Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Collectif clubs mouche 31 a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Etat à lui verser une somme de 40 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de l'édiction, par le préfet de la Haute-Garonne, d'arrêtés portant réglementation de la pêche dans le département de la Haute-Garonne pour les années 2008, 2009, 2010, 2011, 2013, 2014, 2015 et 2016.
Par un jugement n° 1803078 du 9 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 septembre 2021, la ministre de la transition écologique demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter les conclusions indemnitaires de l'association Collectif clubs mouche 31.
Elle soutient que :
- la demande de première instance était irrecevable, dès lors que le représentant de l'association Collectif clubs mouche 31 n'était pas régulièrement habilité ;
- le jugement est entaché d'irrégularité, dès lors que le tribunal s'est fondé sur une pièce absente du dossier ;
- l'illégalité formelle tenant à l'insuffisante motivation des arrêtés annulés ne saurait constituer un lien de causalité direct avec le préjudice invoqué ;
- l'abaissement de la taille de capture de la truite fario ne méconnaît pas les dispositions de l'article R. 436-19 du code de l'environnement.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 15 avril 2022 et le 15 juin 2022, l'association Collectif clubs mouche 31, représentée par Me Terrasse, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement, en tant qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de sa demande, et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 40 000 euros ;
3°) à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par la ministre ne sont pas fondés ;
- son préjudice moral a été sous-évalué par le tribunal.
Par ordonnance du 3 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 16 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lafon,
- les conclusions de M. Clen, rapporteur public,
- et les observations de Me Rover pour l'association Collectif clubs mouche 31.
Considérant ce qui suit :
1. Par huit arrêtés portant réglementation de la pêche dans le département de la Haute-Garonne pour les années 2008, 2009, 2010, 2011, 2013, 2014, 2015 et 2016, le préfet de la Haute-Garonne a notamment décidé d'autoriser l'usage de l'asticot comme appât dans certains cours d'eau et plans d'eau de première catégorie piscicole du département et d'abaisser la taille de capture de la truite fario à 18 centimètres sur certains cours d'eau de première catégorie piscicole du département et à 20 centimètres dans d'autres cours d'eau et plans d'eau de la même catégorie. Ces arrêtés ont été annulés par jugements du tribunal administratif de Toulouse intervenus en 2011, le 1er juin 2012, le 28 septembre 2016, le 17 octobre 2017 et le 15 mai 2018, en tant qu'ils abaissent la taille de capture de la truite fario et, pour certains d'entre eux, autorisent l'emploi d'asticots comme appât. L'association Collectif clubs mouche 31 a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Etat à lui verser une somme de 40 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de ces arrêtés illégaux. Par un jugement du 9 juillet 2021, le tribunal, après avoir reconnu la responsabilité de l'Etat du fait de l'abaissement de la taille de capture de la truite fario, l'a condamné à verser la somme de 5 000 euros à l'association Collectif clubs mouche 31, a mis à sa charge la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions indemnitaires de l'association. La ministre de la transition écologique fait appel de ce jugement. Par la voie de l'appel incident, l'association Collectif clubs mouche 31 demande l'annulation de ce jugement, en tant qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de sa demande.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire (...) ". Il ressort des mentions du jugement attaqué que, pour reconnaître la faute commise par l'Etat en procédant à l'abaissement dérogatoire de la taille de capture de la truite fario dans le département de la Haute-Garonne, le tribunal administratif de Toulouse s'est fondé de façon déterminante sur les conclusions d'une étude de l'école nationale supérieure agronomique de Toulouse, conduite sur la période 2005-2010 et publiée en mai 2011, qui n'était ni produite au dossier de première instance ni débattue par les parties. Il en résulte que les premiers juges ont méconnu le principe du contradictoire de la procédure et entaché d'irrégularité le jugement contesté. La ministre de la transition écologique est, par suite, fondée à en demander l'annulation.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'association Collectif clubs mouche 31 devant le tribunal administratif de Toulouse.
Sur les fins de non-recevoir opposées par le préfet de la Haute-Garonne et la ministre de la transition écologique :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 142-1 du code de l'environnement : " Toute association ayant pour objet la protection de la nature et de l'environnement peut engager des instances devant les juridictions administratives pour tout grief se rapportant à celle-ci. / Toute association de protection de l'environnement agréée au titre de l'article L. 141-1 ainsi que les fédérations départementales des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique et les associations agréées de pêcheurs professionnels justifient d'un intérêt pour agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec leur objet et leurs activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l'environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elles bénéficient de l'agrément dès lors que cette décision est intervenue après la date de leur agrément ".
5. Il résulte de l'article 2 des statuts de l'association Collectif clubs mouche 31 que cette dernière a pour objectif d'organiser et de coordonner toutes actions jugées nécessaires pour faire progresser efficacement et positivement la pêche au sens le plus large et préserver les ressources halieutiques. Cet article précise notamment que " en tous lieux et auprès de toutes les institutions, y compris en justice, l'association s'attachera en priorité à la protection et à la défense des milieux vivants, de la faune et de la flore des eaux et du lit des principaux cours d'eau de Haute-Garonne et de leurs affluents ". Compte tenu de cet objet statutaire, l'association Collectif clubs mouche 31 peut rechercher la responsabilité de l'Etat à raison des préjudices résultant des éventuelles fautes commises par l'Etat à l'occasion de la réglementation de la pêche dans le département de la Haute-Garonne et de l'atteinte ainsi portée aux intérêts qu'elle s'est donnée pour mission de défendre. La fin de non-recevoir opposée sur ce point par le préfet de la Haute-Garonne doit, en conséquence, être écartée.
6. En second lieu, une association est régulièrement engagée par l'organe tenant de ses statuts le pouvoir de la représenter en justice, sauf stipulation de ces statuts réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge administratif. Il appartient à la juridiction administrative saisie, qui en a toujours la faculté, de s'assurer, le cas échéant, que le représentant de cette personne morale justifie de sa qualité pour agir au nom de cette partie, notamment lorsque cette qualité est contestée sérieusement par l'autre partie. A ce titre, le juge doit s'assurer de la réalité de l'habilitation du représentant de l'association qui l'a saisi, lorsque celle-ci est requise par les statuts.
7. Aux termes de l'article 12 des statuts de l'association Collectif clubs mouche 31 : " L'association est dirigée par un conseil d'administration au sein duquel est constitué le bureau. / (...) / Le conseil d'administration est composé au minimum de six membres correspondant au nombre de membres constituant le bureau (...) ". Selon l'article 13 de ces statuts : " (...) / Les membres du bureau sont élus parmi et par les membres du conseil d'administration, pour une durée d'un an correspondant au renouvellement du conseil d'administration. / (...) / Le bureau est chargé de la gestion courante de l'association, de la préparation des réunions du conseil d'administration, de la mise en œuvre des décisions de ce dernier. / Le bureau peut décider d'ester devant les instances arbitrales et juridictionnelles nationales, communautaires et internationales. / Toutefois, lorsqu'un délai de procédure empêche une décision du bureau avant le terme de la prochaine réunion normalement prévue, le président a compétence exclusive pour décider (...) d'ester, sous réserve d'en informer le bureau à sa prochaine réunion. / (...) / Le président est le représentant légal de l'association, de ses éventuelles publications et la représente dans tous les actes de la vie civile et notamment en justice. Il peut donner délégation et ainsi être remplacé par un mandataire, le conseil d'administration ayant été préalablement informé (...) ".
8. L'association Collectif clubs mouche 31 produit une délibération de son conseil d'administration, datée du 13 mars 2018, qui autorise l'association, par le biais de son représentant en exercice, à mandater un avocat désigné " pour saisir toute juridiction afin d'obtenir un recours indemnitaire contre le préfet de la Haute-Garonne et se pourvoir en cassation si les intérêts de l'association étaient méconnus ". Si l'article 13 des statuts de l'association attribue au bureau la compétence pour décider de former une action en justice en son nom, le conseil d'administration, dont le bureau est l'émanation et qui est présenté dans les statuts comme l'organe de direction de l'association, a pu valablement décider de saisir, en son nom, le tribunal administratif de Toulouse d'une demande indemnitaire et autoriser son président à la représenter devant cette juridiction. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce que le président de l'association Collectif clubs mouche 31 n'était pas habilité à présenter cette demande doit être écartée.
Sur la responsabilité :
9. Aux termes de l'article L. 430-1 du code de l'environnement : " La préservation des milieux aquatiques et la protection du patrimoine piscicole sont d'intérêt général. / La protection du patrimoine piscicole implique une gestion équilibrée des ressources piscicoles dont la pêche, activité à caractère social et économique, constitue le principal élément. / Les dispositions du présent titre contribuent à une gestion permettant le développement de la pêche de loisir dans le respect des espèces piscicoles et du milieu aquatique ". L'article L. 436-5 du même code dispose que : " Des décrets en Conseil d'Etat déterminent les conditions dans lesquelles sont fixés, éventuellement par bassin : / (...) / 2° Les dimensions au-dessous desquelles les poissons de certaines espèces ne peuvent être pêchés et doivent être rejetés à l'eau ; ces dimensions ne peuvent être inférieures à celles correspondant à l'âge de première reproduction / (...) / 7° Les procédés et modes de pêche prohibés / (...) / 10° Le classement des cours d'eau, canaux et plans d'eau en deux catégories : / a) La première catégorie comprend ceux qui sont principalement peuplés de truites ainsi que ceux où il paraît désirable d'assurer une protection spéciale des poissons de cette espèce ; / b) La seconde catégorie comprend tous les autres cours d'eau, canaux et plans d'eau soumis aux dispositions du présent titre ". Selon l'article R. 436-18 du même code, dans sa version applicable à la date de l'arrêté attaqué : " Les poissons et écrevisses des espèces précisées ci-après ne peuvent être pêchés et doivent être remis à l'eau immédiatement après leur capture si leur longueur est inférieure à : / (...) / - 0,23 mètre pour les truites autres que la truite de mer, l'omble ou saumon de fontaine et l'omble chevalier (...) ". L'article R. 436-19 du même code dispose que : " Le préfet peut, par arrêté motivé, porter à 0,30 mètre ou 0,25 mètre ou ramener à 0,20 mètre ou à 0,18 mètre la taille minimum de l'omble ou saumon de fontaine, de l'omble chevalier et des truites autres que la truite de mer susceptibles d'être pêchés en fonction des caractéristiques de développement des poissons de ces espèces dans certains cours d'eau et plans d'eau (...) ". Aux termes enfin de l'article R. 436-34 du même code : " I. - Il est interdit d'utiliser comme appât ou comme amorce : / 1° Les œufs de poissons, naturels, frais, de conserve, ou mélangés à une composition d'appâts ou artificiels, dans tous les cours d'eau et plans d'eau ; / 2° Les asticots et autres larves de diptères, dans les eaux de 1re catégorie. / II. - Le préfet peut, par arrêté motivé, autoriser l'emploi des asticots comme appât, sans amorçage, dans certains plans d'eau et cours d'eau ou parties de cours d'eau de 1re catégorie ".
10. En premier lieu, pour prononcer l'annulation partielle des huit arrêtés préfectoraux portant réglementation de la pêche dans le département de la Haute-Garonne pour les années en litige, le tribunal administratif de Toulouse a retenu, dans ses jugements d'annulation intervenus en 2011, le 1er juin 2012, le 28 septembre 2016, le 17 octobre 2017 et le 15 mai 2018, leur insuffisante motivation. Toutefois, les préjudices invoqués par l'association Collectif clubs mouche 31 ne sauraient être regardés comme la conséquence de ce vice de forme.
11. En deuxième lieu, d'une part, il résulte de l'instruction, notamment de relevés de pêche issus de l'office national de l'eau et des milieux aquatiques réalisés de 2010 à 2013, d'un rapport de suivi post crue de 2013 relatif à la population de truites fario de la Garonne amont et de résultats de pêches électriques réalisées en septembre 2017 dans le cadre du suivi post crue de 2013, que la présence importante de nombreuses espèces de cyprinidés, en constante progression, a été mise en évidence dans les cours d'eau et les plans d'eau de première catégorie piscicole dans lesquels l'emploi de l'asticot comme appât est autorisé. Il n'est pas sérieusement contesté que ce dernier constitue l'appât le plus efficace pour capturer ces espèces, dont la présence est susceptible de perturber la dynamique de la population de truites fario au sein de ces cours d'eau et plans d'eau. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que cette technique de pêche aurait des effets néfastes sur l'organisme des poissons, alors qu'un compte-rendu d'un groupe de travail relatif à la campagne de pêche 2009 dans le département de l'Aude avait indiqué, le 6 novembre 2008, que " sur un plan biologique, le risque sanitaire pour les espèces semble écarté " et que le risque principal de cette technique réside dans la pratique de l'amorçage, laquelle est précisément interdite par chacun des arrêtés litigieux. Dans ces conditions, l'autorisation dérogatoire de l'utilisation de l'asticot comme appât au niveau de la Garonne et de ses affluents, ainsi qu'au niveau des plans d'eau concernés par la dérogation, qui a vocation à réguler les espèces de cyprinidés en facilitant leur capture par la pêche à la ligne et à favoriser, par voie de conséquence, la population de truites fario, n'a pas méconnu les dispositions de l'article R. 436-34 du code de l'environnement.
12. En troisième lieu, d'une part, il résulte de l'instruction, notamment d'une étude de l'école nationale supérieure agronomique de Toulouse publiée en 2001 au bulletin français de pêche piscicole, qui indique que, à l'âge de trois ans, les truites fario des rivières des Pyrénées se sont généralement reproduites au moins une fois et qui fait référence à une analyse montrant sur un cours d'eau pyrénéen qu'une proportion d'environ 25 % de la population de femelles n'est pas encore mature à trois ans, que l'âge de première reproduction de cette espèce ne peut être regardé comme atteint avant celui de trois ans.
13. D'autre part, il résulte de la même étude, réalisée sur 84 cours d'eau répartis sur l'ensemble de la chaîne des Pyrénées et à partir d'une estimation de l'âge par scalimétrie, que la taille des truites âgées de trois ans oscille, sur 215 sites d'observation situés à des altitudes comprises entre 185 et 2000 mètres, entre 12,8 centimètres et 31,4 centimètres. Elle indique également que, dans ce secteur géographique, les tailles moyenne et médiane de la truite fario à trois ans sont respectivement de 19,86 et 19,4 centimètres, ce qui conduit à estimer qu'une partie non négligeable des truites de 20 centimètres n'ont pas encore atteint l'âge de la première reproduction. Cette étude précise enfin que, dans ce même secteur, la taille de la truite fario à trois ans, qui est très variable, dépend principalement de l'altitude, mais aussi de la densité de la population, de la conductivité estivale, de la largeur du cours d'eau et de la nature du débit. Cette espèce présente ainsi à trois ans une taille moyenne de 18 centimètres à environ 1 000 mètres d'altitude, de 20 centimètres à partir d'environ 700 mètres et supérieure à 20 centimètres en-dessous de 700 mètres. Il résulte d'ailleurs du rapprochement de ces conclusions avec une seconde étude de l'école nationale supérieure agronomique de Toulouse, conduite sur la période 2005-2010 et publiée en mai 2011, que la taille moyenne des truites de trois ans sur le linéaire de la Garonne considéré, dont l'altitude est inférieure à 700 mètres, se situe entre 21 et 24 centimètres. Cette seconde étude indique par ailleurs que les truites natives de la Garonne ont une taille à trois ans de 17,21 à 20,49 centimètres et que les truites issues du repeuplement mesurent de 21,90 à 24,56 centimètres au même âge.
14. Dans l'ensemble de ces conditions, les études menées par l'école nationale supérieure agronomique de Toulouse, sur lesquelles s'est appuyé le préfet de la Haute-Garonne, ne permettent pas de vérifier que la capacité de première reproduction de la truite fario est atteinte, sur la plus grande partie du réseau visé dans les arrêtés du préfet de la Haute-Garonne, avec un dépassement de la taille de 20 centimètres. Tel est notamment le cas des truites issues du repeuplement, dont aucune disposition n'exclut leur prise en compte et qui représentent plus de la moitié de la population de truites dans le secteur considéré. Ces études ne permettent pas davantage de savoir, avec une certitude suffisante, si l'âge de première reproduction est atteint dans les autres cours d'eau et ruisseaux visés dans les arrêtés en litige, situés plus en amont, avec un dépassement de la taille de 18 centimètres. Par suite, alors même qu'il n'est pas clairement établi que la dérogation mise en œuvre depuis 2008 dans le département de la Haute-Garonne aurait eu un impact négatif sur la densité des populations de truites, l'abaissement dérogatoire à 20 centimètres du seuil de pêche de la truite fario sur la majeure partie du réseau de première catégorie, incluant l'ensemble du linéaire de la Garonne, et à 18 centimètres dans les portions des affluents de la Garonne situées plus en amont n'était pas suffisamment protecteur et a méconnu ainsi les dispositions de l'article R. 436-19 du code de l'environnement. Cette illégalité, qui concerne les arrêtés réglementant la pêche dans le département de la Haute-Garonne pour les années 2008, 2009, 2010, 2011, 2013, 2014, 2015 et 2016, est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.
Sur les préjudices :
15. Les dispositions de l'article L. 142-1 du code de l'environnement, citées au point 4 du présent arrêt, ne dispensent pas l'association qui sollicite la réparation d'un préjudice, notamment moral, causé par les conséquences dommageables d'une illégalité fautive, d'établir le caractère direct et certain de ce préjudice résultant, pour elle, de la faute commise par l'Etat.
16. Il résulte de l'instruction que l'association Collectif clubs mouche 31 a pour objet statutaire la préservation des ressources halieutiques des principaux cours d'eau de Haute-Garonne et de leurs affluents et œuvre depuis de nombreuses années, notamment par des actions concrètes de sensibilisation ou d'information à caractère général, le cas échéant à l'égard des pouvoirs publics, en faveur de la protection des milieux aquatiques dans le département, en particulier de la truite fario. La faute commise par l'Etat en abaissant la taille légale de capture de la truite fario à 20 et 18 centimètres dans la majeure partie des cours d'eau et plans d'eau de première catégorie piscicole du département de la Haute-Garonne, qui est susceptible de mettre en cause la conservation de cette espèce protégée et qui s'est étendue sur huit années, a porté atteinte aux intérêts collectifs que l'association défend et a réduit les effets de ses actions. Dans ces conditions, il y a lieu de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral résultant de l'atteinte portée par les arrêtés préfectoraux litigieux aux intérêts qu'elle s'est donnée pour mission de défendre et pour la promotion desquels elle met en œuvre différentes actions.
Sur les frais liés au litige :
17. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à l'association Collectif clubs mouche 31 sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1803078 du tribunal administratif de Toulouse du 9 juillet 2021 est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser la somme de 5 000 euros à l'association Collectif clubs mouche 31.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à l'association Collectif clubs mouche 31 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus de la demande et des conclusions de l'association Collectif clubs mouche 31 est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à l'association Collectif clubs mouche 31.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, où siégeaient :
- M. Barthez, président,
- M. Lafon, président assesseur,
- Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2024.
Le rapporteur,
N. Lafon
Le président,
A. Barthez
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°21TL23672 2