Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Durance Granulats a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la délibération du 12 mars 2019 par laquelle le conseil municipal de Cheval-Blanc a approuvé la révision du plan local d'urbanisme de la commune, ainsi que la délibération du 25 juin 2019 de la même assemblée rejetant son recours gracieux présenté contre la délibération en cause.
Par un jugement n° 1902946 du 23 février 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande, ainsi que les conclusions présentées par la commune de Cheval-Blanc sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 avril 2021 sous le n° 21MA01543 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL01543 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, puis un mémoire enregistré le 10 octobre 2022, la société Durance Granulats, représentée par Me Durand, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 23 février 2021 ;
2°) d'annuler la délibération du conseil municipal de Cheval-Blanc du 12 mars 2019 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Cheval-Blanc une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif de Nîmes n'a pas totalement répondu aux moyens tirés, d'une part, de l'incompatibilité de la révision du plan local d'urbanisme avec le schéma de cohérence territoriale du bassin de vie Cavaillon - Coustellet - Isle-sur-la-Sorgue et, d'autre part, de l'erreur manifeste d'appréciation commise par la commune au regard du plan de prévention des risques naturels d'inondation de la basse vallée de la Durance ;
- les premiers juges ont commis des erreurs de droit en écartant les moyens tirés, d'une part, de l'insuffisance du rapport de présentation du plan local d'urbanisme et, d'autre part, de l'incompatibilité de ce plan avec le schéma de cohérence territoriale ;
- le tribunal a commis une erreur manifeste d'appréciation en écartant le moyen tiré de l'illégalité du classement du site de " La Grande Bastide " en zones UTL et UTLz ;
- le plan local d'urbanisme est incompatible avec le schéma de cohérence territoriale du bassin de vie Cavaillon - Coustellet - Isle-sur-la-Sorgue dès lors que le document graphique ne prend pas en compte le périmètre des activités de carrière ;
- le classement des terrains du site de " La Grande Bastide " en zones UTL et UTLz est incompatible avec les orientations du projet d'aménagement et de développement durables retenues lors de la révision du plan local d'urbanisme ;
- le même classement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard du plan de prévention des risques naturels d'inondation de la basse vallée de la Durance ;
- en outre, le rapport de présentation est insuffisant s'agissant de l'analyse des incidences du classement du secteur de " La Grande Bastide " en zones UTL et UTLz sur l'environnement et sur les sites relevant du réseau Natura 2000 ;
- le classement du site de " La Grande Bastide " en zones UTL est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 151-18 du code de l'urbanisme.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 31 mai 2022 et le 8 novembre 2022, la commune de Cheval-Blanc, représentée par Me Bras, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Durance Granulats une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 9 novembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 novembre 2022.
Les parties ont été informées le 28 septembre 2023, au titre des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office l'irrecevabilité du moyen tiré de l'insuffisance du rapport de présentation, lequel a été invoqué par la société requérante après l'expiration du délai d'appel alors qu'il se rattache à une cause juridique distincte des moyens soulevés avant l'expiration de ce délai.
La commune de Cheval-Blanc, représentée par Me Bras, a produit des observations en réponse à ce moyen d'ordre public, enregistrées le 2 octobre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- l'ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015 ;
- le décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,
- les observations de Me Pignet, représentant la société requérante, et de M. A..., maire de Cheval-Blanc, représentant la commune.
Considérant ce qui suit :
1. Le conseil municipal de Cheval-Blanc (Vaucluse) a prescrit, le 15 mai 2012, la révision du plan local d'urbanisme de la commune. Il a actualisé les objectifs poursuivis par cette révision le 15 décembre 2015 et, après avoir tiré le bilan de la concertation, a arrêté le projet de plan local d'urbanisme le 15 mai 2018. L'enquête publique s'est déroulée du 8 novembre au 12 décembre 2018 et, par une délibération du 12 mars 2019, le conseil municipal a approuvé la révision du plan local d'urbanisme. La société Durance Granulats exploitait alors une carrière de granulats à ciel ouvert et en eau sur un ensemble de parcelles situées au lieu-dit " La Grande Bastide " sur le territoire de cette commune, en vertu d'une autorisation accordée par le préfet de Vaucluse le 20 juillet 2006, pour une durée de quinze ans, au titre de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement. Elle a présenté le 22 mai 2019 un recours gracieux contre la délibération du 12 mars 2019. Par une délibération du 25 juin 2019, le conseil municipal de Cheval-Blanc a rejeté ce recours gracieux. La société Durance Granulats relève appel du jugement du 23 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des délibérations des 12 mars 2019 et 25 juin 2019.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des termes du jugement contesté que le tribunal administratif de Nîmes a répondu, aux points 13 à 15, au moyen tiré de l'incompatibilité du plan local d'urbanisme avec le schéma de cohérence territoriale du bassin de vie Cavaillon - Coustellet - Isle-sur-la-Sorgue, et, au point 29, au moyen tiré de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des prescriptions du plan de prévention des risques naturels d'inondation de la basse vallée de la Durance. Le tribunal administratif n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments soulevés par la société au soutien de ces moyens et a exposé avec une précision suffisante les raisons pour lesquelles il a estimé que lesdits moyens n'étaient pas fondés. En conséquence, le jugement attaqué n'est pas entaché des irrégularités invoquées par la société appelante.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. La société requérante conteste le bien-fondé du jugement en litige en soutenant notamment que le tribunal administratif de Nîmes a commis des erreurs de droit en écartant les moyens soulevés dans sa demande tenant à l'insuffisance du rapport de présentation du plan local d'urbanisme et à l'incompatibilité de ce plan avec le schéma de cohérence territoriale. Elle soutient par ailleurs que les premiers juges ont commis une erreur manifeste d'appréciation en n'accueillant pas le moyen tiré de l'illégalité du classement du site de " La Grande Bastide " en zones UTL et UTLz du plan local d'urbanisme. De tels moyens relèvent toutefois du contrôle du juge de cassation et non de celui du juge d'appel, auquel il appartient seulement, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur la légalité de la délibération en litige.
En ce qui concerne le rapport de présentation :
4. Il ressort des pièces du dossier que la société Durance Granulats n'a invoqué avant l'expiration du délai d'appel que des moyens relatifs à la légalité interne de la délibération du 12 mars 2019. Si elle a soulevé, dans son mémoire en réplique enregistré le 10 octobre 2022, le moyen tiré de l'insuffisance du rapport de présentation du plan local d'urbanisme, un tel moyen, relevant de la légalité externe, se rattache à une cause juridique distincte de celle des moyens invoqués avant l'expiration du délai d'appel et ne peut qu'être écarté comme irrecevable.
En ce qui concerne la compatibilité de la révision du plan local d'urbanisme avec le schéma de cohérence territoriale :
5. Selon l'article L. 131-4 du code de l'urbanisme : " Les plans locaux d'urbanisme et les documents en tenant lieu ainsi que les cartes communales sont compatibles avec : / 1° Les schémas de cohérence territoriale prévus à l'article L. 141-1 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 142-1 du même code : " Sont compatibles avec le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale : / 1° Les plans locaux d'urbanisme prévus au titre V du présent livre ; (...) ". Pour apprécier la compatibilité d'un plan local d'urbanisme avec un schéma de cohérence territoriale, il appartient au juge de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle de l'ensemble du territoire couvert et en prenant en compte l'ensemble des prescriptions du schéma, si le plan ne contrarie pas les objectifs imposés par le schéma, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans rechercher l'adéquation du plan à chaque disposition ou objectif particulier du schéma.
6. La commune de Cheval-Blanc est incluse dans le périmètre du schéma de cohérence territoriale du bassin de vie Cavaillon - Coustellet - Isle-sur-la-Sorgue, lequel a été approuvé par le syndicat mixte compétent le 20 novembre 2018. Le document d'orientation et d'objectifs de ce schéma s'articule autour de quatre orientations dont la première, visant à " consolider la qualité patrimoniale, paysagère, naturelle et environnementale du territoire ", se décline elle-même en plusieurs objectifs au nombre desquels l'objectif 1.3 ayant pour but de " préserver durablement les ressources naturelles et accompagner la transition énergétique ". Au sein de cet objectif, le paragraphe 1.3.2, intitulé " assurer une exploitation durable des matériaux du sous-sol ", prévoit notamment que : " A l'image des autres ressources naturelles, le SCOT s'inscrit dans une démarche de gestion durable des matériaux issus des carrières. Ainsi, les plans d'urbanisme locaux doivent reporter les périmètres d'exploitation potentielle de carrières définis dans le schéma départemental des carrières et dans le schéma régional des carrières. / (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que le territoire de la commune de Cheval-Blanc supportait deux installations de carrière à la date d'approbation de la révision en litige, à savoir la carrière dite de " La Grande Bastide " exploitée par la société requérante, et la carrière dite de " Cabedan ", gérée par un autre exploitant. Alors que le plan local d'urbanisme en vigueur avant la révision du 12 mars 2019 classait les périmètres respectifs de ces deux installations en zones naturelle Nci1 et agricole Ac, réservées à l'accueil des activités de carrière, le nouveau plan de zonage issu de la révision litigieuse classe les parcelles de la première carrière pour partie en zone urbaine UTL destinée à l'accueil d'activités touristiques et de loisirs et pour partie en zone naturelle Nev grevée d'un espace boisé classé, tandis que les parcelles de la seconde carrière se situent désormais dans la zone agricole A n'autorisant plus ce type d'utilisation du sol.
8. D'une part, la société requérante soutient que les dispositions ainsi retenues lors de la révision du plan local d'urbanisme sont incompatibles avec les énonciations du paragraphe 1.3.2 précité du document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale, dès lors que les auteurs de la révision n'ont ni intégré les périmètres d'exploitation potentielle définis par le schéma départemental des carrières de Vaucluse, ni pris en compte les carrières existantes lors de la fixation du nouveau zonage. Il est vrai que le schéma départemental des carrières de Vaucluse, approuvé par arrêté préfectoral du 20 janvier 2011, identifie les alluvions de la rivière Durance, au bord de laquelle se situe la commune de Cheval-Blanc, comme des " matériaux nobles " permettant notamment la production des enrobés, couches de roulement et bétons haute performance. Il est également vrai que la commune n'a pas reporté sur le document graphique de son plan local d'urbanisme les zones de " ressources potentielles alluvionnaires " définies par l'annexe 5-1 du schéma départemental des carrières. Toutefois, le seul constat de l'absence de report des périmètres d'exploitation potentielle et des carrières alors existantes ne saurait suffire pour caractériser une incompatibilité du plan local d'urbanisme avec le schéma de cohérence territoriale à l'échelle de son territoire, alors que le paragraphe 1.3.2 précité a d'ailleurs pour but principal de promouvoir une exploitation du sous-sol respectueuse de l'environnement.
9. D'autre part, il ressort des pièces du dossier et, en particulier, de l'avis rendu par le préfet de Vaucluse le 27 août 2018 sur le projet de révision litigieux que la cessation de l'exploitation de la carrière de " La Grande Bastide " était déjà programmée pour l'année 2021 à l'issue de la période de quinze années couverte par l'autorisation en cours et que l'autorisation de la carrière de " Cabedan " n'avait été prolongée en 2018 jusqu'en 2022 que pour permettre la remise en état du site en vue de son usage agricole. Les derniers alinéas du paragraphe 1.3.2 du document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale mentionnent à cet égard que " Les sites d'extractions dont l'exploitation est arrivée à terme devront être réaménagés qualitativement en tenant compte des objectifs de mise en valeur de la trame verte et bleue ou de la trame agricole " et que " S'agissant des carrières désaffectées, il convient de procéder à leur remise en état agricole (...), de favoriser leur réhabilitation et de tirer parti de leur potentiel environnemental, paysager, économique et social (vocations récréatives, touristiques...) ". Ainsi, les choix retenus par la commune de Cheval-Blanc pour le zonage des périmètres des carrières, tels que rappelés au point 7 du présent arrêt, sont de nature à participer à la réalisation des objectifs définis par le schéma de cohérence territoriale en vue du réaménagement et de la réhabilitation des anciennes zones d'extraction de matériaux.
10. Enfin, si la société requérante soutient que le maintien des carrières existantes serait nécessaire pour répondre aux besoins locaux et régionaux en " matériaux nobles ", une telle nécessité n'est pas corroborée par l'annexe 5-1 du schéma départemental des carrières, laquelle permet au contraire de constater que les capacités de production des installations autorisées restent excédentaires par rapport aux besoins, tant à l'échelle du département de Vaucluse que de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Compte tenu de tout ce qui précède, la société Durance Granulats n'établit pas que le plan local d'urbanisme de Cheval-Blanc, tel qu'approuvé par la délibération en litige, serait de nature à contrarier les orientations du schéma de cohérence territoriale du bassin de vie Cavaillon - Coustellet - Isle-sur-la-Sorgue. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompatibilité du plan local d'urbanisme avec ledit schéma doit être écarté.
En ce qui concerne le classement des parcelles du secteur de " La Grande Bastide " en zones UTL et UTLz du plan local d'urbanisme :
11. Il ressort des pièces du dossier que les auteurs de la révision litigieuse ont créé une vaste zone UTL, recouvrant l'essentiel du périmètre de la carrière de " La Grande Bastide " et notamment le plan d'eau n° 2 résultant des travaux d'extraction, ainsi qu'une partie des parcelles situées au nord de la carrière de l'autre côté de la route départementale n° 973. Le rapport de présentation précise que la zone UTL est destinée à accueillir des activités de loisirs dans ce secteur localisé à proximité de la Durance où se trouvent déjà un camping et un plan d'eau n° 1 utilisé pour les activités de pêche. Les auteurs de la révision en litige ont également institué un secteur UTLz, recouvrant le plan d'eau n° 1, en vue de préserver cette zone humide.
12. En premier lieu, aux termes de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. ". Pour apprécier la cohérence exigée entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables, il appartient au juge de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le plan, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs définis par les auteurs du document dans le projet d'aménagement et de développement durables, compte tenu de leur degré de précision. L'inadéquation d'une disposition du règlement à une orientation générale ou un objectif du projet d'aménagement et de développement durables ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations générales et objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre le règlement et ledit projet.
13. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Cheval-Blanc a notamment retenu dans le projet d'aménagement et de développement durables une orientation 1 visant à " développer l'urbanisation autour de la bipolarité de Cheval-Blanc " et une orientation 3 ayant pour objet de " maintenir une économie locale dynamique et diversifiée ". D'une part, si le secteur de " La Grande Bastide " est excentré par rapport aux deux pôles de développement de l'urbanisation identifiés par l'orientation 1 susmentionnée alors qu'il est proche du hameau de Saint-Ferréol où les auteurs du plan entendent stopper l'urbanisation, il ressort clairement des indications de ladite orientation qu'elle ne concerne que le développement de l'urbanisation à vocation principale d'habitat. Dès lors que le règlement de la zone UT n'autorise au sein des zones UTL et UTLz que la réalisation d'aménagements à vocation touristique et de loisirs, à l'exclusion de toute construction à usage d'habitat, les classements retenus pour les parcelles du secteur de " La Grande Bastide " n'apparaissent pas de nature à contrarier l'orientation 1 du projet d'aménagement et de développement durables. D'autre part, si l'orientation 3 de ce même projet vise à maintenir et développer les activités économiques sur le territoire communal et à permettre notamment l'évolution des activités existantes, les objectifs énoncés par les auteurs du plan à ce titre portent surtout sur les activités économiques de proximité et ne mentionnent pas l'activité de carrière. En outre, la même orientation 3 indique expressément que la commune souhaite " prévoir l'émergence d'un espace à vocation de loisirs en lien avec le plan d'eau de La Grande Bastide ", ce que vient confirmer la carte de synthèse présentée en dernière page du projet d'aménagement et de développement durables. Les zonages UTL et UTLz retenus pour le secteur de " La Grande Bastide " sont donc cohérents avec l'orientation 3 de ce projet. Par suite, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que le règlement du plan local d'urbanisme serait incohérent, sur ce point, avec le projet d'aménagement et de développement durables.
14. En deuxième lieu, selon l'article L. 562-1 du code de l'environnement : " I. - L'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations (...). / II. - Ces plans ont pour objet, en tant que de besoin : / 1° De délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle, notamment afin de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles, pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ; (...) ". Selon l'article L. 562-14 du même code : " Le plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé vaut servitude d'utilité publique. Il est annexé au plan local d'urbanisme, conformément à l'article L. 153-60 du code de l'urbanisme. ". Il résulte de ces dispositions que les prescriptions d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles, destinées notamment à assurer la sécurité des personnes et des biens exposés à un risque d'inondation et valant servitudes d'utilité publique, s'imposent directement aux autorisations d'urbanisme.
15. Il ressort des pièces du dossier que le plan de prévention des risques d'inondation de la basse vallée de la Durance applicable au territoire de la commune de Cheval-Blanc, approuvé par arrêté du préfet de Vaucluse du 3 juin 2016, classe l'essentiel des parcelles du secteur de " La Grande Bastide " en zone rouge exposée à un aléa fort ou en zone orange soumise à un aléa modéré. Le règlement du plan local d'urbanisme en litige applicable à la zone UT a cependant pris en compte le risque d'inondation existant dans ce secteur, non seulement en limitant les modes d'occupation et d'utilisation du sol autorisés en zones UTL et UTLz à des usages compatibles avec ce risque, mais également en subordonnant la réalisation des aménagements touristiques et de loisirs à la condition d'en minimiser les impacts hydrauliques et de faire l'objet d'un affichage et d'un plan de gestion de crise appropriés. Il ne ressort par ailleurs pas de la comparaison des règlements respectifs du plan de prévention des risques d'inondation et du plan local d'urbanisme que le second de ces règlements permettrait de réaliser au sein des zones UTL et UTLz des constructions ou des aménagements qui seraient interdits par le premier. En particulier et contrairement à ce que soutient la société requérante, le règlement du plan de prévention des risques d'inondation ne s'oppose ni aux aménagements et équipements sportifs, ni aux constructions et installations de service public. En tout état de cause, il a été précisé au point précédent que les prescriptions du plan de prévention des risques d'inondation sont directement opposables aux autorisations d'urbanisme et le préambule du règlement de la zone UT rappelle d'ailleurs expressément que lesdites prescriptions s'appliquent " en sus " des prescriptions du plan local d'urbanisme. Dans ces conditions, le classement des terrains en litige n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard du risque d'inondation.
16. En troisième lieu, aux termes des dispositions de l'article R. 123-5 du code de l'urbanisme en vigueur jusqu'au 1er janvier 2016, lesquelles sont applicables au présent litige en vertu du VI de l'article 12 du décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 susvisé : " Les zones urbaines sont dites "zones U". Peuvent être classés en zone urbaine, les secteurs déjà urbanisés et les secteurs où les équipements publics existants ou en cours de réalisation ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter. ". Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire couvert, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation des secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme. Leur appréciation peut être censurée par le juge lorsqu'elle repose sur des faits matériellement inexacts ou procède d'une erreur manifeste.
17. D'une part, ainsi qu'il a été indiqué au point 13 du présent arrêt, le classement du secteur de " La Grande Bastide " en zones UTL et UTLz s'inscrit dans le parti d'aménagement retenu par la commune de Cheval-Blanc pour la révision de son plan local d'urbanisme. D'autre part, le projet de reconversion du site en espace touristique et de loisirs après la cessation de l'activité de carrière est cohérent eu égard à la présence du plan d'eau n° 2 et à la proximité de la rivière, du camping et du plan d'eau n° 1. Si la société appelante relève que le secteur en cause n'est pas desservi par le réseau public d'assainissement collectif, l'article UT 4 du règlement de la zone UT impose de traiter et d'évacuer les eaux et les matières usées ou résiduaires dans des systèmes d'assainissement non collectifs conformes à la règlementation sanitaire. En outre, le site de " La Grande Bastide " est desservi par l'ensemble des autres réseaux, ainsi que par une route départementale. Dès lors, les auteurs de la révision litigieuse n'ont commis aucune erreur manifeste d'appréciation en classant les parcelles concernées en zones UTL et UTLz.
18. Il résulte de tout ce qui précède que la société Durance Granulats n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des délibérations des 12 mars 2019 et 25 juin 2019.
Sur les frais liés au litige :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Cheval-Blanc, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée par la société requérante au titre des frais non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Durance Granulats le versement d'une somme de 1 500 euros à la commune de Cheval-Blanc sur le fondement de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Durance Granulats est rejetée.
Article 2 : La société Durance Granulats versera une somme de 1 500 euros à la commune de Cheval-Blanc au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Durance Granulats et à la commune de Cheval-Blanc.
Copie en sera adressée à la préfète de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 5 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 octobre 2023.
Le rapporteur,
F. JazeronLe président,
D. Chabert
La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne à la préfète de Vaucluse, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21TL01543