La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/10/2023 | FRANCE | N°21TL03474

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 12 octobre 2023, 21TL03474


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Logistri Méditerranée a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la restitution, d'une part, d'une somme totale de 289 802 euros correspondant au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi dont elle s'estimait titulaire au titre des années 2013, 2014 et 2015, d'autre part, d'une somme de 180 859 euros correspondant à des excédents d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 juillet 2013, 2014 et 2015.

Par un j

ugement n° 1904164 du 14 juin 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Logistri Méditerranée a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la restitution, d'une part, d'une somme totale de 289 802 euros correspondant au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi dont elle s'estimait titulaire au titre des années 2013, 2014 et 2015, d'autre part, d'une somme de 180 859 euros correspondant à des excédents d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 juillet 2013, 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1904164 du 14 juin 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 août 2021 sous le n° 21MA03474 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL03474 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire complémentaire enregistré le 24 avril 2023, la société Logistri Méditerranée, représentée par Me Sérée de Roch, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la restitution, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, d'une somme totale de 419 603 euros correspondant au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi dont elle s'estime titulaire au titre des années 2013, 2014, 2015 et 2016 ;

3°) de prononcer la restitution, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, d'une somme de 211 288 euros correspondant aux excédents d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 juillet 2013, 2014, 2015 et 2016 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance était recevable dès lors que ses conclusions en restitution d'excédents d'impôt sur les sociétés, qui ne relèvent pas du contentieux du recouvrement, ont été précédées d'une réclamation préalable ;

- le II de l'article 199 ter C du code général des impôts la dispensait de l'obligation d'introduire une réclamation préalable ;

- ses réclamations n'étaient pas tardives ou prescrites et leur irrégularité, tirée du défaut de signature, pouvait être régularisée ;

- en ne se prononçant pas sur le moyen tiré du défaut de tardiveté des demandes de restitution du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, les premiers juges ont statué infra petita ;

- le bien-fondé de ses conclusions est confirmé par le contenu de la réponse aux observations du contribuable qui lui a été adressée le 18 février 2022, dont il découle, d'une part, qu'elle justifie d'une créance d'impôt sur les sociétés à hauteur de 211 288 euros, d'autre part, qu'elle détient, au titre des années 2013, 2014, 2015 et 2016, un crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi s'élevant respectivement à 50 682 euros, 102 730 euros, 136 390 euros et 129 801 euros.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 16 décembre 2021 et le 12 mai 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions tendant à la restitution du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi au titre de l'année 2016 sont nouvelles en appel et donc irrecevables ;

- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, une compensation peut être réalisée s'agissant de la demande de restitution correspondant au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi dont la société s'estime titulaire au titre de l'année 2014.

Par ordonnance du 26 avril 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 8 juin 2023.

Par une lettre du 14 septembre 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la société Logistri Méditerranée tendant au remboursement d'un trop-payé d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2016, qui sont présentées directement devant la cour et donc nouvelles en appel.

Par un mémoire, enregistré le 15 septembre 2023, la société Logistri Méditerranée a présenté des observations en réponse à la mesure d'information du 14 septembre 2023.

Par un mémoire, enregistré le 15 septembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a présenté des observations en réponse à la mesure d'information du 14 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 6 août 2008 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lafon,

- et les conclusions de M. Clen, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Logistri Méditerranée, qui a pour objet le tri et le conditionnement de fruits et légumes à destination de grossistes, fait appel du jugement du 14 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la restitution, d'une part, d'une somme totale de 289 802 euros correspondant au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi dont elle s'estime titulaire au titre des années 2013, 2014 et 2015, d'autre part, d'une somme de 180 859 euros correspondant à des excédents d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 juillet 2013, 2014 et 2015. La société demande également la restitution d'une somme complémentaire de 129 801 euros correspondant au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi qu'elle revendique au titre de l'année 2016, ainsi que le remboursement d'un trop-payé d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 31 juillet 2016.

Sur la recevabilité de l'appel :

2. Il résulte de l'instruction que le tribunal administratif de Montpellier, dans le cadre de l'instance ayant donné lieu au jugement contesté, n'a pas été saisi de conclusions tendant à la restitution de la somme complémentaire de 129 801 euros correspondant au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi dont la société Logistri Méditerranée s'estime titulaire au titre de l'année 2016. Il n'a pas davantage été saisi d'une demande de restitution d'excédents d'impôt sur les sociétés auquel la société requérante a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 juillet 2016. Par suite, les conclusions correspondantes présentées devant la cour sont nouvelles en appel et donc irrecevables.

Sur la régularité du jugement :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales : " Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial, selon le cas, de la direction générale des finances publiques ou de la direction générale des douanes et droits indirects dont dépend le lieu de l'imposition (...) ". Le deuxième alinéa de l'article R. 200-2 du même livre dispose que : " Le demandeur ne peut contester devant le tribunal administratif des impositions différentes de celles qu'il a visées dans sa réclamation à l'administration ". Il résulte de ces dispositions que le contribuable ne peut ni contester des cotisations différentes de celles qu'il a visées dans sa réclamation, ni prétendre à un dégrèvement supérieur au montant du dégrèvement demandé dans sa réclamation.

4. La société Logistri Méditerranée a déposé, le 31 décembre 2018, trois demandes de restitution de crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi au titre des années 2013, 2014 et 2015, pour des montants respectifs de 49 111 euros, 99 297 euros et 114 542 euros. Le crédit d'impôt de 2015 a fait l'objet, le 28 mars 2019, d'une demande de restitution rectificative, portée à 136 390 euros. Ces demandes ont constitué des réclamations au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales. Il ne résulte pas de l'instruction qu'une réclamation complémentaire, portant sur le remboursement d'un trop-payé d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos les 31 juillet 2013, 2014 et 2015, à hauteur de 180 859 euros, aurait été adressée à l'administration fiscale, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales. A ce titre, la société requérante n'apporte pas la preuve de la présentation de la réclamation datée du 26 juillet 2019 qu'elle verse au dossier. Il en résulte que les premiers juges ont pu rejeter les conclusions correspondantes comme irrecevables sans entacher leur jugement d'irrégularité.

5. En second lieu, pour rejeter les conclusions de la société Logistri Méditerranée relatives au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, les premiers juges ont estimé qu'elle n'établissait pas qu'elle était bénéficiaire d'un montant de crédit d'impôt supérieur à celui admis par l'administration fiscale. Dès lors que ce seul motif justifiait le rejet de ces conclusions, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'irrégularité en ne se prononçant pas sur le moyen tiré du défaut de tardiveté des demandes de restitution correspondantes.

Sur le bien-fondé du jugement :

6. D'une part, aux termes de l'article 244 quater C du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I.- Les entreprises (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt ayant pour objet le financement de l'amélioration de leur compétitivité à travers notamment des efforts en matière d'investissement, de recherche, d'innovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés, de transition écologique et énergétique et de reconstitution de leur fonds de roulement. L'entreprise retrace dans ses comptes annuels l'utilisation du crédit d'impôt conformément aux objectifs mentionnés à la première phrase (...) / II.- Le crédit d'impôt mentionné au I est assis sur les rémunérations que les entreprises versent à leurs salariés au cours de l'année civile (...) ".

7. D'autre part, aux termes de l'article 199 ter C du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I.- Le crédit d'impôt défini à l'article 244 quater C est imputé sur l'impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l'année au cours de laquelle les rémunérations prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt ont été versées. L'excédent de crédit d'impôt constitue, au profit du contribuable, une créance sur l'Etat d'égal montant. Cette créance est utilisée pour le paiement de l'impôt sur le revenu dû au titre des trois années suivant celle au titre de laquelle elle est constatée, puis, s'il y a lieu, la fraction non utilisée est remboursée à l'expiration de cette période. (...) II.- La créance mentionnée au premier alinéa du I est immédiatement remboursable lorsqu'elle est constatée par l'une des entreprises suivantes : / 1° Les entreprises qui satisfont à la définition des micro, petites et moyennes entreprises donnée à l'annexe I au règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 6 août 2008 déclarant certaines catégories d'aide compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (Règlement général d'exemption par catégorie) (...) ". L'article 220 C du même code dispose que : " Le crédit d'impôt défini à l'article 244 quater C est imputé sur l'impôt sur les sociétés dû par l'entreprise dans les conditions prévues à l'article 199 ter C ".

8. En premier lieu, il résulte des relevés de liquidation définitive versés au dossier et établis par l'administration fiscale au titre des exercices clos les 31 juillet 2014 et 2015, à partir de données mises à jour le 28 novembre 2019 et le 8 décembre 2019, que la société Logistri Méditerranée a bénéficié de l'imputation, sur les cotisations correspondantes d'impôt sur les sociétés, des sommes respectives de 49 111 euros et de 111 943 euros au titre du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi des années 2013 et 2014. Le contenu de ces relevés n'est pas remis en cause par les montants reconstitués dans une réponse aux observations du contribuable qui a été adressée à la société le 18 février 2022 pour établir sa créance sur le Trésor au 1er janvier 2022. Par ailleurs, la société requérante n'établit pas que le montant du crédit d'impôt constitué au titre de l'année 2013 s'élèverait à 50 682 euros. Elle a, en outre, obtenu, le 5 juin 2019, la restitution complémentaire d'une somme de 71 080 euros au titre du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi de l'année 2014. Dans ces conditions, la société Logistri Méditerranée ne peut en tout état de cause réclamer le remboursement des crédits d'impôt pour la compétitivité et l'emploi dont elle s'estime titulaire au titre des années 2013 et 2014, à hauteur des sommes respectives de 50 682 euros et de 102 730 euros.

9. En second lieu, il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a retenu que la société Logistri Méditerranée était titulaire, au titre de l'année 2015, d'un crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi s'élevant à 93 333 euros, en prenant en compte une base salariale employée de 1 555 546 euros, conformément aux données sociales communiquées par les services chargés du recouvrement des cotisations sociales. La société requérante, qui n'a pas répondu à la demande du service tendant à la production d'une attestation de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales destinée à justifier une base salariale déclarée de 2 273 166 euros, n'apporte aucun élément permettant d'établir l'existence d'un crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi de 136 390 euros au titre de l'année 2015. Elle ne critique d'ailleurs pas le motif opposé sur ce point par l'administration fiscale, qui admet, compte tenu d'une cotisation d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 31 juillet 2016 s'élevant à 78 467 euros et de l'imputation correspondante, l'existence d'une somme de 14 866 euros de crédit d'impôt à restituer. A défaut de contestation sur ce point, la société requérante n'est pas fondée à réclamer une quelconque restitution au titre du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi au titre de l'année 2015.

10. Il résulte de ce qui précède que la société Logistri Méditerranée n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par la société Logistri Méditerranée est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Logistri Méditerranée et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2023, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2023.

Le rapporteur,

N. Lafon

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°21TL03474 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21TL03474
Date de la décision : 12/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-04 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. - Établissement de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Nicolas LAFON
Rapporteur public ?: M. CLEN
Avocat(s) : SEREE DE ROCH

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-10-12;21tl03474 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award