Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision en date du 2 mars 2020 par laquelle le président de la communauté d'agglomération de Gaillac-Graulhet lui a infligé un blâme et de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de Gaillac-Graulhet une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2001951 du 20 janvier 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de Mme C... ainsi que les conclusions de la communauté d'agglomération de Gaillac-Graulhet tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 mars 2022, et un mémoire, enregistré le 16 mars 2023, Mme C..., représentée par Me Sabatté, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°2001951 du 20 janvier 2022 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 mars 2020 par lequel le président de la communauté d'agglomération de Gaillac-Graulhet lui a infligé un blâme ;
3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de Gaillac-Graulhet une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a écarté son moyen tiré du vice de procédure en dénaturant le contenu du courrier du 17 décembre 2019 par lequel l'autorité disciplinaire a entendu à la fois engager la procédure disciplinaire et décider d'une sanction à son encontre sans lui avoir permis de faire valoir ses arguments en défense et avant même d'être destinataire de ses observations ;
- il a commis une erreur de droit en écartant le moyen tiré de la méconnaissance du principe de non-rétroactivité des actes administratifs ; l'arrêté attaqué lui ayant été notifié le 7 mars 2020, il ne pouvait légalement prévoir une prise d'effet antérieure ;
- elle s'en remet à ses écritures de première instance, en particulier concernant la qualification juridique des faits à l'origine de la sanction ;
- la communauté d'agglomération cherche à convaincre la cour de procéder à une substitution de motifs sans demande expresse et sans être admise à le faire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2022, et deux dépôts de pièces, enregistrés les 23 et 25 mai 2023, qui n'ont pas été communiqués, la communauté d'agglomération de Gaillac-Graulhet, représentée par la SELARL Consilium avocats, agissant par Me Rouxel, conclut, à titre principal, au rejet de la requête de Mme C..., à titre subsidiaire, à l'annulation de l'arrêté du 2 mars 2020 en tant qu'il porte sur la période du 3 au 6 mars 2020 et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens tirés du vice de procédure et de l'erreur de droit ne sont pas fondés, que la faute de l'intéressée est manifeste et que l'arrêté attaqué est opposable à compter du 7 mars 2020, date de sa notification.
Par une ordonnance du 20 mars 2023, la clôture de l'instruction a été reportée au 14 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n°92-850 du 28 août 1992 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de Me Sabatté, représentant Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... exerce les fonctions d'agent territorial spécialisé des écoles maternelles et est, à ce titre, affectée à l'école de Salvagnac (Tarn), au sein d'une classe comportant des élèves de petite et de moyenne section. Elle a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté en date du 2 mars 2020 par lequel le président de la communauté d'agglomération de Gaillac-Graulhet lui a infligé un blâme. Par un jugement n° 2001951 du 20 janvier 2022, dont Mme C... relève appel, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a notamment rejeté sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. La requérante ne conteste pas utilement les réponses apportées par le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse à ses moyens tirés du vice de forme et de l'insuffisante motivation entachant l'arrêté attaqué. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge aux points 2 à 5 du jugement attaqué.
3. Mme C... persiste à soutenir en appel que l'autorité disciplinaire a décidé de lui infliger une sanction avant même qu'elle ne puisse faire valoir ses observations, en se prévalant des termes d'une lettre du président de la communauté d'agglomération de Gaillac-Graulhet en date du 17 décembre 2019. Il ressort toutefois des pièces du dossier que cette lettre informait Mme C... de la décision du président d'engager une procédure disciplinaire, de son droit à obtenir, dans le cadre de cette procédure, la communication intégrale de son dossier individuel et des documents annexes et de la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix. Si cette lettre informait également l'intéressée de ce que le président avait décidé de prendre à son encontre une sanction disciplinaire de premier groupe, à savoir un blâme, et que cette sanction lui serait notifiée par arrêté, elle vise uniquement en objet " engagement d'une procédure disciplinaire et information du droit à communication du dossier ". Dès lors, en dépit de sa maladresse de rédaction, cette lettre doit être regardée comme se limitant sur ce point à informer Mme C... de la sanction envisagée par l'autorité territoriale et elle ne peut donc être regardée comme lui ayant immédiatement infligé une sanction de blâme en même temps qu'elle l'informait de l'engagement d'une procédure disciplinaire et de ses droits. D'ailleurs, à supposer même que l'autorité territoriale aurait pris une décision de sanction dès le 17 décembre 2019, le défaut de respect de la procédure disciplinaire n'affecterait que cette même décision et non l'arrêté attaqué dont il est constant qu'il est intervenu après que Mme C... a pu consulter son dossier et présenter les observations qu'elle estimait utiles les 25 novembre 2019 et 23 janvier 2020. Par suite et pour ces motifs, le moyen soulevé par Mme C... tiré du vice de procédure ne peut qu'être écarté.
4. Aux termes de l'article 29 de la loi susvisée du 13 juillet 1983, alors applicable : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale./(...) ". Aux termes de l'article 89 de la loi susvisée du 26 janvier 1984, alors applicable : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : / l'avertissement ; / le blâme ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours (...) ". L'article 2 du décret du 28 août 1992 portant statut particulier du cadre d'emploi des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles précise, dans sa rédaction applicable au litige : " Les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles sont chargés de l'assistance au personnel enseignant pour l'accueil et l'hygiène des enfants des classes maternelles ou enfantines ainsi que de la préparation et la mise en état de propreté des locaux et du matériel servant directement à ces enfants./ Les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles appartiennent à la communauté éducative. Ils peuvent participer à la mise en œuvre des activités pédagogiques prévues par les enseignants et sous la responsabilité de ces derniers. Ils peuvent également assister les enseignants dans les classes ou établissements accueillant des enfants à besoins éducatifs particuliers./ En outre, ils peuvent être chargés de la surveillance des enfants des classes maternelles ou enfantines dans les lieux de restauration scolaire. Ils peuvent également être chargés, en journée, des missions prévues au premier alinéa et de l'animation dans le temps périscolaire ou lors des accueils de loisirs en dehors du domicile parental de ces enfants. ".
5. Il incombe à l'autorité investie du pouvoir disciplinaire d'apporter la preuve de l'exactitude matérielle des griefs sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
6. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport administratif établi le même jour que, le 7 novembre 2019, Mme C..., en sa qualité d'agent territorial spécialisé des écoles maternelles, a accompagné des élèves dans le cadre d'une sortie scolaire qui concernait les trois classes de maternelle de l'école de Salvagnac. Il ressort de ce même rapport qu'au retour de la sortie scolaire, avant l'heure du déjeuner, les enfants ont été remis aux animateurs pour le temps périscolaire. Le rapport détaillé d'incident mentionne qu'à la sortie du bus les ayant transportés, les rangement, comptage des enfants et vérification n'ont alors pas été effectués. Le rapport administratif indique qu'au moment du déjeuner, après un contrôle nominatif effectué par une animatrice, la jeune D..., élève de petite section, a alors été notée absente sur la liste d'appel du déjeuner. Il ressort de ses observations du 25 novembre 2019 que le 7 novembre 2019 à 13 heures 45, Mme C... a participé au rassemblement des élèves de moyenne et de grande section afin de faire l'appel pour les répartir en groupes pour les nouvelles activités périscolaires et qu'elle a alors également réalisé " instinctivement le pointage des petites sections sans aller les réveiller en salle de sieste ". Mme C... a alors noté la jeune D... comme présente pour cet appel de la sieste. Lorsque la mère de cette dernière est venue la chercher à l'école aux alentours de 16 heures 40, celle-ci était toutefois introuvable. Après des recherches, la jeune D... a finalement été retrouvée, vers 17 heures 30, dans le bus qu'elle avait emprunté pour se rendre en sortie scolaire dans la matinée. Ainsi que l'a relevé le magistrat désigné, la matérialité de ces faits est suffisamment établie par les éléments circonstanciés contenus dans le rapport précité ainsi que les observations de l'agent. Si Mme C... soutient que, le jour de l'incident, elle n'aurait pas été chargée de la surveillance des élèves de petite section sur le temps post-méridien, il ressort néanmoins des propres observations de la requérante qu'elle a effectué l'appel de la sieste et le pointage des petites sections en notant de manière erronée la présence de la jeune D... sans avoir pris le soin d'effectuer une vérification visuelle en salle de sieste. Il en résulte qu'elle a ainsi fait preuve de négligence professionnelle, constitutive d'un manquement à son obligation de surveillance, quand bien même elle n'aurait, par ailleurs, pas été informée de l'absence d'B... à la cantine. La circonstance que l'enseignante ait également pu faire preuve de négligences dans la surveillance des enfants au cours de cette journée est sans incidence sur la responsabilité propre de la requérante. Enfin, si l'arrêté contesté fait mention d'un manquement à l'obligation de surveillance dans le cadre d'une sortie scolaire, il ressort des pièces du dossier que le grief reproché concernait les faits constatés dans le cadre scolaire et périscolaire sur la journée du 7 novembre 2019. Par suite, les moyens tirés du défaut de matérialité des faits, de ce que ces derniers ne seraient pas imputables à la requérante et d'une erreur dans la qualification juridique des faits, doivent être écartés.
7. D'une part, les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir. S'agissant des décisions relatives à la carrière des fonctionnaires, l'administration ne peut déroger à cette règle générale en leur conférant une portée rétroactive que dans la mesure nécessaire pour assurer la continuité de la carrière de l'agent intéressé ou procéder à la régularisation de sa situation. D'autre part, une sanction disciplinaire ne peut prendre effet à une date antérieure à la notification de la décision qui la prononce.
8. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la sanction prononcée a pris effet le 3 mars 2020, soit à une date antérieure à la notification, le 7 mars 2020, de l'arrêté qui la prononce. Il en résulte que l'arrêté attaqué est illégal en tant qu'il fixe une date de prise d'effet antérieure au 7 mars 2020.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse n'a pas fait droit à sa demande d'annulation partielle de l'arrêté attaqué.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la communauté d'agglomération de Gaillac-Graulhet au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Mme C... sur ce même fondement.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n°2001951 du 20 janvier 2022 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse est annulé en tant qu'il n'a pas fait droit à la demande de Mme C... tendant à l'annulation partielle de l'arrêté attaqué.
Article 2 : L'arrêté du président de la communauté d'agglomération de Gaillac-Graulhet en date du 2 mars 2020 est annulé en tant qu'il fixe une date de prise d'effet antérieure au 7 mars 2020.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et à la communauté d'agglomération de Gaillac-Graulhet.
Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
M. Teulière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2023.
Le rapporteur,
T. Teulière
La présidente,
A. Geslan-Demaret
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au préfet du Tarn en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°22TL20795