravité particulière, ont été portés à la connaissance du préfet de l'Hérault par un courrier du 4 mars 2020 et qu'une enquête administrative a été immédiatement ouverte le 10 mars 2020 mais que la situation de confinement imposée par la situation de crise sanitaire liée à l'épidémie de Covid-19, a retardé le déroulement de l'enquête administrative, M. E... ayant toutefois été entendu dès le 2 juin 2020. Par suite, contrairement à ce que soutient l'appelant, qui était encore appelé à exercer, y compris à titre bénévole, des activités au contact de cavaliers et dont la compagne gérait un centre équestre, il existait bien, à la date de l'arrêté en litige, une situation d'urgence caractérisée de nature à dispenser l'autorité préfectorale de toute formalité préalable avant l'édiction de l'interdiction temporaire d'exercer toutes fonctions d'enseignement, d'animation ou d'encadrement d'une activité physique ou sportive. Dès lors, le vice de procédure allégué tiré de l'absence d'urgence doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 [décisions qui restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police], ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Les dispositions de l'article L. 121-1 ne sont pas applicables : / 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ; / 2° Lorsque leur mise en œuvre serait de nature à compromettre l'ordre public ou la conduite des relations internationales ; / 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière ; (...) ". En l'absence d'une procédure contradictoire particulière organisée par les textes, le préfet doit se conformer aux dispositions issues de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration en informant l'intéressé de son intention d'édicter une mesure d'interdiction d'exercer les fonctions énumérées à l'article L. 212-1 du code du sport et de la possibilité qui lui est offerte de présenter des observations. Le préfet ne peut légalement se dispenser de cette formalité, en raison d'une situation d'urgence, que s'il apparaît, eu égard au comportement de la personne, que le fait de différer l'interdiction d'exercer les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 du code du sport pendant le temps nécessaire à l'accomplissement de la procédure contradictoire créerait des risques graves pour lui-même ou pour les tiers.
7. Eu égard à la gravité des risques pour leur intégrité physique et psychique que les faits reprochés à M. E... étaient susceptibles de faire courir aux pratiquants qui pouvaient être placés sous son encadrement et dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé continuait à être en contact régulier avec des cavaliers d'un centre équestre dans lequel il officiait à titre bénévole et dont sa compagne était directrice, les conditions particulières dans lesquelles est intervenu l'arrêté en litige caractérisaient une situation d'urgence dispensant le préfet de l'Hérault de mettre en œuvre la procédure contradictoire prévue par les dispositions précitées de l'article L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que par un courrier du 10 mars 2020, M. E... a été informé de l'ouverture d'une enquête administrative à son encontre et convoqué à la direction départementale de la cohésion sociale de l'Hérault pour être entendu, le 25 mars 2020 et, d'autre part, qu'il a, par un courrier du 17 avril 2020 présenté des observations en réponse à ce premier courrier, selon lesquelles il n'a pu se présenter à cet entretien au motif qu'il n'a pas été en mesure de retirer ce pli auprès des services postaux avant le 16 avril 2020 et qu'il prenait contact avec son conseil et, enfin, que l'intéressé a bénéficié d'un entretien le 2 juin 2020 dans les locaux de la direction départementale de la cohésion sociale de l'Hérault, au cours duquel il a été mis en mesure de présenter des observations sur les faits reprochés qui lui ont été exposés et postérieurement auquel il a adressé un nouveau courrier en date du 23 juin 2020 contenant des observations. Dans ces conditions, l'appelant doit être regardé comme ayant bénéficié d'une procédure contradictoire préalable au cours de laquelle il a pu utilement présenter ses observations avant l'édiction de la mesure en litige. Dès lors, le vice de procédure tiré de l'absence de procédure contradictoire préalable ne peut qu'être écarté.
8. En troisième lieu, d'une part, lorsqu'il examine, dans le cadre du contrôle de proportionnalité, la légalité d'une mesure portant atteinte aux droits fondamentaux des personnes, le juge de l'excès de pouvoir examine successivement si la mesure en cause est adaptée, nécessaire et proportionnée à la finalité qu'elle poursuit.
9. D'autre part, l'autorité de la chose jugée en matière pénale ne s'attachant qu'aux décisions des juridictions de jugement qui statuent sur le fond de l'action publique, tel n'est pas le cas des décisions de classement sans suite prises par le ministère public qui ne s'opposent pas, d'ailleurs, à la reprise des poursuites. De même, lorsque la légalité de la décision administrative est subordonnée à la condition que les faits qui servent de fondement à cette décision constituent une infraction pénale, l'autorité de la chose jugée s'étendant alors exceptionnellement à la qualification juridique donnée aux faits par le juge pénal.
10. Il ressort des pièces du dossier qu'une plainte pour des faits de viol sur mineur de quinze ans et de plus de quinze ans commis entre 1984 et 1985 a été déposée contre M. E... par une ancienne cavalière qui a fréquenté le centre équestre dans lequel il exerçait des fonctions de formateur et d'éducateur sportif à .... S'il est constant que cette plainte a fait l'objet d'un classement sans suite en raison de la prescription des faits et non à raison d'une infraction insuffisamment caractérisée, ce classement sans suite n'a, ainsi que le rappelle au demeurant le courrier adressé par le vice-procureur de la République près le tribunal judiciaire de ... le 17 juin 2020 à la plaignante, ni pour objet ni pour effet de remettre en cause la réalité des faits dont cette dernière a été victime pas plus qu'il ne s'oppose à la reprise de poursuites ni à l'exercice du pouvoir de police des activités sportives dont dispose le préfet. Par suite, dès lors que la décision de classement prise en l'espèce par le parquet de ... n'est de nature ni à priver l'autorité préfectorale de l'exercice de son pouvoir de police des activités d'enseignement du sport ni à lier le juge administratif, l'appelant ne peut utilement se prévaloir de ce classement sans suite pour soutenir que les agissements qui lui sont reprochés dans sa pratique professionnelle ne seraient matériellement pas établis.
11. À cet égard, l'appelant ne produit aucun élément probant de nature à contredire le contenu de la plainte pour des faits de viol répétés sur une cavalière, dont le récit comporte des faits suffisamment précis et circonstanciés pour considérer que ses pratiques professionnelles, qu'il qualifie de " jeu " sans en mesurer les incidences, présentent un réel danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants alors que, en tout état de cause, les faits qui lui sont reprochés ne se limitent pas à ces faits et concernent, de manière plus générale, ses pratiques professionnelles et pédagogiques consistant à imposer des contacts physiques rapprochés non consentis avec les cavalières mineures constitutifs d'attouchements sexuels. De même, en se bornant à soutenir que les faits sont anciens et que le " comportement malsain " qui lui est attribué, notamment par le président du comité régional d'équitation d'Occitanie, ne renvoie qu'à un " jeu " ne présentant aucune connotation sexuelle et que l'arrêté en litige se fonde sur de simples considérations d'ordre général liées au haut degré de féminisation des activités équestres, avec une forte proportion de mineures, sans lui imputer de fait incriminant dans l'exercice de ses fonctions, M. E... ne conteste sérieusement pas les circonstances selon lesquelles, indépendamment des faits de viol précités, il a fait preuve de comportements inappropriés constitutifs de violences sexistes et sexuelles, matériellement établis par les différents témoignages précis et concordants recueillis au cours de l'enquête administrative auprès de cavalières, le 22 janvier 2021, et qu'il intervient régulièrement en faveur d'un public mineur vulnérable sur lequel il dispose d'une certaine autorité liée à son expérience et à son expertise dans le milieu équestre. Par ailleurs, les seules déclarations du président du comité régional d'équitation d'Occitanie, lors de son entretien réalisé le 17 avril 2020 dans le cadre de l'enquête administrative, selon lesquelles il n'a jamais eu d'écho de faits de violences sexuelles le mettant en cause jusqu'à la parution d'un article de presse relatant la plainte pour viol déposée à son encontre classée sans suite, ne sont pas de nature à remettre en cause la matérialité et la gravité des faits reprochés à l'appelant dans sa pratique professionnelle. À l'inverse, il ressort du compte-rendu de cet entretien qu'indépendamment de la plainte précitée, ce dernier a observé chez M. E... des comportements qu'il qualifie de " malsains " consistant à taper avec son ventre contre le ventre des jeunes filles et des jeunes garçons pour lesquels aucune justification crédible n'est apportée alors que ces agissements, à eux-seuls, sont de nature à compromettre la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants indépendamment de la qualification pénale qu'ils sont susceptibles de revêtir.
12. Eu égard à la gravité des faits commis par M. E... dans l'exercice de ses fonctions d'éducateur sportif, fussent-elles exercées à titre bénévole et compte tenu de sa présence régulière au sein d'un centre équestre pour y exercer des activités techniques et pédagogiques de conseil auprès des enseignants et des cavaliers mais également lors des compétitions sur les lieux de concours, le préfet de l'Hérault n'a ni entaché sa décision d'inexactitude matérielle ni fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 212-13 du code du sport en prononçant à son encontre une interdiction temporaire d'exercer ses activités d'enseignement du sport pour une durée de six mois en recourant à la procédure d'urgence prévue par ces mêmes dispositions. De même, pour les mêmes motifs et eu égard à la gravité des faits en litige, en prononçant une telle interdiction, le préfet de l'Hérault a édicté une mesure pleinement proportionnée et strictement nécessaire à l'objectif d'intérêt général tenant à la protection de la santé et de la sécurité physique ou morale des pratiquants.
En ce qui concerne la décision portant interdiction définitive d'exercer :
13. En premier lieu, aux termes de l'article 29 du décret du 7 juin 2006 relatif à la réduction du nombre et à la simplification de la composition de diverses commissions administratives : " I. - Le conseil départemental de la jeunesse, des sports et de la vie associative concourt à la mise en œuvre, dans le département, des politiques publiques relatives à la jeunesse, à l'éducation populaire, aux loisirs et vacances des mineurs ainsi qu'aux sports et à la vie associative. Il est régi par les dispositions des articles 8 et 9. / Il émet les avis prévus (...) à l'article L. 212-13 du code du sport. (...) / IV. - Lorsque le conseil départemental donne les avis mentionnés au deuxième alinéa du I, le préfet réunit une formation spécialisée comprenant : / 1° Des représentants des services déconcentrés de l'État et des organismes assurant à l'échelon départemental la gestion des prestations familiales, pour au moins un tiers de la formation spécialisée ; / 2° Des représentants, à parité, des associations et mouvements de jeunesse ainsi que des associations sportives ; / 3° Un représentant des organisations syndicales de salariés et un représentant des organisations syndicales d'employeurs exerçant dans le domaine du sport, ainsi qu'un représentant des organisations syndicales de salariés et un représentant des organisations syndicales d'employeurs exerçant dans le domaine de l'accueil des mineurs mentionnés à l'article L. 227-4 du code de l'action sociale et des familles ; / 4° Des représentants des associations familiales et des associations ou groupements de parents d'élèves ".
14. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de cette décision ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.
15. D'une part, le conseil départemental de la jeunesse, des sports et de la vie associative institué auprès du préfet de l'Hérault a été créé par un arrêté n° 2006-I-2963 du 8 décembre 2006 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture n° 12 du 31 décembre 2006. Sa composition et la nomination de ses membres ainsi que le fonctionnement de sa formation spécialisée ont été précisés par deux arrêtés du préfet de l'Hérault du 18 mars 2021 publiés au recueil des administratifs spécial n° 33 du 22 mars 2021. Toutefois aucun de ces textes ne comporte de dispositions régissant spécifiquement le déroulement de l'enquête administrative en mentionnant les membres de l'administration tenus d'y participer ou ceux dont la participation est proscrite. D'autre part, si M. E... se prévaut de ce que Mme C..., cheffe du service départemental à la jeunesse, à l'engagement et aux sports de l'Hérault aurait mené une enquête administrative à charge contre lui alors qu'elle a siégé lors de la réunion de la formation spécialisée du conseil départemental de la jeunesse, des sports et de la vie associative, il ressort toutefois des pièces du dossier, en particulier du procès-verbal de la réunion de cette instance que la rapporteure de son dossier était Mme B..., professeur de sport. De même, il ressort des pièces du dossier qu'invité, par un courrier du 22 février 2021 le convoquant devant la formation spécialisée du conseil départemental de la jeunesse, des sports et de la vie associative, à faire connaître l'identité et les coordonnées des personnes qu'il souhaitait faire témoigner au cours de l'enquête administrative, avant le 9 mars 2021, M. E... n'a transmis aucun élément en ce sens pas plus qu'il ne se prévaut d'avoir été empêché de le faire ou de ce qu'il n'aurait pas été tenu compte des noms qu'il aurait transmis. Par ailleurs, en l'absence de disposition particulière relative à la qualité des personnes devant réaliser les entretiens au cours de l'enquête administrative, la circonstance que Mme C..., responsable de Mme B..., ait pris part aux entretiens conduits au cours de l'enquête administrative n'est pas, à elle seule, de nature à vicier la procédure, le compte-rendu de ces entretiens ne faisant ressortir aucun élément de nature à démontrer qu'elle aurait fait preuve d'une animosité particulière à son encontre alors, au demeurant, que les personnes auditionnées ont chacune eu la possibilité de relire et d'amender leurs déclarations. Enfin et surtout, il ressort du procès-verbal de la formation spécialisée du conseil départemental de la jeunesse, des sports et de la vie associative que Mme C... n'a posé qu'une seule question se limitant à interroger l'appelant sur la possession d'une carte professionnelle lorsqu'il était membre du comité départemental de la Haute-Garonne, sans l'interroger sur les autres faits en litige, et que les membres de cette instance ont, par onze voix contre une seule contre, émis un avis favorable à une interdiction définitive d'exercer à titre bénévole ou contre rémunération des fonctions d'encadrement d'activités physiques à l'encontre de M. E.... Par suite, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C... n'aurait pas présenté les garanties d'impartialité requises en raison de sa participation à l'enquête administrative ayant conclu à la nécessité de prononcer une interdiction définitive de toute fonction mentionnée à l'article L. 212-1 du code du sport et de sa présence lors de la réunion de la réunion de la formation spécialisée du conseil départemental de la jeunesse, des sports et de la vie associative, le vice de procédure allégué n'est pas établi.
16. En deuxième lieu, s'il est constant que M. D..., qui représente la confédération nationale des employeurs associatifs et n'est, dès lors, pas membre de l'administration, est intervenu à plusieurs reprises lors de la réunion de la formation spécialisée du conseil départemental de la jeunesse, des sports et de la vie associative, pour poser des questions à M. E..., il ne ressort toutefois pas du procès-verbal de cette instance que ses interventions, dont l'objet était de faire la lumière sur les faits en litige et n'excédaient pas le droit à la libre discussion dont disposent les membres de cette instance, aient été de nature à exercer une influence sur les autres membres, qui ont, chacun, à tour de rôle pu s'exprimer et interroger librement l'intéressé ainsi que cela résulte de leurs prises de parole reprises dans ce même document. En outre, ainsi qu'il a été dit, la formation spécialisée du conseil départemental de la jeunesse, des sports et de la vie associative a, en tout état de cause, par onze voix contre une seule contre, émis un avis favorable à une interdiction définitive d'exercer à titre bénévole ou contre rémunération des fonctions d'encadrement d'activités physiques à l'encontre de M. E.... Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté le vice de procédure tiré de l'atteinte au principe d'impartialité dont aurait faire preuve ce membre de la formation spécialisée du conseil départemental de la jeunesse, des sports et de la vie associative
17. En troisième lieu, indépendamment des témoignages de moralité dont se prévaut M. E..., lesquels présentent un caractère général et ne comportent aucun élément précis et circonstancié de nature à contredire la matérialité des manquements relevés au cours de l'enquête administrative et eu égard à l'intérêt général qui s'attache à la préservation de la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants, laquelle commandait à l'autorité investie du pouvoir de police de faire cesser définitivement tout contact avec ces derniers au regard du danger auquel les expose son comportement, les moyens tirés de l'inexactitude matérielle des faits de violences sexuelles, de l'erreur d'appréciation entachant l'arrêté en litige et de son caractère disproportionné doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 10 à 12.
18. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 212-11 du code du sport : " Les personnes exerçant contre rémunération les activités mentionnées au premier alinéa de l'article L. 212-1 déclarent leur activité à l'autorité administrative. / Un décret en Conseil d'État fixe les modalités de cette déclaration ". Aux termes de l'article R. 212-85 du même code : " Toute personne désirant exercer l'une des activités mentionnées au premier alinéa du I de l'article L. 212-1 doit en faire préalablement la déclaration au préfet du département dans lequel elle compte exercer son activité à titre principal. / Cette déclaration est renouvelée tous les cinq ans. / Le préfet est informé de tout changement de l'un des éléments qui y figurent. (...) ".
19. Il est constant que M. E..., ancien cadre d'État retraité de ses fonctions de conseiller technique régional dans le domaine de l'équitation, exerçait les fonctions d'éducateur sportif de manière bénévole au sein d'un centre équestre dirigé par sa compagne. De même, l'intéressé ne conteste pas avoir exercé, contre rémunération, la profession d'éducateur sportif pour le compte du comité départemental de l'équitation de la Haute-Garonne sans déclarer préalablement ses activités auprès de l'autorité administrative compétente pour obtenir une carte professionnelle. Toutefois, il résulte des dispositions combinées des articles L. 212-13 et L. 211-11 du code du sport que le motif tiré de ce que l'intéressé n'avait pas procédé à la déclaration de son activité auprès de l'autorité préfectorale n'est pas au nombre des motifs pouvant légalement justifier le prononcé d'une interdiction définitive d'exercer toute fonction mentionnée à l'article L. 212-1 du code du sport. Par suite, le préfet de l'Hérault ne pouvait se fonder sur ce motif, entaché d'erreur de droit, pour édicter la décision en litige. En revanche, dès lors, d'une part, que le motif, rappelé aux points 10 à 12, tiré de ce que le maintien en activité de M. E... constitue, au regard de son expérience dans le domaine équestre et de ses contacts avec des cavaliers, un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants pouvait, à lui seul, légalement justifier l'interdiction d'exercer à titre définitif les fonctions d'enseignement, d'animation, d'encadrement d'une activité physique ou sportive ou d'entraînement et, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que le représentant de l'Etat aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur ce seul motif, le préfet de l'Hérault n'a pas fait une inexacte application de l'article L. 212-13 du code du sport en édictant une telle mesure.
20. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de ... a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de l'Hérault des 30 juillet 2020 et 21 avril 2021 portant respectivement interdiction temporaire et définitive d'exercer les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 du code du sport.
Sur les frais liés au litige :
21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances, les sommes que M. E... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE:
Article 1 : Les requêtes n° 22TL21117 et n° 22TL21118 de M. E... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et à la ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux olympiques et paralympiques.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 16 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
Mme Beltrami, première conseillère,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2024.
La rapporteure,
N. El Gani-LaclautreLe président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux olympiques et paralympiques en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°s 22TL21117 - 22TL21118