Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2103343 du 17 juin 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la requête de M. A....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 janvier 2023, M. A..., représenté par Me Tercero, demande à la cour :
1°) avant-dire droit, d'ordonner au préfet de la Haute-Garonne ou à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de produire tous éléments relatifs à la procédure suivie dans le cadre de l'avis du collège des médecins de l'Office ;
2°) d'annuler ce jugement ;
3°) d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2020 ;
4°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer le titre de séjour prévu par l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de deux mois à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) d'enjoindre, à titre subsidiaire, au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois à compter de la décision à intervenir ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros hors taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- le jugement a insuffisamment motivé sa réponse au moyen tiré du défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;
- la décision portant refus de titre séjour est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;
- l'arrêté préfectoral est entaché d'un vice de procédure tenant à l'irrégularité de l'avis rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur lequel il se fonde, en raison de la méconnaissance des articles L. 425-9 et R. 425-11 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 4 de l'ordonnance du 6 novembre 2014 et de l'article 6 de l'arrêté tenant au respect de la contemporanéité des échanges entre les médecins membres de ce collège ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du même code dès lors que son état de santé nécessite une prise en charge médicale, qu'en son absence des conséquences d'une exceptionnelle gravité peuvent apparaître et qu'il lui est impossible de bénéficier d'une telle prise en charge au Tchad, pays où ont eu lieu les événements traumatisants initiaux ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont entachées d'une méconnaissance de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 12 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 5 juillet 2023.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 décembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'ordonnance n° 2004-1329 du 6 novembre 2014 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Barthez,
- et les observations de Me Tercero, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A..., ressortissant tchadien né le 19 janvier 1977, a sollicité, le 16 février 2016, peu après son arrivée en France, son admission à l'asile ainsi que, le 14 novembre 2016, son admission au séjour en qualité d'étranger malade. Ses demandes ont été rejetées et l'intéressé a fait l'objet, le 9 novembre 2017, d'un arrêté du préfet de la Haute-Garonne portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, et les recours contre cet arrêté ont été rejetés par le tribunal administratif et par la cour administrative d'appel. Le 27 mai 2019, M. A... a de nouveau sollicité son admission au séjour en France en qualité d'étranger malade. A la suite d'une interpellation par les services de gendarmerie dans le cadre d'une opération aux fins de vérification de son droit au séjour ou de circulation, l'intéressé a fait l'objet d'un arrêté du préfet du Lot portant obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois, annulé par le tribunal administratif par un jugement en date du 26 décembre 2019. Dans le cadre de l'exécution de cette décision de justice, l'intéressé s'est vu délivrer, le 22 juin 2020, une autorisation provisoire de séjour et il a sollicité son admission au séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté en date du 24 décembre 2020, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de faire droit à sa demande et a également pris à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français. M. A... fait appel du jugement du 17 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". En indiquant au point 2 du jugement attaqué qu'il ne ressortait ni des pièces du dossier ni des termes de la décision attaquée que le préfet de la Haute-Garonne n'aurait pas examiné la situation personnelle de M. A..., le tribunal administratif de Toulouse a répondu, de manière suffisante, au moyen qui était ainsi soulevé devant lui.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation de M. A... par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 2 du jugement attaqué.
4. En deuxième lieu, l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". L'article R. 313-22 du même code, alors en vigueur, dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code, alors en vigueur : " (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle (...) ". L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 précédemment visé dispose que : " (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que l'avis du 21 octobre 2020 du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a été signé par les trois médecins composant ce collège, qu'il indique leurs noms, ce qui permet ainsi leur identification, et qu'il porte la mention suivante : " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant ". Les indications sur les modalités d'organisation du délibéré des médecins, contenues dans une lettre que l'Office français de l'immigration et de l'intégration a adressée à une autre juridiction concernant un autre avis, sont par elles-mêmes sans incidence sur le présent litige. La circonstance, invoquée par M. A..., que les médecins travaillent dans des régions différentes ne permet pas de présumer qu'une délibération collégiale n'aurait pu avoir lieu, les dispositions précédemment citées de l'article R. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyant d'ailleurs la possibilité d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. En tout état de cause, les médecins signataires de l'avis ne sont pas tenus, pour répondre aux questions posées dans le cadre de l'avis, de procéder à des échanges entre eux, l'avis résultant de la réponse apportée par chacun à des questions auxquelles la réponse ne peut être qu'affirmative ou négative. Par suite, la circonstance que, dans certains cas, ces réponses n'aient pas fait l'objet d'échanges, oraux ou écrits, est sans incidence sur la légalité de la décision prise par le préfet au vu de cet avis.
6. En tout état de cause, il ne ressort pas de pièces du dossier que le respect de la confidentialité des échanges vis-à-vis des tiers n'aurait pas été respecté et, ainsi, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la procédure suivie ne respecte pas les dispositions de l'article 4 de l'ordonnance du 6 novembre 2014 relative aux délibérations à distance des instances administratives à caractère collégial. Par suite, sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'instruction, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé de la garantie tirée du caractère collégial de la délibération du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Ainsi le moyen tiré de l'irrégularité de cet avis entachant la décision du préfet de la Haute-Garonne d'une illégalité doit être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".
8. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.
9. Il ressort des pièces du dossier que la décision du préfet de la Haute-Garonne refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. A... sur le fondement des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été prise après avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration rendu le 21 octobre 2020 selon lequel, si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Pour remettre en cause cet avis, M. A..., qui a levé le secret médical, produit principalement des certificats médicaux émanant d'un seul médecin psychiatre à partir de l'année 2019 qui font état de troubles psychiatriques pouvant entraîner, de manière imprévisible et à brève échéance, des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Toutefois, il ne ressort pas de ces seuls certificats, qui ne comportent pas d'éléments précis, que l'appréciation portée par le collège des médecins de l'Office serait inexacte et que l'absence de soins pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité.
10. En outre, M. A... indique que l'origine de ses troubles psychiatriques se trouve dans les traumatismes qu'il aurait subis dans son pays d'origine. Néanmoins, il n'apporte, au soutien de cette allégation, aucun élément nouveau et les médecins, dans les certificats qu'ils ont signés sur ce point, ont indiqué qu'ils se bornaient à rappeler les propos tenus devant eux par M. A.... Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. L'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, dispose que : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ". Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 9 et 10 du présent jugement, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Garonne aurait méconnu ces dispositions en l'obligeant à quitter le territoire français.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
12. Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
13. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 10 du présent arrêt, M. A... ne justifie pas de la réalité des risques qu'il allègue encourir, compte tenu de son état de santé, en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'instruction concernant la procédure suivie devant l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent également être rejetées ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. C... A..., à Me Flor Tercero et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 28 septembre 2023, où siégeaient :
- M. Barthez, président,
- M. Lafon, président assesseur,
- Mme Restino, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2023.
Le président-rapporteur,
A. BarthezL'assesseur le plus ancien
dans l'ordre du tableau,
N. Lafon
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°23TL00162 2