Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de l'arrêté du 30 septembre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2106143 du 14 décembre 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Tercero, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 14 décembre 2021 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2021, par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et d'ordonner le réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au bénéfice de son conseil sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé au regard de l'article L. 9 du code de justice administrative, dès lors qu'il ne répond pas suffisamment à son moyen tiré de l'absence d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire est intervenue sur une procédure irrégulière, du fait de la méconnaissance du droit d'être entendu qui est un principe général de droit communautaire, reconnu par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- par ailleurs, en lui opposant le fait qu'il n'avait pas versé au dossier une copie du guide du demandeur d'asile qui lui a été remis, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif a inversé la charge de la preuve ; la décision attaquée méconnaît l'article 12 et le considérant 22 de la directive du 26 juin 2013 du Parlement et du Conseil ; l'obligation de quitter le territoire méconnaît le droit à l'information des demandeurs d'asile, prévu notamment par les articles R. 521-4 et R. 521-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- s'il avait été informé de ce que le préfet ne disposait pas du récit de sa demande d'asile ni des motifs de sa demande d'asile, il aurait levé la confidentialité entourant sa demande d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du fait des risques encourus en cas de retour au Bangladesh.
Par une décision du 10 juin 2022, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à M. A... le bénéfice de l' aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Bentolila, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 13 septembre 1993 et de nationalité bangladaise, est entré en France le 23 mai 2019 pour y solliciter le bénéfice de l'asile, qui lui a été refusé par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 janvier 2021, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 28 juillet 2021. Par un arrêté du 30 septembre 2021, le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
2. Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement du 14 décembre 2021 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 septembre 2021.
Sur la régularité du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
4. Contrairement à que soutient M. A..., la première juge, au point 6 du jugement attaqué a suffisamment répondu au moyen tiré de l'absence d'examen réel et sérieux par le préfet de sa situation personnelle. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit donc être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
5. En premier lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires réglées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ".
6. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux États membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Par suite, le moyen tiré de leur méconnaissance par une autorité d'un État membre est inopérant. Toutefois, il résulte également de la jurisprudence de la Cour de justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. Par ailleurs, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu avoir une influence sur le contenu de la décision. En l'espèce, si M. A... soutient qu'il n'a pas été informé par le préfet de la possibilité d'exposer des éléments sur sa situation personnelle, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait eu de nouveaux éléments à faire valoir qui auraient conduit le préfet à prendre une décision différente.
7. Par suite, et dès lors que les moyens invoqués par l'appelant sur le fondement des articles L. 721-2, R. 531-1 et R. 721-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tirés de ce qu'il appartenait au préfet de se faire communiquer par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides la décision du 29 janvier 2021 de rejet de sa demande d'asile sont inopérants et, qu' en tout état de cause, le fait que le préfet n'ait pas procédé à cette demande de communication n'a pas eu pour effet d'influer sur le sens de la décision qu'il a prise, ni de priver M. A... d'une garantie, le moyen invoqué par l'appelant tiré de la méconnaissance de son droit à être entendu doit être écarté.
8. En second lieu, l'obligation de quitter le territoire prise à l'encontre de l'étranger dont la demande d'asile a été rejetée une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de façon définitive par la Cour nationale du droit d'asile n'est pas prise pour l'application de la décision par laquelle le préfet statue, en début de procédure, sur l'admission provisoire au séjour en qualité de demandeur d'asile. Dans ces conditions, le moyen invoqué par M. A..., qui a été admis provisoirement au séjour au titre de l'asile, selon lequel il n'aurait pas reçu d'informations suffisantes par le guide du demandeur d'asile qui lui a été remis lors de la présentation de sa demande d'asile, est inopérant, et ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination de la mesure d'éloignement :
9. M. A... soutient en premier lieu, comme en première instance, qu'il encourt des risques en cas de retour au Bangladesh, du fait qu'il a dénoncé l'implication d'un membre important du parti au pouvoir, la ligue Awami, dans un trafic de stupéfiants, et qu'à la suite de cette dénonciation, il a été victime d'une agression physique, a été menacé de mort, a fait l'objet d'une tentative d'assassinat, puis d'une accusation de viol et a fui vers l'Inde. Toutefois, M. A... reprend à cet égard les termes de son récit présenté devant les instances chargées de l'examen de sa demande d'asile, et ne produit, pas plus en appel qu'il ne l'a fait en première instance, aucun élément de nature à établir un commencement de preuve quant à la réalité et à l'actualité des risques encourus en cas de retour au Bangladesh, qui ne saurait être davantage établie par l'invocation de la situation générale au Bangladesh sur la base de rapports datant au demeurant de 2010. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
10. En second lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté attaqué ni des pièces du dossier que le préfet se serait placé en situation de compétence liée par rapport aux décisions précitées de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile et n'aurait pas exercé son propre pouvoir d'appréciation.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 14 décembre 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
12. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023.
Le rapporteur,
P. Bentolila
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22TL21555
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