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05/10/2023 | FRANCE | N°22TL21307

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 4ème chambre, 05 octobre 2023, 22TL21307


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 14 juin 2021, par lequel la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination.

Par un jugement n° 2103469 du 8 février 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 ju

in 2022 et 15 mars 2023, Mme B..., représenté par Me Girondon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 14 juin 2021, par lequel la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination.

Par un jugement n° 2103469 du 8 février 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 juin 2022 et 15 mars 2023, Mme B..., représenté par Me Girondon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 juin 2021 de la préfète du Gard ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Gard de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou à tout le moins, de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au profit de son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de l'erreur de droit tenant à ne pas avoir examiner sa demande d'admission exceptionnelle au séjour ;

- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré du vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet n'a pas examiné sa demande d'admission exceptionnelle au séjour ;

- elle est entachée d'un vice de procédure en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des stipulations du 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien dès lors que la condition de régularité du séjour ne pouvait pas lui être opposée ;

- elle méconnaît les stipulations du 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales ;

- elle est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 04 novembre 2022, la préfète du Gard conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par Mme B... n'est fondé.

Par ordonnance du 23 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 16 mars 2023.

Mme B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Lasserre, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante algérienne née le 3 août 1967, déclare être entrée en France en août 2010. Elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 1° de l'accord franco-algérien susvisé. Par un arrêté du 14 juin 2021, la préfète du Gard a rejeté cette demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 8 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier que, comme le soutient à juste titre Mme B..., le tribunal administratif a omis de se prononcer sur les moyens soulevés en première instance et tirés de ce que la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure du fait de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour et de l'erreur de droit commise par la préfète en n'examinant pas son droit au séjour au regard de son pouvoir général de régularisation. Ces moyens n'étaient pas inopérants. Par suite, Mme B... est fondée à soutenir que le jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision est irrégulier et, à en demander l'annulation.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par Mme B... devant le tribunal administratif de Nîmes tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour, et de statuer, par la voie de l'effet dévolutif, sur les conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination.

Sur les conclusions en annulation :

4. Il résulte des termes de l'arrêté attaqué que la préfète du Gard n'a pas examiné la demande subsidiaire de Mme B... d'admission exceptionnelle au séjour dans sa demande de titre de séjour jointe au document CERFA de demande. Si les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux demandes d'admission exceptionnelle au séjour ne sont pas applicables aux ressortissants algériens dès lors que la situation de ces derniers est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, cette circonstance ne saurait justifier que la préfète n'examine pas cette demande dès lors qu'il lui appartient, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont elle dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressée, l'opportunité d'une mesure de régularisation. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que l'arrêté du 14 juin 2021 est entaché d'une erreur de droit en l'absence d'examen de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants :/ (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ".

6. Faute d'avoir examiné la demande de titre de séjour dont elle était saisie sur l'ensemble de ces fondements, la préfète du Gard ne pouvait obliger l'intéressée à quitter le territoire français, en application des dispositions précitées du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 14 juin 2021 portant refus de titre de séjour et, par voie de conséquence, à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant son pays de destination.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". L'article L. 911-2 du même code prévoit que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ". Aux termes de son article L. 911-3 : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ".

9. Eu égard aux motifs retenus par le présent arrêt et seuls susceptibles de l'être, l'exécution de cet arrêt implique seulement le réexamen de la demande d'admission exceptionnelle au séjour de Mme B.... Il y a lieu, en conséquence, d'enjoindre au préfet du Gard de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

10. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Girondon, avocate de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Girondon de la somme de 1 200 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes n° 2103469 du 8 février 2022 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 14 juin 2021 par lequel la préfète du Gard a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme B..., l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Gard de procéder au réexamen de la situation de Mme B... et de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'État versera à Me Girondon une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Girondon renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 5 : Le surplus de la demande de première instance de Mme B... et le surplus de ses conclusions en appel est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., Me Girondon, au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet du Gard.

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

Mme Lasserre, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2023.

La rapporteure,

N. Lasserre

Le président,

D. ChabertLa greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 22TL21307


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21307
Date de la décision : 05/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: Mme Nathalie LASSERRE
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : GIRONDON

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2023-10-05;22tl21307 ?
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