Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... alias A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2021 par lequel le préfet de Vaucluse l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Par un jugement n°2103939 du 22 décembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 mars 2022 et le 15 décembre 2022, M. B... alias A..., représenté par Me Girondon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 novembre 2021 du préfet de Vaucluse ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au profit de son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention de new York sur les droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'un défaut de base légale ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant refus de délai de départ volontaire est entachée d'un défaut de base légale ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant un délai d'un an est entachée d'un défaut de base légale ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est disproportionnée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par ordonnance du 15 décembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 5 janvier 2023.
M. B... alias A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de New York sur les droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Lasserre, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 19 novembre 2021, le préfet de Vaucluse a prononcé à l'encontre de M. B... alias A..., de nationalité serbe, une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant son pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. B... alias A... relève appel du jugement du 22 décembre 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions en annulation :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; / (...) 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de Vaucluse s'est fondé sur les 3° et 5 ° de l'article L. 611-1 précité pour obliger M. B... alias A... à quitter le territoire français. S'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé s'est vu refuser un titre de séjour par décision du 27 janvier 2021, la seule circonstance qu'il serait " défavorablement connu pour divers délits " et qu'il a " été interpellé dans le cadre d'une tentative de vol à Bollène " ne permet pas, à elle seule, de caractériser une menace pour l'ordre public. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision s'il n'avait fondé sa décision que sur le 3° de l'article L. 611-1 précité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
5. Si M. B... alias A... soutient qu'il réside en France depuis onze ans, les pièces qu'il produit ne permettent d'établir sa résidence habituelle en France que depuis l'année 2016. En outre, s'il ressort des pièces du dossier qu'il réside en France avec sa compagne de nationalité belge et leurs quatre enfants nés sur le territoire français en 2013, 2015, 2017 et 2018, que ses parents et plusieurs membres de sa fratrie, dont l'un est ressortissant français, sont présents sur le territoire national, que deux de ses sœurs résident en Allemagne et qu'il ne dispose d'aucune attache familiale dans son pays d'origine, rien ne fait obstacle à ce que sa vie privée et familiale se reconstitue avec sa compagne et leurs trois enfants en dehors de la France, en Serbie ou dans tout pays où ils seraient légalement admissibles. Dans ces conditions, et alors même que les enfants de l'intéressé étaient scolarisés en petite et moyenne sections de maternelle, CP et CE2 à la date d'édiction de la décision attaquée, le préfet de Vaucluse n'a pas, compte tenu des buts poursuivis, porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en l'obligeant à quitter le territoire français. Par suite, la décision attaquée portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit également être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention de New York sur les droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
7. Pour les mêmes motifs que cités au point 5 du présent arrêt, et dès lors que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas pour effet de séparer M. B... alias A... de ses enfants, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 3-1 de la convention de New York sur les droits de l'enfant doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :
8. Il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans :
9. En premier lieu, il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale ne peut qu'être écarté.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".
11. Eu égard à la situation de M. B... alias A..., telle que décrite au point 5 ci-dessus, et alors que ce dernier s'est soustrait à deux précédentes mesures d'éloignement édictées le 19 juin 2018 et le 27 janvier 2021, le préfet de Vaucluse, en prononçant à son encontre une interdiction de retour pour une durée d'un an, n'a pas commis d'erreur d'appréciation. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour le même motif, le moyen tiré du caractère disproportionné de cette mesure doit également être écarté.
12. En troisième lieu, pour les mêmes motifs qu'évoqués au point 5 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
13. En premier lieu, il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale de cette décision ne peut qu'être écarté.
14. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
15. Si M. B... alias A... soutient encourir des risques en cas de retour en Serbie du fait de son appartenance à la communauté rom, il n'apporte à l'appui de ses allégations aucun élément probant permettant d'établir qu'il existerait un risque réel, personnel et actuel qu'il soit exposé à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales précité et de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... alias A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... alias A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... alias A..., Me Girondon et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 21 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
Mme Lasserre, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2023.
La rapporteure,
N. Lasserre
Le président,
D. ChabertLa greffière,
Nadia Baali
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22TL20860