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09/11/2023 | FRANCE | N°22TL22624

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 09 novembre 2023, 22TL22624


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... et M. E... F... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 3 août 2021 par lequel le maire de Carpentras a accordé un permis de construire valant division à la société par actions simplifiée Sud Alliance Promotion pour la réalisation de six maisons et la démolition d'un abri existant.

Par un jugement n° 2103059 du 8 novembre 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de MM. B... et F..., ainsi que les conclusions présentées par la soci

été pétitionnaire au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... et M. E... F... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 3 août 2021 par lequel le maire de Carpentras a accordé un permis de construire valant division à la société par actions simplifiée Sud Alliance Promotion pour la réalisation de six maisons et la démolition d'un abri existant.

Par un jugement n° 2103059 du 8 novembre 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de MM. B... et F..., ainsi que les conclusions présentées par la société pétitionnaire au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 27 décembre 2022, 20 avril 2023, 5 mai 2023 et 24 mai 2023, M. D... B... et M. E... F..., représentés par la SELARL Cabinet Sébastien Plunian, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 8 novembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire de Carpentras du 3 août 2021 ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la commune de Carpentras et de la société Sud Alliance Promotion le versement d'une somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur demande de première instance et leur requête d'appel sont recevables, tant au regard des délais de recours qu'au regard de leur intérêt pour agir ;

- l'arrêté en litige a été signé par un auteur incompétent ;

- le dossier de demande de permis de construire est insuffisant au regard de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme dès lors qu'aucune pièce ne mentionne les modalités de raccordement du projet aux réseaux d'eau potable et d'assainissement ;

- le même dossier est incomplet en l'absence d'une étude d'impact ou d'une décision prise par l'autorité environnementale après un examen au cas par cas ;

- la procédure suivie est viciée en raison de l'absence de mise en œuvre d'une enquête publique ou d'une participation du public par la voie électronique ;

- le projet en litige méconnaît l'article UD 3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Carpentras compte tenu de l'insuffisance de la voirie ;

- il méconnaît l'article UD 4 du même règlement compte tenu de l'impossibilité de le raccorder aux réseaux publics d'eau potable et d'assainissement ;

- il méconnaît les articles UD 5 et UD 12 de ce règlement.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 avril 2023, 17 mai 2023 et 2 juin 2023, la société par actions simplifiée Sud Alliance Promotion, représentée par Me Oosterlynck, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérants une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- à titre principal, la requête est irrecevable car les requérants ne justifient pas d'un intérêt suffisant pour agir à l'encontre du permis de construire en litige ;

- à titre subsidiaire, les moyens invoqués ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée le 15 février 2023 à la commune de Carpentras, laquelle n'a produit aucun mémoire en défense.

Par une ordonnance du 25 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 5 juin 2023.

Les parties ont été informées, le 12 octobre 2023, que la cour était susceptible de surseoir à statuer sur la requête de MM. B... et F..., sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, dans l'attente d'une éventuelle mesure de régularisation propre à remédier au vice tiré de la méconnaissance, par le permis de construire en litige, de l'article UD 3 du règlement du plan local d'urbanisme de Carpentras.

Des observations produites par les requérants, représentés par SELARL Cabinet Sébastien Plunian, ont été enregistrées le 16 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 ;

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,

- les observations de Me Plunian, représentant les requérants.

Considérant ce qui suit :

1. La société Sud Alliance Promotion a déposé le 7 avril 2021, auprès des services de la commune de Carpentras (Vaucluse), une demande de permis de construire valant division pour la réalisation de six maisons individuelles avec garage attenant ainsi que la démolition d'un abri existant, sur un terrain d'une superficie totale de 5 267 m2, constitué des parcelles cadastrées section BV nos 57 et 60, situées chemin de l'Aqueduc sur le territoire de cette commune. Par un arrêté du 3 août 2021, le maire de Carpentras a accordé ce permis de construire à la société Sud Alliance Promotion. M. B... et M. F... ont demandé l'annulation de l'arrêté du 3 août 2021 au tribunal administratif de Nîmes, lequel a rejeté leur demande par un jugement du 8 novembre 2022. Par la présente requête, les intéressés relèvent appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par la société intimée :

2. L'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme dispose que : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. / (...) ". Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie en principe d'un intérêt à demander l'annulation d'un permis de construire, lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation de la construction projetée.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est, d'une part, nu-propriétaire de la ..., située immédiatement au nord du terrain d'assiette du projet et supportant sa maison d'habitation, et, d'autre part, nu-propriétaire en indivision des ...,, lesquelles doivent servir de chemin d'accès pour l'opération envisagée. M. F... est, pour sa part, propriétaire de la ...,, située à l'ouest du terrain d'assiette du projet, sur laquelle se trouve également sa maison d'habitation. Ils ont donc tous deux la qualité de voisins immédiats du projet. Eu égard notamment à la taille de l'opération, prévoyant l'implantation de six maisons sur une unité foncière largement arborée, ainsi qu'à la proximité des constructions projetées par rapport aux limites de leurs propriétés respectives, M. B... et M. F... justifient d'un intérêt suffisant pour contester le permis de construire en litige. En conséquence, la fin de non-recevoir opposée par la société intimée sur ce point doit être écartée.

En ce qui concerne la légalité du permis de construire en litige :

4. En premier lieu, l'arrêté contesté a été signé, au nom du maire de Carpentras, par M. A... C..., adjoint au maire délégué à l'urbanisme et au droit des sols, lequel était habilité à signer notamment les permis de construire, en vertu d'un arrêté de délégation pris par le maire le 23 juillet 2020. La commune a produit en première instance les pièces justifiant de l'accomplissement de l'ensemble des mesures de publicité nécessaires pour rendre exécutoire l'arrêté susmentionné du 23 juillet 2020. Lesdites pièces font foi jusqu'à preuve du contraire, laquelle n'est pas rapportée par les requérants. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire du permis de construire ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. / Il indique également, le cas échéant, les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics ou, à défaut d'équipements publics, les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement. / (...) ". La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire que dans le cas où lesdites omissions, inexactitudes ou insuffisances ont été de nature à fausser l'appréciation de l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

6. Il est vrai que le plan de masse produit par la société Sud Alliance Promotion à l'appui de sa demande de permis de construire ne contient pas d'indication sur les modalités de raccordement du projet aux réseaux publics d'eau potable et d'assainissement. Toutefois, d'une part, la notice architecturale jointe à cette même demande mentionne en son point 2.c, que les réseaux d'eau potable et d'eaux usées se situent au sud du terrain d'assiette de l'opération, au niveau du chemin de l'Aqueduc. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le service instructeur a consulté le syndicat des eaux Rhône-Ventoux, gestionnaire du réseau public d'eau potable, ainsi que la communauté d'agglomération Ventoux-Comtat Venaissin, gestionnaire du réseau public d'assainissement, lesquels ont confirmé, par leurs avis respectifs des 4 mai 2021 et 19 avril 2021, la présence de ces deux réseaux sur le chemin de l'Aqueduc et la possibilité pour le porteur de projet d'y raccorder les constructions envisagées. Le maire de Carpentras a repris les prescriptions émises par les services gestionnaires à l'article 2 du permis de construire en précisant que le raccordement du projet nécessiterait une extension des réseaux sous le chemin privé permettant l'accès à l'unité foncière. L'insuffisance du plan de masse quant aux réseaux publics d'eau potable et d'assainissement n'a donc pas empêché l'autorité compétente de porter son appréciation en toute connaissance de cause sur la conformité du projet à la règlementation sur ce point. Si les appelants relèvent que la mise en place des canalisations sera subordonnée à l'accord unanime des propriétaires du chemin privé, ainsi qu'à l'accord de la société Enedis bénéficiaire d'une servitude sur cette voie, les circonstances ainsi invoquées sont sans incidence sur l'appréciation de la composition du dossier de demande de permis. Dans ces conditions, le moyen tiré de la violation de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : / a) L'étude d'impact ou la décision de l'autorité chargée de l'examen au cas par cas dispensant le projet d'évaluation environnementale lorsque le projet relève du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement ; / (...) ". En outre, selon l'article R. 122-2 du code de l'environnement auquel il est ainsi renvoyé : " I. - Les projets relevant d'une ou plusieurs rubriques énumérées dans le tableau annexé au présent article font l'objet d'une évaluation environnementale, de façon systématique ou après un examen au cas par cas, (...), en fonction des critères et des seuils précisés dans ce tableau. / (...) ".

8. Il n'est pas contesté que le projet de construction en litige n'entre dans aucune des rubriques énumérées par le tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement et que l'emprise au sol et la surface de plancher prévues sont notamment inférieures aux seuils définis pour les travaux, constructions et opérations d'aménagement à la rubrique 39 de ce tableau. Si les requérants soutiennent que le projet constitue un aménagement urbain soumis à évaluation environnementale au sens de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, ils ne peuvent cependant utilement se prévaloir des dispositions de cette directive dès lors qu'elle a été transposée en droit interne et qu'il n'est pas allégué que l'annexe à l'article R. 122-2 du code de l'environnement serait incompatible avec ses objectifs. Dans ces conditions, le moyen tiré de la nécessité d'une étude d'impact ou d'un examen au cas par cas ne peut qu'être écarté.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 123-2 du code de l'environnement : " I. - Font l'objet d'une enquête publique soumise aux prescriptions du présent chapitre préalablement à leur autorisation, leur approbation ou leur adoption : / 1° Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements exécutés par des personnes publiques ou privées devant comporter une évaluation environnementale en application de l'article L. 122-1 à l'exception : / (...) / - des demandes de permis de construire et de permis d'aménager portant sur des projets de travaux, de construction ou d'aménagement donnant lieu à la réalisation d'une évaluation environnementale après un examen au cas par cas effectué par l'autorité environnementale. Les dossiers de demande pour ces permis font l'objet d'une procédure de participation du public par voie électronique selon les modalités prévues à l'article L. 123-19 ; / (...) ".

10. Il résulte de ce qui a été exposé au point 8 du présent arrêt que le projet de la société Sud Alliance Promotion n'était soumis ni à la réalisation d'une évaluation environnementale ni à la procédure d'examen au cas par cas. Par conséquent, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'opération de travaux en litige nécessitait l'organisation d'une enquête publique ou la mise en œuvre d'une procédure de participation du public par voie électronique.

11. En cinquième lieu, selon l'article UD 3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Carpentras, approuvé le 13 juin 2006 et applicable à la zone UD dans laquelle se situe le terrain d'assiette du projet en litige : " (...) / Voirie : / Les voies doivent avoir des caractéristiques adaptées à l'approche du matériel de lutte contre l'incendie. / Les dimensions, formes et caractéristiques techniques des voies doivent être adaptées aux usages qu'elles supportent et aux opérations qu'elles doivent desservir. / En particulier, l'obtention du permis de construire est subordonnée à une desserte d'une emprise minimum de : / - 7,50 m pour les immeubles destinés à l'habitation collective, pour les lotissements, ainsi que pour les bâtiments dédiés au commerce ou à l'activité dépassant 300 m2 de SHON, / - 5,00 m pour les autres constructions. / Les voies nouvelles se terminant en impasse doivent être aménagées de telle sorte que les véhicules des services collectifs puissent faire demi-tour. / (...) ".

12. D'une part, les dispositions de l'avant-dernier alinéa de l'article UD 3 précité du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Carpentras, subordonnant l'obtention du permis de construire à l'existence d'une desserte d'une emprise minimale, sont applicables à la seule voie permettant l'accès direct au terrain d'assiette de l'opération, indépendamment du statut public ou privé de cette voie. En l'espèce, la voie de desserte à prendre en compte pour l'application de ces dispositions est donc constituée par le chemin privé situé sur les parcelles BV nos 38 et 39 et non par le chemin de l'Aqueduc permettant l'accès à cette voie privée.

13. D'autre part, il résulte de ces mêmes dispositions que les auteurs du règlement du plan local d'urbanisme ont entendu subordonner la délivrance de l'autorisation d'urbanisme à l'existence d'une voirie d'une emprise plus importante, dans un objectif de sécurité publique, pour les opérations de travaux présentant une certaine ampleur parmi lesquelles, notamment, les lotissements. En l'espèce, le projet en litige consiste à créer six lots destinés à supporter une maison d'habitation chacun et à réaliser des équipements communs bénéficiant à l'ensemble des lots. Eu égard à l'objectif poursuivi par les auteurs du plan lors de son approbation intervenue le 13 juin 2006, un tel projet doit être regardé comme constituant un lotissement au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article UD 3 du règlement. Il est vrai que, comme le soutient la société intimée, le projet a fait l'objet d'un permis de construire valant division régi par l'article R. 431-24 du code de l'urbanisme et qu'il ne constitue donc pas, en vertu du d) de l'article R. 442-1 du même code, un lotissement au sens du titre IV du livre IV de ce code. Une telle circonstance n'est cependant pas de nature à faire obstacle à ce que la qualification de lotissement soit retenue pour l'application des règles du plan local d'urbanisme de Carpentras relatives à la voirie, alors au surplus que les dispositions de l'article R. 442-1 susmentionné ne sont entrées en vigueur que postérieurement à l'approbation de ce plan. Il suit de là que le projet litigieux est soumis à l'exigence d'une desserte d'une emprise minimale de 7,50 mètres.

14. Il ressort des pièces du dossier et notamment des procès-verbaux de constat établis par un commissaire de justice les 15 septembre et 19 octobre 2021, que le chemin privé situé sur les parcelles BV nos 38 et 39 présente une largeur comprise entre 2,70 mètres et 3,80 mètres sur sa portion permettant la desserte du terrain d'assiette du projet en litige. Si le maire a édicté à l'article 2 du permis de construire une prescription imposant que l'emprise du chemin en cause soit portée à 5 mètres au minimum et si la société pétitionnaire se prévaut d'une promesse de servitude de passage conclue le 11 octobre 2021 en vue d'élargir le chemin jusqu'à 5 mètres, il résulte de ce qui a été exposé au point précédent que les éléments ainsi avancés ne permettent pas d'assurer la conformité de la voirie avec les dispositions de l'article UD 3 du règlement du plan local d'urbanisme applicables à l'opération. Par ailleurs, si la société intimée soutient avoir initié des démarches en vue de porter l'emprise du chemin à 7,50 mètres et produit en ce sens des plans de géomètre datés des 9 et 27 mars 2023, il n'est pas allégué qu'une telle perspective se serait concrétisée par un engagement juridique ferme et la tardiveté de ces démarches ne permettrait pas, en toute hypothèse, de regarder l'élargissement du chemin à 7,50 mètres comme revêtant un caractère certain à brève échéance à la date de l'arrêté contesté le 3 août 2021. Il en résulte qu'en accordant le permis litigieux, le maire de Carpentras a méconnu les dispositions de l'avant-dernier alinéa précité de l'article UD 3 du règlement du plan local d'urbanisme.

15. En sixième lieu, selon l'article UD 4 du règlement du plan local d'urbanisme : " Eau potable : / Toute construction à usage d'habitation ou d'activités doit être raccordée au réseau public d'eau potable. / (...) / Assainissement : / Eaux usées : / Pour être constructible, tout terrain doit être raccordé au réseau collectif d'assainissement. / (...) ".

16. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 du présent arrêt que les réseaux publics d'eau potable et d'assainissement sont présents sur le chemin de l'Aqueduc au sud des parcelles en litige, que les gestionnaires de ces réseaux ont confirmé la possibilité d'y raccorder les maisons projetées et que le maire a repris leurs prescriptions dans le permis de construire en précisant que le raccordement de l'opération nécessiterait une extension des réseaux sous le chemin privé permettant l'accès au projet. Si les requérants soutiennent que les prescriptions en cause seraient illégales en ce qu'elles seraient impossibles à mettre en œuvre sans l'accord unanime des propriétaires du chemin et de la société Enedis bénéficiaire d'une servitude sur cette voie, il ressort des pièces du dossier que le maire a également assorti le permis de construire d'une prescription imposant d'augmenter l'emprise du chemin à 5 mètres minimum et que la société intimée s'est vu consentir une promesse de servitude de tréfonds à cet effet le 11 octobre 2021, si bien que les canalisations nécessaires pourront, en tout état de cause, être installées en dehors de la partie du chemin grevée par les contraintes invoquées par les appelants. Par suite, le permis litigieux ne méconnaît pas l'article UD 4 du règlement du plan local d'urbanisme.

17. En septième lieu, selon l'article UD 5 du règlement du plan local d'urbanisme : " Espaces libres et plantations : / Les surfaces libres de toute construction et les aires de stationnement doivent être plantées. / (...) / Les plantations de haute tige existantes seront maintenues ou remplacées en nombre équivalent et d'essence traditionnelle locale. ".

18. Il ressort des pièces du dossier et en particulier du plan de masse du projet que la société Sud Alliance Promotion a prévu de maintenir quarante-quatre arbres de haute tige sur le terrain et d'en planter ou replanter trente-huit autres, soit quatre-vingt-deux arbres au total à l'issue des travaux de construction, sans compter les végétaux constituant une haie le long de la voirie interne de l'opération. Si les requérants soutiennent qu'un relevé récent montrerait la présence d'une centaine d'arbres sur le terrain, ils ne produisent pas le relevé dont s'agit et se bornent à se référer à une planche photographique sur laquelle il est impossible de comptabiliser les arbres existants. Ils ne démontrent donc pas que le nombre d'arbres actuellement présents sur l'unité foncière serait supérieur aux quatre-vingt-deux prévus par le projet et que le permis en litige méconnaîtrait de ce fait l'article UD 5 du règlement du plan local d'urbanisme.

19. En huitième lieu, selon l'article UD 12 du règlement du plan local d'urbanisme : " Stationnement des véhicules : / Le stationnement des véhicules correspondant aux besoins des constructions et installations doit être assuré en dehors des voies publiques ou privées. / (...) / Les besoins minima à prendre en compte sont : / 1. Pour toute opération de construction neuve : / Logement : / 1 place de stationnement par logement, plus 1 place supplémentaire par tranche de 50 m2 de surface de plancher y compris la tranche de 0 à 50 m2. / (...) ".

20. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la notice et des plans du projet, que les maisons dont l'édification est envisagée par la société Sud Alliance Promotion présentent des surfaces de plancher comprises entre 115 m2 et 120,10 m2. Il en ressort également que le projet prévoit la création d'une place de stationnement abritée et de deux places de stationnement aériennes sur chaque lot, ce qui permet de respecter les dispositions de l'article UD 12 précité en termes de nombre d'emplacements. La société pétitionnaire a prévu, en outre, six places supplémentaires sur les espaces communs. Si les appelants estiment que le positionnement retenu pour les places aériennes revient à organiser le stationnement sur les voies d'accès, les plans du projet confirment que ces places se situeront bien dans l'emprise de chaque lot et aucune règle n'interdisait de les prévoir juste après les portails d'entrée. Dès lors, les dispositions précitées de l'article UD 12 du règlement du plan local d'urbanisme n'ont pas été méconnues.

Sur l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

21. L'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme dispose que : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. (...) ".

22. Il résulte de ces dispositions que, lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée, sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Un vice relatif au bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si la régularisation implique de revoir l'économie générale du projet, dès lors que les règles en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.

23. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que seul est fondé le moyen tiré de ce que le permis de construire en litige méconnaît les dispositions de l'article UD 3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Carpentras s'agissant de l'emprise du chemin privé permettant l'accès au projet. Le vice ainsi relevé au point 14 du présent arrêt peut être régularisé par un permis de construire modificatif sans que la nature du projet n'en soit changée. Par suite, il y a lieu de surseoir à statuer sur la requête de MM. B... et F..., en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, pendant une durée de trois mois, dans l'attente de l'intervention d'une mesure de régularisation susceptible de remédier à cette illégalité.

D E C I D E :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de MM. B... et F..., en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, pendant une durée de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, dans l'attente de l'intervention d'une mesure de régularisation susceptible de remédier au vice tiré de la méconnaissance de l'article UD 3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Carpentras s'agissant de l'emprise du chemin privé permettant l'accès au projet.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à M. E... F..., à la commune de Carpentras et à la société par actions simplifiée Sud Alliance Promotion.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023.

Le rapporteur,

F. JazeronLe président,

D. Chabert

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne à la préfète de Vaucluse, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22TL22624


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL22624
Date de la décision : 09/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Florian JAZERON
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : SCP PENARD-OOSTERLYNCK

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-11-09;22tl22624 ?
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