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09/11/2023 | FRANCE | N°22TL21966

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 09 novembre 2023, 22TL21966


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2200662 du 17 mai 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 septembre 2022, M. A..., rep

résenté par Me Berry, demande à la cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2200662 du 17 mai 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 septembre 2022, M. A..., représenté par Me Berry, demande à la cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler le jugement du 17 mai 2022 ;

3°) d'annuler l'arrêté du 21 décembre 2021 ;

4°) d'enjoindre, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, au préfet de l'Hérault de lui délivrer sans délai une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", " étudiant ", " salarié " ou au titre de " circonstances exceptionnelles " ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'un défaut de motivation ;

- il n'a pas été précédé d'un examen de l'ensemble de sa situation personnelle ;

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur de fait tenant à la diversité de ses identités ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée, sur ce point, d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation globale ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 422-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il entre, sur ce point, dans le champ d'application de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale.

Par une lettre du 19 octobre 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que, compte tenu de l'autorité absolue de chose jugée attachée au jugement du tribunal correctionnel de Montpellier du 3 avril 2019 condamnant M. A... à une peine d'emprisonnement de 4 mois avec sursis, les constatations de fait relevées dans ce jugement s'imposent à l'administration et au juge administratif.

Un mémoire, présenté par le préfet de l'Hérault, a été enregistré le 23 octobre 2023.

Par un mémoire, enregistré le 24 octobre 2023, M. A... a présenté des observations en réponse à la mesure d'information du 19 octobre 2023.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Lafon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité guinéenne, fait appel du jugement du 17 mai 2022 du tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 décembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Sur les conclusions tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. M. A... a bénéficié, par une décision du 21 octobre 2022, de l'aide juridictionnelle totale. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit admis à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet et il n'y a donc pas lieu d'y statuer.

Sur le surplus des conclusions :

En ce qui concerne les moyens communs aux décisions contestées :

3. En premier lieu, l'arrêté attaqué, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui le fondent, notamment des éléments précis concernant la situation personnelle de M. A..., est suffisamment motivé.

4. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault ne s'est pas livré à un examen particulier de l'ensemble de la situation de M. A... avant de prendre l'arrêté contesté.

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a été signalé aux autorités italiennes le 20 juin 2018 sous l'identité de B... Souma né le 5 février 2001. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée, qui a retenu que l'intéressé était connu sous plusieurs identités, serait entachée d'une erreur dans l'exactitude matérielle des faits doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire (...) ". L'article L. 432-1 du même code dispose que : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ". Lorsque l'administration oppose à un étranger le motif tiré de ce que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public pour refuser de faire droit à sa demande de titre de séjour, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu'elle invoque à cet égard sont de nature à justifier légalement sa décision.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui a déclaré être né le 7 juin 2003, a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du département des Alpes-Maritimes à compter du 8 juillet 2018, puis du département de l'Hérault depuis le 2 août 2018. Par un jugement du 3 avril 2019, le tribunal correctionnel de Montpellier l'a condamné à une peine d'emprisonnement de quatre mois avec sursis pour des faits de déclaration fausse ou incomplète pour obtenir d'une personne publique ou d'un organisme chargé d'une mission de service public une allocation, une prestation, un paiement ou un avantage indu et de détention frauduleuse de plusieurs faux documents administratifs. Eu égard à la nature et au caractère répété et récent de ces infractions, qui lui ont permis de bénéficier indument d'une prise en charge en qualité de mineur non accompagné, le préfet de l'Hérault n'a pas fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce en estimant que le séjour en France de M. A... constituait une menace pour l'ordre public. La circonstance que sa prise en charge s'est poursuivie après l'intervention du jugement correctionnel et la production d'une attestation établie le 25 mars 2021 par les services de l'ambassade de Guinée en France, d'un jugement supplétif du 18 octobre 2018 du tribunal de première instance de Conakry III - Mafanco, d'une copie de passeport et d'un extrait du registre de transcription des naissances daté du 5 novembre 2018, mentionnant la date de naissance qu'il revendique, ne sont pas de nature à remettre en cause l'autorité absolue de la chose jugée attachée au jugement du 3 avril 2019, qui n'a fait l'objet d'aucune décision d'annulation. Il en résulte que les moyens tirés de ce que M. A... remplirait l'ensemble des conditions énumérées aux articles L. 422-2 et L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

8. En troisième lieu, M. A... déclare être entré en France le 8 juillet 2018. Il est célibataire et sans charge de famille et dispose d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident notamment sa mère, son frère et son demi-frère. Ainsi qu'il a été dit au point 7, son comportement représente une menace pour l'ordre public. Dans ces conditions, alors même que M. A... se prévaut du parcours d'insertion qu'il a suivi en France, la décision portant refus de titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ". Les seules circonstances que M. A... résidait en France depuis plus de trois ans à la date de l'arrêté attaqué, qu'il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance et qu'il devait obtenir, en juin 2022, un certificat d'aptitude professionnelle d'agent de propreté et d'hygiène, qui ne sauraient à elles-seules révéler l'existence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sont en tout état de cause insuffisantes pour faire regarder la décision attaquée comme entaché d'une erreur manifeste d'appréciation sur ce point.

10. En cinquième lieu, M. A..., qui ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, ne peut utilement se prévaloir des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. En dernier lieu, aucune des circonstances évoquées précédemment n'est de nature à faire regarder la décision attaquée comme entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

12. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 8 et 11 du présent arrêt, les moyens selon lesquels la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A... doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

13. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen, dirigé contre la décision fixant le pays de renvoi, tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

14. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Laetitia Berry et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023.

Le rapporteur,

N. Lafon

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°22TL21966 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21966
Date de la décision : 09/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Nicolas LAFON
Rapporteur public ?: M. CLEN
Avocat(s) : BERRY

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-11-09;22tl21966 ?
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