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17/10/2023 | FRANCE | N°22TL00308

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 3ème chambre, 17 octobre 2023, 22TL00308


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière Lois a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler le titre exécutoire n° 001284 du 7 août 2020 émis par le maire de Carcassonne ainsi que la décision de rejet de sa réclamation du 29 octobre 2020 et d'être déchargée de la somme de 24 001,46 euros mise à sa charge par ce titre exécutoire.

Par un jugement n° 2006071 du 23 novembre 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête du 24 janvier 2022, enregistrée à la cour administ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière Lois a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler le titre exécutoire n° 001284 du 7 août 2020 émis par le maire de Carcassonne ainsi que la décision de rejet de sa réclamation du 29 octobre 2020 et d'être déchargée de la somme de 24 001,46 euros mise à sa charge par ce titre exécutoire.

Par un jugement n° 2006071 du 23 novembre 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête du 24 janvier 2022, enregistrée à la cour administrative d'appel de Marseille, puis réenregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, la société Lois représentée par Me Guin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 novembre 2021 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler le titre exécutoire n° 001284 du 7 août 2020 ainsi que la décision de rejet de sa réclamation du 29 octobre 2020 ;

3°) d'être déchargée de l'obligation de payer la somme de 24 001 46 euros ;

4°) à titre subsidiaire, la désignation d'un expert ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Carcassonne la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- si le titre exécutoire comporte la signature de l'adjoint au maire, la commune ne justifie pas de la délégation de signature qui lui aurait été accordée ;

- l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 prévoit que toute créance liquidée doit indiquer les bases de liquidation ; en l'espèce, s'il a été procédé avant l'émission du titre exécutoire à l'envoi d'une lettre explicative quant au montant de la créance devant être supportée par les copropriétaires, il existe une différence qui n'a pas été justifiée de 35 536,44 euros toutes taxes comprises entre le montant des travaux annoncé dans la lettre du 18 avril 2019 et les montants des travaux prévus ou réalisés communiqués dans la lettre du 16 juillet 2020 ;

- les travaux ont été réalisés sans intervention d'un arrêté de péril complémentaire et sans mise en œuvre d'une procédure contradictoire ; la commune a réalisé des travaux sans l'avertir de leur étendue ;

- ces travaux ont été réalisés en méconnaissance de l'arrêté de péril du 18 juin 2015 dès lors que cet arrêté ne prévoit pas tous les travaux qui sont mis à sa charge, et qu'aucun arrêté complémentaire n'a été pris ;

- il n'a pas été appliqué le taux de taxe à la valeur ajoutée de 10 % prévu par l'article 279-0 bis du code général des impôts, soit le taux réduit qui s'applique aux travaux facturés aux propriétaires, dans le cadre d'une procédure de péril.

Par un mémoire en défense du 21 mars 2022, la commune de Carcassonne, représentée par le cabinet Richer et associés droit public, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce qu'un expert soit désigné, et à ce qu'il soit mis à la charge de la société civile immobilière Lois la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Un mémoire a été produit le 26 septembre 2023 pour la société civile immobilière Lois mais n'a pas été communiqué

Par une ordonnance du 22 août 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 26 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général des impôts ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Françoise Perrin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière Lois est propriétaire d'un appartement au sein d'une copropriété se trouvant au 19 rue Aimé Ramond à Carcassonne. Le maire de Carcassonne a pris un arrêté de péril ordinaire le 18 juin 2015 et, après avoir constaté, le 25 mars 2019, à la suite de la mise en demeure qui leur a été adressée le 13 avril 2016, la carence des propriétaires à réaliser les travaux prescrits par cet arrêté, les a informés de ce que la commune réaliserait les travaux en question à leur place, en mettant leur coût à la charge des copropriétaires. Par un avis de sommes à payer du 7 août 2020, il a été mis à la charge de la société précitée la somme de 24 001,46 euros.

2. Par la présente requête, la société Lois relève appel du jugement du 23 novembre 2021, par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre exécutoire du 7 août 2020 ainsi qu'à celle de la décision de rejet de sa réclamation, et à ce qu'il lui soit accordé la décharge de l'obligation de payer la somme de 24 001,46 euros, et, à titre subsidiaire, la désignation d'un expert.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " (...) En application des articles L. 111-2 et L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration,, le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif mentionne les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis ainsi que les voies et délais de recours. / Seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation (...) ".

4. S'il résulte de ces dispositions que le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif adressé au redevable doit mentionner les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis, en cas de contestation, l'autorité administrative peut justifier que le bordereau de titre de recettes comporte la signature de l'émetteur.

5. En l'espèce, le titre exécutoire du 7 août 2020 n'indique ni le nom, ni le prénom, ni la signature de son auteur. Toutefois, le bordereau de recettes produit par la commune porte, comme l'a relevé la première juge, le nom, le prénom, et la signature électronique, dont le certificat est validé par l'inspecteur des finances publiques signataire du bordereau, de M. A..., adjoint au maire, et délégué aux finances. La commune a par ailleurs produit la délégation de signature accordée le 3 juillet 2020 à M. A..., adjoint au maire, et délégué aux finances, pour signer les " mandatements, bordereaux, titres de recettes ", cette délégation indiquant sa réception par le préfet et son affichage, le 4 juillet 2020.

6. En second lieu, aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation ". Pour satisfaire à ces dispositions, un état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.

7. Il résulte de l'instruction que si le titre exécutoire du 7 août 2020, qui se borne à mentionner " Travaux d'office 19 rue Aimé Ramond " et que la somme de 24 001,46 euros était mise à la charge de la société Lois, n'indique pas en lui-même les bases de la liquidation, ces dernières ont été portées à la connaissance de l'appelante par la lettre qui lui a été adressée le 16 juillet 2020, laquelle lui rappelle qu'elle est propriétaire du lot 5 et détient 280/1000èmes de la copropriété, et que la somme de 24 001,46 euros mise à sa charge est déterminée en fonction du montant des travaux et contrôles, dont la part lui incombant est de 22 223,57 euros, à laquelle s'ajoute la somme de 1 777,89 euros correspondant à l'application d'un montant forfaitaire de 8 %. Cette lettre donne, de plus, le détail et le montant des travaux réalisés dans le cadre de la procédure de péril ordinaire et est accompagnée de factures. Dès lors, le titre contesté satisfait aux dispositions précitées de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012, sans qu'y fasse obstacle la différence de 35 536,44 euros toutes taxes comprises entre le montant des travaux annoncé dans la lettre du 18 avril 2019 faisant suite au constat de carence du 25 mars 2019 dressé à la suite de la mise en demeure qui lui a été adressée le 13 avril 2016, et le montant des travaux indiqués dans la lettre du 16 juillet 2020.

En ce qui concerne le bien-fondé de la créance en litige :

8. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable en l'espèce: " Le maire peut prescrire la réparation ou la démolition des murs, bâtiments ou édifices quelconques lorsqu'ils menacent ruine et qu'ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, d'une façon générale, ils n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique, dans les conditions prévues à l'article L. 511-2 (...) ". Selon l'article L. 511-2 du même code, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " I. -Le maire, à l'issue d'une procédure contradictoire dont les modalités sont définies par décret en Conseil d'État, met le propriétaire de l'immeuble menaçant ruine, et le cas échéant les personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L. 511-1-1, en demeure de faire dans un délai déterminé, selon le cas, les réparations nécessaires pour mettre fin durablement au péril ou les travaux de démolition, ainsi que, s'il y a lieu, de prendre les mesures indispensables pour préserver les bâtiments contigus (...) IV. ' Lorsque l'arrêté de péril n'a pas été exécuté dans le délai fixé, le maire met en demeure le propriétaire d'y procéder dans un délai qu'il fixe et qui ne peut être inférieur à un mois. A défaut de réalisation des travaux dans le délai imparti, le maire, par décision motivée, fait procéder d'office à leur exécution (...) Lorsque la commune se substitue au propriétaire défaillant et fait usage des pouvoirs d'exécution d'office qui lui sont reconnus, elle agit en lieu et place des propriétaires, pour leur compte et à leurs frais (...) " Aux termes de l'article L. 511-4 du même code : " Les frais de toute nature, avancés par la commune lorsqu'elle s'est substituée aux propriétaires ou copropriétaires défaillants, en application des dispositions des articles L. 511-2 et L. 511-3, sont recouvrés comme en matière de contributions directes. Si l'immeuble relève du statut de la copropriété, le titre de recouvrement est adressé à chaque copropriétaire pour la fraction de créance dont il est redevable ". Aux termes de l'article R. 511-5 de ce code , dans sa rédaction applicable en l'espèce : " La créance de la commune sur les propriétaires ou exploitants née de l'exécution d'office des travaux prescrits en application des articles L. 511-2 et L. 511-3 comprend le coût de l'ensemble des mesures que cette exécution a rendu nécessaires, notamment celui des travaux destinés à assurer la sécurité de l'ouvrage ou celle des bâtiments mitoyens, les frais exposés par la commune agissant en qualité de maître d'ouvrage public et, le cas échéant, la rémunération de l'expert nommé par le juge administratif ".

9. Si l'appelante fait valoir que les travaux effectivement réalisés ne correspondent pas à ceux qui étaient prévus initialement par l'arrêté de péril ordinaire du 18 juin 2015, et qu'il existe un écart entre le montant des travaux de 35 536,44 euros toutes taxes comprises annoncé dans la lettre du 18 avril 2019 faisant suite au constat de carence du 25 mars 2019, et le montant des travaux réalisés communiqué dans la lettre du 16 juillet 2020, il ne résulte pas de l'instruction, ainsi que l'a considéré à bon droit la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier, que les travaux exécutés n'ont pas, au regard des dispositions précitées du code de la construction et de l'habitation et notamment de celles de l'article R. 511-5 de ce code, été rendus nécessaires pour faire cesser le péril.

10. En second lieu, si la commune a conclu, le 24 novembre 2019, un protocole transactionnel avec l'architecte en charge de la maîtrise d'œuvre en vertu duquel, en son article 2, la commune renonce à l'exécution de différents travaux sur l'immeuble concerné, prévus dans le cadre de la procédure de péril imminent frappant cet immeuble, il ne résulte pas de l'instruction que les travaux à raison desquels la somme de 24 001,46 euros a été mise à la charge de la société Lois incluraient ceux visés par ce protocole du 24 novembre 2019.

Sur le taux de taxe sur la valeur ajoutée applicable :

11. Aux termes de l'article 279-0 bis du code général des impôts : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 10 % sur les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien autres que ceux mentionnés à l'article 278-0 bis A portant sur des locaux à usage d'habitation, achevés depuis plus de deux ans...3. Le taux réduit prévu au 1 est applicable aux travaux facturés au propriétaire ou, le cas échéant, au syndicat de copropriétaires, au locataire, à l'occupant des locaux ou à leur représentant à condition que le preneur atteste que ces travaux se rapportent à des locaux d'habitation achevés depuis plus de deux ans et ne répondent pas aux conditions mentionnées au 2 (...) ".

12. Si en vertu des dispositions du 3 de l'article 279-0-bis du code général des impôts le taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée s'applique aux travaux facturés aux propriétaires, ou syndicats de copropriétaires, locataires ou occupants des locaux ou leur représentant, le coût des travaux litigieux, dès lors qu'ils étaient facturés à la commune de Carcassonne, qui n'agissait pas en qualité de représentante des propriétaires, a été régulièrement grevé du taux normal de taxe sur la valeur ajoutée.

13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il y ait lieu dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Lois à titre subsidiaire tendant à la désignation d'un expert, que cette dernière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. La commune de Carcassonne n'étant pas partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par la société Lois sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Lois la somme de 1 500 euros, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, au bénéfice de la commune de Carcassonne.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par la société Lois est rejetée.

Article 2 : La société civile immobilière Lois versera à la commune de Carcassonne la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Lois et à la commune de Carcassonne.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2023.

Le rapporteur

P. Bentolila

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet de l'Aude en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22TL00308

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL00308
Date de la décision : 17/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-001-02 Police. - Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : CABINET RICHER et ASSOCIES DROIT PUBLIC

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-10-17;22tl00308 ?
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