Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 19 août 2022 par lequel le préfet de Vaucluse a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2202808 du 2 décembre 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 janvier 2023, Mme C..., représentée par Me Huguenin-Virchaux, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 août 2022 ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, à la préfète de Vaucluse, de lui délivrer le titre de séjour sollicité ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté du préfet de Vaucluse méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée à la préfète de Vaucluse qui n'a pas produit de mémoire.
Par ordonnance du 11 août 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 1er septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Barthez a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante marocaine née le 6 décembre 1997, a sollicité son admission au séjour le 21 avril 2022 au titre de la vie privée et familiale. Par un arrêté du 19 août 2022, le préfet de Vaucluse a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme C... fait appel du jugement du 2 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Mme C... s'est mariée en France le 9 février 2019 avec un compatriote titulaire d'une carte de résident d'une durée de validité de dix ans à compter du 13 avril 2019 avec lequel elle a eu un enfant né le 20 octobre 2019. Les pièces produites au dossier sont suffisantes pour établir que Mme C... a vécu habituellement en France après la naissance de son enfant. La communauté de vie des époux n'est pas contestée par la préfète de Vaucluse. Ainsi, eu égard à la durée de la vie commune avec son époux en situation régulière et à la présence d'un enfant commun, la décision portant refus de titre de séjour porte une atteinte disproportionnée au droit de Mme C... au respect de la vie privée et familiale par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Cette décision méconnaît donc les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement, eu égard à ses motifs, la délivrance à Mme C... d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par suite, il y a lieu d'enjoindre à la préfète de Vaucluse de procéder à cette délivrance dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Mme C... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2202808 du 2 décembre 2022 du tribunal administratif de Nîmes et l'arrêté du préfet de Vaucluse du 19 août 2022 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète de Vaucluse de délivrer à Mme C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme C... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... épouse A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, où siégeaient :
- M. Barthez, président,
- M. Lafon, président assesseur,
- Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023.
Le président-rapporteur,
A. BarthezL'assesseur le plus ancien
dans l'ordre du tableau,
N. Lafon
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°23TL00005 2