La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/11/2023 | FRANCE | N°21TL04842

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 07 novembre 2023, 21TL04842


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête collective, le syndicat des copropriétaires du Pavillon et autres, représenté par l'agence du Soleil, syndic de copropriété désigné comme mandataire unique des demandeurs, ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté n° 2020-09-28-01 du 28 septembre 2020 par lequel la préfète de l'Aude a fixé la période d'ouverture annuelle maximale d'ouverture du camping " Le Pavillon ".

Par un jugement n° 2004424 du 19 octobre 2021, le tribunal administratif de Mo

ntpellier a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête collective, le syndicat des copropriétaires du Pavillon et autres, représenté par l'agence du Soleil, syndic de copropriété désigné comme mandataire unique des demandeurs, ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté n° 2020-09-28-01 du 28 septembre 2020 par lequel la préfète de l'Aude a fixé la période d'ouverture annuelle maximale d'ouverture du camping " Le Pavillon ".

Par un jugement n° 2004424 du 19 octobre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces, enregistrées le 17 décembre 2021, au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis, le 1er mars 2022, au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, sous le n° 21TL04842, et le 16 octobre 2023, le syndicat des copropriétaires du Pavillon, représenté par son syndic de copropriété, fonctions exercées en dernier lieu, par l'agence Vialan immobilier, désigné comme représentant unique des appelants, représenté par Me Gras, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 octobre 2021 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté n° 2020-09-28-01 du 28 septembre 2020 par lequel la préfète de l'Aude a fixé la période d'ouverture annuelle maximale du camping " Le Pavillon " ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que le tribunal a procédé à une substitution de motifs en vue d'écarter le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté en litige alors même qu'une telle substitution n'était pas demandée en défense par l'administration ;

- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'inexactitude matérielle des faits et d'une erreur dans la qualification juridique des faits s'agissant de la nature juridique des installations qu'il vise et de leur mode de gestion dès lors qu'il ne s'agit pas d'un camping mais d'une copropriété ;

- il méconnaît l'article R. 331-8 du code du tourisme ;

- il est disproportionné ;

- il porte atteinte au droit de propriété et au droit au respect de leur vie privée et familiale ;

- il est entaché d'un détournement de procédure et de pouvoir.

La requête a été communiquée en qualité d'observateur au préfet de l'Aude qui n'a pas produit d'observations.

La requête a été communiquée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique qui n'a pas produit d'observations en dépit de la mise en demeure qui lui a été adressée, le 31 janvier 2023, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

- le code civil ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du tourisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme El Gani-Laclautre ;

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Muller, représentant le syndicat des copropriétaires du Pavillon, représenté par son syndic de copropriété, l'agence Vialan immobilier, représentant unique des appelants.

Une note en délibéré a été enregistrée le 20 octobre 2023 pour le syndicat des copropriétaires du Pavillon, représenté par son syndic de copropriété, fonctions exercées en dernier lieu par l'agence Vialan immobilier.

Considérant ce qui suit :

1. En 1975, le comité d'établissement de la société anonyme Société nouvelle du Saut-du-Tarn a été autorisé, par un arrêté préfectoral, à ouvrir un camping au lieu-dit ..., dénommé ... pour une capacité d'accueil de 1 200 campeurs. Par un arrêté préfectoral du 18 novembre 1977, une partie de ce camping a été classée en catégorie deux étoiles pour l'accueil de 400 campeurs. Par un acte notarié du 12 juillet 1985, la société à responsabilité limitée Le Pavillon a fait l'acquisition de ce camping. Par un arrêté du 2 juillet 1985, le préfet de l'Aude a délivré à M. B... A..., gérant de la société Le Pavillon, un permis d'aménager un terrain de caravanage de 273 emplacements dont 34 destinés à des habitations légères de loisirs. Souhaitant procéder à la vente fractionnée de cet ensemble immobilier, la société Le Pavillon a, par un acte notarié du 12 juillet 1985, auquel est annexé l'arrêté préfectoral du 2 juillet 1985 portant permis d'aménager, fait établir un état descriptif de division en 288 lots et un règlement de copropriété. Par la suite, il a été procédé à la vente individuelle de ces lots à des propriétaires distincts, lesquels se sont regroupés en syndicat de copropriété. Par un arrêté du 27 janvier 1999, la commune de Sigean a délivré au syndicat des copropriétaires du ... un permis d'aménager le terrain de camping en 287 lots. L'agence Vialan immobilier, agence immobilière située à Narbonne, assure, en dernier lieu, les fonctions de syndic du syndicat des copropriétaires du Pavillon. À ce jour, entre 50 et 60 personnes résident de manière permanente dans ce camping.

2. Par un arrêté du 28 septembre 2020, la préfète de l'Aude a fixé la période de fermeture du camping Le Pavillon du 30 septembre au 15 avril et reporté, à titre dérogatoire, la période de fermeture au 15 octobre pour l'année 2020. Des propriétaires de parcelles de ce camping, constitués en syndicat de copropriétaires, représenté par le syndic Agence Vialan immobilier, représentant unique en application de l'article R. 411-5 du code de justice administrative, relèvent appel du jugement du 19 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point.

4. Contrairement à ce que soutiennent les appelants, les premiers juges n'ont pas procédé d'office à une substitution de motifs mais à une substitution de base légale en substituant, au point 9 de leur jugement, les dispositions de l'article R. 331-8 du code du tourisme à celles de l'article L. 2215-1-1 du code général des collectivités territoriales. Par suite, les appelants ne peuvent utilement soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ".

6. Il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté en litige par adoption des motifs pertinemment retenus par le tribunal au point 2 du jugement attaqué.

7. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 331-1 du code du tourisme : " Le camping est librement pratiqué avec l'accord de celui qui a la jouissance du sol, sous réserve, le cas échéant, de l'opposition du propriétaire. / Il peut être pratiqué sur des terrains aménagés, dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre ". Aux termes de l'article D. 331-1-1 du même code : " Les terrains aménagés de camping et de caravanage sont destinés à l'accueil de tentes, de caravanes, de résidences mobiles de loisirs et d'habitations légères de loisirs. Ils sont constitués d'emplacements nus ou équipés de l'une de ces installations ainsi que d'équipements communs. / Ils font l'objet d'une exploitation permanente ou saisonnière et accueillent une clientèle qui n'y élit pas domicile (...) ".

8. D'autre part, aux termes de l'article R. 331-8 du code du tourisme : " Les préfets peuvent, par arrêté, imposer des normes spéciales d'équipement et de fonctionnement en vue de la protection contre les dangers d'incendie et les risques naturels et technologiques majeurs (...) ". Il résulte de ces dispositions que les préfets peuvent imposer aux gestionnaires de terrains de camping sis en zones submersibles des normes de fonctionnement allant jusqu'à la fermeture périodique desdits terrains, notamment pendant les périodes traditionnelles de crue des cours d'eau à proximité desquels ils sont situés.

9. Selon les appelants, le camping Le Pavillon ne constitue pas une installation de camping au sens de l'article R. 331-1 du code du tourisme dès lors qu'il dispose d'un mode de gestion particulier, qu'il n'accueille pas une clientèle de campeurs et ne fait l'objet d'aucune exploitation tandis que certains propriétaires y ont élu domicile de sorte qu'il s'agit désormais d'un lotissement privé. Il est constant, ainsi qu'il a été dit au point 1, d'une part, que plusieurs dizaines d'appelants résident à l'année au sein du camping Le Pavillon et en ont fait leur domicile et, d'autre part, que les propriétaires de chaque parcelle de ce camping, qui ont constitué une copropriété à la faveur de l'adoption d'un règlement de copropriété et d'un état descriptif de division qui a eu pour effet de morceler la propriété du terrain d'assiette, ont confié la gestion de leur propriété à un syndic de copropriété assuré par l'agence immobilière " Soleil " puis, en dernier lieu, à l'agence immobilière " Vialan immobilier ".

10. Il ressort toutefois des pièces du dossier, en particulier des mentions contenues dans les titres de propriété produits par les appelants à la demande de pièces pour compléter l'instruction adressée par la cour, d'une part, que ces derniers ont fait l'acquisition, en toute connaissance de cause, de parcelles de terrains à usage d'emplacement d'une caravane, d'une habitation légère de loisir ou tout véhicule assimilé constructibles et, d'autre part, que ces parcelles sont situées en zone inondable. En outre, les actes notariés produits par les appelants font mention du règlement de copropriété et de l'état descriptif de division établis par un acte notarié du 12 juillet 1985 lequel comporte, en annexe, le permis d'aménager un terrain de caravanage délivré par l'arrêté du préfet de l'Aude du 2 juillet précédent. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ce permis d'aménager du 2 juillet 1985, ainsi que le permis d'aménager un terrain de camping ultérieurement délivré par un arrêté de la commune de Sigean le 27 janvier 1999 auraient disparu de l'ordonnancement juridique. De même, ces autorisations d'urbanisme ne sont pas devenues caduques par le seul état de fait dont se prévalent les appelants tiré de ce que le camping n'accueillerait pas de clientèle de campeurs et qu'il s'agirait désormais d'un lotissement de fait.

11. Sur ce point, il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'état descriptif de division et du règlement de copropriété établis par un acte notarié du 12 juillet 1985 que le terrain de caravanage Le Pavillon comporte des équipements collectifs tels qu'un bâtiment d'accueil pour les campeurs situé à l'entrée, une maison destinée à loger un gardien, une salle de réunion, un local commercial avec terrasse, une piscine, une aire de jeux ainsi que des blocs sanitaires communs. Il ressort également des pièces du dossier, en particulier du procès-verbal de la dernière assemblée générale des copropropriétaires du 10 août 2023, que le camping Le Pavillon fait l'objet d'une forme d'exploitation attestée, d'une part, par la présence des équipements collectifs précités et, d'autre part, par le provisionnement sur trois années du montant de la taxe de taxe de séjour due à la commune de Sigean, lequel a été remboursé aux copropriétaires sur l'exercice mais pourra faire l'objet d'un appel de fonds exceptionnel si cette dernière en sollicitait le recouvrement. Dans ces conditions et dès lors qu'il n'est ni allégué ni démontré que la création du lotissement dont se prévalent les appelants aurait été précédée de la délivrance d'autorisations d'urbanisme subséquentes obtenues dans des conditions régulières, de nature à transformer la nature et la consistance du terrain d'assiette du camping, l'existence de ce lotissement ne saurait être déduite de ce seul état de fait alors que les appelants ont fait, ainsi qu'il a été dit, l'acquisition de parcelles situées dans un terrain de camping situé en zone inondable en toute connaissance de cause. De même, les seules circonstances selon lesquelles les propriétaires des lots composant le terrain d'assiette du camping Le Pavillon ont opté, par la voie d'actes notariés, pour un mode de gestion particulier, sous la forme d'une copropriété ne permettant pas d'identifier un exploitant unique et que certains en ont fait leur domicile, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article D. 331-1-1 du code du tourisme, ne sont de nature ni à retirer à ces installations leur caractère de camping, qui leur a été conféré dès l'origine à travers les autorisations d'urbanisme citées au point 1, ni à faire obstacle à l'usage, par le maire ou le préfet, du pouvoir de police dont ils sont investis en matière de camping et de terrains de caravanage.

12. À ce titre, eu égard à leur formulation générale, laquelle n'opère pas de distinction entre les exploitants d'un terrain aménagé en camping et les propriétaires d'un tel terrain d'assiette, les dispositions de l'article R. 331-8 du code du tourisme ne prévoient aucune limitation à l'exercice du pouvoir spécial de police dont dispose l'autorité préfectorale en matière d'installations de camping et n'ont, en particulier, ni pour effet ni pour objet de lui interdire d'imposer des normes spéciales d'équipement et de fonctionnement en vue de prévenir les dangers d'incendie et les risques naturels et technologiques majeurs en les adressant directement aux propriétaires des terrains d'assiette accueillant de telles installations, fussent-ils constitués sous la forme d'une copropriété en l'absence de gestionnaire identifié et alors même que ces terrains de camping ne feraient l'objet que d'une exploitation partielle.

13. Par suite, en regardant le camping Le Pavillon comme un terrain de camping, la préfète de l'Aude n'a entaché l'arrêté en litige ni d'inexactitude matérielle des faits, ni d'une erreur dans la qualification juridique des faits.

14. En troisième lieu, lorsqu'il examine, dans le cadre du contrôle de proportionnalité, la légalité d'une mesure portant atteinte aux droits fondamentaux des personnes, le juge de l'excès de pouvoir examine successivement si la mesure en cause est adaptée, nécessaire et proportionnée à la finalité qu'elle poursuit.

15. Les appelants soutiennent que les installations en litige respectent les prescriptions de sécurité à travers la mise en place d'un système de sirène, de haut-parleurs et d'une caméra, l'organisation d'exercices réguliers d'évacuation, la tenue d'un registre de sécurité ainsi que la désignation d'un référent sécurité. Ils indiquent, en outre, que la prévention du risque d'inondation s'inscrit dans une politique publique qui dépasse le seul cadre de l'ensemble immobilier Le Pavillon et ne saurait peser sur des personnes privées tandis que la mesure en litige porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de leur vie privée et familiale. Toutefois, contrairement à ce qui est soutenu, l'objet de l'arrêté en litige est plus large et vise, en application des dispositions précitées de l'article R. 331-8 du code du tourisme, à instaurer une période de fermeture annuelle obligatoire des campings exposés à un risque d'inondation indépendamment des mesures de sécurité instituées en période d'ouverture de sorte qu'il ne recouvre pas ces prescriptions de sécurité, lesquelles s'appliquent, par construction, uniquement lors des périodes d'ouverture autorisée du camping.

16. Par ailleurs, en se bornant à soutenir que le camping Le Pavillon a seulement été touché par deux événements climatiques, dans des circonstances particulières, en novembre 1999 et en novembre 2014, le premier relevant d'une occurrence centennale et le second étant intervenu lors de la reconstruction de la digue de l'Espinat, les appelants ne contestent pas sérieusement le fait que ce camping se trouve en zone inondable pas plus qu'il ne produisent d'élément précis et circonstancié de nature à établir que la décision en litige ne serait pas adaptée au regard de l'objectif poursuivi de protection des biens et des personnes contre le risque d'inondation.

17. À l'inverse, il ressort des pièces du dossier, en particulier du rapport rendu au mois de février 2016 dans le cadre de la mission de médiation et d'expertise sur le bassin de la Berre confiée au conseil général de l'environnement et du développement durable, que le camping Le Pavillon, installé dans l'ancien lit de la Berre, est soumis à trois risques d'inondation conjugués toute l'année, tant par submersion marine, en aléa fort voire très fort, que par débordement et ruissellement de la Berre et du Rieu, deux cours d'eau côtiers. Selon ce même rapport, qui avait au demeurant préconisé la fermeture totale et définitive du camping Le Pavillon, tant en supprimant l'occupation permanente soumise à risque toute l'année, qu'en interdisant toute exploitation, même estivale, le terrain d'assiette de ce camping est régulièrement inondé lors d'événements météorologiques. En particulier, au mois de novembre 2014, ce camping a dû être évacué en urgence en mobilisant un hélicoptère après avoir été totalement inondé par une crue de la Berre qui n'était pas d'occurrence exceptionnelle tandis que le maire a été contraint de faire appel à la gendarmerie face au refus de certains occupants d'évacuer les lieux.

18. Il ressort également des pièces du dossier et n'est pas sérieusement contesté que le terrain d'assiette du camping ainsi que l'unique voie d'accès qui le dessert, se situent en zone RLI 3 du plan de prévention des risques littoraux et d'inondation du bassin versant de la Berre du 31 octobre 2017, zone soumise à un aléa de submersion marine et d'inondation dans les espaces non ou peu urbanisés, ce qui met en danger la vie des occupants en compromettant l'évacuation de ce camping et en aggravant les difficultés de conduite des opérations de secours. Il ressort également du rapport précité et de l'arrêté en litige que la sous-commission départementale pour la sécurité des occupants de terrains de camping et de stationnement de caravanes a rendu une vingtaine d'avis défavorables depuis 1994 pointant l'insuffisance des dispositifs d'alerte et d'évacuation du camping qui ne dispose pas d'exploitant unique pouvant coordonner sa sécurité tandis que le nombre d'habitations légères de loisirs excède le taux de maximum de 20 % défini à l'article R. 111-38 du code de l'urbanisme, ce qui aggrave les difficultés d'évacuation du camping en cas d'aléa climatique en raison de l'augmentation du nombre de personnes exposées aux risques d'inondation et de submersion marine.

19. Par suite, eu égard à la destination des installations en litige, lesquelles ont, contrairement à ce que persistent à soutenir les appelants, la nature juridique d'un terrain de camping et de caravanage et n'ont, ainsi qu'il a été dit, pas vocation à accueillir des personnes y élisant domicile et compte tenu de la réalité des risques d'inondation susceptibles d'en affecter le terrain d'assiette et l'unique route d'accès, la préfète de l'Aude a, par l'arrêté en litige, édicté des mesures pleinement adaptées, nécessaires et proportionnées au regard de la finalité poursuivie et n'a, dès lors, ni fait une inexacte application des dispositions de l'article R. 331-8 du code du tourisme ni méconnu le droit au respect de leur vie privée et familiale.

20. En quatrième lieu, aux termes de l'article 544 du code civil : " La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ".

21. La propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Aux termes de son article 17 : " La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ". En l'absence de privation du droit de propriété au sens de l'article 17, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi.

22. Selon les appelants, l'arrêté en litige porte une atteinte à leur droit de propriété en restreignant l'accès à leur propriété de manière annuelle et permanente, sans aucune contrepartie. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 10, les appelants ont, en toute connaissance de cause, fait l'acquisition de parcelles situées dans un terrain de camping de sorte que l'étendue et les prérogatives attachées à leur droit de propriété doivent, par principe, s'exercer dans le cadre des lois et des règlements applicables aux terrains de camping. Par suite, une éventuelle restriction portée à leur droit de propriété par l'effet d'une mesure de police prise dans le cadre de la réglementation relative aux campings ne saurait, à elle seule, caractériser une atteinte à ce droit. En tout état de cause, l'arrêté en litige n'a ni pour effet pour objet ni de leur interdire d'accéder totalement à leur parcelle ni de procéder à une opération d'expropriation sans instituer une juste et préalable indemnité mais seulement d'imposer une mesure de fermeture annuelle adaptée et proportionnée tant au regard de la nature juridique du terrain en litige, lequel demeure soumis à une réglementation spécifique instituée, notamment, par le code du tourisme, que du motif d'intérêt général poursuivi tendant à empêcher l'habitation au sein du camping Le Pavillon lorsque le risque d'inondation est au niveau le plus haut. En outre, cet arrêté qui n'emporte ainsi aucune privation du droit de propriété mais seulement restriction temporaire d'un usage sans en interdire l'accès, ne les prive pas de la possibilité d'assurer l'entretien de leur propriété pourvu qu'ils n'y séjournent pas durant la période de fermeture annuelle imposée. Par suite, la mesure de police en litige doit, dans les circonstances de l'espèce, être regardée comme opérant une conciliation équilibrée entre l'exercice du droit de propriété, qui s'exerce en l'occurrence dans le respect de la réglementation applicable aux terrains de camping et de caravanage, lesquels ne peuvent tenir lieu de domicile, et l'objectif d'intérêt général de protection des biens et des personnes se trouvant au sein de campings en période d'exposition aux risques d'inondation.

23. Par suite, eu égard à la localisation du camping Le Pavillon et à l'exposition de son terrain d'assiette à des risques importants d'inondation ainsi qu'il a été dit aux points 17 et 18 alors même qu'il existerait des mesures générales de protection de la sécurité des usagers applicables aux campings, la préfète de l'Aude n'a, en instaurant une période de fermeture obligatoire de ce camping, porté atteinte que de manière proportionnée au droit de propriété et dans la stricte mesure nécessaire à la réalisation de l'objectif d'intérêt général tenant à la protection des personnes et des biens en cas de survenance de cet aléa climatique tandis que les appelants ne disposent d'aucun droit acquis à élire domicile dans ce camping et ont, en tout état de cause, bénéficié de mesures d'accompagnement destinées à favoriser leur relogement.

24. En cinquième et dernier lieu, eu égard aux motifs retenus aux points 9 à 23, le détournement de pouvoir et le détournement de procédure allégués ne sont pas établis eu égard à l'exposition du camping Le Pavillon à des risques d'inondation majeurs présentant un danger réel pour la sécurité des personnes et des biens.

25. Il résulte de tout ce qui précède que le syndic des copropriétaires du Pavillon, représentant unique des appelants, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE:

Article 1 : La requête du syndicat des copropriétaires du Pavillon et autres, représenté par le syndic de copropriété Agence Vialan immobilier, représentant unique, est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'agence Vialan immobilier, exerçant les fonctions de syndic du syndicat des copropriétaires du Pavillon et désignée en qualité de représentant unique, à la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023.

La rapporteure,

N. El Gani-LaclautreLe président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne à la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21TL04842


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL04842
Date de la décision : 07/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-04-03-01-04 Police. - Police générale. - Sécurité publique. - Police des lieux dangereux. - Terrains inondables.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Nadia EL GANI-LACLAUTRE
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : COULOMBIE, GRAS, CRETIN, BECQUEVORT, ROSIER, SOLAND

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-11-07;21tl04842 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award