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14/11/2023 | FRANCE | N°22TL21991

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 14 novembre 2023, 22TL21991


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 17 septembre 2021 par lequel le préfet de l'Aude a refusé de lui accorder un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de l'Arménie, d'enjoindre au préfet de l'Aude de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, subsidiairement, d'ordonner une expertise médicale, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de

1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions des articl...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 17 septembre 2021 par lequel le préfet de l'Aude a refusé de lui accorder un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de l'Arménie, d'enjoindre au préfet de l'Aude de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, subsidiairement, d'ordonner une expertise médicale, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2106300 du 21 février 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 septembre 2022, Mme B..., représentée par Me Bidois, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 février 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aude du 17 septembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aude de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, subsidiairement, d'ordonner une expertise médicale ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- l'arrêté a été pris par une autorité incompétente, dans la mesure où la délégation de signature concernée revêt un caractère trop général ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé et est entaché d'une erreur de droit ;

- l'arrêté est entaché d'un vice de procédure, en l'absence de respect de la procédure contradictoire prévue aux articles L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration et 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'arrêté est entaché d'un détournement de procédure et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle ne pourra pas bénéficier de soins appropriés à son état de santé dans son pays d'origine ; la rupture du traitement médical actuellement suivi en France entraînera pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

- l'arrêté contesté porte une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale ;

- eu égard aux risques qu'elle encourt en cas de retour en Arménie, le préfet de l'Aude a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en fixant ce pays comme pays de renvoi.

Une mise en demeure de produire un mémoire en défense a été adressée au préfet de l'Aude le 23 janvier 2023, restée sans réponse.

Par ordonnance du 20 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 12 avril 2023.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 25 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Armelle Geslan-Demaret, présidente rapporteure, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante arménienne née le 15 mai 1952, entrée en France le 28 août 2019, a sollicité le 25 mai 2021 la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 17 septembre 2021, le préfet de l'Aude a rejeté cette demande et a fait obligation à la requérante de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de l'Arménie. Mme B... fait appel du jugement du 21 février 2022 du tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, Mme B... reprend en appel, sans critique utile du jugement, les moyens soulevés en première instance tirés de l'incompétence du signataire de l'acte, du défaut de motivation et de l'erreur de droit, auxquels les premiers juges ont suffisamment et pertinemment répondu. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs qu'ils ont retenus aux points 2, 3 et 6 de leur jugement.

3. En deuxième lieu, Mme B... soutient que la décision attaquée est irrégulière faute d'avoir été précédée d'une procédure contradictoire, en méconnaissance tant de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne que des articles L. 121-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration.

4. D'une part, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre. (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Ce droit implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre, à son égard, une mesure d'éloignement. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu, comme en l'espèce en sollicitant un titre de séjour, la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause et ne fait pas valoir d'éléments nouveaux.

5. En l'espèce, Mme B... soutient qu'elle n'aurait pas été en mesure de présenter des observations préalablement à l'édiction de l'arrêté contesté. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est pas davantage allégué que, dans le cadre de l'instruction de sa demande de titre de séjour, Mme B... n'aurait pas été en mesure de présenter des observations, écrites ou orales, en complément de sa demande, ni qu'elle aurait sollicité, en vain, un entretien avec les services préfectoraux. Par ailleurs, la requérante n'indique pas en quoi elle disposait d'informations pertinentes tenant à sa situation personnelle qu'elle aurait été empêchée de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise la mesure d'éloignement et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à la décision l'obligeant à quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été pris en méconnaissance du principe général du droit d'être entendu, tel qu'il est énoncé notamment au paragraphe 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être écarté.

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". Il résulte des termes mêmes de ces dispositions qu'elles ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre d'une décision de refus de titre de séjour qui est prise en réponse à une demande formulée par l'intéressé, ce qui est le cas en l'espèce. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de l'Aude n'aurait pas respecté la procédure contradictoire prévue par les articles précités avant de refuser à Mme B... le bénéfice d'un titre de séjour est inopérant.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration./ L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé./ (...) ".

8. Il ressort des dispositions précitées qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque ce défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'intéressé fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou en l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Enfin, pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'autorité compétente, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.

9. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus de titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en donnant toute mesure d'instruction utile.

10. Pour refuser à Mme B... la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Aude s'est notamment fondé sur l'avis du 3 août 2021 par lequel le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que, si l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, celle-ci pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Arménie, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays.

11. Il ressort des éléments médicaux versés au dossier que Mme B... souffre de diabète de type II, de rétinopathie diabétique, de cardiopathie ischémique, d'une hypertension sévère et de poly-arthropathie dégénérative. Si la requérante soutient qu'elle ne pourrait pas bénéficier d'un accès effectif aux soins qui lui sont nécessaires dans son pays d'origine, elle n'apporte aucun élément à l'appui de cette allégation qui serait de nature à remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur l'existence d'un traitement approprié en Arménie. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de l'Aude, en refusant de lui accorder le titre de séjour sollicité, aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni qu'il aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation.

12. En quatrième lieu, et pour les mêmes raisons, le moyen tiré par la requérante du détournement de procédure, lequel n'est pas assorti de précisions, doit également être écarté.

13. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

14. Si Mme B... est présente en France depuis le 28 août 2019 et se prévaut de la présence de plusieurs membres de sa famille, lesquels ne sont pas en situation régulière sur le territoire français, ces seules circonstances ne suffisent pas à établir qu'elle aurait déplacé, en France, le centre de ses intérêts privés, dès lors qu'elle n'établit pas être dépourvue d'attaches personnelles en Arménie où elle a vécu jusqu'à l'âge de soixante-sept ans. En outre, et ainsi qu'il a été dit au point 11 du présent arrêt, elle n'établit pas qu'elle ne pourrait effectivement bénéficier du traitement médical adapté dans son pays d'origine. Dès lors, la décision en litige n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée contraire aux buts en vue desquels elle a été prise. Il y a lieu, par suite, d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

15. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Ce dernier texte stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative chargée de prendre la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger a l'obligation de s'assurer, au vu du dossier dont elle dispose et sous le contrôle du juge, que les mesures qu'elle prend n'exposent pas l'étranger à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle est en droit de prendre en considération à cet effet les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou de la Cour nationale du droit d'asile ayant statué sur la demande d'asile du requérant, sans pour autant être liée par ces éléments.

16. La requérante fait valoir qu'elle serait exposée à des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Arménie en raison de son appartenance à la minorité azérie. Toutefois, en dehors de ses propres allégations, elle n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle serait personnellement soumise à de tels risques qui, au demeurant, n'ont pas été reconnus par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile. Effet, il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile de Mme B... a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile par une décision du 4 mars 2021 dans laquelle la Cour a estimé que " ni les pièces du dossier ni les déclarations faites à l'audience devant la Cour ne permettent de tenir pour établis les faits allégués et pour fondées les craintes énoncées, au regard tant de l'article 1er, A, 2 de la convention de Genève que de l'article L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ". Dans ces conditions, et alors que la requérante ne fait valoir aucun élément nouveau qui n'aurait pas été soumis à l'appréciation de la Cour nationale du droit d'asile, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être qu'écarté.

17. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 septembre 2021. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Bidois et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Aude.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Blin, présidente assesseure,

M. Teulière, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023.

La présidente rapporteure,

A. Geslan-Demaret La présidente assesseure,

A. Blin

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°22TL21991 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21991
Date de la décision : 14/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GESLAN-DEMARET
Rapporteur ?: Mme Armelle GESLAN-DEMARET
Rapporteur public ?: Mme TORELLI
Avocat(s) : BIDOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-11-14;22tl21991 ?
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